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Summary
# Les trois dimensions des politiques publiques
Ce sujet explore les trois dimensions fondamentales des politiques publiques : les actions concrètes de l'État, la compétition pour le pouvoir et le cadre institutionnel qui encadre ces processus.
### 1.1 Définition des trois dimensions
Les politiques publiques peuvent être comprises à travers trois dimensions interconnectées [1](#page=1) [2](#page=2):
#### 1.1.1 Les politiques publiques (Public Policies)
Cette dimension renvoie à ce que l'État fait concrètement pour résoudre les problèmes sociétaux. Elle représente "l'état en action" ou "l'état concret" [1](#page=1).
* **Exemples de politiques publiques:** Lutte contre les féminicides, abolition du secret bancaire, politiques vaccinales post-COVID-19 [1](#page=1).
* **Exemples d'actions:** Une loi environnementale, une politique agricole [1](#page=1).
#### 1.1.2 Politics (le jeu politique)
Cette dimension concerne la sphère procédurale de la politique, c'est-à-dire la compétition pour le pouvoir, les conflits et les interactions entre les acteurs. Elle s'interroge sur [1](#page=1):
* Qui gouverne [1](#page=1)?
* Comment les décisions sont-elles prises [1](#page=1)?
* Quelles coalitions politiques influencent les choix [1](#page=1)?
* Quel est le rôle des médias, des groupes d'intérêt et d'autres acteurs [1](#page=1)?
Cette analyse se focalise sur le processus, les acteurs et leurs stratégies [1](#page=1).
#### 1.1.3 Polity (la structure politique)
Il s'agit de la dimension institutionnelle, le cadre dans lequel se déroule le jeu politique et l'élaboration des politiques publiques. Elle englobe [1](#page=1):
* Les institutions [1](#page=1).
* La Constitution [1](#page=1).
* Le fédéralisme [1](#page=1).
* Les règles du système politique [1](#page=1).
C'est la structure organisationnelle de l'État qui définit le cadre de "Politics" et "Policies" [1](#page=1).
### 1.2 Les liens entre les trois dimensions
Ces trois dimensions sont intrinsèquement liées et s'influencent mutuellement [2](#page=2):
#### 1.2.1 Politics et Public Policies
Les acteurs du jeu politique (Politics) influencent directement le contenu des politiques publiques (Public Policies) [2](#page=2).
* Un changement de gouvernement peut entraîner une réforme fiscale ou sociale [2](#page=2).
* Une majorité parlementaire peut orienter les priorités dans certains domaines [2](#page=2).
#### 1.2.2 Polity et Public Policies
Le cadre institutionnel (Polity) conditionne ce que les politiques publiques (Public Policies) peuvent réaliser [2](#page=2).
* Dans un système fédéral, les compétences des cantons par rapport à l'État central limitent ou déterminent l'action publique [2](#page=2).
* L'existence de référendums peut permettre aux citoyens de bloquer une réforme [2](#page=2).
* Les règles internationales peuvent imposer l'alignement des politiques nationales [2](#page=2).
#### 1.2.3 Polity et Politics
Les institutions (Polity) modèlent la compétition politique (Politics) [2](#page=2).
* Un système électoral proportionnel favorise généralement le multipartisme [2](#page=2).
* Un système majoritaire tend à encourager le bipartisme [2](#page=2).
* Le fédéralisme confère une importance particulière aux élus locaux et régionaux [2](#page=2).
> **Tip:** Il est important de noter qu'un changement de pouvoir politique n'entraîne pas systématiquement un changement significatif dans les politiques publiques. Par exemple, une nouvelle majorité peut ne pas modifier une mesure introduite par la précédente, même si elle n'en partage pas l'idéologie. La clé réside dans la compréhension des facteurs qui génèrent réellement des changements [2](#page=2).
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# Le cycle de vie des politiques publiques
Le cycle de vie des politiques publiques décrit le processus séquentiel par lequel un problème social est identifié, traité et évalué, impliquant généralement plusieurs itérations avant une résolution [5](#page=5).
### 2.1 L'agenda politique : la mise sur le devant de la scène
L'agenda politique représente l'ensemble des problèmes publics considérés comme prioritaires par les autorités politiques. L'accès à cet agenda est très concurrentiel, car les ressources de l'État pour traiter les problèmes sont limitées. De nombreux problèmes sont évacués faute d'y parvenir [17](#page=17) [4](#page=4) [6](#page=6).
#### 2.1.1 Les acteurs et le cadrage des problèmes
Divers acteurs, tels que les médias, les partis politiques, les groupes d'intérêts, les experts et les mouvements sociaux, cherchent à inscrire leurs problèmes dans l'agenda. Ces acteurs "cadrent" stratégiquement les problèmes en accentuant leur sévérité, leur urgence, leur complexité, leurs causes ou leurs victimes pour capter l'attention. Par exemple, lors de la COP en 2015, le terrorisme a pris le pas sur le changement climatique dans le discours public, malgré l'impact sanitaire bien plus important de ce dernier [17](#page=17) [6](#page=6).
#### 2.1.2 Les portes d'entrée de l'agenda
L'inscription d'un problème à l'agenda peut se faire par plusieurs voies: une pression médiatique intense, une mobilisation sociale significative, un choc externe (comme une crise), une initiative politique d'un parti, ou une opportunité institutionnelle [17](#page=17).
### 2.2 La formulation : élaborer les solutions
La phase de formulation consiste à élaborer le contenu d'une politique publique, en définissant ses objectifs, les instruments à utiliser, les règles et les mesures à appliquer. C'est le moment où l'on décide comment résoudre le problème identifié [32](#page=32).
#### 2.2.1 Le processus décisionnel en Suisse
En Suisse, le processus décisionnel "standard" au niveau fédéral est encadré par des règles institutionnelles et se déroule en trois phases principales :
1. **La phase pré-parlementaire:** C'est la phase la plus importante et souvent la plus longue. Elle débute une fois le problème inscrit à l'agenda. L'administration joue un rôle central en rédigeant les avant-projets de lois. En cas de manque de ressources, elle fait appel à des commissions d'experts ("administration de milice") [18](#page=18) [21](#page=21).
* **Avant-projet de l'administration et/ou d'une commission d'experts.** [18](#page=18).
* **Consultation "interne" des offices** pour assurer une coordination horizontale [18](#page=18).
* **Procédure de consultation externe:** L'avant-projet est soumis aux partis politiques, aux cantons et aux personnes ou groupes ayant des intérêts, afin de recueillir leur avis et d'assurer la qualité technique, l'acceptabilité politique et l'applicabilité de la future loi. L'objectif est d'éviter un référendum [18](#page=18) [20](#page=20).
* **Projet et Message du Conseil fédéral** à l'Assemblée fédérale [18](#page=18).
2. **La phase parlementaire:** Le projet est examiné par les commissions législatives spécialisées de la première Chambre, puis discuté en plénum. Ensuite, il passe à la seconde Chambre où il suit des modalités similaires [19](#page=19).
* **Navette entre les Chambres:** Si les deux Chambres ne parviennent pas à un accord, une "conférence de conciliation" peut être organisée. Les différences dans les modes d'élection (proportionnel pour le Conseil national, majoritaire pour le Conseil des États) et la représentation des intérêts cantonaux peuvent créer des divergences de points de vue [19](#page=19).
3. **La phase référendaire:** Le référendum facultatif ou obligatoire permet un vote populaire sur la loi. L'hypothèse de Neidhart suggère que l'opposition potentielle à une loi est prise en compte dès la phase pré-parlementaire. Moins de 3% des lois sont invalidées par le peuple [20](#page=20).
#### 2.2.2 Le choix des instruments
La formulation d'une politique publique implique le choix d'instruments, classés selon leur degré de contrainte [29](#page=29):
* **Autorégulation:** Les acteurs se régulent eux-mêmes [29](#page=29).
* **Information/persuasion:** Campagnes pour changer les comportements (ex: santé publique) [29](#page=29).
* **Incitations positives:** Subventions ou aides accordées [29](#page=29).
* **Incitations négatives:** Taxes ou redevances (ex: taxe carbone) [29](#page=29).
* **Prescription:** Autorisations ou interdictions (ex: permis de construire) [29](#page=29).
* **Étatisation/sanction:** Nationalisation ou mesures pénales (ex: prison, peine de mort) [29](#page=29).
Souvent, une combinaison d'instruments est utilisée pour atteindre les objectifs fixés. L'élaboration d'une politique publique peut nécessiter des ressources importantes [29](#page=29).
> **Tip:** La phase pré-parlementaire est considérée comme la plus importante dans le processus de formulation des politiques publiques en Suisse [21](#page=21).
> **Example:** La loi sur les énergies en Suisse a utilisé une combinaison d'instruments, incluant l'étiquetage des appareils, des campagnes d'information et potentiellement des taxes, afin de promouvoir l'efficacité énergétique [30](#page=30).
#### 2.2.3 L'influence des groupes d'intérêts
Le système suisse est caractérisé par une forte influence des groupes d'intérêts (ONG, associations professionnelles, syndicats, associations patronales) durant la phase de formulation. La procédure de consultation institutionnalisée vise à intégrer ces acteurs pour réduire les conflits et produire des lois acceptables, menant souvent à des formulations centristes et consensuelles [33](#page=33).
### 2.3 La mise en œuvre : l'application sur le terrain
La phase de mise en œuvre est le moment où une politique publique passe de la décision politique à son application concrète. Elle est souvent incertaine, politique, complexe et non linéaire, marquée par des déficits, des retards ou des écarts entre la loi et la réalité [34](#page=34) [41](#page=41).
#### 2.3.1 Facteurs institutionnels et organisationnels
Le fédéralisme d'exécution en Suisse, où la mise en œuvre est assurée par les niveaux fédérés (cantons et communes), peut entraîner des différences significatives dans l'application des politiques publiques, créant des inégalités de traitement. Par exemple, la réglementation de la faune ou l'achat d'immeubles par des étrangers montrent comment les compétences réparties aux cantons mènent à une diversité de solutions. Les déficits de mise en œuvre ne sont pas toujours liés aux différences institutionnelles [34](#page=34) [35](#page=35) [36](#page=36) [39](#page=39) [41](#page=41).
#### 2.3.2 Les agents de première ligne (Street-level bureaucrats)
Les agents de première ligne (enseignants, policiers, travailleurs sociaux, juges, personnel de la santé) jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des politiques publiques. Ils interagissent directement avec les citoyens et disposent d'un pouvoir discrétionnaire, interprétant, adaptant ou modifiant la politique dans la pratique. Leur résistance ou leur adhésion peut déterminer le succès ou l'échec d'une politique [37](#page=37).
> **Example:** Une réforme sociale en Californie visant à inciter au travail pour les familles dépendantes a échoué car les travailleurs sociaux de première ligne, résistants, n'ont pas fait part de la réforme, jugeant d'autres normes plus importantes [37](#page=37).
#### 2.3.3 Les défis de la mise en œuvre
Les retards massifs, comme observés dans le projet Léman Express, montrent des déficits dans la planification et la coordination, même lorsque l'argent est disponible. Ces retards peuvent survenir en raison d'une planification insuffisante, d'un manque d'aptitudes de pilotage, ou du retrait des financements si les délais ne sont pas respectés [39](#page=39).
### 2.4 L'évaluation : mesurer les effets
L'évaluation a pour but de déterminer si une politique publique a réellement fonctionné en mesurant ses effets, ses résultats et sa contribution à la résolution du problème initial. Elle vérifie si le problème est causalement imputable à la politique publique et distingue les effets propres de ceux dus à des facteurs externes [42](#page=42) [47](#page=47).
#### 2.4.1 Les concepts clés de l'évaluation
Pour évaluer une politique, il faut reconstruire une chaîne reliant [43](#page=43):
* **Le problème à résoudre:** Tel que défini lors de sa mise à l'agenda [43](#page=43).
* **La formulation:** Objectifs, instruments et ressources [43](#page=43).
* **Les réalisations (outputs):** Décisions et actes administratifs de la mise en œuvre [43](#page=43).
* **Les résultats:** Changements de comportement des groupes cibles [43](#page=43).
* **Les effets:** Transformations observables chez les bénéficiaires finaux, contribuant à la résolution du problème [43](#page=43).
#### 2.4.2 Les critères d'évaluation
Trois critères principaux sont utilisés pour l'évaluation :
* **La pertinence:** La politique intervient-elle là où le problème est réellement pertinent [43](#page=43) [44](#page=44)?
* **L'efficacité:** Les effets atteints correspondent-ils aux objectifs voulus [43](#page=43) [44](#page=44)?
* **L'efficience:** Les mêmes effets auraient-ils pu être obtenus avec moins de ressources ou une utilisation différente des ressources [43](#page=43)?
#### 2.4.3 L'analyse des comportements et des coûts
L'évaluation examine si les comportements attendus ont réellement changé. Par exemple, une politique visant à réduire les places de parking peut ne pas être efficace si les pendulaires trouvent d'autres solutions, comme se garer sur des places privées. L'évaluation peut également identifier des cas particuliers où une politique fonctionne dans certains contextes mais pas dans d'autres. La méthode des coûts de remplacement est utilisée pour évaluer, par exemple, le rôle des proches aidants dans le soutien aux personnes âgées, en quantifiant le temps qu'ils consacrent à ces tâches [41](#page=41) [45](#page=45) [46](#page=46) [53](#page=53).
> **Example:** L'analyse d'une procédure accélérée pour les requérants d'asile a montré qu'elle était plus rapide et moins coûteuse, avec un taux de recours plus bas, démontrant une efficience et une efficacité accrues par rapport à la procédure standard [47](#page=47).
#### 2.4.4 La relance du cycle
Les conclusions de l'évaluation peuvent mener à différentes décisions: maintenir la politique, la corriger, la remplacer ou l'abandonner. Cela peut relancer un nouveau cycle décisionnel, illustrant la nature itérative de l'action publique [47](#page=47) [5](#page=5).
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# La construction et la médiatisation des problèmes publics
Ce sujet explore les mécanismes par lesquels les problèmes émergent, sont médiatisés et parviennent à l'agenda politique, en soulignant le rôle des différents acteurs et des stratégies de cadrage [6](#page=6).
### 3.1 Le concept d'agenda et la concurrence des problèmes
L'agenda désigne l'ensemble des problèmes publics considérés comme prioritaires par les médias, les partis politiques et d'autres acteurs. Cet agenda est par nature très limité, ce qui engendre une forte concurrence entre les différents problèmes pour y accéder et y rester. Pour qu'un problème entre dans l'agenda, il faut souvent un processus long, impliquant plusieurs définitions concurrentes du problème. La médiatisation et le cadrage sont essentiels pour attirer l'attention. Par exemple, lors de la COP de 2015, le débat s'est concentré sur le terrorisme suite aux attentats du Bataclan, occultant le thème central du changement climatique, pourtant plus meurtrier [6](#page=6).
### 3.2 De la situation privée au problème public
Une politique publique ne découle pas toujours directement d'un problème public préexistant; elle peut émerger d'une situation privée. Cependant, le passage d'une situation privée à une politique publique est complexe. Des situations comme la violence conjugale, l'inceste ou le dopage sont initialement privées, puis peuvent être reconnues comme des problèmes sociétaux. Néanmoins, même reconnus comme tels, certains problèmes, comme la pédophilie, peuvent ne jamais accéder à l'agenda politique ou, s'ils y parviennent, ne pas déboucher sur des politiques publiques concrètes [7](#page=7).
### 3.3 Stratégies de construction des problèmes publics
La construction d'un problème public repose sur plusieurs dimensions stratégiques visant à le rendre plus visible et plus urgent [8](#page=8).
* **Sévérité:** La dramatisation des conséquences est un levier majeur, comme observé avec le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002-2003 en Asie et la pandémie de COVID-19 dès 2020. L'inaction face à de telles situations engendre des conséquences dramatiques [8](#page=8).
* **Périmètre:** Un problème devient plus pertinent s'il affecte une large audience. L'évolution de la perception du SIDA, initialement circonscrit à la communauté gay, s'est élargie avec la révélation de cas chez des personnalités hétérosexuelles, stimulant la mobilisation. Le cas de la contamination du sang par le VIH, affectant les hémophiles, a également été un tournant [8](#page=8).
* **Nouveauté:** Reformuler un problème existant ou lui donner de nouveaux labels peut capter l'attention, à l'instar des termes "smog urbain", "mort des forêts" ou "climat" [8](#page=8).
* **Urgence:** Les crises aiguës, comme l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2015 ou la dégradation soudaine d'un paysage, créent un sentiment d'urgence [8](#page=8).
* **Causes:** Imputer la cause d'un problème à des actes intentionnels, à la négligence ou à des accidents permet d'identifier des acteurs responsables et de proposer des solutions. Les effondrements de maisons après un tremblement de terre ou les déluges de boue sont des exemples où la cause peut être attribuée à certains comportements [8](#page=8).
* **Complexité:** Paradoxalement, la simplicité narrative est plus efficace pour les problèmes publics que la complexité causale. Des problèmes comme le racisme ou les bonus des hauts dirigeants sont plus facilement assimilés que des chaînes causales complexes [8](#page=8).
* **Quantification:** L'objectivation par des données chiffrées (ex. pollution de l'air) ou la monétarisation des coûts sociaux permettent de mieux appréhender la sévérité et le périmètre d'un problème [8](#page=8).
### 3.4 Les acteurs de la médiatisation et de l'inscription à l'agenda
Plusieurs acteurs jouent un rôle crucial dans la mise en lumière et l'inscription des problèmes publics à l'agenda :
* **Les médias:** Ils sont essentiels pour informer le public et exercer une pression, particulièrement avec l'essor des réseaux sociaux [9](#page=9).
* **Les partis politiques:** Ils intègrent des promesses électorales portant sur des problèmes spécifiques, s'engageant à les résoudre une fois au pouvoir [9](#page=9).
* **L'action corporatiste:** Des acteurs à l'origine des problèmes peuvent chercher à les inscrire à l'agenda pour ensuite proposer et mettre en œuvre des solutions qui leur sont favorables [9](#page=9).
* **Les mouvements sociaux:** Des manifestations massives, violentes ou fréquentes peuvent forcer un problème à entrer dans l'agenda [9](#page=9).
Grâce à l'action concertée ou compétitive de ces acteurs, des situations privées peuvent réussir à intégrer l'agenda politique et déboucher sur des politiques publiques [9](#page=9).
### 3.5 Étude de cas : La peine de mort aux États-Unis
L'analyse de la peine de mort aux États-Unis illustre le phénomène de "remise à l'agenda". Alors que de nombreux pays y renoncent depuis les années 1980, les exécutions aux États-Unis ont connu une hausse depuis les années 2000, témoignant d'une mise en œuvre accrue de cette politique publique. On observe d'ailleurs de fortes disparités entre les États, le Texas étant celui où le nombre d'exécutions est le plus élevé [10](#page=10).
#### 3.5.1 Un phénomène en cascade
Le concept de l'innocence, introduit dans les discours médiatiques et politiques, a conduit les citoyens à adopter ce nouveau cadrage pour discuter de la peine de mort. Ce changement de perspective a entraîné une modification significative de la pratique des exécutions [11](#page=11).
L'ancienne définition de l'enjeu se concentrait sur l'efficacité, la moralité ou la constitutionnalité de la peine de mort. La nouvelle construction de l'enjeu, axée sur l'innocence et la possibilité d'erreurs humaines ou judiciaires, a pris le dessus. Baumgartner et al. ont documenté ce phénomène en cascade, où le concept ou cadre évolue, influence l'agenda et le débat public, pour finalement se traduire par une pratique modifiée dans les politiques publiques. Les arguments en faveur et contre la peine de mort coexistent dans les médias, mais leur poids relatif évolue [11](#page=11) [14](#page=14).
#### 3.5.2 L'analyse du New York Times
Le New York Times a publié environ 4000 articles sur la peine de mort depuis les années 1960, documentant une liste de 65 arguments variés, mais révélant une attention fluctuante portée à chacun d'eux. L'analyse de ces articles montre une construction de la nouveauté autour de ce problème [12](#page=12) [14](#page=14).
Le cadre de l'innocence a progressivement supplanté les autres cadrages pour devenir le plus important dans l'histoire de la peine de mort aux États-Unis. Il intègre des arguments antérieurs sur les inégalités raciales et socio-économiques ou l'équité des procès, mais les présente dans un nouveau contexte. Cette tendance a été observée dans d'autres journaux américains [14](#page=14).
Plus important encore, ce changement de cadrage a eu des effets considérables sur le nombre de condamnations et d'exécutions. L'analyse quantitative suggère que cette évolution du cadrage explique le mieux la réduction du nombre de condamnations, même en contrôlant pour d'autres facteurs comme le nombre d'homicides, l'opinion publique ou l'inertie des pratiques antérieures. Le débat a vu un équilibre se dessiner entre les arguments favorables et défavorables, suivi d'une chute des arguments en faveur, accompagnée d'une augmentation de la vigilance et du concept d'innocence, menant à une moindre volonté de recourir à la peine de mort [13](#page=13) [14](#page=14).
### 3.6 Corrélation entre cadrage et mise en œuvre
Il existe une corrélation forte entre la manière dont un problème est cadré et sa mise en œuvre effective dans les politiques publiques. Le cadrage influence directement la perception publique et politique, orientant ainsi les décisions et les actions entreprises [15](#page=15).
> **Tip:** Comprendre les stratégies de cadrage est essentiel pour analyser comment les problèmes publics émergent et sont traités. Le rôle des médias et des différents acteurs est central dans ce processus de construction et de médiatisation.
> **Example:** La transition du débat sur le changement climatique d'une question scientifique complexe à un problème d'urgence environnementale, impliquant des actions collectives et des politiques de transition énergétique, illustre comment le cadrage peut transformer la perception et la réponse à un enjeu public.
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# Le rôle des groupes d'intérêts dans les politiques publiques
Les groupes d'intérêts, ou lobbies, jouent un rôle crucial dans le processus décisionnel des politiques publiques, influençant les différentes étapes de leur formulation et de leur mise en œuvre, grâce à leurs stratégies, leurs ressources et leurs liens privilégiés avec l'État et les partis politiques [22](#page=22).
### 4.1 Définition et caractéristiques des groupes d'intérêts
Un groupe d'intérêts se distingue par quatre caractéristiques principales: il possède une structure pérenne, contrairement aux nouveaux mouvements sociaux; il est composé de membres individuels ou collectifs dont les intérêts doivent être satisfaits; il cherche à influencer les processus politiques, particulièrement la phase de formulation, mais aussi celle de mise en œuvre; enfin, il n'assume pas de mandat électif, bien qu'il puisse soutenir des partis politiques sans que cela soit son objectif premier. Ces groupes fonctionnent comme un système intermédiaire entre le gouvernement, les citoyens et les groupes intermédiaires. Historiquement, les groupes d'intérêts sont apparus avant les partis politiques, et certains de ces derniers peuvent disposer de moins de ressources et d'un membership moins élevé que les groupes d'intérêts [22](#page=22).
### 4.2 Le système néolibéral corporatif suisse et l'influence des groupes d'intérêts
Le système politique suisse, notamment en 2006, a vu apparaître des acteurs reconnus comme plus puissants que le gouvernement et les partis politiques, en particulier les grands groupes faîtiers. Ce phénomène est intrinsèquement lié au système néolibéral corporatif suisse, où le gouvernement négocie directement avec les associations patronales et syndicales, une caractéristique accentuée par la faiblesse de l'administration de l'État fédéral. Ces acteurs bénéficient d'une norme de négociation et d'un pouvoir référendaire fort, rendant toute confrontation avec eux particulièrement risquée en raison de leurs importantes ressources financières et de leurs relations privilégiées avec le gouvernement [23](#page=23).
Plusieurs facteurs expliquent cette influence prépondérante des groupes d'intérêts économiques en Suisse: la faiblesse de l'État fédéral et des partis politiques couplée à l'organisation précoce des associations économiques; l'importance de ces associations dans la régulation sociale et économique et dans les processus décisionnels; l'impact de la démocratie directe (référendum) qui renforce les acteurs disposant d'une capacité référendaire (CEP et consultation); et enfin, des ressources économiques supérieures à celles des partis politiques. Les grandes associations économiques sont donc des acteurs dominants du processus de décision, dont le centre de gravité se situe dans la phase pré-parlementaire, le Parlement ayant souvent pour rôle de ratifier les compromis déjà établis. Le modèle néolibéral corporatif, qualifié de politique "qui ne fait pas de bruit", a marqué le développement de l'État suisse en influençant profondément ses politiques [24](#page=24).
> **Tip:** Comprendre la notion de "politique qui ne fait pas de bruit" est essentiel pour saisir l'influence subtile mais omniprésente des groupes d'intérêts dans le système politique suisse.
Récemment, un intérêt accru pour les intérêts du public a émergé, avec des groupes comme le WWF disposant de ressources considérables (51 millions de dollars en 2016), leur permettant de devenir des acteurs importants au même titre que les associations faîtières économiques. Cette tendance s'étend au-delà des questions environnementales pour inclure d'autres domaines, tels que le secteur militaire [24](#page=24).
### 4.3 Stratégies d'influence des groupes d'intérêts
Les groupes d'intérêts déploient diverses stratégies pour exercer leur influence tout au long du processus politique.
#### 4.3.1 Phase pré-parlementaire
Dans la phase pré-parlementaire, on observe une croissance des groupes citoyens, identitaires, religieux et axés sur l'intérêt public. Les procédures de consultations externes sont un terrain d'action privilégié: plus de 50% des acteurs y participent activement, cherchant à influencer les décisions en formant des coalitions. Cette démarche implique un travail considérable en termes de mobilisation de ressources, de gestion du temps, de négociations et de formulation d'arguments et de solutions [25](#page=25).
#### 4.3.2 Phase parlementaire
Durant la phase parlementaire, les groupes d'intérêts cherchent à établir des contacts avec des parlementaires pour qu'ils deviennent leurs porte-parole. La transparence de ces relations est cruciale; depuis 2002, une loi exige un registre public des liens d'intérêts, et on observe une augmentation de ces déclarations, avec plus de 800 liens recensés, témoignant de la forte présence des lobbies. Les discussions se déroulent d'abord en commission, où les parlementaires ayant le plus de poids sont des cibles privilégiées pour les groupes d'intérêts, et il est constaté que beaucoup d'entre eux sont affiliés à des groupes d'intérêts. La question se pose de savoir si l'opposition gauche-droite est influencée par les groupes d'intérêts, les parlementaires étant potentiellement tiraillés entre les consignes de leur parti, leur groupe cantonal et leurs allégeances à des groupes d'intérêts [25](#page=25).
> **Tip:** La loi sur la transparence des liens d'intérêts depuis 2002 est un outil important pour analyser l'influence des lobbies au Parlement.
Les liens entre les groupes d'intérêts et les parlementaires se créent souvent une fois que ces derniers ont intégré une commission, qu'il s'agisse de liens importés avant leur arrivée ou tissés après leur intégration. Les lobbies interviennent ainsi à toutes les étapes de la formulation des politiques. Les associations et les syndicats, en tant que groupes d'intérêts, sont d'ailleurs surreprésentés au Parlement [26](#page=26) [27](#page=27).
### 4.4 Phase référendaire et mesure de l'influence
Dans la phase référendaire, entre 1950 et 2009, ce sont davantage les citoyens qui lançaient les campagnes référendaires. Cependant, ce sont majoritairement les groupes d'intérêts qui financent ces votes. Bien que l'achat de voix ne soit pas aussi direct qu'il y paraît, il existe une asymétrie dans les groupes, sans que cela n'implique une victoire systématique pour les plus puissants. Le système évolue vers plus de pluralisme, mais le biais en faveur du néo-corporatisme demeure présent. L'analyse des processus d'influence, notamment par l'étude de l'accès des groupes d'intérêts aux décideurs, est essentielle pour mesurer leur pouvoir [27](#page=27).
> **Example:** Un exemple concret d'influence serait l'action coordonnée d'associations patronales et syndicales lors des consultations sur une nouvelle loi du travail, mobilisant leurs ressources pour influencer la rédaction du projet avant même son dépôt au Parlement.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Politique publique | Ensemble de décisions et d'activités intentionnellement cohérentes prises par différents acteurs publics en vue de résoudre un problème public défini comme tel. |
| Politics | La dimension procédurale des politiques publiques, c'est-à-dire la compétition pour le pouvoir, les conflits et le processus de prise de décision impliquant les acteurs politiques et leurs stratégies. |
| Polity | La dimension institutionnelle des politiques publiques, renvoyant aux institutions, à la Constitution et aux règles du système politique qui forment le cadre dans lequel se déroulent les politics et les policies. |
| Agenda | L'ensemble des problèmes publics considérés comme prioritaires par les médias, les partis politiques et d'autres acteurs influents, et qui font l'objet d'une attention particulière. |
| Cadrage (Problème) | La manière dont un problème public est défini, présenté et interprété par différents acteurs pour influencer sa perception et sa place dans l'agenda politique. |
| Formulation (Politique publique) | L'étape du processus politique où sont élaborés le contenu d'une politique publique, ses objectifs, les instruments à utiliser, les règles et les mesures à appliquer pour résoudre un problème identifié. |
| Mise en œuvre (Politique publique) | La phase d'application concrète d'une politique publique, transformant la décision politique en actions sur le terrain. C'est un processus complexe et souvent incertain. |
| Évaluation (Politique publique) | L'étape qui consiste à analyser les effets et les résultats d'une politique publique pour déterminer si elle a résolu le problème initial, si elle a été efficace, efficiente et pertinente. |
| Fédéralisme d'exécution | Un mode d'organisation politique où les décisions sont prises par le niveau central (État fédéral) mais dont la mise en œuvre concrète est assurée par les niveaux fédérés (cantons, communes). |
| Agents de première ligne (Street-level bureaucrats) | Les fonctionnaires ou employés qui sont en contact direct avec les citoyens et appliquent les politiques publiques au quotidien, interprétant, adaptant ou modifiant celles-ci dans la pratique. |
| Groupes d'intérêts (Lobbies) | Organisations qui cherchent à influencer les processus politiques, notamment la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques, sans détenir de mandat électif. |
| Initiative populaire | Instrument de démocratie directe permettant aux citoyens de proposer une loi ou une modification de la Constitution, soumise ensuite au vote populaire. |
| Référendum | Instrument de démocratie semi-directe permettant aux citoyens de se prononcer par vote sur une loi adoptée par le parlement (facultatif) ou qui est soumise obligatoirement à leur approbation (obligatoire). |
| Instrument (Politique publique) | Les outils ou les moyens utilisés par l'État pour atteindre les objectifs d'une politique publique, allant de l'autorégulation à la prescription et à la sanction. |
| Continuum de contrainte | Une échelle graduée des instruments d'action publique, allant des mesures les moins contraignantes (autorégulation, information) aux plus contraignantes (prescription, étatisation). |
| Efficacité (Politique publique) | La capacité d'une politique publique à atteindre les objectifs qui lui ont été fixés et à produire les changements comportementaux attendus auprès des groupes cibles. |
| Pertinence (Politique publique) | La mesure dans laquelle une politique publique répond effectivement au problème public qu'elle est censée résoudre et si les interventions sont bien ciblées. |
| Efficience (Politique publique) | La capacité d'une politique publique à atteindre ses objectifs en utilisant le moins de ressources possible, ou en utilisant les ressources de manière optimale. |