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Summary
# Le contrôle de gestion comme dispositif de contrôle organisationnel
Ce chapitre explore le contrôle de gestion en tant qu'outil de contrôle organisationnel, en détaillant sa définition, sa place dans l'entreprise, ses outils, ses sources d'information, et les modes de contrôle alternatifs [28](#page=28).
### 1.1 L'émergence et la définition du contrôle de gestion
Le concept de contrôle est fondamental en management, remontant aux fonctions de direction identifiées par Henri Fayol et souligné par Arnold S. Tannenbaum comme un corollaire inévitable de l'organisation. Le contrôle de gestion participe à l'atteinte des objectifs organisationnels en assurant la conformité, l'ordre et la coordination des activités [27](#page=27) [28](#page=28).
#### 1.1.1 Origines historiques
Le contrôle de gestion, tel qu'il est compris aujourd'hui, trouve ses origines dans les années 1920 chez General Motors. Face à une entreprise diversifiée, Sloan et Brown y ont développé le "contrôle financier" pour organiser la gestion à distance par la décentralisation et le contrôle des résultats financiers, notamment via l'invention du ROI. Cette émergence s'est appuyée sur les développements de la comptabilité financière et de la comptabilité industrielle, cette dernière se développant dès le XVIIe siècle pour informer les décideurs sur les coûts. Frederick Winslow Taylor a ensuite étendu l'usage de la comptabilité industrielle non seulement au calcul des coûts, mais aussi au suivi, à la surveillance et à la comparaison du réel à la prévision, instaurant le contrôle dans les ateliers et le concept de coût standard [30](#page=30) [31](#page=31).
#### 1.1.2 Définitions et rôles
Le terme "contrôle de gestion" traduit l'anglais "management control", signifiant "pilotage, maîtrise de la gestion". Robert N. Anthony, en 1965, le définit comme le processus par lequel les managers obtiennent l'assurance que les ressources sont utilisées de manière efficace et efficiente pour atteindre les objectifs de l'organisation [31](#page=31).
* **Efficacité:** Atteindre ses objectifs [31](#page=31).
* **Efficience:** Atteindre ses objectifs en minimisant les moyens utilisés [31](#page=31).
* **Pertinence:** S'assurer que les moyens alloués sont cohérents avec les objectifs [32](#page=32).
* **Économie:** Se procurer les ressources au moindre coût [32](#page=32).
En 1988, Anthony précise que le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent les autres membres de l'organisation pour mettre en œuvre les stratégies de l'organisation [32](#page=32).
Il le situe comme un niveau de contrôle intermédiaire, entre la planification stratégique (définition des objectifs et stratégies) et le contrôle opérationnel (réalisation efficace et efficiente des tâches spécifiques) [32](#page=32).
**Structure des niveaux de contrôle selon Anthony:**
* **Contrôle stratégique (planification stratégique):** Définit les objectifs et stratégies de l'organisation [32](#page=32).
* **Contrôle de gestion:** Met en œuvre les stratégies pour atteindre les objectifs [32](#page=32).
* **Contrôle opérationnel (contrôle des tâches):** Assure la réalisation efficace et efficiente des tâches spécifiques [32](#page=32).
Le contrôle de gestion peut être vu comme un système de contrôle cybernétique, suivant le modèle PDCA (Plan/Do/Check/Act) de William E. Deming [33](#page=33).
**Modèle PDCA et contrôle de gestion:**
1. **Plan:** Fixation d'une norme chiffrée (prévision, objectif volontariste, benchmarking, DPPO). La participation à la définition d'objectifs peut engendrer du "slack budgétaire" [33](#page=33) [34](#page=34).
2. **Do:** Organisation de la transformation des ressources en produits/services de manière efficace et efficiente [34](#page=34).
3. **Check:** Mesure des résultats et comparaison avec les objectifs [34](#page=34).
4. **Act:** Identification et mise en œuvre d'actions correctives, attribution de primes ou de sanctions [34](#page=34).
Ce modèle repose sur une représentation de l'organisation comme un système cybernétique, capable d'atteindre un objectif malgré les évolutions de son environnement grâce à un mécanisme de contrôle par rétroaction [34](#page=34).
La définition du contrôle de gestion peut être précisée comme: "Un ensemble de techniques qui ont en commun de concourir au contrôle à distance sur la base d’indicateurs quantifiés […] dans une optique contractuelle. L’échange se résume à un peu plus de liberté ou d’autonomie au prix d’un peu plus de responsabilité. La délégation s’accompagne de l’obligation de rendre compte. Il y a un engagement préalable portant sur un résultat à atteindre, une explicitation des modalités d’évaluation puis, a posteriori, l’évaluation ou la mesure de la performance." [35](#page=35).
Les effets du contrôle de gestion sur l'orientation des comportements se font à quatre niveaux :
* **Planification (ex ante):** Fournit les informations pour guider les actions [35](#page=35).
* **Mesure (ex ante et ex post):** Oriente l'action et fournit des informations pour corriger [35](#page=35).
* **Feed-back (ex post):** Informe sur le comportement et les résultats pour des actions correctives, récompenses ou sanctions [35](#page=35).
* **Évaluation et récompenses (ex post et ex ante):** Compare la performance aux standards, attribue des récompenses (tangibles ou intrinsèques), influençant les comportements futurs [35](#page=35).
#### 1.1.3 Les forces du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion présente trois avantages principaux [36](#page=36):
* **Langage commun:** S'appuie sur des données comptables et financières pour créer un langage unifié dans l'organisation [36](#page=36).
* **Gestion à distance et décentralisation:** Permet de déléguer la prise de décision aux responsables de terrain, améliorant la qualité de l'information et la réactivité [36](#page=36).
* **Responsabilisation, évaluation et motivation:** Incite les salariés à atteindre des objectifs fixés, agissant comme un outil de gouvernement des hommes [36](#page=36).
### 1.2 Hypothèses et limites du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion est un modèle de management reposant sur des hypothèses concernant l'organisation et le comportement des individus [36](#page=36).
#### 1.2.1 Modèle rationnel et conditions d'application
Henri Bouquin identifie trois phases dans le processus rationnel de contrôle: finalisation, pilotage et post-évaluation, chacune nécessitant des conditions d'application spécifiques [37](#page=37).
**Conditions requises d’application du contrôle rationnel:**
| Phases du processus normatif | Conditions d’application requises |
| :--------------------------- | :------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ |
| **Finalisation (« Avant »)** | Définir les buts recherchés. Buts crédibles, « avouables » et convergence sur eux. | [37](#page=37).
| | Les exprimer en objectifs, chiffrés, avec échéancier. Capacité à quantifier les productions et résultats attendus, capacité analytique suffisante, savoir décliner des buts dans le temps, savoir prévoir, faire des scénarios. | [37](#page=37).
| | Identifier et mobiliser les moyens adaptés. Bonne connaissance de la technologie. | [37](#page=37).
| | Clarifier l’autorité de chacun des acteurs impliqués. Possibilité de découper l’entreprise en centres de responsabilité. | [37](#page=37).
| | Convenir des critères et des normes des sanctions. Quantification possible. Possibilité analytique de relier des inputs « contrôlables » à des outputs. Jugement ou donnée externe. | [37](#page=37).
| **Pilotage (« Pendant »)** | Vigilance: où en sommes-nous? Qualité du système d’information. | [37](#page=37).
| | Anticipation: allons-nous vers l’objectif? Pourquoi? Capacités à prévoir à court terme et utilité du passé. Routine ou innovation. Quel apprentissage? | [37](#page=37).
| | Identification et mise en œuvre des actions correctives. Connaissance de la relation fins-moyens. | [37](#page=37).
| **Postévaluation (« Après »)**| Mesurer les résultats. Possibilité de quantification des résultats ou accord sur un expert pour évaluer les résultats. | [37](#page=37).
| | Identifier les rôles des responsables, entités, procédures, outils, etc. Capacité à modéliser les relations causes-effets. | [37](#page=37).
#### 1.2.2 Hypothèses sur le processus contrôlé, l'organisation et le comportement
Le contrôle de gestion repose sur trois hypothèses fondamentales [37](#page=37):
1. **Hypothèse sur le processus contrôlé:** Nécessite la définition d'objectifs mesurables. Des difficultés peuvent survenir lorsque les objectifs sont ambigus, non partagés, ou lorsque leur mesure est complexe (ex: politiques de qualité, d'innovation, organisations publiques) [38](#page=38).
2. **Hypothèse sur l'organisation:** L'entreprise doit être découpée en centres de responsabilité, subdivisons avec un responsable, des objectifs et un budget propres. Les types de centres de responsabilité incluent [38](#page=38):
* **Centre de coût:** Responsable des coûts (ex: usine) [38](#page=38).
* **Centre de revenus:** Responsable du chiffre d'affaires (ex: commercial) [38](#page=38).
* **Centre de profit:** Responsable des coûts et du chiffre d'affaires [38](#page=38).
* **Centre d'investissement:** Responsable de la marge et des investissements [38](#page=38).
* **Centre de coûts discrétionnaires:** Dépenses non liées au niveau d'activité (ex: fonctions support, R&D) [38](#page=38).
Le découpage en centres de responsabilité peut créer une concurrence interne et nuire à la coopération globale [38](#page=38).
3. **Hypothèse sur le comportement de l'individu:** Le contrôle de gestion peut considérer l'homme comme opportuniste et peu courageux (Théorie X de Douglas Mac Gregor), nécessitant contrainte et politique "de la carotte et du bâton". Une conception alternative (Théorie Y) suggère que l'homme peut être motivé par la prise d'initiatives et de responsabilités si les conditions sont favorables [38](#page=38).
#### 1.2.3 Effets pervers et limites
Le contrôle de gestion, lorsqu'il est trop pressant, peut avoir des effets psychologiques négatifs (frustration, pathologies, agressivité) et inciter les responsables à se focaliser sur leur service au détriment de la collaboration transversale et sur le court terme au détriment du long terme. La fixation des objectifs est délicate: trop lâches, ils manquent de motivation; trop ambitieux, ils peuvent décourager. La théorie de l'expectance (Vroom, Porter et Lawler) met en évidence que la motivation dépend de la probabilité perçue de succès, de la probabilité que ce succès entraîne une récompense, et de la valeur accordée à cette récompense [39](#page=39).
**Limites du contrôle de gestion:**
* Repose sur des hypothèses fortes (objectifs fixables, mesurables, organisation découpable) [39](#page=39).
* Peut générer du stress, de la concurrence inter-acteurs, et une survalorisation du court terme [39](#page=39).
### 1.3 Les autres modes de contrôle organisationnel
Le contrôle de gestion est un dispositif de contrôle organisationnel parmi d'autres, visant à orienter les actions, comportements, savoirs, buts ou valeurs pour que les individus internalisent les objectifs organisationnels [40](#page=40).
#### 1.3.1 Types d'organisation et types de contrôle
Selon Etzioni, les organisations se différencient par la relation entre les individus et l'organisation [40](#page=40):
* **Organisations coercitives:** Buts individuels opposés à ceux de l'organisation; contrôle par la force, la menace [41](#page=41).
* **Organisations instrumentales:** Buts individuels divergents de ceux de l'organisation; contrôle par le calcul, l'intérêt, les incitations [41](#page=41).
* **Organisations normatives:** Buts individuels convergents avec ceux de l'organisation; contrôle par l'identification, la socialisation, l'idéologie [41](#page=41).
Le contrôle normatif, agissant sur les croyances et l'idéologie, est considéré comme le plus puissant car il peut mener à une forte adhésion [41](#page=41).
#### 1.3.2 Typologie des modes de contrôle (Ouchi et Merchant)
Ouchi et Merchant proposent trois modes de contrôle dans les entreprises et administrations :
1. **Contrôle par la bureaucratie:** Porte sur les actions et comportements, vise à assurer la réalisation des tâches souhaitées par l'organisation via des contraintes physiques, administratives, procédures ou supervision directe. Récompense la conformité aux règles. Bien adapté aux environnements stables mais moins aux environnements mouvants. Présent dans les organisations publiques et grandes entreprises (normes ISO, contrôle interne, audit) (#page=41, 42) [41](#page=41) [42](#page=42).
* **Audit et contrôle interne:** L'audit analyse et diagnostique, tandis que le contrôle interne concerne les procédures et principes du système comptable pour sauvegarder le patrimoine et assurer la fiabilité des informations [42](#page=42).
2. **Contrôle par les résultats:** Rend les acteurs responsables de leurs résultats, souvent par le marché. C'est l'archétype du contrôle de gestion, impliquant la définition et la mesure d'objectifs via des données comptables ou non comptables [42](#page=42).
3. **Contrôle par les normes:** Met l'accent sur la confiance dans le personnel et l'importance de former les identités, émotions, attitudes et croyances ("gagner les cœurs et les esprits"). Utilise des tactiques comme la maîtrise des conditions affectives, l'identité d'entreprise (valeurs, culture), et le contrôle par les pairs. Exemples: contrôle par le clan (mafia), standardisation des qualifications (médecins), culture et socialisation (expatriés) [43](#page=43).
**Tableau récapitulatif des modes de contrôle selon Ouchi:**
| Contrôle | Mécanisme | Forme | Exemples |
| :------------------- | :---------------------------------------------------------------- | :-------------------------------- | :------------------------------------------------- |
| Par la bureaucratie | Règles, surveillance | Contrôle des comportements | Supervision directe, procédures |
| Par les résultats | Objectifs, marché | Contrôle des résultats | Résultats, budgets |
| Par les normes | Engagement, surveillance des pairs, socialisation, qualifications | Contrôle cérémonial, symbolique | Formation, endoctrinement |
#### 1.3.3 Quel mode de contrôle pour quel contexte ?
Le choix du mode de contrôle dépend du contexte de l'entreprise et est influencé par deux éléments principaux selon Ouchi [43](#page=43):
* **Possibilité de mesurer les résultats:** Plus facile pour des fonctions orientées marché (vendeurs) que pour des activités de recherche [43](#page=43).
* **Connaissance du processus de transformation:** Capacité à expliciter les moyens pour atteindre une tâche. Une bonne connaissance permet des contrôles bureaucratiques ou par procédures; une connaissance imparfaite oriente vers le contrôle par les résultats. En cas de connaissance imparfaite du processus et d'impossibilité de mesurer les résultats, le contrôle par le clan, les qualifications ou les valeurs est privilégié [44](#page=44).
**Matrice : Connaissance du processus de transformation vs. Possibilité de mesurer les résultats**
| | **Possibilité de mesurer les résultats** | |
| :---------------------- | :--------------------------------------- | :------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- |
| | **Forte** | **Faible** |
| **Connaissance du processus de transformation** | **Parfaite** | Contrôle des comportements ou mesure du résultat (ex: manager, réalisateur, vendeur) | Contrôle du comportement par observation, règles (ex: ouvriers sur chaîne de montage) | [44](#page=44).
| | **Imparfaite** | Contrôle par les résultats (ex: manager, réalisateur, vendeur) | Contrôle par le clan, par la standardisation des qualifications ou par la culture (ex: mafia, laboratoire, enseignants) | [44](#page=44).
D'autres critères influencent le choix :
* **Coût de la mise en place d'un système de contrôle:** Doit être comparé à l'utilité du système [44](#page=44).
* **Niveau désiré d'innovation:** Un contrôle strict par procédures limite l'innovation, tandis qu'un contrôle par les résultats peut encourager l'expérimentation et l'adaptation (#page=44, 45) [44](#page=44) [45](#page=45).
Ces typologies montrent que le contrôle de gestion n'est pas toujours le mode le plus efficace et que d'autres types de contrôle sont envisageables [45](#page=45).
### 1.4 Les sources d'information du contrôle de gestion
La principale source d'information du contrôle de gestion est la comptabilité, tant financière que de gestion, permettant d'évaluer la performance d'une entité [45](#page=45).
#### 1.4.1 Comptabilité financière et contrôle de gestion
Historiquement, le contrôle de gestion repose sur la comptabilité financière ("financial control"). Cependant, il existe une distinction entre les deux disciplines [45](#page=45).
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# La gouvernance d'entreprise et ses implications
Voici une synthèse détaillée sur la gouvernance d'entreprise et ses implications, rédigée pour un examen :
## 2. La gouvernance d'entreprise et ses implications
La gouvernance d'entreprise concerne l'ensemble des mécanismes qui régissent le contrôle des dirigeants et influencent leurs décisions, dans le but d'assurer la pérennité et la performance de l'entreprise, en considérant de plus en plus les intérêts de toutes les parties prenantes .
### 2.1 La montée en puissance de la problématique de la gouvernance
Le contrôle des décisions des dirigeants n'est pas un sujet nouveau, mais il a pris une ampleur inédite en raison de trois facteurs principaux :
* La financiarisation de l'économie et le rôle croissant des investisseurs financiers.
* Les crises boursières et financières récentes.
* Les pratiques managériales inefficientes ou frauduleuses.
#### 2.1.1 La prise de pouvoir des actionnaires et la financiarisation de l'économie
Historiquement, après la crise de 1929, le capitalisme est devenu "managérial", les managers détenant le pouvoir face à des actionnaires dispersés. Ils privilégiaient la croissance du chiffre d'affaires et partageaient les gains de productivité avec les salariés, entraînant une baisse du taux de profit .
La "révolution conservatrice" des années 1980 a remis en cause ce compromis, favorisant une baisse de la fiscalité, l'affaiblissement des syndicats et la libéralisation des échanges. Simultanément, les marchés financiers se sont décloisonnés, déréglementés et désintermédiés, menant à la "financiarisation de l'économie" .
Les managers se sont alors rapprochés des actionnaires, notamment via les stock-options, transformant la gouvernance de "managériale" à "actionnariale", marquant l'ère du capitalisme financier. Ce modèle anglo-saxon, axé sur la rentabilité et la valeur actionnariale, a influencé les entreprises européennes, imposant des règles de transparence et de souci de l'intérêt des actionnaires, parfois au détriment d'une vision à long terme (modèle "boursier") .
#### 2.1.2 Les crises boursières et financières
Plusieurs événements ont ébranlé le modèle actionnarial :
* **La crise boursière de 2000**: causée par une bulle spéculative sur les entreprises de la "nouvelle économie" (NTIC, biotechnologies) malgré des résultats faibles .
* **La crise financière de 2007-2008**: plus grave et générale, elle a entraîné une diminution de l'activité économique mondiale et des effets prolongés sur le potentiel de croissance, les inégalités de revenus et l'accumulation de vulnérabilités financières dues à une période prolongée de taux d'intérêt bas. Ces crises ont soulevé des questions sur l'efficacité des marchés financiers et des mécanismes de gouvernance .
#### 2.1.3 Les pratiques frauduleuses et les faillites d'entreprises
Des scandales comme Enron, WorldCom, Vivendi, Société Générale, Ahold et Parmalat ont révélé les limites des systèmes de gouvernance, même dans le modèle de référence américain. Ces affaires ont mis en évidence :
* Des pratiques comptables frauduleuses (surévaluation des profits, opérations hors bilan).
* Des manipulations de l'information financière.
* Les failles des dispositifs de contrôle et de régulation, y compris le rôle des auditeurs et des analystes financiers .
Cela a conduit au renforcement de l'encadrement juridique, notamment avec le Sarbanes-Oxley Act (SOA) aux États-Unis en 2002 et la loi sur la sécurité financière en France en 2003. Des évolutions récentes, comme la loi PACTE en France et la directive européenne "Droits des actionnaires" témoignent de la nécessité d'adapter continuellement la réglementation .
### 2.2 Les approches théoriques de la gouvernance et de ses mécanismes
Les cadres théoriques expliquent les fondements des régulations en matière de gouvernance. L'objectif principal est de concevoir des systèmes de régulation du comportement des dirigeants pour préserver les intérêts des actionnaires .
#### 2.2.1 Les théories économiques et contractualistes de la gouvernance
Ces théories s'appuient sur les travaux de Coase, Williamson, Jensen et Meckling, et Furubotn et Pejovich, et s'articulent autour de trois concepts clés :
* **Théorie des droits de propriété**: S'intéresse à la manière dont la structure des droits de propriété influence l'efficacité économique. Une propriété privée exclusive et transférable est considérée comme plus efficace .
* **Hiérarchie des droits de propriété** (du plus efficace au moins efficace) : Propriété privée, propriété privée atténuée, propriété publique atténuée, propriété publique non atténuée, propriété communale [127-128](#page=127,#page=128).
* **Exemple**: L'entreprise publique est jugée moins efficace car les managers ne supportent pas les coûts de leurs choix, la communauté les supportant .
* **Théorie de l’agence** : Postule l'existence de conflits d'intérêts entre le principal (actionnaire) et l'agent (dirigeant), due à l'asymétrie d'information et à l'opportunisme potentiel de l'agent [128-129](#page=128,#page=129).
* **Problèmes**: Aléa moral (comportement différent de celui engagé) et anti-sélection (dissimulation d'informations avant le contrat) .
* **Objectif de la gouvernance** : Réduire les coûts de coopération et les pertes résiduelles, aligner les intérêts via des incitations et des mécanismes de surveillance (stock-options, conseil d'administration indépendant) [129-130](#page=129,#page=130).
* **Exemples**: Total et Axa illustrent la mise en œuvre de l'indépendance des administrateurs et le rôle de l'administrateur indépendant référent .
* **Théorie des coûts de transaction**: Explique l'existence de la firme par sa capacité à économiser des coûts de coordination liés à l'opportunisme et à la rationalité limitée des agents .
* **Hypothèses**: Opportunisme des agents et rationalité limitée .
* **Coûts de transaction**: *Ex ante* (recherche, négociation) et *ex post* (surveillance) .
* **Facteurs influençant les coûts**: Spécificité des actifs, incertitude des transactions, fréquence des relations contractuelles .
* **Choix de gouvernance**: Marché, hybride (réseau), ou hiérarchie (entreprise), en fonction des coûts de transaction .
Ces théories contractualistes proposent une approche "disciplinaire" de la gouvernance, visant à s'assurer que les dirigeants agissent dans l'intérêt des actionnaires .
#### 2.2.2 Les approches partenariales de la gouvernance
Ces approches critiquent la focalisation exclusive sur les actionnaires, arguant que l'entreprise appartient à un collectif de parties prenantes.
* **Limites du modèle contractuel/financier**: Ne prend pas en compte la répartition de la "rente organisationnelle" au-delà des détenteurs de capital, et peut avoir des conséquences morales et économiques négatives .
* **Vision partenariale**: La maximisation de la performance doit mesurer la "valeur partenariale" et organiser le partage de la rente entre toutes les parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, etc.) [133-134](#page=133,#page=134). Les apporteurs de ressources autres que les actionnaires sont aussi des créanciers résiduels .
* **Exemple**: Solvay illustre la création de valeur pour diverses parties prenantes (clients, investisseurs, fournisseurs, environnement, communautés locales) .
* **Théorie généralisée de l'agence**: Toutes les parties prenantes contraignent le dirigeant et sont prises en compte .
Les parties prenantes sont définies comme tout individu ou groupe qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels. On distingue les volontaires/involontaires et les internes/externes .
#### 2.2.3 Les approches cognitives de la gouvernance
Elles se concentrent sur la notion de "connaissance" plutôt que d'information, et sur la capacité de l'entreprise à créer de la valeur par l'innovation et l'apprentissage .
* **Vision cognitive** : La gouvernance doit favoriser l'émergence de nouvelles opportunités productives, développer les apprentissages organisationnels et susciter l'innovation [137-138](#page=137,#page=138).
* **Rôles cognitifs des mécanismes de gouvernance** :
* **Invention d'opportunités**: Fournir des conseils au dirigeant ou connecter l'entreprise à son environnement via les parties prenantes .
* **Alignement des schémas mentaux**: Permettre une meilleure coordination et convergence des interprétations et des actions .
* **Exemple**: Les plateformes de crowdfunding montrent une combinaison de rôle disciplinaire et cognitif, l'entrepreneur bénéficiant de conseils et de connexions stratégiques .
#### 2.2.4 Théories de la gouvernance et mécanismes de gouvernance
Les mécanismes de gouvernance peuvent être classés selon leur origine (interne/externe) et leur caractère (intentionnel/spontané) .
| Mécanismes | Spécifiques à la firme | Non spécifiques (environnement) |
| :-------------------------- | :----------------------------------------------------- | :----------------------------------------------- |
| **Intentionnels** | Systèmes formels d’incitation et de contrôle, Rémunération des dirigeants (stock-options), Conseil d'administration | Environnement légal et réglementaire (auditeurs) |
| **Spontanés** | Contrôle par la hiérarchie, Surveillance mutuelle | Marché des dirigeants, Marché financier, Marché des prises de contrôle, Marché des biens et services |
* **Stock-options**: Incitent le dirigeant à agir dans l'intérêt des actionnaires mais peuvent induire une focalisation sur le court terme et des présentations trompeuses .
* **Conseil d'administration**: Peut prendre différentes formes (moniste, dual). Son rôle est crucial dans le contrôle et la stratégie .
* **Marchés financiers et de prise de contrôle**: Jouent un rôle disciplinaire sur les dirigeants .
* **Marché du travail des dirigeants**: La menace d'éviction peut inciter à l'autocontrôle .
| Modèles de gouvernance | Aspects privilégiés dans la création de valeur | Définition du système de gouvernance | Mécanismes de gouvernance | Objectif de gestion |
| :--------------------- | :--------------------------------------------- | :--------------------------------------------------------------- | :-------------------------------------------------------------- | :------------------------- |
| **Contractuel actionnarial** | Discipline et répartition | Sécuriser l'investissement financier | Vision étroite, axée sur la discipline | Maximisation valeur actionnariale |
| **Partenarial** | Discipline et répartition | Pérenniser le nœud de contrats, optimiser latitude managériale | Vision large, axée sur la discipline | Maximisation valeur partenariale |
| **Cognitif** | Aspect productif, créer opportunités | Favoriser apprentissage et innovation, aligner schémas mentaux | Vision axée sur l'influence des mécanismes (innovation, apprentissage) | Recherche valeur pour l'entreprise |
### 2.3 Les modèles nationaux de gouvernance et leurs évolutions
Bien qu'il y ait une tendance à la convergence vers le modèle anglo-saxon actionnarial, des différences subsistent .
#### 2.3.1 La diversité des modèles de gouvernance
* **Modèle actionnarial (anglo-saxon)** : Privilégie l'intérêt des actionnaires, régulé par les marchés financiers. Prédominant aux États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas [142-143](#page=142,#page=143).
* **Modèle partenarial (continentale/rhénan)** : Intègre les parties prenantes, notamment les salariés. Caractérisé par le rôle des banques et la cogestion ("Mitbestimmung") en Allemagne. Le Japon partage des caractéristiques similaires mais évolue [143-144](#page=143,#page=144).
* **Autres systèmes** :
* **Réticulaire**: Influencé par les réseaux interpersonnels et familiaux (Italie, Espagne) .
* **Administré**: Régulé par l'État (France, historiquement) .
* **Européen continental**: Intègre les différentes parties prenantes .
* **Asiatique**: Normes légales et importance des parties prenantes (banque principale, participations croisées) .
* **Familial** : Fortement présent, centré sur la famille, avec des enjeux de succession et de transmission [148-149](#page=148,#page=149).
Les études suggèrent une supériorité des entreprises anglo-saxonnes en gouvernance, mais cela est débattu .
#### 2.3.2 Les évolutions récentes de la réglementation en termes de gouvernance
Les crises ont remis en cause le modèle actionnarial, soulignant les défaillances des conseils d'administration et des mécanismes d'appui .
* **Réformes aux États-Unis** : Le Sarbanes-Oxley Act (SOA) a renforcé la responsabilité des dirigeants, la transparence de l'information et l'indépendance des auditeurs [151-152](#page=151,#page=152). Des réflexions portent sur le dépôt de résolutions par les actionnaires et le rôle des agences de conseil en vote [152-153](#page=152,#page=153).
* **Réformes en France et dans l'Union Européenne** :
* Loi sur la sécurité financière et loi NRE renforcent la transparence et la participation des salariés .
* Loi PACTE consacre l'"intérêt social" et la "raison d'être" des entreprises, et renforce la place des salariés dans les conseils [154, 172-173](#page=154,#page=172,#page=173) .
* Directive européenne "Droits des actionnaires" vise à harmoniser les pratiques .
* **Principes de gouvernement d'entreprise du G20 et de l'OCDE** : Cadre d'évaluation et d'amélioration de la gouvernance, mettant l'accent sur les droits des actionnaires et le rôle des autres parties prenantes [155-156](#page=155,#page=156).
* **Recommandations sur la gouvernance en France** : L'AMF publie des rapports annuels. Les modèles de gouvernance (moniste, dissocié, dual) sont examinés [156-157](#page=156,#page=157). Le rôle du conseil d'administration, son fonctionnement, la composition des comités (audit, rémunérations, nominations) sont détaillés [157-159](#page=157,#page=159).
#### 2.3.3 La gouvernance des entreprises publiques
Les entreprises publiques soulèvent des questions spécifiques, sans définition juridique claire. Elles peuvent être des EPIC, des sociétés d'économie mixte ou des sociétés privées à capital public [161-162](#page=161,#page=162).
* **Difficultés de l'État actionnaire**: Souvent critiqué pour sa performance, son manque de dialogue stratégique et son rôle d'administrateur tatillon. L'Agence des Participations de l'État (APE) a été créée pour organiser la gouvernance .
* **Efficacité de l'État actionnaire** : Le débat porte sur la professionnalisation des acteurs, la composition des conseils d'administration et la place des représentants des salariés [163-164](#page=163,#page=164).
### 2.4 Les nouveaux enjeux de la gouvernance d’entreprise
#### 2.4.1 Les préoccupations de la gouvernance
La dimension éthique de la gouvernance intègre des préoccupations morales, d'équité et sociétales .
* **Développement durable**: Répond aux besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures, reposant sur trois piliers: économique, social et environnemental .
* **RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises)**: Les entreprises ont un rôle social dépassant le profit, prenant en compte leurs impacts sur l'environnement humain, social, politique et écologique .
* **Origines** : Aux États-Unis, tradition de philanthropie corporative et de "stewardship"/"trusteeship" [166-167](#page=166,#page=167).
* **Marchés de la vertu**: Promotion de la RSE par de nouveaux acteurs cherchant à concilier profit et objectifs sociaux/environnementaux .
* **Marchandisation du social vs. socialisation des marchés** : La RSE peut être vue comme une marchandisation du social ou une intégration des externalités négatives par le capitalisme [168-169](#page=168,#page=169).
#### 2.4.2 Gouvernance et RSE
* **Finance durable**: La Commission européenne vise à combattre le court-termisme des marchés et à renforcer une gouvernance durable .
* **Évolutions des rapports patronaux**: Les codes de gouvernance intègrent les enjeux environnementaux, sociaux, la prise en compte des parties prenantes et la diversité au sein des organes de direction .
* **Évolutions légales en France**: Les lois NRE, Grenelle I et II, et la loi sur la transition énergétique renforcent les obligations de reporting extrafinancier [170-171](#page=170,#page=171). La loi PACTE introduit l'intérêt social et la "raison d'être" .
* **Outils de mise en place**: Norme ISO 26000 (cadre volontaire pour la responsabilité sociétale) et notation extrafinancière par des agences indépendantes .
* **Exemple**: Léa Nature utilise la norme ISO 26000 pour sa démarche RSE .
#### 2.4.3 La gouvernance à l'heure de la digitalisation
La digitalisation et les algorithmes transforment la gouvernance, notamment en matière d'information et de connaissance .
* **Big data et algorithmes**: Réfondent la question de l'asymétrie d'information et de la surveillance des agents (ex: Uber). Les algorithmes permettent de prédire et guider l'action, voire de décider de manière quasi autonome .
* **Plateformes** : Les plateformes collaboratives (Uber, Airbnb) posent des questions de gouvernance sur la confidentialité des données, la transparence des algorithmes et le rôle du régulateur [177-178](#page=177,#page=178).
* **Blockchain**: Propose une approche nouvelle des contrats et de la relation d'agence, avec des "smart contracts" garantissant transparence et sécurité, potentiellement une nouvelle forme de gouvernance décentralisée .
### 2.5 Gouvernance, comptabilité, audit et contrôle
L'information comptable et le contrôle sont centraux pour la gouvernance .
#### 2.5.1 Gouvernance et politiques comptables
* **Comptabilité comme outil et reflet de la gouvernance actionnariale**: Les normes IFRS privilégient l'investisseur actionnaire, considérant la comptabilité comme un outil clé de la gouvernance actionnariale .
* **Mise en œuvre des politiques comptables**: Peut aller de l'habillage légal ("comptabilité créative") à la fraude caractérisée .
* **Maquillage des comptes**: Exploitation des options et interprétations des normes comptables .
* **Choix des méthodes comptables**: Utilisation d'alternatives dans le respect du principe de permanence .
* **"Gestion" des résultats**: Lissage des résultats via les provisions, amortissements, etc. .
* **Fraudes**: Comptabilisation de revenus fictifs, anticiper des charges futures, etc. .
* **Exemple**: Le cas Enron illustre la manipulation comptable via des entités hors bilan (SPE) pour masquer la réalité financière. Les normes IFRS et la "juste valeur" peuvent aussi contribuer à la procyclicité et masquer les risques .
#### 2.5.2 Gouvernance et processus d’audit des comptes
* **Importance de l'audit pour la gouvernance actionnariale**: Les exigences de communication financière peuvent inciter à la créativité comptable. La périodicité des publications (trimestrielle) pousse à présenter des résultats positifs .
* **Qualité de l'audit**: Requiert compétence et indépendance, mais ces deux qualités sont difficiles à concilier. Les systèmes de gouvernance, via le comité d'audit, jouent un rôle dans le contrôle de l'indépendance et de la qualité des auditeurs externes .
#### 2.5.3 Gouvernance et contrôle
Le contrôle de gestion est intrinsèquement lié à la gouvernance, basé sur la théorie de l'agence. Dans un système hiérarchisé, chaque délégation de responsabilité implique une asymétrie d'information et un risque d'opportunisme, nécessitant des systèmes de contrôle. La gouvernance actionnariale privilégie les mécanismes externes (audit, marchés), mais ceux-ci montrent leurs limites face aux scandales récents. Les systèmes de contrôle doivent être efficaces et alignés sur l'intérêt des différentes parties prenantes .
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# Les méthodes de calcul des coûts et leur application
Ce chapitre présente les différentes méthodes de calcul des coûts, en distinguant les coûts complets et les coûts partiels, et analyse leur application dans le cadre de la prise de décision [61](#page=61).
### 3.1 Les coûts complets
Le calcul du coût complet vise à déterminer le coût total d'un objet de coût en incluant toutes les charges incorporables, qu'elles soient directes ou indirectes [62](#page=62).
#### 3.1.1 Définition du coût complet
Un calcul de coût est dit complet lorsqu'il intègre l'ensemble des charges considérées comme incorporables (variables, fixes, directes ou indirectes) pour les affecter à des objets de coûts. Un objet de coût peut être un produit, un service, un client, une ligne de produit, une fonction ou une activité. L'objectif est de valoriser l'ensemble des ressources consommées par cet objet [62](#page=62).
La formule générale du coût complet est :
$$ \text{Coût complet} = \sum \text{des charges directes} + \text{quote-part des charges indirectes} $$
Les charges indirectes sont celles qui ne peuvent être affectées sans ambiguïté à un objet de coût donné [62](#page=62).
#### 3.1.2 La méthode des sections homogènes (ou centres d'analyse)
Théorisée en 1929 par Émile Rimailho, cette méthode de coût complet est devenue un concept central en droit comptable et fiscal, notamment pour l'évaluation des stocks. Elle est aussi appelée méthode des centres d'analyse [62](#page=62).
##### 3.1.2.1 Mise en œuvre de la méthode des sections homogènes
La mise en œuvre se déroule en sept étapes [63](#page=63):
1. **Classement des charges en directes et indirectes:** On exclut les charges non incorporables (exceptionnelles, dérogatoires) et on ajoute les charges supplétives (rémunération du travail d'exploitation, des capitaux propres). Le total est ensuite classé en charges directes (affectables sans ambiguïté) et indirectes [63](#page=63).
2. **Affectation des charges directes aux produits:** Ces charges concernent souvent les matières premières et la main-d'œuvre directe [63](#page=63).
3. **Affectation des charges indirectes aux sections homogènes (centres d'analyse):** C'est la répartition primaire. Un centre d'analyse regroupe des activités homogènes technologiquement distinctes. Les centres peuvent être principaux (opérationnels) ou secondaires (auxiliaires). Les coûts du centre sont homogènes s'ils forment un ensemble stable et solidaire, où les tâches élémentaires sont toutes effectuées et exécutées de manière stable, indépendamment du produit. Les principes clés sont: exhaustivité, mutuelle exclusion des centres, et possibilité d'attribuer des charges à chaque centre [63](#page=63).
4. **Répartition des centres auxiliaires dans les centres principaux (répartition secondaire):** Les coûts des centres secondaires sont refacturés aux centres principaux selon leur consommation [63](#page=63).
5. **Calcul du coût des unités d'œuvre (UO):** L'UO mesure l'activité d'un centre et doit être représentative du travail effectué et des variations d'activité. Elle permet les transferts de coûts des centres vers les produits. Le coût de l'UO est obtenu en divisant les totaux de la répartition secondaire par le nombre d'UO. Un tableau de répartition des charges indirectes est utilisé pour les étapes 3 à 5 [64](#page=64).
6. **Affectation des charges indirectes aux objets de coût:** Ceci est réalisé via les unités d'œuvre consommées par chaque produit [65](#page=65).
7. **Calcul du coût complet et du résultat analytique par produit:** Un tableau récapitule les coûts directs, indirects, le coût complet, le chiffre d'affaires et le résultat analytique pour chaque produit [65](#page=65).
##### 3.1.2.2 Conditions de validité de la méthode
La qualité du calcul dépend du choix des sections (centres d'analyse) et des unités d'œuvre [66](#page=66).
* **Découpage en centres d'analyse:** Un centre d'analyse regroupe des activités technologiquement homogènes. L'homogénéité des coûts est cruciale: chaque produit doit consommer les tâches dans les mêmes proportions. Un compromis est nécessaire entre la multiplication des centres (pour l'homogénéité) et le coût de traitement de l'information [67](#page=67) [68](#page=68).
* **Choix des unités d'œuvre:** L'UO doit permettre une répartition pertinente des charges indirectes. Une bonne UO montre une corrélation satisfaisante avec le coût du centre, indiquant une évolution proportionnelle sur le long terme. Des choix mal faits peuvent mener à des résultats très différents et induire des erreurs d'analyse [68](#page=68).
> **Tip:** L'entreprise doit veiller à ce que le nombre d'unités d'œuvre et les coûts du centre d'analyse évoluent de manière proportionnelle pour garantir la pertinence de l'UO choisie [68](#page=68).
#### 3.1.3 L'imputation rationnelle et la mesure de la sous-activité
Cette méthode vise à corriger l'effet des variations d'activité sur les calculs de coûts, notamment en ce qui concerne les charges fixes [70](#page=70).
* **Principe:** L'imputation rationnelle cherche à imputer aux produits la partie des charges fixes réellement consommée par l'activité [70](#page=70).
* **Calcul des charges fixes imputées :**
$$ \text{Charges fixes imputées} = \text{charges fixes} \times \frac{\text{Activité réelle}}{\text{Activité normale}} $$
* **Suractivité et sous-activité :**
* Si les charges fixes imputées sont supérieures aux charges fixes constatées (suractivité), la différence constitue un **bonus de suractivité** [71](#page=71).
* Si les charges fixes imputées sont inférieures aux charges fixes constatées (sous-activité), la différence constitue un **malus de sous-activité** [71](#page=71).
* **Impact:** Le calcul du coût des produits n'est pas affecté par le niveau d'activité. Cependant, le compte de résultat global doit faire apparaître le coût de sous-activité (charge) ou le bonus de suractivité (produit). L'activité normale ne correspond pas nécessairement à la capacité totale de production [71](#page=71).
#### 3.1.4 La méthode ABC (Activity Based Costing)
Proposée dans les années 1980, cette méthode vise à pallier les insuffisances des méthodes traditionnelles face à un environnement économique en évolution rapide (cycles de vie courts, produits différenciés, mondialisation, automatisation). Elle propose une vision plus fine des coûts par l'analyse des activités et de leurs inducteurs [71](#page=71).
* **Arguments à son origine:** La réduction de la part de la main-d'œuvre directe et l'augmentation des charges indirectes rendent les méthodes classiques d'imputation des frais généraux (souvent basées sur l'heure de main-d'œuvre) moins pertinentes. L'imputation arbitraire des charges indirectes peut conduire à des coûts non pertinents pour la prise de décision [72](#page=72).
* **Principes de la méthode ABC :**
1. **Identification des « activités »:** Analyse des tâches élémentaires au sein des services pour définir des activités distinctes (ex: réglage d'une presse vs impression) [72](#page=72).
2. **Notion d’« inducteur de coût » (cost driver):** Il s'agit de la variable qui explique la consommation d'une activité par un produit ou service. L'inducteur permet d'établir une relation causale entre une activité et son coût. Par exemple, le coût de réglage d'une presse est imputé par le nombre de commandes, tandis que le coût d'impression est imputé par les heures-machine. L'inducteur met l'accent sur la causalité, contrairement à l'unité d'œuvre traditionnelle qui est un moyen de répartition [72](#page=72).
3. **Regroupement des activités relevant d’un même inducteur:** Les coûts des produits sont déterminés par la consommation d'activités, qui à leur tour consomment des ressources [73](#page=73).
$$ \text{Produits} \rightarrow \text{Activités} \rightarrow \text{Ressources} $$
> **Tip:** La méthode ABC vise à mieux comprendre comment les produits consomment les activités, qui elles-mêmes consomment des ressources, afin d'obtenir une imputation des coûts plus précise [73](#page=73).
* **Appréciation de la méthode ABC :**
* **Révolution ou retour aux sources?** Techniquement, elle ne diffère pas fondamentalement des méthodes traditionnelles de coût complet si celles-ci sont appliquées intelligemment. Elle est vue comme un retour aux sources de la section homogène, avec un vocabulaire et une perspective axés sur les activités et les inducteurs de coûts [77](#page=77).
* **Utilisation stratégique:** Sa vertu pédagogique est de mieux analyser les liens de causalité, de modéliser les coûts, d'évaluer l'impact des décisions et de mieux prendre en compte les facteurs clés de succès stratégiques. Elle est particulièrement pertinente pour les stratégies de différenciation (moins de standardisation, séries plus courtes). Elle favorise la coordination transversale des processus [77](#page=77).
* **Limites:** Elle peut dissocier le contrôle des coûts du découpage hiérarchique et fonctionnel en centres de responsabilité, ce qui peut réduire les possibilités de contrôle budgétaire. Il faut éviter une complexité excessive ("usine à gaz") et privilégier la simplicité et la compréhension par les acteurs [77](#page=77).
| Caractéristique | Méthode des centres d'analyse | Méthode ABC |
| :----------------------- | :-------------------------------------- | :-------------------------------------- |
| **Découpage** | Centre d'analyse (vision hiérarchique) | Activité (vision processuelle) |
| **Répartition** | Unité d'œuvre (modélise le coût) | Inducteur d'activité (déclenche l'activité) |
| **Pratique de l'UO/Inducteur** | Heure de MO (souvent) | Heure de MO, commande, livraison, lot... |
| **Conditions de bon fonctionnement** | Homogénéité des centres, bon choix d'UO | Respect du principe d'homogénéité des activités, bon choix d'inducteur |
#### 3.1.5 Les méthodes historiques basées sur les équivalents de production
Ces méthodes visent à simplifier le calcul des coûts complets, notamment dans les industries où la modélisation de l'organisation et les calculs sont complexes et chronophages [78](#page=78).
##### 3.1.5.1 La méthode des équivalents de production
Elle calcule le coût des produits à partir d'un produit de référence appelé "produit équivalent" [79](#page=79).
* **Principe :** La production totale est mesurée en volume d'équivalents d'un produit de référence.
* **Application:** Les charges indirectes sont réparties en fonction du nombre d'équivalents de production, permettant d'évaluer rapidement l'impact des variations de charges et de volumes [80](#page=80).
##### 3.1.5.2 La méthode GP (Georges Perrin)
Elle affine la méthode des équivalents de production en considérant que les équivalents de production diffèrent selon les postes de production. Chaque poste a un "indice" et un produit de base est défini avec un indice de base [80](#page=80).
* **Démarche :**
1. Définition d'un produit de base et calcul de son indice.
2. Recueil des coûts des postes d'activité et calcul des indices des postes.
3. Calcul des constantes GP des postes (rapport indice poste / indice produit de base).
4. Calcul des équivalents GP des produits (somme des constantes GP des postes consommés par produit).
5. Mesure de la production en unités GP (quantité produite x équivalent GP par produit).
6. Calcul du coût de revient des produits [81](#page=81) [82](#page=82).
> **Tip:** La méthode GP permet d'échapper aux effets pervers des dérapages monétaires en utilisant des mesures physiques, et est utile pour l'établissement de devis et la comparaison prévisions/réalisations [83](#page=83).
Elle repose sur trois hypothèses: constance du volume des charges, du niveau d'activité, et du rapport des coûts entre postes [83](#page=83).
##### 3.1.5.3 La méthode UVA (Unités de Valeur Ajoutée)
Elle généralise l'analyse des consommations à l'ensemble des activités de l'entreprise (processus commerciaux, administratifs, techniques, logistiques, de fabrication) et la notion d'effort de production à l'effort de création de valeur ajoutée [83](#page=83) [84](#page=84).
* **Définition:** Dans une entreprise industrielle, l'UVA correspond à la consommation des ressources nécessaires à la fabrication d'un article représentatif. Dans une entreprise de services, elle correspond à la consommation des ressources pour un processus représentatif [84](#page=84).
* **Application:** Elle permet de déterminer le résultat pour chaque vente et d'éliminer les ventes déficitaires [86](#page=86).
* **Limites:** Elle nécessite une stabilité des rapports de proportion des consommations de ressources, a eu peu d'applications pratiques comparées à d'autres méthodes, et est moins adaptée aux innovations de processus rapides [86](#page=86).
### 3.2 Les méthodes de calcul des coûts partiels
Ces méthodes distinguent les charges fixes et variables. Un coût variable varie proportionnellement à l'activité, tandis qu'un coût fixe reste constant dans un certain horizon de temps. Elles sont utiles pour les prévisions et les calculs de seuil de rentabilité [87](#page=87).
#### 3.2.1 Direct costing et direct costing évolué
* **Direct costing (coût variable):** Les charges fixes ne sont pas imputées aux coûts des produits. L'objectif est de permettre aux responsables d'être jugés sur leurs performances, car ils maîtrisent davantage les coûts variables [87](#page=87).
Le compte de résultat se présente comme suit :
| Produit A | Produit B | Produit C |
| :-------------- | :-------------- | :-------------- |
| Chiffre d'affaires (CA) | CA (A) | CA (B) | CA (C) |
| Coûts variables (CV) | - CV (A) | - CV (B) | - CV (C) |
| **Marge sur coût variable (MCV)** | MCV (A) | MCV (B) | MCV (C) |
| **Somme des MCV** | **MCV totale** | | |
| Charges fixes totales | - Charges fixes totales | | |
| **Résultat** | **Résultat** | | |
* **Direct costing évolué (coûts spécifiques):** Il évalue plus finement les marges par produit en segmentant les charges fixes en directes (spécifiques) et indirectes (communes) [87](#page=87).
Le compte de résultat se présente comme suit :
| Produit A | Produit B | Produit C |
| :-------------- | :-------------- | :-------------- |
| Chiffre d'affaires (CA) | CA (A) | CA (B) | CA (C) |
| Coûts variables (CV) | - CV (A) | - CV (B) | - CV (C) |
| **Marge sur coût variable** | MCV (A) | MCV (B) | MCV (C) |
| Charges fixes directes (CFS) | - CFS (A) | - CFS (B) | - CFS (C) |
| **Marge sur coût spécifique (MCS)** | MCS (A) | MCS (B) | MCS (C) |
| **Somme des marges sur coût spécifique** | **MCS totale** | | |
| Charges fixes indirectes totales | - Charges fixes indirectes totales | | |
| **Résultat** | **Résultat** | | |
Cette méthode facilite les décisions d'abandon ou de maintien d'une activité. Les deux méthodes évitent la répartition arbitraire des charges indirectes mais ne donnent qu'une image partielle du coût d'un produit [88](#page=88).
#### 3.2.2 Analyse coûts-volumes-profits : le calcul du seuil de rentabilité
Le seuil de rentabilité (SR) est le niveau de ventes où le résultat est nul [88](#page=88).
* **Formules clés :**
* Coût total ($CT$): $CT = \text{CV\_unitaire} \times Q + CF$ [88](#page=88).
* Résultat ($R$): $R = (\text{Prix de vente\_unitaire} \times Q) - CT = Q \times (\text{PV\_unitaire} - \text{CV\_unitaire}) - CF$ [88](#page=88).
* Marge sur coût variable ($MCV$): $MCV = CA - CV$ [88](#page=88).
* **Point mort en quantité ($Q^*$) :** Atteint lorsque $MCV = CF$.
$$ Q^* = \frac{CF}{MCV(\text{unitaire})} $$
* **Point mort en chiffre d'affaires ($CA^*$) :**
$$ CA^* = \frac{CF}{\text{Taux de MCV}} \quad \text{où Taux de MCV} = \frac{MCV}{CA} $$
> **Tip :** Le seuil de rentabilité indique le niveau d'activité minimum nécessaire pour couvrir l'ensemble des coûts.
#### 3.2.3 Analyse du risque via la marge sur coût variable
Plusieurs critères permettent d'analyser le risque d'exploitation d'une entreprise :
* **Seuil de rentabilité en jours:** Plus il est tardif dans l'année, plus le risque est important. Une faible baisse d'activité peut entraîner une situation déficitaire [90](#page=90).
$$ \text{Point mort (jours)} = 360 \times \frac{SR \text{ en } €}{CA \text{ en } €} \quad \text{ou} \quad 360 \times \frac{SR \text{ en } Q}{Ventes \text{ en } Q} $$
* **Taux de marge de sécurité (TxMS):** Il mesure la diminution possible du CA que l'entreprise peut supporter tout en restant bénéficiaire. Un taux élevé indique un faible risque [90](#page=90).
$$ \text{TxMS} = \frac{CA - SR}{CA} \quad \text{ou} \quad \frac{Ventes (Q) - SR (Q)}{Ventes (Q)} $$
* **Levier opérationnel (LO):** Il mesure l'élasticité du résultat par rapport au CA. Un LO élevé signifie qu'une faible variation du CA entraîne une forte variation du résultat. Le LO est d'autant plus élevé que les charges fixes sont importantes [91](#page=91).
$$ LO = \frac{MCV}{Résultat} \quad \text{ou} \quad LO = \frac{1}{\text{TxMS}} \quad \text{ou} \quad LO = \frac{\Delta R / R}{\Delta CA / CA} $$
> **Tip:** Le seuil de rentabilité en quantité n'est pas suffisant pour évaluer le risque car il ne prend pas en compte les différences de structures de coûts et de chiffre d'affaires entre les projets. Les autres critères (SR en jours, TxMS, LO) sont plus pertinents pour comparer le risque entre projets [92](#page=92).
#### 3.2.4 Choix d'activité à court terme
Lorsque les ventes prévisionnelles excèdent les capacités de production et que celles-ci ne peuvent être modifiées à court terme, il faut choisir les produits à privilégier pour maximiser le résultat.
* **Principe :** Optimiser l'utilisation du facteur rare (la seule contrainte qui limite la production).
* **Démarche :**
1. Identifier le facteur rare.
2. Maximiser la marge sur coût variable par unité de facteur rare pour chaque produit. Les produits générant la marge la plus élevée par unité de facteur rare doivent être produits en priorité [93](#page=93).
### 3.3 Calcul du coût des produits et prise de décision
Les différentes méthodes de calcul de coûts permettent de prendre des décisions de nature différente [94](#page=94).
* **Coût complet:** Essentiel pour les décisions à **long terme** (lancement/retrait de production, fixation du prix de vente si le marché est offreur). Il intègre les coûts de capacité, les coûts variables, directs et indirects [94](#page=94).
* **Prudence lors de l'arrêt d'un produit:** Supprimer un produit dont le résultat en coût complet est négatif peut entraîner une détérioration du résultat global de l'entreprise. Les charges indirectes imputées à ce produit ne disparaissent pas nécessairement; elles sont souvent réparties sur les autres produits, diminuant ainsi leur marge et le résultat global. Il est crucial de ne pas supprimer un produit dont la marge sur coûts complets est négative sans analyser l'impact sur les autres produits et les charges fixes qui ne disparaissent pas forcément [95](#page=95).
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# Le pouvoir dans les organisations et les configurations
Ce chapitre analyse l'exercice du pouvoir au sein des organisations, identifie les détenteurs potentiels de ce pouvoir, détaille les mécanismes utilisés selon Mintzberg, et explore les différentes configurations organisationnelles qui en résultent.
### 2.1 L'exercice du pouvoir
Le pouvoir est défini comme un rapport de force où une partie peut obtenir plus que l'autre, impliquant le contrôle et la capacité à définir ses propres finalités et à influencer celles des autres. Comprendre la configuration de pouvoir est essentiel pour analyser le fonctionnement et l'efficacité des systèmes de prise de décision et de contrôle d'une entreprise .
#### 2.1.1 Les détenteurs potentiels de pouvoir
Pour exercer une influence, un acteur doit se trouver dans l'une des trois situations suivantes: exercer une prérogative légale, contrôler l'accès à une ressource nécessaire, ou jouir d'une situation de proximité ou de connivence avec un décideur .
##### 2.1.1.1 L'exercice d'une prérogative légale
Cela fonde le pouvoir "théorique", souvent lié au droit de propriété, aux statuts de l'entreprise ou à la loi. Dans une petite entreprise, le propriétaire prend la plupart des décisions. Dans les grandes entreprises, ce pouvoir est exercé par les actionnaires lors des assemblées. Pour les entreprises publiques, l'État détient ce pouvoir par l'intermédiaire du ministère de tutelle. Cependant, le droit du travail confère également du pouvoir aux salariés, par exemple, en organisant les conditions de licenciement et en donnant des prérogatives aux délégués syndicaux .
##### 2.1.1.2 Le contrôle d'une ressource
Le contrôle d'une ressource indispensable permet de créer un monopole, de se rendre indispensable, ou d'exercer un chantage. Exemples: un fournisseur de matière première rare, un banquier, un spécialiste détenant une connaissance unique, ou les salariés détenant la force de travail par la menace de grève. Les détenteurs de prérogatives légales doivent souvent composer avec d'autres détenteurs de pouvoir pour contrôler la situation .
##### 2.1.1.3 Un "effet de proximité"
Cela permet d'exercer une influence sur un décideur par le biais de confidents, de conseillers, ou de proches. Les médias, le lobbying, et les réseaux d'associations (comme les associations d'anciens élèves) peuvent également exercer une influence significative. Dans le contrôle de gestion, une proximité familiale, politique ou autre entre le contrôlé et le contrôleur peut rendre le système de contrôle inefficace .
#### 2.1.2 L'exercice effectif du pouvoir
Pour qu'un détenteur potentiel de pouvoir l'exerce effectivement, il faut qu'il le veuille et qu'il le puisse .
* **Renonciation au pouvoir:** Un détenteur de pouvoir peut choisir de ne pas l'exercer (ex.: un électeur abstentionniste, un créancier négligent) .
* **Les attitudes face à une situation:** Selon Hirschman (Exit, Voice and Loyalty), un individu peut choisir la soumission ("loyauté"), la fuite ("exit"), ou la contestation ("voice") pour modifier la situation .
Il faut également posséder l'habileté nécessaire pour exercer ce pouvoir. L'habilité politicienne, la ruse, ou le chantage peuvent permettre à certains individus d'accéder au pouvoir, même par des moyens illégaux, illustrant l'"effet Arturo Ui" .
#### 2.1.3 Le pouvoir à l'intérieur d'une organisation (Mintzberg)
Henry Mintzberg a proposé de classer les acteurs internes d'une organisation en cinq catégories :
##### 2.1.3.1 Le "sommet stratégique"
Il est composé de la direction générale et de son état-major. Sa responsabilité est la stratégie, le développement et la pérennité à long terme .
##### 2.1.3.2 Les "opérateurs"
Ce sont les personnes qui exécutent les tâches opérationnelles directement liées à l'objet social de l'entreprise (ouvriers, caissières, téléconseillers). Cela peut inclure des professions très qualifiées comme les chirurgiens ou les professeurs .
##### 2.1.3.3 Les "cadres de la ligne hiérarchique"
Ils détiennent un pouvoir de commandement délégué par la direction générale sur leurs subordonnés, suivant un modèle militaire. L'organigramme détaille cette ligne (directeur commercial, chefs de rayon, contremaîtres) .
##### 2.1.3.4 Les "analystes de la technostructure"
Ces spécialistes définissent et normalisent les tâches à effectuer, ainsi que leur contrôle, sans exercer d'autorité hiérarchique directe. Exemples: ingénieurs du bureau des méthodes, contrôleurs de gestion .
##### 2.1.3.5 Les "fonctionnels de support logistique"
Ils fournissent des services auxiliaires aux composantes opérationnelles (entretien, maintenance, contentieux, informatique). Ils peuvent être mis en concurrence avec des entreprises extérieures (externalisation) .
Le diagramme suivant illustre ces cinq composantes :
```mermaid
graph TD
A[Sommet stratégique -- influence --> B(Ligne hiérarchique)
B -- influence --> C(Centre opérationnel)
D[Techno-structure -- influence --> C
E[Support logistique -- influence --> C
```
#### 2.1.4 Les mécanismes du pouvoir
Ces mécanismes permettent à chaque catégorie de jouir de prérogatives et d'exercer un contrôle :
* **Autorité légale:** Le pouvoir attaché légalement à une fonction, exercé par le sommet stratégique et la ligne hiérarchique .
* **Contrôle bureaucratique:** Les agents sont régis par des procédures et règlements, échappant en partie à l'arbitraire hiérarchique. La technostructure détient un pouvoir sur ce système en normalisant les tâches .
* **Idéologie:** Une culture interne forte, basée sur des valeurs, traditions, croyances et mythes, s'impose comme un dogme .
* **Compétences spécialisées:** Les savoir-faire spécifiques confèrent un pouvoir aux professionnels (ex.: corps médical, informaticiens de haut niveau) difficilement contrôlable par la hiérarchie .
* **Jeux politiques:** Manœuvres clandestines (alliances, chantages, complots) qui transforment l'organisation en une "jungle" ou "arène politique". Ce fonctionnement peut propulser les éléments les plus dynamiques. Ces mécanismes peuvent être canalisés par des cadres "démocratiques" .
##### 2.1.4.1 Les coalitions internes
La manière dont se présentent les relations de pouvoir internes peut être synthétisée par la notion de "coalition interne", qualifiée selon la source de pouvoir dominante :
* **Personnalisée:** Tous les pouvoirs concentrés dans les mains d'un seul individu (ex.: petit patron fondateur) .
* **Bureaucratique:** Les agents ont peu de pouvoir individuellement, mais collectivement face aux agents externes. Le règlement ordonne. Observé dans les administrations, entreprises publiques monopolistiques, ou grandes entreprises privées où la taille est déterminante et la concurrence faible .
* **Idéologique:** Le respect des valeurs dicte les conduites, avec une dimension militante et missionnaire (ex.: sectes, certaines coopératives, entreprises d'insertion) .
* **Professionnelle:** Le pouvoir est exercé individuellement et collectivement par des professionnels disposant de compétences particulières, régulé par la déontologie .
#### 2.1.5 Le pouvoir à l'extérieur de l'organisation
Les agents externes sont ceux non impliqués quotidiennement dans le fonctionnement de l'organisation .
* **Actionnaires:** Sont considérés comme agents externes s'ils ne sont pas impliqués dans la gestion .
* **Tiers contractants:** Clients, État, groupes de pression (associations écologiques, de consommateurs), opinion publique .
* **Coalition externe:** Peut être dominée (un agent externe impose sa volonté), divisée (aucun agent externe ne peut imposer sa volonté, entraînant des luttes), ou passive (détenteurs théoriques du pouvoir s'en désintéressent). Le cas classique de coalition externe passive est celui des sociétés dont le capital est très émietté .
L'organe d'administration (ex.: conseil d'administration) joue un rôle privilégié en supervisant l'organisation, disposant d'informations et de prérogatives importantes comme la nomination des dirigeants .
### 2.2 Les configurations de pouvoir
Les configurations de pouvoir décrivent l'articulation entre la coalition interne et la coalition externe .
#### 2.2.1 Influences réciproques entre les deux coalitions
* **Coalition externe passive:** La coalition interne peut exercer son pouvoir sans entrave. Les dirigeants salariés peuvent rechercher des stratégies de croissance diluant le capital et renforçant cette passivité. Selon le type de coalition interne, on observe des configurations comme l'autocratie (personnalisée), le système clos (bureaucratique), l'organisation missionnaire (idéologique), ou la méritocratie (professionnelle) .
* **Coalition externe dominée:** Les détenteurs externes veulent contrôler l'organisation comme un "instrument". Si l'équilibre des pouvoirs n'est pas maintenu, cela peut dégénérer en une coalition externe divisée et une coalition interne politisée, créant une "arène politique" .
#### 2.2.2 Les différentes configurations
##### 2.2.2.1 La configuration autocratique
Le patron, tel un monarque absolu, prend toutes les décisions sans partager le pouvoir. Ce modèle fonctionne principalement dans les petites entreprises, mais peut exister exceptionnellement dans de grandes entreprises familiales ou en période de crise. Les stratégies visent l'évitement des conflits avec les grandes entreprises en se contentant de niches .
##### 2.2.2.2 Le système clos
Le fonctionnement bureaucratique protège les agents internes des sanctions externes. Les systèmes de contrôle de gestion visent le respect des procédures plutôt que l'amélioration des performances, en raison de situations monopolistiques ou oligopolistiques. Les politiques de privatisation et de dérégulation visent à lutter contre ces dérives .
##### 2.2.2.3 L'organisation missionnaire
Tous les comportements dépendent d'un dogme. L'organisation ne tolère aucune opposition extérieure. Certaines entreprises présentent des caractéristiques idéologiques fortes, où les collaborateurs se comportent en militants .
##### 2.2.2.4 L'organisation méritocratique
Les opérationnels sont recrutés pour leurs savoirs et leurs études supérieures. Le pouvoir réel réside dans les mains des professionnels, le contrôle reposant sur l'auto-contrôle et le respect des règles déontologiques. Exemples: hôpitaux, cabinets d'avocats ou d'audit .
##### 2.2.2.5 La configuration de type instrument
Le pouvoir est exercé de l'extérieur par un agent qui n'est pas impliqué dans la gestion quotidienne, tel qu'une filiale contrôlée par un groupe, ou une agence gouvernementale. Le contrôle de gestion est essentiel pour déléguer des responsabilités tout en contrôlant à distance via des procédures comme la gestion budgétaire. Ces configurations peuvent dégénérer en systèmes clos si la coalition interne parvient à échapper au contrôle .
##### 2.2.2.6 L'arène politique
Les relations internes politisées et la division externe du pouvoir se renforcent mutuellement, pouvant mener à des situations chaotiques. Le contrôle de gestion devient inefficace dans ces contextes .
**Synthèse des configurations :**
| Configuration | Coalition interne | Coalition externe | Exemple caractéristique |
| :------------------- | :---------------- | :---------------- | :-------------------------------------------------------- |
| Autocratie | Personnalisée | Passive | PME |
| Système clos | Bureaucratique | Passive | Entreprise publique jouissant d'un monopole |
| Organisation missionnaire | Idéologique | Passive | Coopératives, mutuelles |
| Méritocratie | Professionnelle | Passive | Hôpital |
| Instrument | Bureaucratique | Dominée | Filiale |
| Arène politique | Politisée | Divisée | Entreprise cible d'une OPA |
Les attentes en termes de performance varient selon la configuration: pérennité et croissance pour l'autocratie, maintien du monopole et satisfaction de l'usager pour le système clos, respect des valeurs collectives pour l'organisation missionnaire, respect des normes professionnelles pour la méritocratie, rentabilité fixée par le siège pour l'organisation instrument, et objectifs individuels dans l'arène politique. Ces configurations évoluent avec le cycle de vie de l'organisation .
### 2.3 Rationalité et irrationalité dans l'exercice du pouvoir
#### 2.3.1 Les objectifs individuels et collectifs
L'hypothèse de base de la microéconomie classique est que les détenteurs du pouvoir utilisent celui-ci pour agir selon leurs propres objectifs et intérêts, adoptant un comportement rationnel. Cependant, l'individu est souvent incapable de se fixer un objectif unique, l'information est imparfaite, et les capacités cognitives sont limitées, conduisant à une "rationalité limitée" et à un comportement de "satisfaction" plutôt que d'optimisation. La décision collective est le résultat d'un processus politique et d'un compromis, et l'agrégation des rationalités individuelles ne débouche pas nécessairement sur une rationalité collective .
#### 2.3.2 Le "paradoxe" de Condorcet
##### 2.3.2.1 Définition
Le paradoxe de Condorcet démontre qu'une agrégation des préférences individuelles rationnelles ne conduit pas nécessairement à une préférence collective rationnelle et transitive .
Prenons un exemple familial avec trois préférences : mer, montagne, campagne. Si les préférences individuelles sont :
| | Mer | Montagne | Campagne |
| :--------- | :-: | :------: | :------: |
| Père | 2 | 3 | 1 |
| Mère | 3 | 1 | 2 |
| Fils | 1 | 2 | 3 |
En votant entre mer et montagne, la mer l'emporte (fils, père vs mère). En votant entre mer et campagne, la campagne l'emporte (père, mère vs fils). Logiquement, on devrait préférer la campagne à la montagne. Or, en votant entre campagne et montagne, la montagne l'emporte (mère, fils vs père). La transitivité (si A > B et B > C, alors A > C) n'est pas respectée au niveau collectif (Mer > Montagne, Campagne > Mer, mais Montagne > Campagne) .
Ce paradoxe peut survenir dans diverses situations collectives: élections, conseils d'administration, préparation de budgets .
##### 2.3.2.2 Leçons à tirer du "paradoxe" de Condorcet
* **Instrumentalisation politique:** La connaissance de cet effet peut être utilisée pour critiquer la démocratie ou pour défendre des règles institutionnelles limitant ce risque (ex. scrutins majoritaires) .
* **Stratégies de décision:** L'ordre dans lequel les questions sont abordées influence le résultat final. L'habileté politicienne peut instrumentaliser cet effet au détriment des moins avertis .
* **Hasard et dysfonctionnements:** Sans consensus ou anticipation, le résultat peut dépendre du hasard, menant à des décisions qui ne satisfont personne, voire à de graves dysfonctionnements organisationnels et à un "risque systémique". Cela peut se traduire par des non-décisions malgré des problèmes identifiés, ou par une paralysie collective face à des erreurs stratégiques .
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Terme | Définition |
|---|---|
| Contrôle de gestion | Processus par lequel les managers influencent les membres de l'organisation pour mettre en œuvre les stratégies de l'organisation. |
| Contrôle organisationnel | Ensemble des dispositifs qui concourent à rendre les comportements des membres d'une organisation conformes aux besoins organisationnels et à atteindre les objectifs fixés. |
| Gouvernance d'entreprise | Ensemble des mécanismes qui limitent le pouvoir et influencent les décisions des dirigeants, définissant leur espace discrétionnaire et visant à assurer la pérennité et la performance de la firme. |
| Pouvoir | Rapport de force où un acteur peut imposer sa volonté à un autre, impliquant contrôle et capacité à définir ses propres finalités tout en influençant celles des autres. |
| Rationalité limitée | Concept selon lequel les individus, en raison de contraintes cognitives et informationnelles, ne peuvent pas toujours prendre des décisions optimales et se satisfont de solutions satisfaisantes. |
| Théorie de l'agence | Cadre théorique expliquant les relations entre un principal et un agent, caractérisées par une divergence d'intérêts et une asymétrie d'information, nécessitant des mécanismes de contrôle et d'incitation. |
| RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) | Notion selon laquelle les entreprises ont des responsabilités élargies qui dépassent les seuls objectifs économiques et légaux, en tenant compte de leurs impacts sociaux, environnementaux et éthiques. |
| ROI (Return On Investment) | Indicateur de rentabilité économique mesurant le retour sur investissement, calculé par le rapport entre le bénéfice et l'actif investi, permettant de comparer des entités de tailles différentes. |
| Bénéfice résiduel | Indicateur de performance mesurant la création de valeur après rémunération des capitaux investis au coût moyen pondéré du capital, permettant de prendre des décisions d'investissement qui créent de la valeur pour l'entreprise. |
| Méthode ABC (Activity Based Costing) | Méthode de comptabilité analytique qui attribue les coûts indirects aux produits en fonction des activités qui les génèrent, en utilisant des inducteurs de coûts pour mieux refléter la causalité entre activités et coûts. |
| Analyse des configurations de pouvoir | Étude des différentes configurations organisationnelles basées sur les interactions entre coalitions internes (personnalisée, bureaucratique, idéologique, professionnelle) et coalitions externes (dominée, divisée, passive), influençant l'exercice du pouvoir. |
| Gouvernance actionnariale | Modèle de gouvernance privilégiant les intérêts des actionnaires, régulé par les marchés financiers, avec pour objectif principal la discipline des dirigeants et la maximisation de la valeur actionnariale. |
| Gouvernance partenariale | Modèle de gouvernance qui intègre les intérêts de toutes les parties prenantes (actionnaires, salariés, clients, fournisseurs, etc.) dans la prise de décision et le partage de la valeur créée. |
| Gouvernance cognitive | Approche de la gouvernance qui met l'accent sur la capacité des managers à créer de la valeur par l'innovation, l'apprentissage organisationnel et l'alignement des schémas mentaux entre les parties prenantes. |
| Paradoxe de Condorcet | Phénomène démontrant que l'agrégation des préférences individuelles rationnelles ne conduit pas nécessairement à une préférence collective rationnelle, mettant en évidence la possible irrationalité des décisions collectives. |