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Summary
# Les éléments constitutifs de l'État
L'existence d'un État en droit international public repose sur la réunion de trois éléments constitutifs fondamentaux: une population permanente, un territoire déterminé et un gouvernement effectif [1](#page=1) [2](#page=2) [3](#page=3).
### 1.1 Une population permanente
L'État est avant tout une collectivité humaine. La disparition totale de sa population entraînerait la cessation de son existence [1](#page=1).
#### 1.1.1 Définition de la population
En droit international public, la population est définie comme l'ensemble des individus rattachés à un État par un lien juridique stable: le lien de nationalité. Ce lien fonde la compétence personnelle de l'État et lui permet d'exercer un pouvoir sur ses ressortissants, même à l'étranger. La définition n'exclut pas que des étrangers puissent se voir accorder certains droits sur le territoire d'un État [1](#page=1).
> **Tip:** Il est important de distinguer la population au sens du droit international de celle au sens d'une définition plus large incluant tous les résidents sur un territoire donné [1](#page=1).
#### 1.1.2 Population et nation
Un État peut compter plusieurs nations en son sein, étant ainsi un État multinational. La nation peut se concevoir subjectivement (désir de vivre ensemble) ou objectivement (facteurs réels comme une communauté historique). Seule la population est considérée comme un élément constitutif de l'État [2](#page=2).
### 1.2 Un territoire déterminé
La disparition du territoire d'un État entraîne sa disparition. La taille du territoire est indifférente, qu'il soit vaste ou restreint, comme dans le cas des micro-États [2](#page=2).
#### 1.2.1 Territoire et population
La relation entre territoire et population est directe: il ne peut y avoir de territoire étatique sans une population établie. Le nomadisme à l'intérieur des frontières de l'État n'est pas problématique, contrairement au nomadisme transfrontalier. La résidence d'un individu sur un territoire peut constituer un élément prouvant son rattachement à l'État [2](#page=2).
#### 1.2.2 Délimitation du territoire
La délimitation juridique précise du territoire n'est pas une condition nécessaire à l'existence de l'État; certaines frontières peuvent rester imprécises [2](#page=2).
### 1.3 Un gouvernement
Le gouvernement est le troisième élément constitutif de l'État, sans lequel il ne peut exister juridiquement. La notion de gouvernement englobe l'ensemble des pouvoirs publics, y compris les branches législatives, exécutives et juridictionnelles, formant l'ordre constitutionnel de l'État [3](#page=3).
#### 1.3.1 L'effectivité du gouvernement
Le caractère effectif du gouvernement est une condition d'existence de l'État. L'effectivité implique le maintien de l'ordre et de la sécurité intérieure, ainsi que l'exécution des engagements internationaux [3](#page=3).
> **Tip:** Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, consacré par la Charte des Nations Unies, tend à ne pas remettre en cause l'effectivité du pouvoir politique des États dans la plupart des cas [3](#page=3).
#### 1.3.2 Effet de l'effectivité
En cas de guerre civile ou de déliquescence des institutions, l'État défaillant ne cesse pas d'exister car les autres États postulent que son inaptitude est temporaire. L'effectivité est également une condition mentionnée pour l'adhésion à l'Organisation des Nations Unies, où la capacité à remplir les obligations de la Charte est jugée. La condition d'effectivité est peu contrôlée lors d'une admission aux Nations Unies, sauf si une intervention militaire extérieure a joué un rôle significatif dans l'indépendance du nouvel État [3](#page=3).
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# La reconnaissance d'État et la souveraineté
Ce sujet explore le rôle de la reconnaissance par les États existants dans l'intégration d'un nouvel État et analyse la définition et les conséquences de la souveraineté.
### 2.1 La reconnaissance d'État
La reconnaissance d'État est définie comme « l'acte unilatéral par lequel un État souverain existant reconnaît dans la personne d'un État nouveau un autre État souverain ». Elle établit une relation d'égalité entre l'État qui reconnaît et l'État reconnu. Il est crucial de noter que la reconnaissance d'État n'est pas un élément constitutif de l'État. L'existence d'un État est un fait objectif basé sur la réunion de trois éléments: une population permanente, un territoire déterminé et un gouvernement effectif [4](#page=4).
#### 2.1.1 Théorie constitutive de la reconnaissance
Cette conception a été contestée au XIXe siècle par les tenants de la théorie constitutive, selon laquelle la reconnaissance serait un quatrième élément constitutif indispensable à l'existence d'un État. Pour des juristes comme Trippel et Jelinek, l'émergence d'un nouvel État dépendait du consentement des autres États de la communauté internationale, reflétant leur accord sur sa nouvelle souveraineté. Cette thèse s'inscrit dans le courant volontariste du droit international public [4](#page=4).
#### 2.1.2 Utilité pratique de la reconnaissance
Un État nouveau ne peut forcer les autres États à le reconnaître. Tant qu'il n'est pas reconnu, les actes de ce nouvel État peuvent ne pas être considérés comme opposables par les États existants. Ils peuvent refuser d'engager des relations juridiques avec lui, l'empêchant ainsi de conclure des traités internationaux, de participer à des organisations internationales ou d'établir des relations diplomatiques formelles. La capacité d'action sur la scène internationale d'un État non reconnu est donc considérablement réduite, affectant les conditions de survie de sa population. La reconnaissance normalise les relations entre un État nouveau et ceux qui le reconnaissent [4](#page=4) [5](#page=5).
#### 2.1.3 Exercice de la reconnaissance
La reconnaissance est dite prématurée lorsqu'elle intervient avant l'achèvement du processus de formation de l'État. Ces reconnaissances, qu'elles soient prématurées ou tardives, sont souvent influencées par le contexte politique, visant à favoriser ou à freiner l'effectivité d'un nouvel État [5](#page=5).
> **Example:** La reconnaissance de l'État du Panama par les États-Unis d'Amérique quelques jours après l'insurrection contre la Colombie en 1903 est un exemple de reconnaissance prématurée. Inversement, la Turquie n'a toujours pas reconnu l'autorité du gouvernement chypriote sur l'ensemble de l'île de Chypre dans le cadre de son adhésion à l'Union européenne [5](#page=5).
#### 2.1.4 Doctrine de non-reconnaissance
Certaines doctrines prônent la non-reconnaissance de nouvelles entités issues de situations particulières. La doctrine Stimson, développée par le secrétaire d'État américain dans les années 1930, stipulait que les États-Unis ne reconnaîtraient pas un État né d'une situation violente, faisant référence à l'occupation de la Manchourie par le Japon et à la création du Mandchoukouo. La Société des Nations a ensuite universalisé ce principe, imposant aux États membres de ne reconnaître aucune situation résultant d'une violation du pacte Kellogg-Briand [5](#page=5) [6](#page=6).
Aujourd'hui, il existe un devoir de ne pas reconnaître une situation née d'un usage illicite de la force, consacré dans des textes comme la déclaration de 1970 sur les relations amicales et la coopération entre les États. La commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie a affirmé que la reconnaissance, bien que discrétionnaire, doit respecter les normes impératives du droit international, notamment celles interdisant le recours à la force. Cependant, il n'existe pas encore en droit international positif une obligation stricte de ne pas reconnaître un État né dans de telles circonstances; il s'agit davantage d'un devoir politique [6](#page=6).
### 2.2 La souveraineté
La souveraineté est le fondement des relations internationales [6](#page=6).
#### 2.2.1 Définition de la souveraineté en droit international public
1. **La souveraineté comme indépendance**
La Charte des Nations Unies stipule que l'organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres, consacrant ainsi leur indépendance. La sentence arbitrale dans l'affaire de l'Île de Palmas par Max Huber est une référence clé, définissant la souveraineté dans les relations entre États comme l'indépendance. Cette conception a été confirmée par la Cour permanente de justice internationale dans diverses affaires [6](#page=6) [7](#page=7).
2. **La soumission directe à l'ordre juridique international**
La souveraineté normative implique que l'État est souverain s'il est soumis directement et immédiatement au droit international. La Cour permanente de justice internationale, dans l'affaire du vapeur Wimbledon a souligné le lien entre la souveraineté de l'État et sa capacité normative. La faculté de contracter des engagements internationaux est un attribut de la souveraineté. On distingue ainsi l'État fédéral de ses États fédérés: seul l'État fédéral bénéficie de l'immédiateté internationale, tandis que ses composantes peuvent y avoir renoncé ou l'État unitaire avoir cédé certaines compétences sans perdre son immédiateté normative (comme la Belgique). Pour le droit international, seul l'État fédéral est sujet de droit international [7](#page=7).
#### 2.2.2 Les conséquences de la souveraineté
Le principe d'égalité souveraine des États implique la réciprocité des droits et avantages, ainsi que le principe de non-discrimination [7](#page=7).
1. **Souveraineté et liberté d'action**
La souveraineté comme indépendance implique l'absence de subordination organique des États à d'autres sujets du droit international. Il en découle une présomption de validité des actes étatiques, qui peut être réfutée devant une juridiction internationale. Le principe de liberté implique également l'indifférence du droit international quant à la forme politique interne de l'État, à condition que les institutions nationales aient la capacité d'engager l'État sur la scène internationale. La Cour internationale de justice a rappelé ce principe dans l'affaire du Sahara occidental [8](#page=8).
> **Tip:** Bien que le droit international soit traditionnellement indifférent à la forme politique interne de l'État, une évolution idéologique notable, particulièrement en Europe après la chute du mur de Berlin, a conduit à un engagement des États à respecter les principes de la démocratie pluraliste et de l'État de droit, comme en témoignent la Charte de Paris et le traité de Lisbonne. Une tendance similaire se retrouve sur le continent américain avec la Charte démocratique interaméricaine [8](#page=8).
2. **Souveraineté et absence de droit de participer aux RI**
Chaque État est libre de déterminer l'existence et l'étendue de ses relations internationales et de choisir ses partenaires. Les États souverains n'ont pas de droit opposable aux autres États d'entrer en relation juridique avec eux [9](#page=9).
3. **Les limitations de la souveraineté des États**
La souveraineté, bien qu'étant synonyme d'indépendance et de liberté, n'est pas illimitée. Les États sont tenus de respecter le droit international public. Il leur est interdit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre État souverain. Le concept de « domaine réservé de l'État », consacré au début du XXe siècle, concerne les questions sur lesquelles l'État peut se décider librement, bien que certains traités aient pu exclure leur application aux litiges relatifs à l'honneur ou aux intérêts vitaux [9](#page=9).
Le principe de non-ingérence a été consacré à plusieurs reprises, notamment dans l'affaire du détroit de Corfou. La Cour internationale de justice a précisé que ce principe interdit toute intervention directe ou indirecte dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État, portant sur des matières où le principe de souveraineté permet à chaque État de se décider librement [9](#page=9).
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# Les compétences territoriales et la délimitation des frontières
Ce chapitre analyse l'exercice du pouvoir d'un État sur son territoire, incluant les aspects de délimitation, démarcation et preuve des frontières, ainsi que le principe d'exclusivité de la compétence.
### 3.1 La notion et la délimitation du territoire
La compétence internationale d'un État peut être définie comme le pouvoir juridique qu'il détient pour connaître d'une affaire, prendre une décision ou régler un différend [10](#page=10).
#### 3.1.1 La notion de frontière
La frontière est la ligne qui détermine où commencent et où finissent les territoires de deux États voisins. Le tribunal arbitral, dans l'affaire opposant la Guinée-Bissau au Sénégal, l'a définie comme "la ligne formée par la succession des points extrêmes du domaine de validité spatiale des normes de l'ordre juridique d'un État". Elle sépare ainsi deux espaces territoriaux sous l'exercice de deux souverainetés différentes [10](#page=10).
#### 3.1.2 Les procédés de fixation des frontières
La fixation des frontières implique plusieurs étapes :
* **La délimitation**: C'est une opération juridique et politique qui détermine l'étendue du pouvoir souverain de chaque État [10](#page=10).
* **La démarcation**: C'est une opération technique qui consiste à reporter sur le terrain les lignes de délimitation établies [11](#page=11).
* **L'abornement**: C'est la matérialisation de la frontière sur le sol par l'implantation de repères (bornes, piquets, etc.) [11](#page=11).
Les frontières étatiques visent à être stables, c'est pourquoi elles sont souvent scellées par traité. La Cour internationale de justice (CIJ) a souligné qu'un régime territorial établi par traité acquiert une permanence que le traité lui-même ne connaît pas [11](#page=11).
#### 3.1.3 La preuve du tracé frontalier
Des frontières incertaines peuvent être une source majeure de contentieux internationaux, représentant un enjeu concret de souveraineté et de mise en œuvre des pouvoirs étatiques. Des différends frontaliers ont existé, par exemple entre la Belgique et les Pays-Bas concernant des parcelles frontalières, tranchés par la CIJ en 1959. Une grande partie des contentieux frontaliers sont issus de processus de décolonisation ou de dissolution d'États [11](#page=11).
Dans ce contexte, le principe de l'intangibilité des frontières, apparu en Amérique latine, joue un rôle de règle générale. Il consiste à fixer les frontières selon les anciennes limites administratives internes des États préexistants dont sont issus les nouveaux États indépendants. La CIJ, dans son arrêt de 1986 sur le différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, a considéré ce principe comme général et lié au phénomène d'accession à l'indépendance, visant à assurer la stabilité des nouveaux États [11](#page=11) [12](#page=12).
Des problèmes de preuve du tracé frontalier peuvent survenir même en présence d'un titre territorial au sens strict. La CIJ a défini le titre territorial comme "un document auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque aux fins de l'établissement des droits territoriaux" [12](#page=12).
### 3.2 Caractères généraux de la compétence territoriale
Les caractéristiques de la souveraineté territoriale ont été mises en évidence par l'arbitre unique Max Hubert dans l'affaire de l'île de Palmas en 1928, où il a affirmé que "La souveraineté dans les relations entre États signifie l'indépendance". La compétence de l'État s'exerce à travers toutes ses fonctions étatiques: organisation constitutionnelle, police, droit administratif, octroi de la nationalité, etc.. Ces fonctions sont exercées par voie de législation, de réglementation, de juridiction civile, pénale et administrative, ainsi que par l'administration concrète du territoire [12](#page=12).
En principe, le souverain territorial est compétent pour exercer son pouvoir sur toutes les personnes se trouvant sur son territoire, qu'il s'agisse de nationaux ou d'étrangers, de personnes physiques ou morales. Pour les nationaux, l'État détermine l'essentiel de leur statut personnel. Pour les étrangers, l'État fixe les conditions de leur entrée sur le territoire et de leur éventuelle expulsion [12](#page=12) [13](#page=13).
#### 3.2.1 L'exclusivité de la compétence
Ce principe caractérise l'exercice de la souveraineté territoriale. Chaque État exerce ses pouvoirs souverains sur son territoire par l'intermédiaire de ses propres organes. La première conséquence de ce principe est le droit de l'État de s'opposer aux activités des autres États sur son territoire. L'exclusivité de la compétence s'interprète strictement en matière de juridiction, qui revient exclusivement aux tribunaux et cours de l'État. Elle s'applique également de manière stricte en matière de contrainte: seule la police étatique peut exercer des actes de contrainte sur le territoire. La combinaison de la plénitude et de l'exclusivité de la souveraineté territoriale confère à l'État la maîtrise totale des activités sur son territoire, y compris la possibilité d'en interdire l'accès [13](#page=13).
### 3.3 Les compétences de l’État hors de son territoire
#### 3.3.1 Occupation militaire sans transfert de souveraineté
L'occupation militaire implique la présence concrète et prolongée de forces militaires d'un État sur tout ou partie du territoire d'un autre État. Cette situation donne naissance à un régime territorial spécifique. L'État occupant agit alors comme une autorité territoriale vis-à-vis des biens et personnes se trouvant sur le territoire occupé. Cependant, ces compétences n'impliquent pas un transfert de souveraineté territoriale de l'État occupé à l'État occupant [13](#page=13).
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# Les compétences extraterritoriales de l'État
Cette section explore les situations où un État exerce des pouvoirs juridictionnels au-delà de ses frontières physiques, en se concentrant sur l'occupation militaire, le protectorat, le mandat, et la compétence personnelle fondée sur la nationalité.
### 4.1 Les compétences "mineures" hors du territoire
Ces situations se caractérisent par une limitation ou une absence de transfert de souveraineté territoriale, impliquant des exercices de pouvoir par un État sur un territoire qui n'est pas le sien, sans en devenir l'autorité souveraine.
#### 4.1.1 L'occupation militaire sans transfert de souveraineté
L'occupation militaire survient lorsqu'un État déploie des forces militaires de manière concrète et prolongée sur tout ou partie du territoire d'un autre État. Ce scénario engendre un régime territorial spécifique où l'État occupant agit comme une autorité territoriale vis-à-vis des personnes et des biens présents sur le territoire occupé. Cependant, il est crucial de noter que cette situation n'entraîne aucun transfert de souveraineté territoriale de l'État occupé vers l'État occupant. Des rappels de ce principe ont été effectués par les Nations Unies, notamment dans les cas de la Namibie, de l'Afghanistan et du Koweït [13](#page=13) [14](#page=14).
#### 4.1.2 Le protectorat
Le protectorat décrit une relation spécifique entre un État protecteur et un État protégé. En théorie, la souveraineté territoriale de l'État protégé n'est pas affectée, l'État protecteur étant principalement chargé de représenter l'État protégé sur la scène internationale. Cependant, dans la pratique, l'État protecteur tend à s'immiscer dans la gestion interne de l'État protégé, y établissant parfois des services publics pour la défense ou la justice. Les protectorats sont intrinsèquement inégalitaires et d'inspiration coloniale, rendant leur existence incompatible avec la notion moderne d'indépendance [14](#page=14).
#### 4.1.3 Le mandat
Le système du mandat a émergé après la Première Guerre mondiale pour administrer des territoires détachés de l'Allemagne et de l'Empire ottoman. Les populations sous mandat bénéficient de garanties d'administration égalitaire, incluant le respect des droits de l'homme et, surtout, l'assurance d'une évolution progressive vers l'indépendance. La Cour internationale de justice (CIJ) a déclaré illicite la présence de l'Afrique du Sud en Namibie dans un avis consultatif de 1971, en raison de l'application du régime de l'apartheid. La Namibie a finalement accédé aux Nations Unies en 1990 après une longue période de transition [14](#page=14) [15](#page=15).
### 4.2 La compétence personnelle
La compétence personnelle repose sur le lien d'allégeance particulier entre une personne et son État de nationalité [15](#page=15).
#### 4.2.1 Le lien de nationalité
La détermination de la nationalité, qu'elle soit pour une personne physique ou morale, relève de la compétence exclusive de chaque État. La CIJ a réaffirmé dans l'affaire Nottebohm que "le droit international laisse à chaque état le soin de déterminer l'attribution de sa propre nationalité". Inversement, la déchéance de nationalité est également de la compétence étatique. Bien que les autres sujets du droit international ne puissent contester les critères d'attribution de nationalité, ils ne sont pas tenus d'en accepter les conséquences individuelles, sauf accord contraire. Les décisions étatiques en matière de nationalité ne sont opposables aux autres États que si les critères utilisés ne sont pas arbitraires et reflètent un "fait social de rattachement réel". La CIJ, dans l'affaire Nottebohm, a ainsi jugé inopposable une nationalité non fondée sur un lien de rattachement effectif. La nationalité est définie comme un lien juridique basé sur un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêt et de sentiment, ainsi qu'une réciprocité de droits et de devoirs [15](#page=15) [16](#page=16) .
La nationalité des personnes morales est déterminée par les critères choisis par chaque État. La CIJ, dans l'affaire Barcelona Traction a privilégié les critères du siège social ou de l'incorporation, écartant celui du contrôle par les actionnaires. Les engins possèdent également une nationalité, généralement celle de leur propriétaire. Pour les navires, aéronefs et lanceurs de satellites, les États sont libres de déterminer les critères d'octroi de nationalité ou de pavillon. La Convention de Montego Bay impose qu'un navire ne batte qu'un seul pavillon, décourageant le pavillon de complaisance. La Convention de Chicago stipule que les aéronefs civils n'ont qu'une seule nationalité. La nationalité des engins spatiaux est déterminée par leur immatriculation par l'État de lancement, selon la Convention de New York. L'enjeu de la nationalité des engins réside dans l'engagement éventuel de la responsabilité internationale de l'État de nationalité en cas de dommages [16](#page=16) .
#### 4.2.2 L'exercice de la compétence personnelle
L'exercice de la compétence personnelle concerne principalement les nationaux se trouvant sur le territoire d'un État étranger. Ce lien de nationalité permet à l'État de nationalité de suivre ses ressortissants à l'étranger, mais cette compétence s'exerce dans les limites fixées par la compétence territoriale. La Cour permanente de justice internationale (CPJI) a rappelé dans l'affaire du Lotus que le droit international laisse aux États une large liberté pour étendre leurs lois et juridictions au-delà de leur territoire, seulement limitée par des règles prohibitives spécifiques [16](#page=16) [17](#page=17) .
Pour que la législation d'un État produise des effets extraterritoriaux, d'autres États doivent accepter sa mise en œuvre sur leur territoire et en faciliter l'efficacité, par exemple par des conventions d'extradition. Lorsque les ressortissants se trouvent dans des espaces non soumis à la juridiction d'un État (eaux internationales, haute mer), la mise en œuvre de mesures ne pose pas de difficultés juridiques particulières car elle ne se heurte pas à une souveraineté territoriale préexistante [17](#page=17).
Il s'agit alors de la protection diplomatique, dont le principe a été consacré par la CPJI dans l'affaire Mavrommatis. L'action diplomatique peut être gracieuse, impliquant des démarches directes auprès des autorités du pays hôte. Elle peut également être contentieuse, mettant en cause la responsabilité internationale de l'État hôte pour des violations du droit international commises envers le bénéficiaire de la protection diplomatique [17](#page=17) .
### 4.3 L'articulation entre compétences territoriales et personnelles
Les différents titres de compétences, qu'ils soient territoriaux ou personnels, peuvent potentiellement entrer en conflit, plusieurs États pouvant revendiquer l'exercice exclusif ou prioritaire de leurs compétences. L'État n'invoque sa compétence personnelle que pour agir à l'égard de ses nationaux séjournant hors de son territoire, ce qui en fait un titre de compétence subsidiaire par rapport au titre territorial. Le titre personnel n'est utile que s'il reflète un rattachement effectif de l'individu à l'État qui l'invoque. L'exercice de la compétence personnelle se heurte nécessairement à la souveraineté territoriale de l'État sur le territoire duquel se trouve le ressortissant étranger, sauf si l'individu se trouve dans un espace sans juridiction étatique préexistante [18](#page=18).
> **Tip:** Comprendre l'articulation entre compétence territoriale et personnelle est essentiel pour saisir les limites et les interactions des pouvoirs étatiques dans l'espace international. La subsidiarité de la compétence personnelle est un concept clé.
Cette opposition théorique peut être gérée par des aménagements, comme la coopération inter-étatique en matière d'extradition. L'extradition est l'acte par lequel un État, sur demande d'un autre, remet une personne se trouvant sur son territoire [18](#page=18).
> **Example:** Si un citoyen français commet un crime en Allemagne, l'Allemagne a compétence territoriale pour le juger. Si ce même citoyen français s'enfuit en Suisse, la France peut demander son extradition sur la base de sa compétence personnelle (lien de nationalité) et d'une convention d'extradition, mais cela devra se faire dans le respect de la souveraineté territoriale suisse.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| État | Une entité politique et juridique caractérisée par une population permanente, un territoire délimité et un gouvernement effectif, exerçant la souveraineté sur son territoire et sa population. |
| Population permanente | L'ensemble des individus qui sont rattachés à un État par un lien juridique stable, généralement le lien de nationalité, indépendamment de leur résidence temporaire ou de leur statut d'étranger. |
| Nationalité | Un lien juridique d'allégeance entre un individu et son État, qui fonde la compétence personnelle de l'État et permet d'exercer un pouvoir sur ses ressortissants, même à l'étranger. |
| Territoire déterminé | La base géographique sur laquelle un État exerce sa souveraineté, incluant la terre ferme, les eaux intérieures, la mer territoriale et l'espace aérien soprejacent. Sa taille est indifférente. |
| Gouvernement effectif | L'ensemble des pouvoirs publics d'un État, incluant les branches législative, exécutive et juridictionnelle, qui sont capables de maintenir l'ordre, d'assurer la sécurité et d'exécuter les engagements internationaux. |
| Reconnaissance d'État | L'acte unilatéral par lequel un État souverain existant reconnaît dans la personne d'un État nouveau un autre État souverain, scellant une relation égalitaire et facilitant l'intégration dans la communauté internationale. |
| Souveraineté | Le pouvoir suprême et indépendant d'un État, tant à l'intérieur de ses frontières qu'à l'égard des autres États. Elle implique l'indépendance et la soumission directe à l'ordre juridique international. |
| Indépendance (souveraineté comme) | La qualité d'un État qui n'est soumis à aucune autorité supérieure et qui est libre de déterminer sa politique intérieure et extérieure sans ingérence extérieure. |
| Compétence territoriale | Le pouvoir juridique qu'exerce un État sur toutes les personnes physiques et morales, qu'elles soient nationales ou étrangères, se trouvant sur son territoire. |
| Compétence personnelle | Le pouvoir juridique qu'exerce un État sur ses nationaux, où qu'ils se trouvent dans le monde, basé sur le lien de nationalité et d'allégeance. |
| Droit international public | L'ensemble des règles et principes qui régissent les relations entre les États et autres sujets du droit international, tels que les organisations internationales. |
| Non-ingérence | Le principe en droit international interdisant à tout État d'intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État souverain. |
| Domaine réservé de l'État | Les matières qui relèvent de la compétence exclusive de l'État et dans lesquelles les autres États ne peuvent s'immiscer, telles que le choix du système politique, économique et social. |
| Titre territorial | Un document auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque aux fins de l'établissement des droits territoriaux d'un État, souvent utilisé dans les litiges frontaliers. |
| Protection diplomatique | L'action qu'un État peut entreprendre auprès des autorités d'un État hôte pour défendre les droits de ses ressortissants lorsque ces droits ont été violés en violation du droit international. |
| Extradition | L'acte par lequel un État remet à un autre État, sur sa demande, une personne qui se trouve sur son territoire, généralement pour qu'elle réponde d'une infraction pénale. |