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Summary
# Définition des marchés et des organisations
Ce sujet explore les définitions fondamentales de ce qu'est un marché et une organisation, en introduisant les concepts de rationalité formelle et substantielle, ainsi que la notion élargie de soutenabilité écologique et sociale.
### 1.1 Définitions fondamentales : organisation et marché
#### 1.1.1 L'organisation
Le terme "organisation" fait référence à la fois à l'action de structurer et au résultat de cette action. Plus généralement, une organisation désigne un processus de gestion des ressources (telles que les ressources matérielles et informationnelles) et de coordination des activités humaines dans le but d'atteindre un résultat spécifique. Il est crucial de noter que toutes les organisations ne se limitent pas au modèle de l'entreprise privée, bien que celle-ci soit centrale dans le développement des organisations modernes et opère souvent sur un marché. Le cours met l'accent sur la distinction entre "entreprise" et "organisation" et sur la diversité des types d'organisations [1](#page=1).
> **Tip:** Il est essentiel de ne pas confondre le terme général "organisation" avec le cas particulier de l'"entreprise", qui est une forme spécifique d'organisation opérant dans un environnement marchand [1](#page=1).
#### 1.1.2 Le marché
Un marché est défini comme un mécanisme d'échange économique caractérisé par trois critères principaux :
1. La rencontre entre une offre et une demande [1](#page=1).
2. La détermination des prix [1](#page=1).
3. La fixation des quantités échangées [1](#page=1).
De manière générale, le marché constitue l'environnement immédiat d'une organisation dite "marchande" [1](#page=1).
#### 1.1.3 Les environnements non marchands et les croisements
À l'inverse, un environnement non marchand se distingue par l'absence d'un ou plusieurs des critères du marché, ou par l'existence d'un ajustement des critères qui n'est pas axé sur le profit. Cet environnement caractérise les "organisations non marchandes". Il existe toutefois de nombreuses situations où les environnements marchands et non marchands se recoupent [1](#page=1).
### 1.2 L'approche duale de la rationalité
Ce cours adopte une perspective qui met en lumière les bases relationnelles communes aux marchés et aux organisations, quelle que soit leur finalité. Une distinction centrale est faite entre deux types de rationalité [1](#page=1):
* **Rationalité formelle:** Elle se concentre sur la conformité des actions à une procédure de calcul ou à un cadre juridique préétabli avant que l'action ne soit entreprise [1](#page=1).
* **Rationalité substantielle:** Elle privilégie l'analyse des interactions elles-mêmes et du sens que les acteurs leur attribuent dans le déroulement de l'action [1](#page=1).
Le cours promeut une approche substantielle des phénomènes économiques, inspirée par les travaux de Max Weber et Karl Polanyi [1](#page=1).
> **Tip:** La distinction entre rationalité formelle et substantielle est un fil rouge essentiel qui guidera l'ensemble de la réflexion tout au long du cours [2](#page=2).
### 1.3 Vers une soutenabilité écologique et sociale
L'actualité impose d'intégrer la notion de soutenabilité comme une dimension primordiale de l'analyse [2](#page=2).
#### 1.3.1 La soutenabilité écologique
S'inspirant de la définition d'un écosystème, la soutenabilité écologique reconnaît l'interdépendance entre la communauté d'êtres vivants et leur environnement. Dans un écosystème, chaque composante est vitale et contribue à un réseau dynamique d'échanges d'énergie, d'information et de matière, essentiel au maintien et au développement de la vie. Si cette notion est souvent appliquée à la biosphère, elle décrit également les relations que l'humanité entretient avec la nature [2](#page=2).
> **Exemple:** Les aspects souvent occultés par le capitalisme industriel, tels que l'empreinte carbone, les techniques extractives et le traitement des déchets, sont des éléments cruciaux conditionnant l'avenir de l'humanité, et leur prise en compte relève de la soutenabilité écologique [2](#page=2).
La soutenabilité écologique signifie donc reconnaître le lien entre les humains et la biosphère comme une condition fondamentale de notre devenir commun [2](#page=2).
#### 1.3.2 La soutenabilité sociale
Au-delà de la critique des rapports de domination, la soutenabilité sociale implique une révision des relations entre les êtres humains afin de favoriser des pratiques de travail durables [2](#page=2).
#### 1.3.3 La soutenabilité écologique et sociale élargie
Le cours propose une vision élargie de la soutenabilité, englobant à la fois les dimensions écologique et sociale, dans le but de promouvoir le "maintien et le développement de la vie", sous toutes ses formes. À l'ère de l'Anthropocène, penser les organisations humaines comme des écosystèmes implique de considérer cette double dimension de la soutenabilité [2](#page=2).
> **Tip:** La notion d'écosystème renvoie également à la vulnérabilité, à la fragilité et à la finitude des réseaux d'interactions complexes [2](#page=2).
### 1.4 Une perspective critique
La perspective adoptée dans ce cours est critique et repose sur un triple effort :
1. Une mise en perspective historique [2](#page=2).
2. La valorisation de la pluralité des approches [2](#page=2).
3. Une attention soutenue à la dimension de la soutenabilité [2](#page=2).
Cette posture critique vise à la fois à une compréhension fine et adéquate du réel, et à la création de capacités collectives pour transformer la réalité socioéconomique, face aux risques actuels pour les humains et la biosphère. L'objectif final est d'aider à élaborer des propositions concrètes pour reconstruire les organisations comme des écosystèmes soutenables, dans des environnements marchands et non marchands [2](#page=2).
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# La rationalité du mal : marchés aux esclaves, organisations génocidaires et productivisme
Ce thème analyse comment la rationalité formelle, dans sa quête d'efficacité, peut mener à des actes profondément inhumains tels que le marché aux esclaves, les organisations génocidaires et le productivisme contemporain, entraînant la destruction.
### 2.1. Le marché aux esclaves et la naissance de l’économie politique (XVIIe – XIXe siècles)
#### 2.1.1. Remarques sur l’esclavage dans les sociétés précoloniales
Dans les sociétés africaines précoloniales, l'esclavage existait sous des formes domestiques, pour dettes, transgressions collectives ou comme captifs de guerre. Cependant, il n'y avait pas de "marché aux esclaves" ni d'"organisation esclavagiste du travail". Bien que précédé par l'esclavage arabe du VIIe au XVe siècle, celui-ci était plus lent et moins industrialisé que la traite transatlantique, n'impliquant pas non plus l'idée de marché ou d'organisation esclavagiste [3](#page=3).
#### 2.1.2. Quelques éléments conjoncturels
Plusieurs facteurs conjoncturels ont favorisé le développement d'un marché aux esclaves à l'échelle mondiale, sous l'influence d'une rationalité formelle croissante :
* **Le mercantilisme (XVe - XVIIIe siècle)**: Cette doctrine économique visait l'enrichissement national par le commerce extérieur, assimilant la puissance de la nation et du Prince à la quantité de métaux précieux détenue. Durant cette période de conflits et de développement commercial, les esclaves étaient considérés comme des symboles de richesse. L'esclave était synonyme de richesse [3](#page=3).
* **L’usage de l’énergie animale avant la révolution industrielle**: Avant la révolution industrielle, l'énergie animale était la principale source d'énergie. Après la crise féodale, cela a encouragé la vente et l'achat d'esclaves extra-européens pour servir de sources d'énergie à l'économie occidentale. L'esclave était synonyme d'énergie [3](#page=3).
* **La première mondialisation (XVe - XIXe siècle)**: La mondialisation, débutant au XVe siècle, a favorisé l'émergence du marché aux esclaves de deux manières principales [3](#page=3):
1. La conquête du Nouveau Monde par les Espagnols, motivée par l'esprit mercantiliste.
2. Le commerce triangulaire, impliquant l'échange d'esclaves africains contre des produits manufacturés européens et indiens ("marché primaire"), puis contre des matières premières des plantations américaines ("marché secondaire"). L'esclave était synonyme de marchandise [4](#page=4).
#### 2.1.3. La naissance d’un marché aux esclaves : considérations générales et particulières
L'économie politique de l'esclavage, particulièrement celle initiée par le commerce triangulaire, est étudiée ici car elle s'apparente aux marchés actuels, l'objet de la marchandise ( commodity) étant des êtres humains arrachés à l'Afrique pour constituer une main-d'œuvre dans les plantations nord-américaines. Ce marché opérait selon une **rationalité formelle**, caractérisée par [4](#page=4):
* Une **division du travail à grande échelle** impliquant pisteurs, chasseurs, administrateurs, vendeurs, acheteurs et navigateurs [4](#page=4).
* Une **efficacité et rationalité** où les prix reflètent la qualité des marchandises humaines (enfants, femmes, hommes) et varient selon l'offre et la demande [4](#page=4).
* La **gestion des risques et des paiements** grâce à des innovations financières comme les crédits, assurances et avances sur marges bénéficiaires [4](#page=4).
Le marché aux esclaves comprenait deux segments: un marché primaire sur les côtes africaines pour la première vente, et un marché secondaire dans les Amériques et les Caraïbes pour les ventes ultérieures [4](#page=4).
La demande d'esclaves provenait des propriétaires de plantations cherchant à assurer la production et la rentabilité de leurs investissements. L'offre était constituée par les intermédiaires ("négriers") qui vendaient les personnes acheminées d'Afrique. L'offre et la demande étaient des conséquences d'une rationalité formelle qui, en interdisant tout questionnement sur le sens, considérait que tout était vendable et achetable, y compris des êtres humains [4](#page=4).
> **Tip:** L'analyse du marché aux esclaves met en lumière comment la rationalité formelle peut transformer des êtres humains en marchandises, en dissociant l'acte économique de toute considération morale ou éthique.
Les schémas illustrant la traite transatlantique montrent la descente et l'occupation rationnelle de l'espace dans la cale des bateaux, soulignant la violence ordinaire et l'organisation de la marchandise humaine [5](#page=5).
### 2.2. L’organisation génocidaire et les métamorphoses de la bureaucratie moderne (XXe siècle)
L'organisation génocidaire, telle que analysée par Zygmunt Bauman, se caractérise par plusieurs aspects qui reflètent une rationalité formelle poussée à l'extrême :
1. **Ingénierie sociale et souci d’efficacité**: L'objectif principal des machines génocidaires n'est pas la discrimination ou l'exclusion en soi, mais l'exécution de ces actions avec une efficacité maximale, menant à une "économie de la destruction". L'efficacité du crime de génocide est constitutive du crime lui-même, comme dans le cas de la Shoah où la destruction fut menée avec une efficacité extrême [5](#page=5).
2. **Division hiérarchique (verticale) et fonctionnelle (horizontale) du travail**: La bureaucratie moderne, notamment dans l'administration de la Shoah, s'appuie sur une chaîne de commandement stricte (hiérarchie). De plus, la division fonctionnelle, inspirée par le taylorisme, consiste à éloigner les tâches de leur finalité ultime. Chaque travailleur se spécialise sans forcément connaître ou considérer la finalité globale de son action, ce qui dilue la responsabilité morale [5](#page=5).
3. **Substitution de la responsabilité technique à la responsabilité morale**: L'administration bureaucratique maintient le terme "responsabilité" mais le vide de sa substance morale, la remplaçant par une responsabilité technique axée sur l'exécution des tâches. Cette "production sociale d’indifférence morale" est une notion centrale du raisonnement baumanien [5](#page=5).
Des penseurs comme Raul Hilberg et Hannah Arendt ont préparé ces réflexions sur la bureaucratisation et la "banalité du mal" [6](#page=6).
### 2.3. Productivisme et catastrophe écologique (XXIe siècle)
Le productivisme contemporain engendre des destructions écologiques majeures qui présentent des caractéristiques distinctes :
1. **Indissociabilité des organisations et des marchés, avec une conjonction nouvelle**: La destruction écologique est liée aux phénomènes économiques tels que les organisations et les marchés, mais ici, c'est la conjonction de ces deux éléments qui est à l'œuvre. Le régime économique mondialisé opère aux limites de la planète, mais au prix de la destruction de ses limites écologiques [6](#page=6).
2. **Affaissement du sens moral face à l'intensité de la production scientifique et aux effets différés**: Contrairement aux cas précédents, la connaissance scientifique sur la dégradation écologique progresse en temps réel, accompagnée d'une information massive. Pourtant, cette connaissance ne conduit pas nécessairement à une adhésion ou une croyance unanime, en raison des effets différés de la crise écologique. L'écart entre le présent et le futur se resserre, mais la perception de l'urgence peut être atténuée par ce décalage temporel [6](#page=6).
3. **Altération du vivant au-delà de l'inhumanité**: La crise écologique dépasse la notion d'inhumanité, car elle altère le vivant dans son ensemble, qu'il soit humain (logos) ou non humain (bios). Elle met en cause notre anthropologie humaniste ou "anthropocentrée", qui doit être revue pour espérer inverser la dégradation écologique [6](#page=6).
### 2.4. Retour sur la rationalité du mal
L'analyse de ces phénomènes révèle des aspects clés de la rationalité du mal :
1. **Rupture entre efficacité et éthique**: La production industrielle du crime, qu'il s'agisse du marché aux esclaves, du génocide ou du productivisme, démontre qu'une organisation peut être extrêmement efficace tout en produisant le mal. Dans le cas du productivisme, l'engrenage de la production et de la consommation conduit à l'inaction, et la destruction des liens entre vivants découle des difficultés à se mobiliser collectivement. Il existe une discontinuité radicale entre la logique d'efficacité et ce qui serait juste ou bon de faire [7](#page=7).
2. **Usage unilatéral de la rationalité: calcul coûts-bénéfices et rationalité formelle**: Ce qui distingue ces phénomènes d'une simple pathologie collective, c'est qu'ils reposent sur un calcul coûts-bénéfices et une économie développée, c'est-à-dire un usage spécifique de la rationalité. Cet usage privilégie la rationalité formelle au détriment de toute dimension substantielle [7](#page=7).
3. **Abolition du sens moral dans les relations sociales**: Si la rationalité substantielle est présente dans les organisations et les marchés, le problème réside dans l'abolition du sens moral au sein des relations sociales. Les interactions, qu'il s'agisse d'exercer une tâche ou de faire des choix, ne remettent pas en question les finalités de l'action, n'ouvrent pas à une interrogation éthique et ne modifient pas l'ordre politique. Le "territoire de l'obligation" et la notion de responsabilité, tels que conceptualisés par Helen Fein et Zygmunt Bauman, sont ainsi vidés de leur contenu moral [7](#page=7).
> **Tip:** L'analyse de la rationalité du mal nous invite à une réflexion critique sur les organisations et les marchés, en mettant en lumière les risques inhérents à une quête d'efficacité déconnectée de considérations éthiques et morales. Ce cours vise à fournir les outils pour comprendre la genèse de ces phénomènes et à encourager une analyse substantielle des réalités économiques, attentive à la pluralité des perspectives et à la complexité des situations observées.
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# Évolution du concept de marché : de l'utilitarisme aux approches systémiques
Voici une synthèse détaillée et complète sur l'évolution du concept de marché.
## 3. Évolution du concept de marché : de l'utilitarisme aux approches systémiques
Ce chapitre retrace le développement de la pensée économique sur le marché, des fondements utilitaristes jusqu'aux analyses systémiques, en abordant leurs limites face aux défis écologiques [8](#page=8).
### 3.1 Des Lumières à l'utilitarisme
L'utilitarisme se caractérise par trois aspects principaux :
1. **Welfariste:** L'utilité se définit par rapport au bien-être, ramené à une dimension matérielle sous l'influence de l'économie politique [8](#page=8).
2. **Individualiste:** Les actions humaines sont guidées par l'utilité individuelle, l'intérêt général étant la somme des intérêts particuliers [8](#page=8).
3. **Calculatrice:** Le calcul coûts/bénéfices est la procédure privilégiée pour sélectionner les préférences de manière objective et rationnelle [8](#page=8).
### 3.2 La méthode de l'économie politique naissante
La question centrale de l'économie politique naissante est la conciliation entre intérêt individuel et bien-être collectif. Deux réponses émergent: le contrat social centralisé par l'État (philosophie politique dominante) et le contrat social décentralisé par le marché (économie politique dominante) [8](#page=8).
Deux doctrines sous-tendent cette réflexion :
* **Le droit naturel:** Privilégiant l'idée d'une autorégulation naturelle et d'une auto-rectification des maux sociaux [8](#page=8).
* **L'utilitarisme:** Soutenant que la tendance d'une action à augmenter le bonheur de la communauté détermine son approbation ou sa désapprobation [8](#page=8).
L'utilitarisme contribue à la naissance du marché à travers quatre étapes :
1. La problématique de conciliation devient exclusivement économique [9](#page=9).
2. L'économie se définit comme le marché concurrentiel [9](#page=9).
3. La viabilité du marché concurrentiel devient l'étude de la stabilité de son équilibre [9](#page=9).
4. L'étude de l'équilibre se concentre sur la détermination des prix d'équilibre [9](#page=9).
### 3.3 D'Adam Smith à David Ricardo : la naissance de l'économie politique et l'invention du concept de marché
#### 3.3.1 La main invisible
Pour Adam Smith, la recherche des intérêts individuels par les agents économiques conduit involontairement à l'amélioration du bien-être collectif, définition du "marché" chez Smith. Ce concept est complété par la "division du travail". Smith fonde ainsi l'économie politique sur trois principes :
1. Le marché concurrentiel est fondateur, sans nécessité d'une autorité étatique [9](#page=9).
2. Le marché est plus efficient, garant de l'efficacité, de l'effectivité et de la liberté [9](#page=9).
3. L'agent économique rationnel est motivé par son intérêt personnel, assurant le fonctionnement optimal de l'économie [9](#page=9).
La "main invisible" n'est pas aussi centrale qu'on le croit, n'apparaissant que trois fois dans l'œuvre de Smith [9](#page=9).
> **Exemple:** "Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous devons attendre notre dîner, mais du soin qu’ils prennent de leur propre intérêt." [9](#page=9).
Le marché chez Smith se définit comme le régulateur de la division du travail [9](#page=9).
#### 3.3.2 Le "vice ricardien"
David Ricardo se concentre sur la distribution des profits et son impact sur l'accumulation. Il est le fondateur de la méthode hypothético-déductive en économie, basée sur des hypothèses simplificatrices pour déduire rigoureusement des résultats applicables à la réalité [9](#page=9).
Cette méthode formalise l'intuition de Smith et consacre la rationalité formelle, réduite à la mathématisation, la comptabilité numérique et l'optimisation sous contraintes [10](#page=10).
Le "vice ricardien", selon Joseph Schumpeter, comporte trois dimensions :
1. **Sociologique:** Ricardo défend ses propres intérêts financiers en construisant des modèles [10](#page=10).
2. **Politique:** Il y a un danger d'extrapoler au réel des conclusions valides logiquement dans le cadre d'un marché théorique [10](#page=10).
3. **Épistémologique:** La valeur des modèles dépend des hypothèses de départ, biaisées par divers facteurs [10](#page=10).
Pour David Ricardo, le marché est un modèle hypothético-déductif de l'intuition smithienne [10](#page=10).
### 3.4 Le point de vue néoclassique : de Léon Walras à Friedrich Von Hayek
#### 3.4.1 La construction walrasienne
Léon Walras cherche à savoir si un marché parfait peut exister et permettre de construire une économie parfaite, maximisant l'utilité totale [10](#page=10).
Ses principes sont :
1. **La loi des débouchés:** L'offre crée sa propre demande, menant à la construction mathématique d'un marché parfait et idéalisé [10](#page=10).
2. **L'optimum social (au sens de Pareto):** Atteint lorsque l'utilité collective est maximisée sans pouvoir améliorer celle d'un individu sans en détériorer celle d'un autre [10](#page=10).
3. **Le tâtonnement walrassien:** Le commissaire-priseur permet l'équilibre général de tous les marchés et la détermination du prix d'équilibre [10](#page=10).
Les limites du marché walrasien incluent des hypothèses très fortes (atomicité, information parfaite, homogénéité des produits, mobilité des facteurs, prix unique), sa nature de fiction théorique plutôt que de marché réel, et l'improbabilité de son existence et de sa stabilité malgré un siècle de recherche [11](#page=11).
Pour Léon Walras, le marché se définit comme un système d'équilibre général des marchés [11](#page=11).
#### 3.4.2 Le spontanéisme hayékien
Friedrich Hayek rejette les modèles mathématiques au profit de la libre raison et décision des individus concrets. Il critique les économistes qui copient les sciences physiques, dénaturant l'économie comme science des interactions individuelles [11](#page=11).
Pour Hayek, le marché parfait walrasien nuit à la liberté individuelle car il implique une planification mathématique du comportement de l'agent rationnel et ses hypothèses [11](#page=11).
Il affirme que la concurrence est utile car les marchés réels sont imparfaits [11](#page=11).
Pour Friedrich Von Hayek, le marché est l'ensemble des interactions individuelles libres et marchandes, qu'il qualifie de spontanées [11](#page=11).
### 3.5 L'approche utilitariste des marchés
#### 3.5.1 Des marchés en équilibre ?
Dans la perspective de Smith et Walras, le marché est l'institution légitime pour faire évoluer les pratiques économiques vers un monde plus soutenable, comme en témoigne le marché carbone [11](#page=11).
Ce marché vise à "monétariser" les externalités environnementales pour augmenter les coûts des industries polluantes via des ajustements de prix [11](#page=11).
Cette approche repose sur deux biais limitant la soutenabilité :
1. Elle ne modifie pas la dynamique globale des échanges ni le régime de croissance, qui sont des causes de dégradation environnementale [12](#page=12).
2. Elle ne prend pas en compte l'irréversibilité des dégradations de la biosphère, considérant à tort que les transactions marchandes peuvent toujours "réparer" les détériorations [12](#page=12).
L'augmentation continue de la dégradation environnementale malgré l'existence des marchés carbone, notamment en Europe, révèle l'échec de cette approche. Des questions émergent sur l'extension des mécanismes de marché pour lutter contre les dégradations qu'ils génèrent et sur la gestion des ressources non renouvelables [12](#page=12).
#### 3.5.2 Un dépassement du vice ricardien ?
David Ricardo présente une ambiguïté face aux enjeux de soutenabilité écologique.
* **Ricardo "néo-utilitariste":** Assimile les terres à des machines, considérant la production comme diminuant avec l'utilisation de terres moins fertiles. Il anticipe une raréfaction des produits agricoles, une hausse des prix, et une surchauffe inflationniste, favorisant le commerce international et l'industrialisation dans un rapport prédateur envers la biosphère [12](#page=12).
* **Ricardo "lucide":** La "loi de Ricardo" stipule que la fonction de production dépend du capital (K), du travail (L) et de la terre (T), ce dernier étant fixe. L'augmentation des facteurs variables entraîne une diminution de la production, la terre étant le facteur limitant. Cette loi souligne la finitude de la terre et l'impossibilité d'une croissance infinie [13](#page=13).
#### 3.5.3 Sur les traces de Hayek : deep ecology ou effondrement ?
Une ambiguïté similaire existe chez Hayek :
* **Opposé à l'interventionnisme ("constructivisme"):** Il rejette toute intervention publique, y compris pour limiter la catastrophe écologique, ce qui peut mener à l'effondrement [13](#page=13).
* **Partisan de la "deep ecology":** La biosphère, libérée de l'interventionnisme humain, pourrait se réinventer par sa dynamique interne [13](#page=13).
Les limites du paradigme utilitariste face au défi écologique, ainsi que leurs ambiguïtés, sont évidentes [13](#page=13).
### 3.6 D'Adam Smith à F.W. Taylor et Henry Ford : de la division du travail sous contrainte de marché à l'organisation scientifique du travail (OST)
#### 4.1 Marché et division du travail : quand l'organisation est encore une "boîte noire"
Pour Adam Smith, la "Division du travail" est la cause principale de l'amélioration de la puissance productive du travail. Il analyse la richesse comme une "illusion qui excite", un puissant moteur d'action malgré une corruption des sentiments moraux. Smith se méfie des États, les considérant comme des "machines" privilégiant leurs propres intérêts [13](#page=13) [14](#page=14).
Concernant le travail, Smith propose une vision radicalement nouvelle :
* Le travail productif est un "fondement de la valeur" [14](#page=14).
* L'indicateur de cette valeur est le temps de travail passé à la production [14](#page=14).
* La division du travail est centrale dans la création de richesse [14](#page=14).
Il y a une confusion sémantique: Smith utilise le terme "valeur" dans un sens moral et économique, substituant une définition économique à une définition morale. Il glisse de la valeur d'usage (utilité sociale) à la valeur d'échange, où le travail reçoit sa valeur des transactions marchandes [14](#page=14).
Smith réalise un "coup de force anthropologique" en faisant du travail l'activité centrale de la société tout en le privant de dimension expérientielle. L'organisation est guidée par l'échange marchand, restant une "boîte noire" théorique et pratique [15](#page=15).
#### 4.2 Le taylorisme... ou l'utilitarisme appliqué aux organisations de production
Le taylorisme vise une augmentation du bien-être matériel par l'accroissement de la productivité individuelle, s'appuyant sur un "deal social". Taylor considère le marché insuffisant et fait de l'organisation du travail un objet scientifique, y intégrant les acquis du positivisme scientifique [15](#page=15).
L'Organisation Scientifique du Travail (OST) repose sur :
1. La lutte contre la "flânerie" et les savoirs de métier [15](#page=15).
2. Le contrôle des temps productifs et la parcellisation des tâches [15](#page=15).
3. La division du travail entre "concepteurs" et "exécutants" [15](#page=15).
Le management scientifique fonde l'efficacité sur une structure de pouvoir scindant concepteurs et exécutants, rendue invisible par une base "scientifique". Derrière la neutralité scientifique se cache un projet politique visant à neutraliser la contestation ouvrière [15](#page=15).
Le taylorisme n'a pas été appliqué universellement et n'est pas allé au bout de sa logique, rencontrant des résistances [16](#page=16).
#### 4.3 Le fordisme ou la dilution de l'utilitarisme dans la production de masse
Le fordisme, initié par Henry Ford, vise la standardisation des produits et la diminution des coûts. Il s'appuie sur le taylorisme, favorise la massification de la production et de la consommation, source de dégradation écologique [16](#page=16).
Ford met en place une politique salariale pour augmenter le pouvoir d'achat ouvrier, cherchant une dynamique économique cohérente [16](#page=16).
#### 4.4 Quelles critiques sociales de la division du travail ?
##### 4.4.1 Avec et au-delà de Marx. La critique marxienne et ses limites
Pour Marx, la division du travail est l'expression économique de l'aliénation. Sa critique s'opère à trois niveaux [16](#page=16):
1. **Philosophique:** L'aliénation, séparation de l'homme avec son essence [17](#page=17).
2. **Sociologique:** L'utilitarisme promeut l'égoïsme et la lutte des classes entre bourgeois et prolétariat [17](#page=17).
3. **Économique:** La division du travail engendre l'exploitation, le travailleur ne percevant pas la rétribution de son "sur-travail", d'où la plus-value [17](#page=17).
Les limites de la critique marxienne incluent l'abstraction du terme "aliénation", la réduction des groupes sociaux à des classes, et l'exploitation comme principe structurel du capitalisme [17](#page=17).
##### 4.4.2 Une autre voie pour la critique de la division du travail ? De Durkheim à Friedmann et Hughes...
* **Émile Durkheim:** La division du travail est un fait de l'évolution sociale, promouvant la solidarité organique et la complémentarité des fonctions. Il insiste sur l'exigence institutionnelle pour instaurer une nouvelle solidarité [18](#page=18).
* **Georges Friedmann:** Critique la naïveté de Durkheim, affirmant que la spécialisation dans la civilisation technicienne a élargi le fossé entre idéaux et réalités. Il souligne l'importance des relations entre travailleurs et entreprise. Il propose la "solidarité d'entreprise" et la "solidarité ouvrière", distinguant ce qui se passe au sein de l'entreprise et l'action syndicale [18](#page=18) [19](#page=19).
* **Everett C. Hughes:** Défend l'étude de la "division morale du travail", mettant en évidence les "responsabilités morales" et la hiérarchie sociale basée sur la distinction entre métiers "nobles" et "sales jobs". Il interroge la société dans son ensemble à travers le regard porté sur les "sales boulots" [19](#page=19).
##### 4.4.3 ... en passant par les premiers acquis du féminisme
* **Dans les organisations: "Plafond de verre":** Les femmes ont moins accès aux postes de responsabilité en raison de la division domestique du travail, de la construction sociale de l'emploi féminin et d'une conception "masculiniste" du pouvoir [19](#page=19).
* **Sur le marché du travail: "Mur de verre":** Segmentation du marché du travail en professions masculines et féminines, les premières étant mieux valorisées. Ceci repose sur des stéréotypes de genre profonds [20](#page=20).
* **Articulation vie professionnelle-vie privée: "Travail reproductif":** Deux orientations: post-marxienne (prolongement de l'exploitation capitaliste) et post-durkheimienne (diversité des rôles sociaux et des situations) [20](#page=20).
La critique féministe a renouvelé la critique sociale en intégrant le corps sexué et la différence des sexes [21](#page=21).
#### 4.5 À propos de l'approche utilitariste des organisations
##### 4.5.1 Retour à Smith ?
Dans les colonies, Smith imagine un monde de petits propriétaires terriens où les rapports commerciaux excluent compétition et domination. Il omet l'instrumentalisation du rapport à la biosphère et la violence coloniale [21](#page=21).
##### 4.5.2 Considérations contemporaines : déni, insuffisance, méconnaissance
Le paradigme utilitariste face au défi écologique dans les organisations présente :
1. **Déni:** Refus de reconnaître les limites naturelles de la raison économique, le fordisme ayant accentué la dégradation écologique par le "productivisme" et le "consumérisme" [21](#page=21).
2. **Insuffisance structurelle:** Initiatives comme les marchés carbone ou la responsabilité sociale des entreprises restent insuffisantes [21](#page=21).
3. **Méconnaissance:** Nécessité d'agir plus radicalement, en s'intéressant aux organisations et aux marchés, et d'inventer des modes de production plus soutenables [21](#page=21).
##### 4.5.3 Sortir du dualisme bios/logos
Il faut s'attaquer à l'opposition entre vie biologique (bios) et vie signifiante (logos), qui a dévalorisé la première au profit d'une conception productiviste de la vie sociale [22](#page=22).
### 5. Fernand Braudel à Emmanuel Wallerstein : les structures sociohistoriques de l'économie, le capitalisme comme système-monde
Ce paradigme privilégie la rationalité substantielle, le marché comme réalité historique concrète, et le capitalisme comme système en interaction avec le marché [23](#page=23).
#### 5.1 L'économie dans la longue durée. Origines et fondements d'une méthode
##### La longue durée comme méthode
Braudel, de l'École des Annales, propose d'analyser l'histoire profonde et lente, qualifiant les événements d'"histoire événementielle" ou "génie des surfaces". La longue durée permet de saisir la totalité historique comme une "infrastructure" et établit un lien indissoluble entre histoire et présent [23](#page=23).
##### Fernand Braudel : une expérience de vie diversifiée
Braudel a été marqué par ses origines culturelles, son observation des décalages temporels entre villes et campagnes, son décentrement géographique, et son expérience de prisonnier pendant la guerre [24](#page=24).
#### 5.2 Fernand Braudel : thèses, instruments et grammaire de l'analyse du capitalisme et des marchés en longue durée
##### 5.2.1 Le marché comme production historique
Le marché n'a jamais été autorégulateur; il est une réalité sociale et politique façonnée par l'histoire. Le capitalisme, chez Braudel, est un "visiteur du soir" qui surgit et profite du marché déjà construit, orienté vers l'accumulation [24](#page=24).
##### 5.2.2 Histoire-problème et temporalités
Braudel utilise plusieurs instruments analytiques: l'histoire-problème (rapports acteurs/territoires sur le long terme), la géographie (naturelle et construite), et trois temporalités: court (événementiel), moyen (conjoncturel), et long (structurel) [25](#page=25).
Il développe aussi l'approche systémique, l'historicisation, spatialisation et périodisation du marché et du capitalisme, l'interdisciplinarité, et l'art de la description [25](#page=25).
##### 5.2.3 Une grammaire du marché et du capitalisme
* **Structure temporelle du marché :**
* Bas: civilisation matérielle et spirituelle du marché (temps long) [25](#page=25).
* Intermédiaire: règne du temps moyen ou conjoncturel [25](#page=25).
* Haut: prospérité du capitalisme au-dessus de l'économie de marché (temps court) [25](#page=25).
* **Structure spatiale du marché :**
* Marché comme économie-monde: entité territoriale dominante économiquement [25](#page=25).
* Dynamique de centrage/décentrage: basculements des centres de gravité du capitalisme [25](#page=25).
* Cercles concentriques: périphéries de l'économie mondialisée [25](#page=25).
> **Exemple:** "Le centre, partout et toujours, c’est la vie chère, l’encombrement, la pollution. L’éloignement à la périphérie est synonyme de vie moins chère, de rythme plus lent." [25](#page=25).
##### 5.2.4 La nature composite du marché
* **Le public market:** Échanges quotidiens, de courte distance [25](#page=25).
* **Le private market:** Échanges de longue distance, le marchand s'affranchissant des règles traditionnelles [25](#page=25).
* **Le capitalisme, "visiteur du soir":** Émergence claire lorsque les chaînes s'allongent et échappent aux contrôles habituels [26](#page=26).
L'analyse braudélienne ancre les phénomènes économiques dans un espace-temps singulier, distinguant des "strates" analytiques [26](#page=26).
#### 5.3 Emmanuel Wallerstein : le marché et le capitalisme à la lumière du système-monde
Wallerstein, disciple de Braudel, utilise le concept de "système-monde" pour analyser l'évolution des sociétés et la mondialisation économique [26](#page=26).
##### 5.3.1 Qu’est-ce que le système-monde ?
Le système-monde est une organisation d'organisations, une matrice d'institutions (États, entreprises, ménages) dont la dynamique résulte des conflits et concordances entre acteurs aux pouvoirs asymétriques [27](#page=27).
##### 5.3.2 Des structures du savoir au capitalisme, de nombreux résultats de recherche
* **Rôle des structures du savoir au XVIIIe siècle:** Le désir d'accumulation pousse à reculer les frontières du savoir, construisant un savoir séculier pour libérer l'économie-monde des contraintes culturelles (ex: interdiction du prêt à intérêt) [27](#page=27).
* **Système-monde moderne comme économie-monde capitaliste:** Wallerstein relie les dimensions séparées par la science économique, notamment la "division internationale du travail". L'économie-monde capitaliste se caractérise par un marché mondialisé de biens/services et du travail (qualifié/coûteux des centres vs non qualifié/peu coûteux des périphéries) [27](#page=27).
* **Capitalisme et marché : une complémentarité nécessaire...**
Wallerstein substitue à la vision "parasitaire" du capitalisme une "complémentarité nécessaire". L'efficacité de la division du travail maintient l'économie-monde, et la richesse accumulée par le capitalisme dépend de cette efficacité. Le capitalisme moderne requiert des marchés de plus en plus grands et interdépendants (locaux et virtuels) [27](#page=27).
* **...et temporaire**
Le capitalisme, pour maximiser ses profits, cherche à contrôler les marchés par la création de monopoles et oligopoles, contredisant le principe de concurrence. La complémentarité est temporaire et potentiellement conflictuelle: le marché est une condition du capitalisme, mais celui-ci contrevient à la concurrence [28](#page=28).
L'analyse wallersteinienne décrit la dimension substantielle de l'économie-monde globale (inégalités, violences, mais aussi résistances) et s'applique aux populations les moins qualifiées des périphéries ("subalternes"). La transformation structurelle de la division internationale du travail est nécessaire, initiée par les populations subalternes [28](#page=28).
#### 5.4 Les structures socioéconomiques de l'économie et le capitalisme comme système-monde face au défi de la soutenabilité
##### 5.4.1 Sur l'Anthropocène : longue durée, géoculture et part du milieu
L'Anthropocène désigne les effets de l'activité humaine sur la biosphère, marquant la fin de l'idée d'une nature extérieure aux activités humaines. La nature est une construction culturelle qui se transforme avec l'activité humaine ("industrielle" puis "extractive"). Il est impossible de décrire les activités humaines sans analyser leur rapport au donné naturel [28](#page=28) [29](#page=29).
L'Anthropocène remet en cause le dualisme nature/culture, confronte la rationalité formelle à de nouvelles frontières, engendre des réactions en chaîne irréversibles affectant la biosphère et la culture des sociétés humaines [29](#page=29).
##### Comment agir ?
Les travaux de Braudel et Wallerstein sont cruciaux pour analyser les causes de l'urgence écologique via l'étude des rapports acteurs/territoires sur la longue durée [29](#page=29).
* Braudel différencie géographie naturelle et construite, permettant de saisir les parts respectives de la nature et de la culture [29](#page=29).
* Wallerstein développe la "géoculture européenne" comme espace culturel façonné par l'économie-monde [29](#page=29).
* Braudel met en évidence la "part du milieu" (apport de la géographie naturelle à la civilisation) [29](#page=29).
La "géoculture européenne" et la "part du milieu" sont des espaces-temps qui expliquent des dynamiques civilisationnelles particulières, influencées par les sociétés et les spécificités naturelles, d'où l'importance pour étudier l'empreinte écologique dans le temps long [29](#page=29).
Le temps endogène (naturel et culturel) façonne les phénomènes. Le temps exogène capitaliste perturbe ces cycles naturels, comme en agriculture extensive [30](#page=30).
##### 5.4.2 Sur l'Anthropocène : dialogue interdisciplinaire et conflits de temporalités
L'interdisciplinarité promue par Braudel et Wallerstein est essentielle pour négocier les transitions politiques vers des écosystèmes humains soutenables. Elle permet d'étudier comme un "tout indissociable" les questions économiques, climatiques, sociales et écologiques [30](#page=30).
La tripartition temporelle de Braudel (court, moyen, long) peut générer des conflits: le système-monde capitaliste impose ses temporalités aux autres strates. Il est nécessaire d'enrichir l'analyse des dynamiques sociales par leur développement sur la longue durée pour éviter l'écrasement du temps long par le temps conjoncturel et événementiel du capitalisme [30](#page=30).
### 6. Après Talcott Parsons, Henry Mintzberg... ou Michel Foucault ? Regards croisés sur l'organisation comme système et comme structure
#### 6.1 Le paradoxe de toute organisation : sortir de l'utilitarisme pour gagner en efficacité
L'organisation du travail a révélé la complexité du facteur humain, les problèmes individuels et collectifs échappant à la rationalité économique et technique. L'École des relations humaines (Elton Mayo) a montré que le "social" joue un rôle déterminant dans l'efficacité, distinguant "organisation formelle" et "organisation informelle". Trop de rationalité formelle nuit à l'efficacité [30](#page=30) [31](#page=31).
> **Tip:** Les systèmes et structures dans l'analyse des organisations s'intéressent aux phénomènes collectifs, aux interdépendances et à la "totalité sociale" [31](#page=31).
Une **structure** est une organisation, une cohérence de rapports stables qui façonne le déroulement historique, servant de "soutien" et d'"obstacle". Un **système** détermine le sens d'un élément par sa position dans un ensemble, comme les pièces d'un jeu d'échecs [31](#page=31) [32](#page=32).
#### 6.2 Talcott Parsons : structure et système d'action
Pour Parsons, l'action accomplit quatre fonctions (formule AGIL: Adaptation, Goal, Integration, Latency) qui répondent à un principe général [32](#page=32).
* **Structuro-fonctionnalisme (Henry Mintzberg):** Vise une meilleure adaptation de l'organisation à son environnement via sa structure. Approche contingente: les structures organisationnelles dépendent de l'environnement [32](#page=32).
* **Critique structuraliste (Michel Foucault):** Met l'accent sur le potentiel critique d'une lecture structurale pour déconstruire les rapports de domination dans les organisations, vues comme des "systèmes politiques" [32](#page=32).
#### 6.3 Le structuro-fonctionnalisme : l'organisation comme "système structuré, face à un environnement"
Les structures d'intégration peuvent être pyramidales, hiérarchiques, utopiques ou participatives et matricielles, variant selon la complexité et la compétitivité de l'environnement. L'organisation doit adapter sa structure et ses relations à son environnement [33](#page=33).
* **Environnement et dépendances:** L'environnement, conçu comme extérieur, déterministe et pluriel, est le nouveau domaine de légitimité des organisations [34](#page=34).
* **Une approche fonctionnelle du pouvoir:** Le pouvoir est fonctionnel, lié aux asymétries, mais non critique. Il vise à renforcer l'adaptation de l'organisation [34](#page=34).
* **La coordination, point de rupture avec le taylorisme:** Dispositifs transversaux combinant des actions indépendantes pour rassembler, donner du pouvoir (autorité et influence) [34](#page=34).
Mintzberg identifie trois sources de coordination: relations interpersonnelles, management, et standardisation (procédures, résultats, qualifications, modèles culturels). La culture organisationnelle est essentielle pour l'efficacité [34](#page=34) [35](#page=35).
##### 6.3.2 Coordination et pouvoir, des relations structurées
Il existe deux types de pouvoir :
* **Pouvoir d'autorité:** Lié à la position dans le système de décision et la division du travail [35](#page=35).
* **Pouvoir d'influence:** Capacité à influencer les décisions en mobilisant des sources de coordination [35](#page=35).
La notion de "configuration organisationnelle" remplace le terme "structure" chez Mintzberg, permettant de classifier les organisations en "types-idéaux" évolutifs. Il propose cinq configurations: mécaniste, entrepreneuriale, professionnelle, missionnaire, et adhocratique [35](#page=35) [36](#page=36).
##### 6.3.3 Travail et subjectivité dans le champ structuro-fonctionnaliste : des catégories relativisées ?
L'organisation est analysée collectivement, visant l'adaptation d'un système à un environnement. Le travail est relativisé au profit des fonctions et rôles, et le "sujet" devient "membre de l'organisation" [36](#page=36).
Pour Mintzberg: analyse substantielle des organisations centrée sur l'adaptation; approche fonctionnelle du pouvoir; importance de la coordination et du pouvoir; pluralité des sources de coordination; distinction entre "buts de mission" et "buts de système" [37](#page=37).
#### 6.4 La critique structuraliste : les structures organisationnelles entre assujettissement et subjectivation
##### 6.4.1 L'exemple du panoptique
Foucault analyse le panoptique de Bentham, révélant la rationalisation extrême des comportements humains sous surveillance. Le panoptique est une "technologie anonyme" de surveillance permanente, caractérisée par une économie de la visibilité et un équilibre du visible et de l'invisible [37](#page=37).
> **Exemple:** "Dans la discipline, ce sont les sujets qui ont à être vus. Leur éclairage assure l’emprise du pouvoir qui s’exerce sur eux." [38](#page=38).
##### 6.4.2 Pouvoir, discipline, dispositifs : les formes de la domination moderne
Le corps humain devient "utile", structuré par une gestualité calculée et soumise à une "anatomie politique" ou "mécanique du pouvoir". La discipline fabrique des corps "dociles" [38](#page=38).
##### 6.4.3 Principes de surveillance et organisations économiques
La surveillance généralisée fait appel à l'emploi du temps, à l'articulation corps-geste-objet, et à l'utilisation exhaustive. Foucault s'intéresse aux principes structurant les rapports sociaux dans les organisations, même s'il généralise l'organisation carcérale. La surveillance généralisée peut prendre des formes diverses, anticipant les enjeux d'Internet et des réseaux sociaux [39](#page=39).
##### 6.4.4 Gouvernementalité et souci de soi : la question des résistances
Foucault distingue "gouvernementalité" (gouvernement des organisations, domination et résistance) et "souci de soi". Le souci de soi est une manière d'être dans le monde, une résistance au pouvoir qui obstacle le sens. La "subjectivation" décrit comment un corps et une conscience apprennent à se situer dans un réseau de savoirs et de pouvoirs [39](#page=39).
Pour Foucault: le pouvoir s'exerce et circule dans les organisations; l'organisation est un mode de gouvernement et de résistance ("gouvernementalité"). Le souci de soi est un acte de résistance et de mise en sens de son activité [39](#page=39).
#### 6.5 En quoi l'analyse systémique ou structurelle des organisations permet-elle de relever le défi écologique ?
##### 6.5.1 Face à l'urgence écologique : "configuration" et "gouvernementalité" ?
Une articulation entre Mintzberg et Foucault pourrait proposer deux voies :
1. "Verdir" les configurations existantes, réaffirmer la rationalité formelle, mais avec le risque d'une soutenabilité écologique au détriment de la soutenabilité sociale [40](#page=40).
2. Organiser la transition des configurations organisationnelles elles-mêmes vers une "configuration écologique", où la gouvernementalité foucaldienne permettrait de tenir ensemble soutenabilité écologique et sociale, les processus d'autocréation (autopoïesis) des organisations étant profondément politiques [40](#page=40).
##### 6.5.2 Critique de la croissance
Dominique Méda souligne le "paradoxe de la croissance": nécessaire pour l'économie, mais mortifère pour la soutenabilité des écosystèmes. Les organisations doivent définir des formes de prospérité éloignées des dynamiques d'accumulation destructrices, avec le soutien des pouvoirs publics, l'action coordonnée des territoires et la négociation avec les interlocuteurs sociaux. Cela suppose un nouveau rapport au temps, une remise en cause de la division internationale du travail et un "droit à l'expérimentation" [40](#page=40).
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# Savoirs, identités et décisions économiques : psychologie, biais cognitifs et discriminations
Ce sujet explore comment la psychologie humaine, les biais cognitifs et les identités influencent nos décisions économiques, en examinant les dynamiques du marché, les discriminations raciales, et le rôle des émotions et de l'apprentissage dans les organisations.
### 4.1 La psychologie des agents économiques et les origines de l'économie comportementale
Le paradigme « savoirs et identités » aborde la rationalité économique de manière indirecte, en mettant l'accent sur les sens, les valeurs et la justice, qui conditionnent les relations sans être toujours apparents. L'analyse du marché est enrichie par la considération des « formes de cognition » et des « biais cognitifs », soulignant que les décisions économiques ne sont pas uniquement le fruit d'un calcul objectif comme le postule l'utilitarisme. La psychologie joue un rôle crucial dans les décisions de l' *Homo oeconomicus*, et derrière l'apparente objectivité du calcul se cachent des discriminations, notamment raciales, sur le marché du travail où l'identité conduit à des pratiques d'exclusion [42](#page=42).
#### 4.1.1 John Maynard Keynes et les fondements de la psychologie économique
John Maynard Keynes est un précurseur majeur de la psychologie économique. Dans sa *Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie* il identifie trois phénomènes psychologiques fondamentaux :
* **La loi psychologique générale**: Cette loi stipule que la consommation d'un agent économique augmente avec son revenu, mais dans une proportion moindre, privilégiant ainsi l'épargne. Elle s'explique par des besoins de précaution, de prévoyance et d'indépendance. Cette loi affecte la structure du marché en influençant la demande et l'offre, et les variables psychologiques jouent un rôle majeur dans les anticipations des agents [42](#page=42) [43](#page=43).
* **La préférence pour la liquidité**: Il s'agit de la tendance d'un agent à refuser le risque d'investissement pour préférer détenir de l'argent liquide, ce qui le rassure [43](#page=43).
* **Les « esprits animaux »**: Keynes utilise cette expression pour désigner un désir d'agir qui échappe au calcul d'optimalité, manifestant un « besoin spontané d'agir plutôt que de ne rien faire ». Il s'agit d'une impulsion obéissant plus à l'intuition qu'à la prévision. Cette notion permet de s'éloigner d'une projection « rationaliste » qui assimile les agents économiques à de simples « centres de calcul » [43](#page=43).
Les travaux contemporains sur le rôle de la psychologie dans les activités économiques, notamment financières, s'inscrivent dans cette lignée keynésienne [43](#page=43).
#### 4.1.2 Aux sources de l'économie comportementale : les biais cognitifs
L'économie comportementale, bien que son noyau conceptuel soit ancien, a gagné en visibilité suite à la crise des crédits hypothécaires de 2008. Cette crise a remis en cause la thèse de l'efficience des marchés, tant financiers que généraux [43](#page=43).
##### 4.1.2.1 La problématique de l'économie comportementale
Keynes soulignait déjà l'importance des « nerfs et des humeurs », ainsi que des « réactions au climat politique et social » dans les perspectives d'investissement. Ces dimensions incarnées (passions, émotions, affects) échappent à la maîtrise de l'agent économique et influencent sa prise de décision, remettant en cause l'hypothèse *ceteris paribus* des économistes classiques et la rationalité illimitée des agents [43](#page=43) [44](#page=44).
Contrairement à l'économie des conventions qui se concentre sur les dispositifs collectifs et les bases « valorielles » des choix, l'économie comportementale, promue par Richard Thaler, s'intéresse à la subjectivité individuelle. Elle vise à comprendre la variabilité, la diversité et la profondeur de la psyché humaine pour en tirer des conséquences cognitives. Les questions centrales sont [44](#page=44):
* Est-il réaliste d'assimiler l'humain à un « robot » maximisant son intérêt individuel alors que le corps, les émotions et la culture jouent un rôle déterminant [44](#page=44)?
* Comment aider les agents à faire des choix bénéfiques pour eux-mêmes et la collectivité, sans entraver leur liberté [44](#page=44)?
* Faut-il reconstruire l'économie sur la base des comportements humains réels (*Homo sapiens*) plutôt que sur l' *Homo oeconomicus* [44](#page=44)?
##### 4.1.2.2 La méthode de l'économie comportementale
Richard Thaler présente ses travaux non pas comme un paradigme alternatif, mais comme une critique interne visant à améliorer la pertinence de la théorie économique standard (TES). Cette critique s'exerce à deux niveaux [44](#page=44):
1. **Critique théorique**: Elle rejette la neutralisation du contexte en convoquant le corps, les émotions et la culture, contestant l'idée d'une rationalité formelle séparée de toute interférence subjective. L'accent est mis sur la manière dont la rationalité substantielle s'immisce dans la rationalité formelle. Les marchés ne peuvent donc pas être efficients comme admis par la pensée économique traditionnelle [44](#page=44).
2. **Critique empirique**: Elle s'appuie sur la méthode expérimentale, souvent réalisée en laboratoire avec des étudiants comme sujets. Cette approche est originale dans une discipline dominée par la modélisation déconnectée de la réalité et permet de renouer avec l'économie appliquée, notamment dans le champ des marchés financiers, souvent considérés comme les plus proches du marché de concurrence pure et parfaite [45](#page=45).
##### 4.1.2.3 Les résultats de l'économie comportementale
Les travaux de l'économie comportementale ont des applications dans divers domaines, mais leur apport à la finance comportementale et à l'analyse des marchés financiers est particulièrement notable, terrains de prédilection de Richard Thaler. Les recherches de Daniel Kahneman sont essentielles à cet égard. Selon Kahneman, le cerveau humain fonctionne selon deux systèmes [45](#page=45):
* **Système I**: Régit les comportements intuitifs et instinctifs, lié aux émotions primitives comme la peur, la panique, l'euphorie, la sympathie, la haine, le bien-être [45](#page=45).
* **Système II**: Régule la partie rationnelle et calculatrice, permettant d'évaluer le bien-être par des analyses coûts/bénéfices [45](#page=45).
Un « **biais cognitif** » est défini comme tout facteur instinctif, émotionnel, affectif ou culturel issu du système I qui prend le pas sur le système II, conduisant à des décisions qui ne seraient pas prises autrement. Ces biais sont des formes systématiques d'incohérence dans nos décisions et comportements, expliquant l'inefficience des marchés, le comportement des investisseurs et les bulles spéculatives [45](#page=45).
**Principaux biais cognitifs identifiés par R. Thaler :**
| Type de biais | Description |
| :------------------------------ | :---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- |
| Ancrage | Se fonder sur un élément d'information initial pour faire une estimation. Les estimations varient en fonction du point de départ utilisé, souvent lié à la localisation géographique (ex: estimation de la population de Milwaukee). | [46](#page=46).
| Heuristique de disponibilité | Juger la fréquence d'un événement selon la facilité avec laquelle on peut trouver des exemples. Cela peut mener à surestimer des risques facilement visualisables (ex: homicides vs suicides) et à en ignorer d'autres. Les médias jouent un rôle dans la construction de cette disponibilité. | [46](#page=46).
| Heuristique de représentativité | Évaluer la probabilité d'une hypothèse en fonction de son adéquation avec les données disponibles, percevant des motifs dans des informations aléatoires (ex: clusters de cancer, croyance en la "hot hand" au basket). | [46](#page=46).
| Statu quo | Tendance à poursuivre une série d'actions si elles font partie des habitudes ou traditions, même si elles ne sont pas dans l'intérêt de l'individu (ex: période d'essai gratuite transformée en abonnement payant sans consentement actif). | [46](#page=46).
| Mentalité grégaire, effet de meute ou effet de groupe | Forte influence des choix et actions des autres, surtout dans les petits groupes. Les individus ont tendance à se conformer aux réponses du groupe, même fausses, comme démontré par Solomon Asch. | [47](#page=47).
Thaler a appliqué ces biais au fonctionnement des marchés financiers, identifiant notamment l'excès d'enthousiasme ou de crainte, le biais de familiarité, l'aversion à la perte et le cadrage hédonique [47](#page=47).
> **Tip:** Il est crucial de comprendre que, d'un point de vue subjectif, les biais cognitifs ne sont pas des déviations, mais le résultat incorporé, socialement et culturellement construit, de nos interdépendances. L'économie comportementale met l'accent sur la complexité de la psychologie et la part des émotions (système I) dans la formation des choix, tout en évaluant les résultats sur le terrain de l'activité mentale (système II) [47](#page=47).
### 4.2 Marché, identité et discriminations
#### 4.2.1 The American Way of Life : le marché comme réactivation du mythe des origines
Aux États-Unis, le capitalisme de marché s'inscrit dans une culture particulière, l' "American Way of Life", caractérisée par l'esprit du *self-made man*, l'individualisme, la décentralisation et la libre entreprise, héritées de la Magna Carta. Le "moment néolibéral" des années 1980, avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan, a été interprété comme un retour au mythe des origines, s'alignant idéologiquement avec l'identité historique américaine. Ce mouvement a conduit à moins d'impôts sur les sociétés, à la réduction du pouvoir syndical et à une diminution de l'interventionnisme étatique, parallèlement à une augmentation des investissements militaires et du contrôle social [48](#page=48).
Le néolibéralisme radicalise la coordination marchande et réactive le mythe de la liberté originelle, créant un approfondissement des inégalités socio-économiques. Les inégalités sont considérées comme inévitables et sont profondément racisées, le développement du racisme s'enracinant dans le fonctionnement du marché du travail [48](#page=48).
#### 4.2.2 Le néolibéralisme comme démantèlement de l'État-providence
Le néolibéralisme a cherché à démanteler l'architecture des programmes sociaux et des politiques antidiscriminatoires, particulièrement celle mise en place aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale pour les Afro-Américains. Ces derniers ont subi une "double peine": affaiblissement de leur protection sociale et ciblage par les politiques sécuritaires. Le marché devient alors une figure culturelle, censée incarner l'identité originelle des États-Unis, dont les effets inégalitaires ne sont plus compensés par des politiques publiques. Le marché entretient et accentue les discriminations raciales dans un contexte d'affaiblissement des politiques antiracistes, générant un "racisme de masse" [48](#page=48) [49](#page=49).
#### 4.2.3 Séparatisme économique et marché "color-blind" : du racisme au néo-racisme
Deux évolutions récentes ont marqué cette période :
1. **Séparatisme économique**: Il oppose les communautés noire et blanche par la promotion d'un "capitalisme noir" et la transformation de la communauté noire en une part de marché identitaire [49](#page=49).
2. **Discours postraciste ("color-blindness")**: Ce discours, exaltant la responsabilité individuelle, prétend que la Constitution devrait ignorer la couleur de peau. L'élection de Barack Obama, bien que symbolique, a paradoxalement affaibli la lutte contre le racisme en occultant les discriminations structurelles dans les échanges sociaux [49](#page=49).
Sylvie Laurent souligne que cette injonction à la responsabilisation libératrice, sans attente de l'État, est une caractéristique de l'idéologie néolibérale. La lutte contre le racisme est rendue plus difficile lorsque celui-ci se glisse dans le fonctionnement ordinaire du marché du travail, invisible du fait de l'interdiction formelle du racisme héritée du mouvement des droits civiques. Ce phénomène est désigné comme le « **néoracisme** », qui se développe dans un contexte normatif censé s'y opposer [49](#page=49) [50](#page=50).
#### 4.2.4 Émotions, discriminations et écologie
Richard Thaler propose un "paternalisme libertarien" avec le concept de "coup de pouce" (*nudge*) pour réorienter les actions vers la soutenabilité écologique et sociale. Cependant, cette approche sous-estime une réalité émotionnelle prégnante, notamment chez les jeunes: l' **éco-anxiété**, la conscience d'un risque d'effondrement écologique [50](#page=50).
Parallèlement, l'idée d'un marché "color-blind" est à l'origine d'un **racisme écologique**, illustré par l'enfouissement de déchets dans les quartiers afro-américains. Les programmes d'ajustements structurels inspirés par Friedman, Hayek et Becker ont des effets incompatibles avec la limitation des inégalités, la préservation de la biodiversité et le développement soutenable dans de nombreux pays, notamment en Afrique, favorisant l'exploitation forestière pour le remboursement de dettes et les droits privés de propriété au détriment des "communs environnementaux" [50](#page=50).
### 4.3 Organisations, apprentissages, émotions et discriminations
#### 4.3.1 Apprentissage organisationnel, compétences et savoirs locaux
Chris Argyris et Donald Schön proposent d'analyser le développement des compétences au niveau des organisations (*organizational learning*). Ils distinguent deux types d'apprentissage [51](#page=51):
* **Apprentissage en « simple boucle »**: Évaluation des actions passées selon un modèle coûts/bénéfices, visant à reproduire le succès et rejeter l'échec. Il est fondé sur la répétition [51](#page=51).
* **Apprentissage en « double boucle »**: Évaluation des actions passées en interrogeant les conditions organisationnelles elles-mêmes (pratiques de coordination, pouvoir, règles). Il est fondé sur l'innovation et la création de nouvelles pratiques [51](#page=51).
Ces recherches ont mis en lumière les notions de :
* **Routine organisationnelle**: Peut être un outil d'efficacité ou un obstacle à la réflexivité critique et à l'évolution, reproduisant les erreurs passées ("on a toujours fait comme ça") [51](#page=51).
* **Mémoire organisationnelle**: Attribution aux organisations de caractéristiques de la mémoire individuelle. Les organisations accumulent des connaissances influencées par des événements marquants, constituant un "réservoir symbolique" qui facilite ou inhibe les apprentissages actuels [52](#page=52).
#### 4.3.2 Le développement des compétences : un enjeu central
Face à l'hypercomplexité des processus productifs et aux incertitudes des marchés, les organisations doivent anticiper les risques, multiplier les apprentissages et inventer une coopération technique et symbolisante. Les compétences collectives sont essentielles à la gouvernance des firmes. Pierre Veltz décrit l'émergence d'un "nouveau monde industriel" puis "hyperindustriel", caractérisé par une reconfiguration du taylorisme, le développement du travail en réseau, la coopération et l'horizontalité [52](#page=52).
#### 4.3.3 Des savoirs experts aux savoirs profanes
Isaac Joseph, dans son étude des salles de contrôle du métro parisien, a mis en évidence les dispositifs locaux d'apprentissage où les interactions permettent de développer une "connaissance ordinaire" sur le monde social. Ces interactions sont à la source d'un "savoir pratique" ou "savoir profane", essentiel pour maintenir la qualité du travail face aux incidents. Le "désordre organisé" est l'espace de travail partagé sur lequel émergent les formes de mobilisation et de coopération nécessaires à la gestion des perturbations [53](#page=53).
#### 4.3.4 Affects et émotions dans les relations de travail
* **Le coût de l'excellence**: La vision de l'entreprise comme une "famille" ou une aventure entre "amis" favorise une projection idéale de soi (*idéal du moi*) conforme aux attentes de l'entreprise, menant à des phénomènes de dépendance, d'addiction au travail et d'épuisement professionnel (*burn-out*). Le coût de cet écart entre conditions concrètes et image idéale est l'instabilité psychique et la souffrance [53](#page=53).
* **Les compétences émotionnelles**: Les recherches sur l'intelligence émotionnelle mettent en évidence le rôle des émotions dans la vie sociale et professionnelle. Elles visent à identifier et réguler les émotions, notamment pour la prévention du *burn-out* et la réussite des tâches professionnelles. Cependant, elles ne considèrent pas les conditions sociales objectives d'utilisation de ces compétences [54](#page=54).
* **Le travail émotionnel (*emotional labour*)**: Arlie Hochschild définit cela comme un travail sur soi pour gérer ses émotions dans des situations sociales difficiles. Elle distingue cette notion de "travail émotionnel" qui renvoie aux "règles de sentiment" propres à un milieu de travail. Les professions en contact avec le public doivent exprimer et réguler leurs émotions selon des règles strictes ("faire semblant d'y croire vraiment", "ne pas montrer ses émotions négatives"). Ce travail émotionnel crée une torsion entre ce que les individus vivent subjectivement et ce que l'organisation leur demande de vivre, affectant leur authenticité, autonomie et sens critique. Cette mutation concerne majoritairement les métiers du secteur tertiaire et présente une dimension genrée [54](#page=54) [55](#page=55).
> **Example:** L'hôtesse de l'air produit de l'émotion en même temps qu'un service, ce qui fait partie intégrante de son travail. Le fait d'"avoir l'air d'aimer son travail" est une exigence organisationnelle [55](#page=55).
Christophe Dejours distingue le "travail prescrit" du "travail réel", et la "tâche" de l'"activité". Le travail réel est une expérience d'écart, vécue comme sujet concret et incarné, faisant émerger une "intelligence du corps" ou "savoir pratique" qui surmonte la division entre raison et émotions. La reconnaissance de cet écart par le groupe, la hiérarchie ou l'organisation est essentielle pour transformer la souffrance en plaisir et préserver la santé mentale. La non-reconnaissance rend l'expérience de travail "invivable" [55](#page=55) [56](#page=56).
#### 4.3.5 Identités polymorphes : « faire » et « défaire » l’identité
* **De la culture nationale aux dimensions culturelles de l’organisation**: La "culture d'entreprise" vise à formater les valeurs organisationnelles pour la gouvernance, mais deux autres approches sont pertinentes [56](#page=56).
1. **Approche culturaliste**: Met l'accent sur les traditions culturelles nationales intériorisées par les membres de l'organisation, soulignant la diversité culturelle mais risquant de véhiculer des stéréotypes [56](#page=56).
2. **Approche relationnelle**: La variable culturelle résulte des relations entre acteurs au sein des organisations. Les relations de pouvoir s'accompagnent d'expériences culturelles décisives, conduisant à des ruptures ou constructions identitaires qui donnent sens au travail et fournissent des ressources pour négocier sa place [56](#page=56).
* **Identités et rapports de genre** :
* **Égalité entre les femmes et les hommes**: La critique féministe de la division capitaliste du travail a mis en lumière le "plafond de verre", le "mur de verre" et le "travail reproductif". L'émancipation des femmes, soutenue par des évolutions médicales et juridiques, a remis en cause la division sexuelle du travail au nom de l'égalité des droits, des capacités et des rôles [57](#page=57).
* **Éthique du soin (*care*)**: Désigne toute activité susceptible de "réparer" les relations sociales. Les tâches de soin, occultées, sont une condition de l'activité économique. Elles appellent une reconnaissance et un soutien institutionnel, ainsi qu'une éthique de l'attention aux autres et de la responsabilité sociale. L'éthique du *care* peut servir de point d'appui critique pour contrer les formes de domination au travail ou constituer une éthique possible adaptée à certaines activités, offrant des perspectives loin de l'utilitarisme [57](#page=57) [58](#page=58).
* **Harcèlement (moral et sexuel)**: Marie-France Hirigoyen analyse les liens entre personnalités toxiques et victimes dans le harcèlement moral, mettant l'accent sur les relations interindividuelles et l'éthique de responsabilité. Les organisations ont souvent été le théâtre de complicités favorisant le harcèlement sexuel et une culture de l'impunité [58](#page=58).
* **Identités, diversité et discriminations raciales** :
* **Racisme et économie**: La progression du racisme est indissociable de la fiction universaliste associant l'humanisme des droits humains au réalisme du marché global. L'impossibilité de voir la promesse d'émancipation se réaliser alimente le racisme, notamment chez les travailleurs moins qualifiés [59](#page=59).
* **Racisme et travail**: Le racisme au travail remplit trois fonctions: exclusion, infériorisation et relation avec l'extérieur. Il dépend de processus concrets liés aux pratiques professionnelles et à l'organisation du travail. Mustafa Emirbayer et Matthew Desmond montrent comment un "ordre social" se construit par des ajustements locaux, produisant et réactivant des discriminations raciales. Ils soulignent comment la dimension raciale s'articule avec d'autres dimensions (classe, qualification, genre) pour mettre en scène les rapports de pouvoir dans des univers multiculturels, évitant l'essentialisation [59](#page=59).
* **Politiques de la diversité, une tâche impossible?**: Lilia Cortina suggère que les incivilités ordinaires sont le "voile" derrière lequel les discriminations de genre et de race se reproduisent. Les politiques de gestion de la diversité doivent donc combattre non seulement les manifestations racistes ouvertes, mais aussi les sources d'incivilité, qualifiées de "brutalité ordinaire" [60](#page=60).
#### 4.3.6 Apports et limites de l'approche intersectionnelle
L'approche intersectionnelle, forgée par Kimberlé Crenshaw, met en évidence que le racisme et le sexisme varient selon les combinaisons d'identités (homme/femme, blanche/noire). Elle souligne la gradation des situations et le cumul des stigmates. Juliette Rennes et alii insistent sur l'articulation des rapports de genre avec d'autres rapports sociaux, rendant compte de la complexité des dominations et des privilèges [60](#page=60).
> **Tip:** L'intersectionnalité permet de dépasser la vision d'un sujet du travail masculin blanc, mais présente des limites: une reconstruction homogénéisatrice de l'histoire sociale, des difficultés d'analyse concrète du monde du travail et une sous-estimation des interactions ordinaires de stigmatisation [60](#page=60).
#### 4.3.7 Vers un travail soutenable ?
La notion de « travail soutenable » repose sur un triangle opératoire: empreinte carbone, épuisement professionnel et discriminations [61](#page=61).
1. **Empreinte carbone**: Les effets de l'organisation du travail, des transports et des choix individuels sur la planète exigent une action volontariste des pouvoirs publics et des changements de modes de production et de vie [61](#page=61).
2. **Épuisement professionnel**: L'instrumentalisation des émotions, une charge de travail excessive, une organisation pyramidale, l'absence de reconnaissance, et les conflits de valeur conduisent à des situations d'épuisement professionnel où la charge devient "insupportable" [61](#page=61).
3. **Discriminations**: Les violences de genre et le racisme dans le monde du travail révèlent une inégale distribution des revenus, des richesses, mais aussi des inégalités d'accès à l'éducation, à la formation, à la parole publique, etc.. La réflexion porte sur la manière dont les tensions se superposent ou se diversifient entre et au sein des groupes sociaux [61](#page=61).
Il est donc nécessaire de réfléchir à des « systèmes de travail soutenable » et à une « approche systémique », dans l'esprit du développement durable (rapport Brundtland, 1987). Le terme "durable" s'applique au fonctionnement de l'entreprise, tandis que "soutenable" se focalise sur le travail lui-même [61](#page=61).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Terme | Définition |
|---|---|
| Organisation | Processus de gestion des ressources (matérielles, informationnelles, etc.) et de coordination des activités humaines en vue d’atteindre un résultat. Elle désigne aussi bien l'action d'organiser que le résultat de cette action. |
| Marché | Mécanisme d'échange économique reposant sur la rencontre d'une offre et d'une demande, la détermination des prix et la fixation des quantités. Il constitue l'environnement immédiat d'une organisation marchande. |
| Rationalité formelle | Met l'accent sur la conformité des comportements à une procédure de calcul ou de droit, laquelle existe préalablement à l'action. |
| Rationalité substantielle | Met l'accent sur les interactions elles-mêmes et sur le sens que les acteurs lui donnent dans le cours de l'action. |
| Soutenabilité écologique et sociale | Conception élargie de la soutenabilité qui englobe le maintien et le développement de la vie sous toutes ses formes, en reconnaissant le lien des humains à la biosphère et en revisitant les relations entre les humains. |
| Marché aux esclaves | Mécanisme d'échange économique où des êtres humains sont considérés comme des marchandises, caractérisé par une division du travail à grande échelle, une fixation des prix basée sur la qualité des "marchandises" et des innovations financières pour gérer les risques. |
| Organisation génocidaire | Organisation dont l'objectif central est de réaliser des opérations de discrimination, d'exclusion ou de mise à mort de la manière la plus efficace possible, souvent par une division hiérarchique et fonctionnelle du travail substituant la responsabilité technique à la responsabilité morale. |
| Productivisme | Régime économique mondialisé dont les limites géographiques sont celles de la planète, mais qui opère au prix de la destruction des limites écologiques, générant un affaissement du sens moral face à la connaissance scientifique de la dégradation écologique et à des effets différés. |
| Utilitarisme | Courant de pensée caractérisé par le welfarisme (définition de l'utile par rapport au bien-être), l'individualisme (les conduites humaines guidées par l'utilité individuelle) et une méthode calculatrice (calcul coûts/bénéfices comme procédure de sélection des préférences). |
| Division du travail | Organisation de la production selon des règles strictes qui découpe les opérations élémentaires, requiert une habileté spécifique et détermine le temps passé à la production, influençant la création de richesse. |
| Organisation Scientifique du Travail (OST) | Méthode visant à augmenter le bien-être matériel par l'accroissement de la productivité du travail, reposant sur la lutte contre la flânerie, le contrôle des temps productifs, la parcellisation des tâches et la division entre concepteurs et exécutants. |
| Fordisme | Système basé sur les acquis du taylorisme, favorisant la production et la consommation de masse, et cherchant à développer le pouvoir d'achat des classes sociales centrales dans les sociétés industrielles. |
| Aliénation (chez Marx) | Situation où l'homme est étranger à lui-même et à son essence, séparé du produit de son travail et de la maîtrise de l'organisation du travail, dans le cadre du régime capitaliste. |
| Exploitation (chez Marx) | Mécanisme par lequel un travailleur ne perçoit pas la rétribution correspondant à son travail effectif, permettant la constitution de la plus-value et du profit capitaliste. |
| Solidarité mécanique (Durkheim) | Solidarité basée sur la ressemblance et le rang des individus, typique des sociétés traditionnelles. |
| Solidarité organique (Durkheim) | Solidarité basée sur la complémentarité des fonctions et des rôles, typique des sociétés modernes et de la division du travail social. |
| Plafond de verre | Barrière invisible qui empêche les femmes d'accéder aux postes à haute responsabilité, malgré leur présence croissante sur le marché du travail. |
| Mur de verre | Segmentation du marché du travail en professions à dominante masculine et féminine, où les professions masculines sont culturellement et socialement mieux valorisées. |
| Travail reproductif | Activités liées à la reproduction sociale (domestique, familiale) qui soutiennent le travail productif, souvent assurées par les femmes. |
| Anthropocène | Désigne les effets en retour de l'activité humaine sur la biosphère, marquant la fin de l'idée d'une nature entièrement extérieure aux activités humaines et la transformation de la nature en construction culturelle. |
| Système-monde (Wallerstein) | Organisation d'organisations (États, entreprises, ménages, etc.) qui fonctionne comme une matrice, où les règles se construisent à travers la contrainte de la coexistence d'acteurs aux pouvoirs asymétriques. |
| Division internationale du travail | Répartition du travail à grande échelle induisant des échanges non seulement de produits mais aussi de flux de travail entre pays du centre et périphéries de l'économie-monde. |
| Rationalité du mal | Analyse des phénomènes inhumains (marché aux esclaves, Shoah, productivisme) par leurs dimensions économiques et organisationnelles, notamment par l'usage d'une rationalité exclusivement formelle, coupée de toute interrogation sur le sens et la morale. |
| Production sociale d’indifférence morale | Organisation où les individus agissent sans responsabilité directe, se conformant à des procédures qui les coupent de la question du sens de leurs actions, facilitant ainsi des actes graves. |
| Substitution de la responsabilité technique à la responsabilité morale | Phénomène où les individus se concentrent sur l'exécution correcte de leurs tâches selon des procédures établies (responsabilité technique), au détriment de la considération du sens éthique de leurs actions (responsabilité morale). |
| Panoptique | Structure architecturale imaginée par Jeremy Bentham, permettant une surveillance permanente et une économie de la visibilité, où les détenus sont constamment vus sans pouvoir voir leurs surveillants, symbolisant le pouvoir disciplinaire moderne. |
| Gouvernementalité (Foucault) | Double jeu d'administration de la contrainte et de mise en scène du pouvoir, ainsi que des capacités de résistance qui s'y opposent. |
| Subjectivation | Processus par lequel une conscience et un corps apprennent à se situer dans un réseau de savoirs et de pouvoirs, en se jouant des structures qui les enserrent. |
| Apprentissage en simple boucle | Évaluation des actions passées selon un modèle coûts/bénéfices, visant à reproduire ce qui a fonctionné et rejeter ce qui n'a pas fonctionné, fondé sur la répétition. |
| Apprentissage en double boucle | Évaluation des actions passées en interrogeant les conditions organisationnelles elles-mêmes, visant à l'innovation et à la création de nouvelles pratiques organisationnelles. |
| Routine organisationnelle | Ensemble de pratiques établies au sein d'une organisation qui permettent d'agir rapidement en mobilisant une communauté professionnelle, mais qui peuvent aussi évacuer la réflexivité critique et reproduire des erreurs. |
| Mémoire organisationnelle | Ensemble des connaissances accumulées par une organisation à la suite d'événements marquants, qui influence ses apprentissages actuels et peut inhiber ou faciliter l'évolution. |
| Travail émotionnel (emotional labour) | Travail consistant à gérer et exprimer ses émotions selon les règles définies par l'organisation, souvent pour produire un service, particulièrement dans les métiers de contact avec le public. |
| Intelligence pratique / Savoir pratique | Forme d'intelligence qui permet de surmonter la division entre raison et émotions en s'intéressant aux conditions concrètes de réalisation du travail, et qui émerge de l'expérience vécue. |
| Biais cognitif | Facteur instinctif, émotionnel, affectif ou culturel qui, issu du système de pensée intuitif, prend le pas sur le système de pensée rationnel et calculateur, entraînant des décisions incohérentes ou sous-optimales. |
| Éco-anxiété | Conscience aigüe d'un risque d'effondrement écologique sans horizon de rechange, générant une anxiété face à la crise environnementale. |
| Néoracisme | Racisme qui se développe dans un contexte normatif conçu pour s'y opposer, souvent par le biais d'incivilités ordinaires ou d'un discours post-racial occultant les discriminations structurelles. |
| Intersectionnalité | Approche qui analyse la manière dont différentes formes de discrimination (genre, race, classe, âge, etc.) s'articulent et se cumulent, créant des expériences de domination spécifiques. |
| Travail soutenable | Notion qui articule étroitement les relations des humains entre eux et les relations à la biosphère, tout en posant la question de la soutenabilité des relations sociales elles-mêmes, en considérant l'empreinte carbone, l'épuisement professionnel et les discriminations. |