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Summary
# Les Lumières en France : philosophie, réformes et opposition
L'exploration du rôle central de la France dans la diffusion des idées des Lumières, l'évolution de la pensée philosophique, les tentatives de réformes gouvernementales inspirées par ces idées, et la résistance rencontrée de la part des anti-Lumières [1](#page=1).
### 1.1 La philosophie des Lumières : raison, expérience et progrès
Les Lumières ne constituent pas un système philosophique unique, mais plutôt une entreprise de rénovation nationale motivée par la prise de conscience d'un retard dans divers domaines. Le concept central est celui de la "lumière", synonyme de la raison et de son exercice pour dissiper les ténèbres, s'écartant ainsi des interprétations religieuses [1](#page=1) [5](#page=5).
#### 1.1.1 L'évolution de la figure du philosophe
Le philosophe des Lumières est un "honnête homme" soucieux de se rendre utile et de participer à toutes les discussions. Il utilise divers genres littéraires tels que le conte (Voltaire avec *Candide*) ou l'analyse esthétique (Diderot via les salons) pour diffuser ses idées. Contrairement aux philosophes du XVIIe siècle comme Descartes, les penseurs des Lumières s'éloignent de la métaphysique pour privilégier un rationalisme sceptique. Ils s'intéressent aux avancées scientifiques, à la politique et deviennent des hommes de lettres (Rousseau). La raison est le principal outil pour distinguer la vérité de l'erreur, permettant de critiquer la foi et de s'appuyer sur l'expérience et l'observation [1](#page=1) [2](#page=2).
#### 1.1.2 La primauté de la raison et de l'expérience
La philosophie est définie par d'Alembert comme "l'application de la raison aux différents objets sur lesquelles elle peut s'exercer". Cette approche privilégie la raison sur la foi et fonde la connaissance sur l'expérience et l'observation. Des penseurs comme John Locke, théoricien de l'éducation, et Condillac, promoteur du sensualisme (connaissance par les sens), ont fortement influencé cette conception. Les cinq sens sont considérés comme les vecteurs primaires de la connaissance, valorisant l'observation par rapport aux idées métaphysiques [2](#page=2).
> **Tip:** L'accent mis sur l'expérience et l'observation marque un tournant par rapport à la philosophie antérieure, favorisant le développement de méthodes scientifiques rigoureuses.
#### 1.1.3 L'optimisme et la foi dans le progrès
Les Lumières se caractérisent par une vision optimiste du progrès de l'entendement humain. Cette période est marquée par de grands voyages et explorations, symbolisant une volonté de tout comprendre et d'embrasser le monde, y compris des régions inconnues. Les expéditions de Bougainville et Cook illustrent cet esprit d'exploration. La réhabilitation de la nature humaine et l'apologie des passions, notamment la sensibilité et l'émotion (Rousseau), sont également au cœur de cette pensée, plaçant la recherche du bonheur comme objectif suprême [2](#page=2).
#### 1.1.4 Critique religieuse et déisme
Les Lumières critiquent le christianisme, considérant ses mystères comme des superstitions (Voltaire). Cela se traduit par un scepticisme religieux, bien que l'athéisme reste minoritaire. La métaphysique prend une connotation péjorative, au profit des lois de la raison expérimentale. Des figures majeures comme Voltaire, Turgot et Rousseau prônent une "religion civile" centrée sur l'idée d'un créateur, garante de l'ordre et du bonheur, tout en considérant l'Évangile comme contraire à l'esprit social. Cette position se rapproche du déisme: une croyance en un Dieu lointain, une religion sans péché ni salut, ni mystère [2](#page=2).
> **Example:** Voltaire conçoit Dieu à l'image d'un horloger cosmique, lointain et déiste. Rousseau, quant à lui, propose une religion naturelle basée sur la foi dans un être infini et le culte du cœur dans sa "profession de foi du vicaire savoyard" [2](#page=2).
Une pensée matérialiste et ultra-minoritaire émerge également, portée par des figures comme La Mettrie (*L'homme machine*), Helvétius et d'Holbach [2](#page=2).
### 1.2 L'influence des Lumières sur le gouvernement et les réformes
L'influence des Lumières sur le gouvernement français, bien que limitée, se manifeste à travers certains ministres à partir des années 1760, particulièrement dans les domaines de l'agriculture, de l'agronomie et de la fiscalité [3](#page=3).
#### 1.2.1 Les réformateurs agronomes et physiocrates
Henri Léonard Bertin, contrôleur général des finances puis ministre d'État, est un exemple de ces figures proches des Lumières. Influencé par les physiocrates, il encourage les expertises sur les cultures nouvelles, les engrais, la lutte contre les maladies du bétail et développe des réseaux européens pour importer des semences. Il est à l'origine des premières sociétés et comités d'agriculture en France, ainsi que des écoles vétérinaires (Lyon en 1762, Alfort en 1765). Il soutient également la création d'un "séminaire de laboureur" pour diffuser les progrès agricoles. Sur le plan économique, Bertin est favorable à la libéralisation du commerce des grains, persuadé que cela stimulera la production et fera baisser les prix à terme [3](#page=3).
> **Tip:** La notion de réseau et la diffusion des connaissances à l'échelle européenne sont caractéristiques de l'esprit des Lumières dans le domaine de l'agronomie.
Clément de l'Averdy, successeur de Bertin, poursuit cette politique en autorisant la libre exportation des farines et des grains sous certaines conditions, mais ces mesures déclenchent des résistances et sont suspendues suite à une disette en 1768 [3](#page=3).
#### 1.2.2 Turgot et l'expérience du "despotisme éclairé"
Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781), rédacteur d'articles pour l'Encyclopédie, est un autre représentant majeur de ce courant réformateur. Nommé contrôleur général des finances en 1774, il incarne la volonté d'ouverture de Louis XVI. Acquiesçant aux idées libérales, notamment celles de Vincent de Gournay, Turgot tente de réformer la corvée en la rémunérant et cherche à créer un cadastre. Convaincu du progrès de l'esprit humain, il lance une expérience de "despotisme éclairé" [3](#page=3).
Dès le 13 septembre 1774, il rétablit la libéralisation du commerce des grains, considérée comme une mesure d'intérêt général pour résoudre le problème des subsistances. Ce débat intellectuel voit s'affronter des défenseurs comme Condorcet (*Réflexions sur le commerce des blés*) et des opposants comme Necker (*Sur la législation du commerce des grains*). Une mauvaise récolte en 1774-1775 provoque des émeutes de famine, conduisant au renvoi de Turgot en mai 1776. Il est également victime de l'opposition aux réformes visant à supprimer les corporations, considérées comme un facteur de blocage. Il est remplacé par Necker, qui gouverne de 1776 à 1781 [3](#page=3) [4](#page=4).
Une ultime tentative de réforme fiscale est menée en 1787 par le contrôleur général Calonne, mais elle se heurte également à des oppositions. La diffusion de la pomme de terre par Parmentier en Bretagne représente une avancée notable sur le plan alimentaire [4](#page=4).
### 1.3 L'opposition aux Lumières : les anti-Lumières
Face à l'essor des idées des Lumières, un courant d'opposition, souvent qualifié d'"anti-Lumières", se développe, caractérisé par la défense de l'orthodoxie religieuse, un sens aigu du péché, et le refus d'une société atomisée [4](#page=4).
#### 1.3.1 Les défenseurs de l'orthodoxie religieuse et sociale
Les anti-Lumières s'opposent farouchement à la remise en cause des dogmes religieux et des structures sociales traditionnelles. Ils souhaitent préserver la société des corps et rejettent la suppression des corporations, comme le montre la levée de boucliers face à la proposition de Turgot [4](#page=4).
#### 1.3.2 Les critiques littéraires et intellectuelles
Certains critiques littéraires et intellectuels s'attaquent directement aux philosophes. Fréron, fondateur du journal catholique *L'Année littéraire*, Lefranc de Pompignan, et Charles Palisot sont des figures de proue de ce mouvement [4](#page=4).
Jacob Nicolas Moreau, ancien employé du ministère, publie en 1758 *Un nouveau mémoire pour servir à l'histoire des Cacouacs*, une satire des philosophes assimilés à une tribu d'Amérique. Il retourne les arguments des philosophes, dénonce le déisme, le cosmopolitisme, et accuse les penseurs des Lumières d'être des ennemis du patriotisme et des destructeurs de la société. Moreau s'oppose à l'anglophilie ambiante, favorisant une pensée anglophobe en pleine guerre de Sept Ans [4](#page=4).
Charles Palisot attaque Rousseau dans sa comédie *Le Cercle* et dénonce la "secte des philosophes" dans ses *Petites lettres sur de grands philosophes* accusant Diderot de plagiat. Sa comédie *Philosophe* soutenue par les dévots, utilise la satire, inspirée des *Femmes savantes* de Molière, pour critiquer le modèle du philosophe [4](#page=4).
#### 1.3.3 La condamnation et la répression
Les livres de certains philosophes, comme ceux d'Helvétius, sont condamnés par le Parlement de Paris. Le privilège de l'Encyclopédie est révoqué durant la guerre de Sept Ans. Le Franc de Pompignan mène une attaque virulente contre les philosophes au sein de l'Académie. Ces oppositions montrent que toutes les élites françaises ne sont pas ralliées aux Lumières, qui restent un phénomène concernant une société restreinte, bien qu'ayant des prolongements provinciaux. Comme le constate D'Alembert dans une lettre à Frédéric II en 1776, "La France avec tous les philosophes dont elle se vante a tort ou à droit, est encore un des peuples les plus superstitieux et les moins avancés d'Europe" [5](#page=5).
### 1.4 L'Espagne et les Bourbons face aux Lumières
Les Lumières espagnoles, qualifiées d'"Ilustración", ont été l'objet de controverses historiographiques, certains historiens nationalistes du XIXe siècle les considérant comme adversaires de la tradition nationale. Les travaux du XXe siècle, notamment ceux de Jean Sarrailh, ont réhabilité les "illustrados", les présentant comme des nationaux modérés [5](#page=5).
#### 1.4.1 Les acteurs de l'Ilustración
L'Ilustración est une entreprise de rénovation nationale motivée par la prise de conscience du retard de l'Espagne. Le règne de Charles III (1759-1788) marque une période clé avec l'influence de conseillers imprégnés des Lumières [5](#page=5).
Le Comte d'Aranda, président du Conseil de Castille, est une figure importante, riche et ayant beaucoup voyagé. Le Comte de Floridablanca (José Moñino), avocat d'origine modeste, devient secrétaire d'État aux Affaires étrangères et homme de confiance de Charles III. Goya a d'ailleurs portraituré son dévouement aux biens publics [1](#page=1) [5](#page=5).
Campomanès (1723-1802) est un autre exemple d'illustrado au pouvoir, juriste, économiste et auteur de travaux sur l'éducation populaire des artisans. Il contribue à contrôler les projets de réforme et préside l'Académie d'histoire. D'autres figures importantes incluent Bernardo Ward, auteur d'enquêtes économiques, et Pablo de Olavide, surintendant des colonies de la Sierra Morena. Ce dernier, libéral à l'anglaise, est condamné par l'Inquisition en 1778, devenant une victime du fanatisme religieux [5](#page=5).
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# L'Espagne et les Lumières sous les Bourbons
Les Lumières espagnoles, phénomène de rénovation nationale, se manifestent sous le règne des Bourbons par des réformes inspirées par le despotisme éclairé, rencontrant néanmoins des blocages significatifs issus de la tradition et des structures sociales.
### 2.1 La "Ilustración" : acteurs et manifestations
L'"Ilustración" est une entreprise de rénovation nationale née de la prise de conscience du retard de l'Espagne [ ](#page=5) [5](#page=5).
#### 2.1.1 Les conseillers royaux et les figures clés
Le règne de Charles III est une période charnière [ ](#page=5). Les conseillers du roi, issus de milieux de juristes, magistrats et petite noblesse, sont les vecteurs de la pénétration des Lumières dans l'État [ ](#page=5) [5](#page=5).
* **Le Comte d'Aranda (1718-1798)**: Immensément riche, grand voyageur, président du Conseil de Castille (1766-1773), puis ambassadeur à Paris. Il incarne un catholicisme teinté d'épicurisme et une image de noble libéré des préjugés [ ](#page=5) [5](#page=5).
* **Le Comte de Floridablanca (José Moñino, 1728-1808)**: Avocat d'origine modeste, secrétaire d'État aux Affaires Étrangères (1776-1792), homme de confiance de Charles III. Il est connu pour son dévouement aux biens publics et a obtenu l'extinction de la Compagnie de Jésus à Rome [ ](#page=5) [ ](#page=6) [5](#page=5) [6](#page=6).
* **Campomanès (1723-1802)**: Juriste, économiste, auteur d'un discours sur l'éducation populaire des artisans. Il est un exemple d'« ilustrado » au pouvoir, reconnu pour son régalisme et ses compétences multiples [ ](#page=5). Fiscal du Conseil de Castille, il contrôle les projets de réforme [ ](#page=5) [5](#page=5).
* **Bernardo Ward**: Auteur d'enquêtes d'économie comparée, il fut une base de décisions économiques [ ](#page=5) [5](#page=5).
* **Pablo de Olavide**: Surintendant des colonies de la Sierra Morena. Comparé à Diderot, il est vu comme un libéral à l'anglaise, défenseur de la dignité humaine, mais sera victime de l'Inquisition [ ](#page=5) [ ](#page=6) [5](#page=5) [6](#page=6).
* **Rovellianos**: Grand poète et figure littéraire de l'époque [ ](#page=6) [6](#page=6).
> **Tip :** Les « ilustrados » sont des figures centrales de l'« Ilustración », représentant une élite intellectuelle et politique cherchant à moderniser l'Espagne.
#### 2.1.2 Les sociétés et les foyers des Lumières
Les « sociétés des amis du pays » jouent un rôle clé, dynamisées par le corps professoral universitaire. Des facultés comme celles de médecine de Salamanque et des arts d'Alcalá de Henares s'ouvrent aux progrès intellectuels [ ](#page=6). Paradoxalement, le clergé montre une remarquable ouverture d'esprit [ ](#page=6) [6](#page=6).
L'idée de deux foyers des Lumières (Madrid et Cadix) a été remise en question par le renouveau du régionalisme, révélant une forte « Ilustración » régionale [ ](#page=6). Les villes servent de relais, et les ports, notamment Cadix, sont des plaques tournantes pour le commerce clandestin de livres interdits [ ](#page=6) [6](#page=6).
Malgré les influences étrangères, la tradition hispanique demeure vigoureuse. Les « llustrados » restent fondamentalement nationaux, alliant un christianisme exigeant à un amour pour la culture et la terre espagnoles [ ](#page=6). Méthodologiquement, l'« Ilustración » reconnaît la primauté du rationalisme scientifique [ ](#page=6) [6](#page=6).
### 2.2 Les réalisations du despotisme éclairé en Espagne
Les réformes touchent divers domaines, calquées sur des thèmes similaires à ceux de la France.
#### 2.2.1 Libéralisation du commerce des blés et l'affaire des Jésuites
La libéralisation du commerce des blés, initiée en 1765, vise à rompre avec la politique traditionnelle de protection du marché des céréales [ ](#page=6). La taxation des prix est abolie, et la circulation des grains est autorisée dans le royaume [ ](#page=6). Cependant, cette politique ambitieuse se heurte à une économie fragile et aux réalités régionales, entraînant une hausse des prix et des colères populaires [ ](#page=6) [6](#page=6).
L'expulsion des Jésuites est souvent attribuée au despotisme éclairé. Accusés de responsabilités dans les révoltes des Indiens d'Amérique et les troubles de Madrid, leur richesse est dénoncée [ ](#page=6). Le 29 janvier 1767, leur expulsion est décidée, suivie de leur exil [ ](#page=6). L'Espagne, avec d'autres pays du pacte de famille, presse Rome pour obtenir la suppression définitive de la Compagnie de Jésus, obtenue en 1773 par le bref *Dominus ac redemptor* [ ](#page=7) [6](#page=6) [7](#page=7).
#### 2.2.2 Réorganisation de l'enseignement et réformes juridiques
À partir de l'expulsion des Jésuites, l'enseignement universitaire espagnol est réorganisé. La philosophie des Lumières intègre les programmes, tandis que la théologie et le droit sont réduits au profit des disciplines scientifiques [ ](#page=7). Les universités sont placées sous patronage royal, et les « Estudios de San Isidro » sont créés en 1770 comme centre d'enseignement moderne [ ](#page=7). Des écoles professionnelles et techniques, ainsi que des académies artistiques, sont développées [ ](#page=7) [7](#page=7).
Le système juridique est réorganisé, la torture est abolie et l'usage de la peine de mort est limité [ ](#page=7). Le pouvoir de l'Inquisition est réduit, bien qu'elle ne soit pas abolie [ ](#page=7) [7](#page=7).
#### 2.2.3 Développement de l'agriculture et des infrastructures
Influencés par la physiocratie française, le roi et ses ministres s'activent pour le développement de l'agriculture [ ](#page=7). Campomanès défend une redistribution équitable des terres et l'abolition de la Mesta, une association puissante d'éleveurs de moutons qui bloquait l'évolution des terres agricoles [ ](#page=7) [7](#page=7).
Un projet ambitieux vise à repeupler l'Andalousie et la Sierra Morena, régions peu exploitées [ ](#page=7). Des colonies sont développées, attirant des Flamands, des Allemands et des Espagnols sans emploi, notamment de Catalogne [ ](#page=7) [ ](#page=8) [7](#page=7) [8](#page=8).
Des recensements et un cadastre général sont établis à partir de 1749 pour réformer le système fiscal [ ](#page=7). Les politiques de libéralisation du commerce des blés génèrent des réactions contradictoires, mais Charles III cherche aussi à améliorer l'économie monétaire en unifiant les monnaies et en créant la Banque de San Carlos en 1782 [ ](#page=7) [7](#page=7).
Une réforme fiscale vise à réduire les privilèges du clergé et de la noblesse [ ](#page=7). Dans le domaine industriel, le règne de Charles III rappelle l'action de Colbert avec le développement des manufactures de textiles, de porcelaines, de cristal et d'orfèvrerie [ ](#page=7). L'industrialisation progresse en Asturies et en Catalogne [ ](#page=7) [7](#page=7).
Le commerce colonial est relancé, de nouvelles compagnies de commerce sont créées, comme la Compagnie Royale des Philippines en 1785, et le commerce avec l'Amérique est libéralisé en 1778 [ ](#page=7). Un plan de transformation politique de l'Amérique espagnole est proposé par Aranda, mais Charles III, trop prudent, ne l'accepte pas [ ](#page=7) [7](#page=7).
De nombreux travaux publics sont réalisés, tels que le Canal Impérial d'Aragon et un réseau de routes royales [ ](#page=7). Les villes sont embellies, avec la construction d'édifices publics, d'hôpitaux et des archives générales des Indes à Séville [ ](#page=8). Madrid bénéficie d'un vaste plan d'extension et d'assainissement, incluant le développement des jardins botaniques du Prado, de l'hôpital San Carlos et du Musée d'histoire naturelle [ ](#page=8) [7](#page=7) [8](#page=8).
#### 2.2.4 L'audace d'Olavide et la réforme agraire
Pablo de Olavide développe un grand plan de réforme agraire pour repeupler la Sierra Morena, créant des colonies qui comptent 13 000 habitants en 1775 [ ](#page=8) [8](#page=8).
> **Example :** La réussite des colonies de la Sierra Morena, promues par Olavide, témoigne de l'audace et des réalisations possibles sous le règne de Charles III.
### 2.3 Les blocages rencontrés par les Lumières
Malgré les avancées, les Lumières espagnoles se heurtent à de puissants obstacles.
#### 2.3.1 L'Inquisition et la censure
Pablo de Olavide devient la cible de ses adversaires, notamment des moines allemands qui dénoncent son action auprès du Saint-Office (Inquisition) [ ](#page=8). Arrêté en 1776, il est jugé par l'Inquisition et condamné à huit ans d'enfermement dans un monastère, marquant un coup d'arrêt pour les Lumières [ ](#page=8) [8](#page=8).
Les souverains espagnols maintiennent et renforcent le contrôle des impressions. La censure royale, avec ses instructions précisant ce qui ne doit pas être publié (critique du gouvernement, atteinte à l'honneur national et à la foi), est un frein considérable, générant l'auto-censure [ ](#page=8). L'Inquisition exerce la censure a posteriori, s'attaquant aux livres et parfois aux « ilustrados » [ ](#page=8) [8](#page=8).
#### 2.3.2 L'opposition intellectuelle et la persistance des superstitions
Les Lumières se heurtent à une production abondante d'ouvrages d'apologétique, qui entretiennent l'archaïsme des mentalités [ ](#page=8) [8](#page=8).
* **Fernando de Zaballos**: Moine hiéronymite, auteur de *La fausse philosophie* (1775-1776), il considère que les fausses lumières procèdent du protestantisme destructeur [ ](#page=8) [8](#page=8).
* **Juan Pablo Forner**: Auteur des *Discours philosophiques sur l'homme* il souligne la faiblesse de la raison humaine et la nécessité de la révélation, qualifiant la philosophie d'« horrible fruit d’une audace de sophiste qui n’a su inspirer que ruine, destruction, mort, rapine, sacrilège » [ ](#page=8) [8](#page=8).
La routine et la superstition du peuple espagnol constituent un blocage majeur, notamment pour la réforme de l'agriculture [ ](#page=8). Les paysans s'opposent au reboisement, persuadés que cela favorise la prolifération des moineaux qui mangent les récoltes [ ](#page=8) [8](#page=8).
#### 2.3.3 Les échecs dans l'artisanat et l'industrie
Dans l'artisanat, les « ilustrados » se heurtent à la routine, devant renoncer à imposer de nouveaux métiers textiles, comme le métier Vaucanson [ ](#page=8). Les « sociétés économiques des amis du pays » ne montrent souvent qu'une existence nominale, avec un absentéisme élevé et des cotisations difficiles à collecter, suggérant un échec ou un semi-échec [ ](#page=9) [8](#page=8) [9](#page=9).
Les grandes manufactures d'État se révèlent ruineuses et peu productives, souvent implantées loin des sources d'énergie et de matières premières [ ](#page=9). Elles s'effondrent après 1808 [ ](#page=9). Le Canal de Castille, projeté par Florida Blanca, n'a pas été réalisé en raison de contingences climatiques non prises en compte [ ](#page=9) [9](#page=9).
> **Tip :** Il est important de noter que même dans les réalisations, comme le Canal de Castille, des blocages logistiques et climatiques pouvaient entraver les projets ambitieux.
### 2.4 Bilan des Lumières espagnoles
Les résultats de l'« Ilustración » sont timides, malgré des réussites réelles comme les colonies de la Sierra Morena [ ](#page=9). La société espagnole progresse, notamment en matière fiscale, avec la suppression du « servicio » (impôt roturier) en 1797, se rapprochant de l'égalité fiscale [ ](#page=9). L'« Ilustración » a posé des problèmes et dénoncé des abus, mais est loin d'avoir atteint tous ses objectifs [ ](#page=9). Le règne de Charles III marque une régénération du royaume, mais avec des succès limités par rapport à la fin des Habsbourg en 1700 [ ](#page=9) [9](#page=9).
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# L'influence versaillaise et les arts sous les Bourbons
L'influence de Versailles a marqué profondément l'architecture et les arts sous les monarques Bourbons, tant en Espagne qu'en Italie, façonnant ainsi la politique artistique et la circulation des influences culturelles au sein de l'Europe.
### 3.1 Le modèle versaillais et la construction des palais
#### 3.1.1 Les grandes phases de la construction de Versailles
Le choix de Versailles par Louis XIV répondait à des impératifs architecturaux, offrant un terrain vierge, loin de la contrainte du parcellaire parisien. Initialement un simple pavillon de chasse pour Louis XIII, Versailles fut transformé en une œuvre monumentale. La construction s'est déroulée en plusieurs phases [11](#page=11):
* **Phase 1 (1660 - milieu 1670):** Initiée par l'architecte Louis Le Vau, qui enrichit le château de Louis XIII [12](#page=12).
* **Phase 2 (après 1682):** Marquée par l'architecte Hardouin Mansart, période durant laquelle Versailles devint la capitale politique [12](#page=12).
Le château présente une originalité dans sa structure: le château de Louis XIII n'a jamais été supprimé mais englobé par de nouvelles constructions. La ville de Versailles s'est développée autour d'un plan en trident, avec trois avenues convergeant vers une place d'armes centrale. Ce vaste chantier a attiré une main-d'œuvre nombreuse venue de toute la France. La galerie des Glaces, emblématique, fut édifiée par Hardouin Mansart [12](#page=12).
#### 3.1.2 Les motivations de Louis XIV
Louis XIV avait pour intention de faire de son château un centre de l'art français, un manifeste destiné à l'Europe entière. Au-delà de la représentation du pouvoir, l'amusement et la jouissance artistique étaient également des motivations clés. Versailles fut conçu comme un lieu de fêtes et de spectacles, où le roi cherchait à éblouir par son faste et sa profusion [12](#page=12).
* **L'importance des jardins:** Les extérieurs du château, notamment les jardins, étaient axés sur le château, perçu comme le cœur du dispositif. Le grand canal et sa géométrie parfaite, agrémentés de vaisseaux miniatures, symbolisaient la domination du roi sur les mers. Louis XIV lui-même rédigea un guide pour la visite de ses jardins, soulignant l'importance d'un parcours organisé [12](#page=12).
* **La symbolique solaire:** Initialement, le soleil fut le symbole emblématique de Versailles, lié au mythe d'Apollon, dieu du soleil, incarnant le caractère solaire de la monarchie française et le pouvoir personnel de Louis XIV. Le char d'Apollon dans le parc, réalisé par Tubi et Duby, en est un exemple frappant [12](#page=12).
* **L'histoire et la gloire royale:** À partir des années 1670, la propagande officielle évolua vers la célébration des actions historiques du roi, remplaçant la mythologie par l'histoire illustre de Louis XIV. La construction de la galerie des Glaces en 1677 marqua cette transition, avec une iconographie orchestrée par Le Brun, célébrant la gloire du roi par la représentation de ses réformes, ses conquêtes et sa diplomatie. L'escalier des Ambassadeurs, conçu comme une scène de théâtre, visait à magnifier la personne royale et à réconcilier le réel et l'imaginaire [13](#page=13).
#### 3.1.3 Versailles : un château vivant et évolutif
Versailles n'était pas un musée figé, mais un lieu en constante évolution, suivant les modes et les besoins de ses occupants [13](#page=13).
* **Sous Louis XV:** Le nouveau roi a achevé certains aménagements, comme la construction de l'Opéra par Gabriel. Il a également fait détruire l'escalier des Ambassadeurs pour aménager des appartements privés pour sa fille Adélaïde, démontrant une adaptation aux modes du XVIIIe siècle privilégiant les pièces plus petites et chauffées. Des architectes comme Jacques Ange Gabriel et Verbeckt furent les inspirateurs de ces changements [13](#page=13).
* **Projet de rénovation (années 1770):** Un "grand projet" visait à transformer Versailles en une façade classique, inspirée par l'idéal romain, mais les problèmes financiers ont empêché sa réalisation [13](#page=13).
#### 3.1.4 Le roi dans ses jardins
La place du roi dans ses jardins était primordiale, symbolisant une connexion profonde avec la nature et le pouvoir [13](#page=13).
* **Claude Mollet et André Le Nôtre:** Le premier jardinier de Louis XIII, Claude Mollet, soulignait l'importance pour les rois de se consacrer à la disposition des jardins autant qu'à celle d'une armée. André Le Nôtre, premier jardinier de Louis XIV, a su adapter ses plans aux variations du terrain, créant des jardins s'ouvrant sur l'infini [13](#page=13).
* **Le jardin à la française:** Le jardin de Versailles, géométrique et ordonné, reflétait une volonté politique d'établir un ordre et une soumission, en même temps que l'apogée du modèle horticole français après la Fronde. Bien que le jardin à l'anglaise se soit développé au XVIIIe siècle, le jardin à la française est resté populaire [14](#page=14).
* **Évolution au XVIIIe siècle:** Le jardin pittoresque, influencé par le jardin chinois, a gagné en popularité [14](#page=14).
### 3.2 L'Europe bourbonienne à l'image de Versailles
#### 3.2.1 L'exemple espagnol
L'accession d'un Bourbon au trône d'Espagne en 1700, avec Philippe V, a entraîné une mutation du goût et une influence culturelle française accrue [14](#page=14).
* **L'arrivée d'artistes français:** Philippe V s'est entouré d'artistes, architectes et peintres français, effaçant la frontière pyrénéenne pour ces créateurs qui avaient connu le modèle versaillais. Louis XIV lui-même a prêté assistance en mettant des artistes à disposition de la cour d'Espagne [14](#page=14).
* **Hybridation culturelle:** L'Espagne n'est pas devenue une simple province culturelle française. Elle a sédimenté ses traditions, renforcées par l'influence italienne de la seconde épouse de Philippe V, Élisabeth Farnèse, et par les traditions espagnoles elles-mêmes. L'art du début du XVIIIe siècle se caractérise par une juxtaposition et des tentatives de synthèse, comme en témoigne le château de la Granja [14](#page=14).
##### 3.2.1.1 Le château de la Granja
Construit entre 1719 et 1739, le château de la Granja, bien que nommé d'après une ancienne ferme monastique, fut aménagé par Philippe V comme lieu de retraite [14](#page=14).
* **Phases de construction:** Le projet, lancé en 1721, s'articule autour d'une cour d'honneur et s'insère dans des jardins à la française avec un axe central. L'architecte Teodoro Ardemans a d'abord conçu un patio dans le respect de la tradition espagnole, rappelant l'Escurial. En 1727, les architectes italiens Andrea Procaccini et Sempronio Subisati ont transformé le palais, supprimant les tours orientales et l'élargissant pour ressembler à un "petit Versailles". Philippe Juvara, un Italien, a également contribué à la conception [15](#page=15).
* **Luxe et décoration:** Les pièces du palais témoignent du luxe des années 1730, avec marbre italien, laques japonaises et lustres de cristal. Les décorations en stuc et les peintures de plafond furent réalisées par des Italiens, illustrant l'hybridation aristocratique de l'Europe [15](#page=15).
* **Les jardins de la Granja:** Ces jardins, s'étendant sur 145 hectares, sont l'un des exemples les plus aboutis de jardins à la française en Espagne. Le paysagiste français René Carlier a initié le projet en 1719, avant d'être remplacé par Étienne Boutelou, qui s'est inspiré des jardins de Versailles. Les pentes naturelles du site montagneux furent utilisées pour accentuer l'effet de perspective [15](#page=15).
* **Fontaines et hydraulique:** Les 26 fontaines étaient alimentées par des sources de montagne, et des fontainiers français ont introduit en Espagne des techniques hydrauliques utilisées sur les chantiers royaux français. La technique gravitaire utilisée à la Granja, contrairement à celle de Versailles qui nécessitait l'acheminement de l'eau par aqueduc, a fait l'objet de traités d'hydraulique [15](#page=15).
* **Sculpture et thèmes mythologiques:** Des sculpteurs français comme René Frémin et Jacques Bousseau ont réalisé des statues, dont un groupe autour de Diane, en hommage à la chasse pratiquée par Philippe V et Élisabeth Farnèse. Des thèmes mythologiques, comme la monarchie espagnole sauvée par Persée (Philippe V), furent également mis en avant [15](#page=15) [16](#page=16).
* **Influence et perception:** Les jardins de la Granja sont souvent comparés à Versailles, comme le note Jean-François Peyron en 1777, soulignant la ressemblance avec une "miniature de Versailles" [16](#page=16).
#### 3.2.2 Les châteaux bourbonniens de la péninsule italienne
La péninsule italienne, bien que moins au premier rang que l'espace germanique ou la Russie pour l'influence française, présente des exemples notables de cette empreinte versaillaise.
##### 3.2.2.1 Le palais ducal de Colorno
Situé près de Parme, ce palais fut remanié par les Farnèses puis passa aux Bourbons en 1731 [16](#page=16).
* **L'architecte Petitot:** L'architecte Petitot, marqué par l'Italie et formé à Rome, fut recruté par le Premier ministre de Parme, Guillaume Dutillot. Il fut chargé de la rénovation des monuments du duché, y compris le palais ducal de Colorno et proposa un projet grandiose pour le palais de Parme qui ne fut jamais réalisé [16](#page=16).
* **Aménagements et influence:** Petitot fut également actif dans l'aménagement urbain et l'organisation de fêtes, notamment pour le mariage du duc Ferdinand Ier. Sa carrière à Parme prit fin avec la chute politique de Dutillot [16](#page=16).
##### 3.2.2.2 Le château de Caserte
Près de Naples, le palais de Caserte est un exemple flagrant d'inspiration versaillaise, construit à partir de 1752 avec l'intention de rivaliser avec Versailles et Madrid [16](#page=16).
* **Conception architecturale:** Le roi de Naples, futur Charles III d'Espagne, initia ce projet, poursuivi par son fils Ferdinand. L'architecte Luigi Vanvitelli conçut un immense château centré sur un grand canal, flanqué d'un portique et d'une cascade alimentée par l'aqueduc Carolino [17](#page=17).
* **Jardins et influences mixtes:** Le parc de Caserte est un exemple d'architecture versaillaise classique, mais il emprunte également aux villas italiennes du XVIe siècle et aux villas de Toscane. Il mêle des bois naturels, des pavillons de chasse, une manufacture de soie et des jardins à la française, tout en intégrant des éléments du jardin à l'anglaise avec la présence d'arbres rares. L'éruption du Vésuve en 1767 accéléra l'installation du roi Ferdinand IV à Caserte [17](#page=17).
Ces projets, étalés dans le temps, montrent une inspiration globale versaillaise visant à imposer un pouvoir absolu et une circulation des influences artistiques entre la France, l'Italie et l'Espagne [17](#page=17).
### 3.3 Les Bourbons et les arts au XVIIIe siècle
La politique artistique des Bourbons au XVIIIe siècle est marquée par l'influence prépondérante du goût royal, la mobilité des souverains et la circulation des influences culturelles, notamment entre la France et l'Italie. Les monarchies Bourbons illustrent ainsi une hybridation culturelle significative [17](#page=17).
#### 3.3.1 La monarchie française et le goût des rois
Le goût des souverains français a façonné la théorie des styles artistiques, démontrant que les évolutions stylistiques ne suivent pas toujours une stricte succession dynastique [17](#page=17).
* **Le goût du roi et la théorie des styles:** Le style Louis XVI, par exemple, était déjà présent avant l'accession du roi au trône. Le style Régence, héritier du style Louis XIV, est un prototype de style de transition, comme le style Louis XV qui débute avec le style rocaille [17](#page=17).
* **Le style Rocaille:** Héritier de la Régence, il privilégie la courbe, l'asymétrie et les ornements surchargés comme les feuillages et les dorures [18](#page=18).
* **Le style classique:** Symétrique et inspiré par l'idéal romain grâce à l'influence de l'Académie de France à Rome et à l'archéologie, il est incarné par des architectes comme Jacques Ange Gabriel [18](#page=18).
* **Le néo-classique:** Une évolution plus rude du classique, influencée par Rome et la Grèce, est représentée par des architectes comme Nicholas Ledoux [18](#page=18).
* **Le roi collectionneur:** Les souverains, dès François Ier, ont utilisé les collections d'art pour exalter leur gloire et enrichir le décor de leurs résidences. Richelieu et Mazarin ont constitué d'importantes collections, transmises à Colbert et Louis XIV, qui a réorganisé le Garde-Meuble de la Couronne. Les collections de Louis XIV comprenaient des maîtres italiens, flamands et nordiques, ainsi que des artistes français comme Poussin, Le Brun et Mignard [18](#page=18).
* **Louis XV et l'art décoratif:** La place de Louis XV dans l'art décoratif français est considérable, marquée par le style Louis XV et la civilisation de la profusion avec une multiplication d'objets et de nouveaux matériaux. Des œuvres comme le bureau de Louis XV, estimé à plus de 60 000 livres, illustrent le style Rococo. Le bureau de Louis XVI, plus géométrique, atteignit plus de 90 000 livres grâce à ses mécanismes complexes [18](#page=18) [19](#page=19).
* **La mission académique:** Le pouvoir royal s'est investi de la mission d'éduquer le regard du public et de sensibiliser à l'utilité morale des arts. La multiplication des académies, sur le modèle parisien, visait à cela. Ces académies, fondées dès le XVIe siècle en Italie et diffusées en France et en Europe, constituaient une étape incontournable pour la formation des artistes. Elles organisaient également des expositions d'œuvres d'art et régulaient le prix des tableaux [19](#page=19).
#### 3.3.2 La politique artistique des Bourbons d'Espagne
Philippe V, tel son grand-père Louis XIV, a exercé un mécénat éclairé dans les lettres, les sciences et les beaux-arts [19](#page=19).
* **Personnalité culturelle de Philippe V:** Curieux et amateur de livres, il a fondé une bibliothèque royale en Espagne et a commandé des ouvrages en France. Son goût s'est élargi de la théologie à la littérature et au théâtre, influencé par son voyage en Italie et par sa seconde épouse, Élisabeth Farnèse. La cour de Philippe V est devenue un centre culturel, mais Madrid ne rivalisait pas encore avec Paris ou Versailles [20](#page=20).
* **Influences artistiques croisées:** L'histoire de la peinture espagnole au XVIIIe siècle est marquée par le recours à des artistes étrangers, principalement français et italiens, le royaume n'ayant pas encore retrouvé l'âge d'or de Velázquez. Les liens familiaux et politiques avec la France, ainsi que les liens séculaires avec l'Italie, ont favorisé une hybridation artistique. Des peintres français comme Houasse et Van Loo, ainsi que des Italiens comme Giordano et Tiepolo, ont séjourné en Espagne [20](#page=20).
* **Exemples d'hybridation:** L'orfèvre parisien Thomas Germain a exécuté les toilette du couple royal en 1732. L'influence parisienne se retrouve dans l'apport de pendules et d'objets de luxe d'artisanat d'art. La porcelaine de Sèvres a également fait son apparition [20](#page=20) [21](#page=21).
* **Francisco Goya:** Figure emblématique de la peinture espagnole de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Goya a incarné une ouverture sur la culture de cour, avec des portraits et des cartons de tapisserie qui reflètent un gouvernement plus attentif au peuple. Ses recherches psychologiques, notamment dans le portrait de la marquise de Solana, témoignent d'une économie de moyens et d'une attention à l'individualité du sujet, marquant l'entrée de l'art espagnol dans la modernité [21](#page=21).
* **Philippe V mélomane:** Philippe V avait une ouverture à la musique, avec des maîtres comme François Couperin. Son goût pour la musique italienne s'est renforcé avec Élisabeth Farnèse, attirant à Madrid Domenico Scarlatti et Farinelli. Farinelli a notamment participé à une forme de musicothérapie pour le roi, lui chantant des airs de Scarlatti et de Pergolèse. Malgré cet engouement pour la musique italienne, Philippe V n'a jamais délaissé les représentations de genre typiquement espagnoles ni les compositeurs espagnols [21](#page=21).
#### 3.3.3 Les arts chez les Bourbons italiens
Les villes de Parme et de Naples ont également attiré l'attention pour leurs productions artistiques sous l'influence Bourbon.
* **Parme sous le charme français:** Sous le règne de Dutillot, Parme s'est placée dans l'orbite culturelle française, accueillant des intellectuels parisiens comme Caylus et Condillac. Une académie des beaux-arts animée par des artistes français et l'envoi d'objets de mode de Versailles ont assuré ce rayonnement. L'architecte français Petitot y a également exercé [21](#page=21).
L'influence versaillaise, par son architecture, son organisation et son rayonnement culturel, a donc joué un rôle central dans la politique artistique des Bourbons, favorisant une hybridation des styles et des influences à travers l'Europe [17](#page=17).
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# Les États des Bourbons face à la Révolution française et à l'ère napoléonienne
Ce chapitre explore l'impact de la Révolution française sur les royaumes des Bourbons, en se concentrant particulièrement sur Naples, et l'évolution de leurs situations politiques et militaires sous l'influence de la France révolutionnaire et napoléonienne.
### 4.1 Guerre et idéologies, de la libération des peuples à la guerre de conquête
Initialement, les révolutionnaires français affirmaient un message de paix et ont décrété la renonciation à toute guerre. Cependant, cette posture a évolué vers une politique de guerre, initialement justifiée par la défense des idéaux révolutionnaires, puis teintée de guerres de conquête [22](#page=22).
#### 4.1.1 L'évolution de l'idée de guerre
En 1789, l'idée d'expansion territoriale était absente des cahiers de doléances. Progressivement, avec le renforcement de la "passion révolutionnaire" contre le "complot aristocratique", l'idée d'une guerre pour libérer l'Europe a pris de l'ampleur, portée notamment par les Girondins [22](#page=22).
#### 4.1.2 La théorie des frontières naturelles et la politique des Républiques sœurs
La déclaration de guerre le 20 avril 1792 a entraîné des défaites initiales, menant à la chute de la monarchie. Après les victoires de Valmy et Jemmapes, les armées françaises ont conquis la Belgique, la rive gauche du Rhin, la Savoie et le comté de Nice. Un débat a eu lieu à la Convention sur l'annexion de ces territoires. Les Girondins, influencés par des exilés politiques, ont promu l'idée des "frontières naturelles" et d'une "croisade révolutionnaire" [22](#page=22).
L'idée des "Républiques sœurs" a émergé avec le comité révolutionnaire batave à Paris en octobre 1792, visant à abolir le despotisme et à instaurer des républiques sur le modèle français. Ce système flattait l'orgueil révolutionnaire français et présentait des intérêts stratégiques. La guerre était alors conçue comme un moment de reconquête universelle des droits, visant à établir un nouvel ordre mondial et une "cosmopolitique du droit des gens" [23](#page=23).
### 4.2 Naples en Révolution : La Révolution parthénopéenne
Les répercussions de la Révolution française se sont fait sentir en Italie dès 1790, engendrant émeutes et troubles. Les interventions françaises, accrues à partir de 1796, ont accentué l'effervescence politique. Les réactions aux occupations françaises variaient, allant de l'espoir de régénération à un sentiment de régime d'occupation [23](#page=23).
#### 4.2.1 La situation internationale du royaume de Naples
Depuis 1734, le royaume de Naples avait maintenu une neutralité, encouragée par le pacte de famille de 1761. Avec la Révolution française, Naples est devenu un pion dans le jeu des grandes puissances (France, Autriche, Grande-Bretagne, Russie). L'Italie, de par sa position géostratégique au cœur de la Méditerranée, revêtait une importance particulière [23](#page=23).
Le royaume de Naples, bien que vaste et doté d'une population importante et d'une puissance militaire modernisée, souffrait de faiblesses structurelles: un système politique et économique archaïque, une économie freinée par la concentration des terres entre les mains de l'Église et de l'aristocratie, et un appareil d'État souvent impuissant. La marine était le seul secteur performant. Le couple royal, Ferdinand IV et Marie-Caroline, était marqué par des déséquilibres qui ne permirent pas de restaurer l'autorité monarchique [24](#page=24).
À la suite de la décapitation de Louis XVI, Naples s'est engagée contre les armées révolutionnaires. Les défaites militaires et les indemnités imposées ont fragilisé les finances royales, conduisant à taxer l'Église et la noblesse, créant un divorce entre les élites et la monarchie [24](#page=24).
#### 4.2.2 L'invasion française et la Révolution parthénopéenne
En 1798, Ferdinand IV a soutenu l'amiral Nelson contre Bonaparte. En novembre 1798, l'armée napolitaine a envahi le territoire de la République romaine, provoquant une contre-offensive française menée par le général Championnet. La famille royale s'est réfugiée en Sicile, tandis que des soulèvements éclataient, notamment celui des Lazzaroni à Naples [24](#page=24).
Après trois jours de combats, Championnet a proclamé la République Napolitaine le 21 janvier 1799, adoptant le concept des Républiques sœurs. Cette république, soutenue par la bourgeoisie éclairée mais confrontée à des zones royalistes dans les campagnes, n'a duré que cinq mois. Le nouveau gouvernement a tenté d'abolir la féodalité et de moderniser l'administration en adoptant le modèle français des départements, ce qui a créé une rupture avec la réalité locale [25](#page=25).
Une révolte contre-révolutionnaire, menée par le Cardinal Ruffo et ses "sanfédistes", a pris de l'ampleur. Les troupes françaises ont dû évacuer Naples en raison des victoires austro-russes dans le nord de l'Italie. Les sanfédistes sont entrés à Naples le 13 juin 1799, rétablissant la monarchie des Bourbons dans une atmosphère de répression féroce [25](#page=25).
Le rétablissement de la monarchie est resté fragile. En 1800, suite à la victoire de Marengo, Bonaparte a imposé un traité très dur au royaume de Naples. La paix d'Amiens en 1802 n'a été qu'un bref répit. La formation de la IIIe coalition en 1805 a été une dernière tentative pour chasser les Français, mais la défaite d'Austerlitz a laissé Naples à la merci de Napoléon [25](#page=25).
Napoléon a ordonné l'invasion de Naples, et Joseph Bonaparte, frère de Napoléon, a été proclamé roi en avril 1806. Malgré une révolte en Calabre, rapidement réprimée, le brigandage est resté un problème persistant. Les échecs des insurgés bourboniens à transformer leur lutte en un soulèvement national à l'instar de l'Espagne ont marqué la fin de cette phase [25](#page=25).
#### 4.2.3 Murat, roi de Naples
En 1808, Joachim Murat, beau-frère de Napoléon, est devenu roi de Naples sous le nom de Joachim Napoléon Ier. Il a trouvé un cadre institutionnel laissé par Joseph Bonaparte, incluant un conseil d'État et un parlement qui n'a jamais été convoqué. Murat a privilégié les Italiens, développé sa popularité et poursuivi l'abolition de la féodalité. Il a imposé le Code Napoléon, réorganisé la marine et l'armée, et réglé le problème du brigandage en Calabre [26](#page=26).
Les événements de 1789 à 1815 ont accéléré la politisation de la société napolitaine, avec l'apparition de doctrines nouvelles. L'incapacité des Bourbons à répondre aux aspirations populaires a empêché la création d'un monarchisme populaire solide. Le républicanisme, inspiré du modèle français, n'a pas survécu à la répression de 1799. La synthèse entre la monarchie réactionnaire des Bourbons et l'absolutisme réformateur de Joseph et Murat a préfiguré le carbonarisme après 1815, contribuant à la décomposition de la maison des Bourbons de Naples [26](#page=26).
### 4.3 Napoléon révélateur des contradictions de l'espace bourbonien
L'ère napoléonienne a mis en lumière les contradictions internes et les faiblesses structurelles des États bourboniens, notamment dans leur rapport à la modernité politique et militaire imposée par la France révolutionnaire et impériale.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Bourbons | Dynastie régnante en France, en Espagne et dans certains États italiens au XVIIIe siècle, caractérisée par des politiques influencées par le despotisme éclairé et le modèle versaillais. |
| Lumières | Mouvement intellectuel européen du XVIIIe siècle mettant l'accent sur la raison, la science et le progrès, visant à dissiper les ténèbres de l'ignorance et de la superstition. |
| Despotisme éclairé | Forme de gouvernement absolutiste dans laquelle les monarques s'efforcent d'appliquer les principes des Lumières pour réformer leur État, améliorer le bien-être de leurs sujets et moderniser l'administration. |
| Anti-Lumières | Courant de pensée s'opposant aux idées des Lumières, défendant l'orthodoxie religieuse, les traditions établies et une vision conservatrice de la société. |
| Physiocrates | École de pensée économique française du XVIIIe siècle qui mettait l'accent sur l'agriculture comme source principale de richesse et prônait la libéralisation du commerce des grains. |
| Encyclopédie | Monumentale œuvre collective française, dirigée par Diderot et d'Alembert, visant à rassembler et diffuser l'ensemble des connaissances humaines, emblématique de l'esprit des Lumières. |
| Rationalisme sceptique | Approche philosophique qui privilégie la raison et l'examen critique, tout en maintenant une attitude de doute face aux affirmations dogmatiques, souvent appliquée à la critique de la foi. |
| Sensualisme | Théorie philosophique selon laquelle toute connaissance provient des sensations et de l'expérience sensible, valorisant ainsi le rôle des cinq sens dans l'acquisition du savoir. |
| Métaphysique | Branche de la philosophie qui traite des principes premiers de la réalité, de l'être et de la nature fondamentale des choses, souvent critiquée par les penseurs des Lumières qui lui préféraient la raison expérimentale. |
| Déisme | Croyance en un Dieu créateur, mais sans dogmes ni révélations spécifiques, privilégiant une religion naturelle fondée sur la raison et la morale. |
| Matérialisme | Doctrine philosophique selon laquelle seule la matière existe et que tous les phénomènes, y compris la conscience, peuvent être expliqués par des processus matériels. |
| Ilustrados | Intellectuels et réformateurs espagnols du XVIIIe siècle influencés par les Lumières, qui cherchaient à moderniser l'Espagne par des réformes économiques, sociales et éducatives. |
| Société des amis du pays | Associations locales en Espagne qui visaient à promouvoir le progrès économique, agricole et industriel dans leurs régions respectives, inspirées par les idées des Lumières. |
| Pragmatique | Décret ou loi officielle, souvent d'une importance capitale pour la gouvernance d'un royaume ou d'un État. |
| Révolution parthénopéenne | République éphémère établie à Naples en 1799, inspirée par les idéaux de la Révolution française, mais rapidement réprimée par les forces royalistes. |
| Cosmopolitisme du droit des gens | Concept philosophique et juridique prônant l'application universelle des droits et de la loi, visant à établir un nouvel ordre mondial basé sur des principes de droit international. |
| Blocus continental | Stratégie militaire et économique adoptée par Napoléon Bonaparte pour isoler le Royaume-Uni et l'asphyxier économiquement en interdisant tout commerce avec le continent européen. |
| Carbonarisme | Mouvement politique secret, actif en Italie au début du XIXe siècle, qui aspirait à unifier l'Italie et à renverser les régimes monarchiques établis, influencé par les idéaux libéraux et nationalistes. |
| Rococo | Style artistique et décoratif du XVIIIe siècle, caractérisé par l'élégance, la légèreté, l'asymétrie et une abondance d'ornements délicats, souvent associé au règne de Louis XV. |
| Néoclassicisme | Mouvement artistique apparu au milieu du XVIIIe siècle, marqué par un retour aux formes et aux idéaux de l'Antiquité gréco-romaine, prônant la clarté, la symétrie et la grandeur. |
| Académisme | Ensemble des doctrines, des règles et des pratiques artistiques qui découlent de l'enseignement et des décisions des académies d'art, souvent perçu comme un style académique rigide au XIXe siècle, mais plus évolutif au XVIIIe. |
| Mécénat éclairé | Soutien financier et promotion des arts, des sciences et des lettres par des souverains ou des personnalités influentes, souvent dans le but de renforcer leur prestige et de favoriser le progrès culturel de leur État. |
| Hybridation culturelle | Processus par lequel différentes cultures se mélangent et s'influencent mutuellement, créant de nouvelles formes artistiques, sociales ou politiques. |