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Summary
# Les différentes approches théoriques du pouvoir
Ce sujet explore les diverses perspectives sociologiques et politiques sur la nature et la définition du pouvoir, incluant les visions institutionnalistes, substantialistes et interactionnistes, ainsi que les contributions de penseurs clés comme Weber et Marx.
## 1. Les différentes approches théoriques du pouvoir
Le pouvoir est défini comme la capacité d'un acteur social à obtenir d'un autre acteur une action qu'il n'aurait pas voulu faire initialement. Cette relation de pouvoir ne se limite pas au champ politique, mais imprègne toutes les relations sociales [1](#page=1).
### 1.1. Nature et définition du pouvoir
Le pouvoir peut être analysé à travers différentes perspectives: institutionnaliste, substantialiste et interactionniste [1](#page=1).
#### 1.1.1. Perspective institutionnaliste
Cette approche assimile le pouvoir à l'État et aux formes organisationnelles qui structurent la société. Elle oppose les institutions aux citoyens ou à la société civile, et identifie le pouvoir à celui des gouvernants face à l'opposition [1](#page=1).
#### 1.1.2. Perspective substantialiste
Ici, le pouvoir est perçu comme un capital, lié aux moyens financiers, aux forces armées, ou à toute possession de ressources singulières qui assure la domination. Il s'agit d'un pouvoir que l'on acquiert, accumule ou perd [1](#page=1).
#### 1.1.3. Perspective interactionniste
Cette approche identifie le pouvoir dans la relation et l'interaction avec autrui. Elle distingue deux formes de pouvoir [1](#page=1):
* **Pouvoir d'injonction:** capacité à forcer quelqu'un à faire quelque chose, souvent par la menace d'une sanction [1](#page=1).
* **Pouvoir d'influence:** capacité à persuader quelqu'un [1](#page=1).
Selon Max Weber, "le pouvoir est toute chance de faire triompher au sein d'une relation sociale sa propre volonté même contre des résistances, peu importe sur quoi repose cette chance" [1](#page=1).
### 1.2. Théories du pouvoir
Plusieurs penseurs ont développé des théories clés pour comprendre le pouvoir.
#### 1.2.1. Weber et le pouvoir de l'État moderne
Pour Weber, le pouvoir de l'État est intrinsèquement lié à son rapport à la violence légitime: l'État privatise l'usage de la violence sur son territoire, détenant ainsi un monopole de la violence légitime. Il a également la capacité de fabriquer des normes et de réguler les différends. La légitimité est centrale dans son analyse, distinguant trois formes d'autorité [1](#page=1):
* **Autorité charismatique:** La légitimité repose sur le charisme du chef, ses propriétés physiques et morales qui le positionnent au-dessus du commun. Elle peut être construite par le récit médiatique et se retrouve dans les régimes autoritaires comme en démocratie [1](#page=1).
* **Autorité traditionnelle:** L'obéissance découle de coutumes validées par leur ancienneté, comme dans le cas de la monarchie ("le roi est mort, vive le roi") [1](#page=1).
* **Autorité légale rationnelle:** Elle est portée par la bureaucratie et repose sur des règles et normes écrites. Cette pratique légitime le pouvoir, sans empêcher le recours aux autres formes de légitimité [1](#page=1).
#### 1.2.2. Marx et le pouvoir de classe
Marx critique l'approche institutionnaliste, arguant que le pouvoir ne découle pas de l'ordre rationnel ou des institutions. Pour lui, les institutions (superstructures) ne sont là que pour masquer la réalité du pouvoir (le capital de la bourgeoisie). Elles servent à légitimer le système, qui repose sur l'infrastructure économique, et à assurer sa reproduction [2](#page=2).
Louis Althusser a renouvelé la pensée marxiste en évoquant les "appareils idéologiques" (école, médias) et les "appareils répressifs" (justice, police) utilisés par la bourgeoisie pour garantir sa domination et conserver son capital. Ce système assure l'exploitation du plus grand nombre au profit de la classe dominante [2](#page=2).
#### 1.2.3. Crozier et Elias entre pouvoir diffus et jeu de pouvoir
Michel Crozier et Norbert Elias proposent une approche du pouvoir comme étant diffus et inscrit dans des relations d'interaction, particulièrement pertinente pour les organisations [2](#page=2).
##### 1.2.3.1. L'approche de Crozier
Crozier soutient qu'une situation organisationnelle ne contraint jamais totalement un acteur, lui conférant un statut d'agent plutôt que de simple sujet soumis. Il distingue [2](#page=2):
* **L'autorité formelle:** celle qui est censée détenir le pouvoir selon l'organigramme [2](#page=2).
* **Le pouvoir effectif:** le pouvoir réellement exercé, qui peut être parallèle à l'organigramme [2](#page=2).
Il identifie quatre sources de pouvoir (d'incertitude) :
* **Zone hiérarchique:** Pouvoir lié à la position dans l'organigramme [2](#page=2).
* **Zone de l'expert:** Pouvoir lié à des compétences techniques rares et utiles que d'autres n'ont pas [2](#page=2).
* **Zone de l'information:** Pouvoir détenu par celui qui possède les informations les plus récentes et contrôle leur diffusion [2](#page=2).
* **Zone de l'environnement:** Pouvoir lié à la capacité d'activer des réseaux et d'avoir de nombreux contacts [2](#page=2).
Ces sources permettent à un individu de posséder un pouvoir qui peut s'exercer en utilisant, créant ou modifiant les règles formelles [2](#page=2).
##### 1.2.3.2. L'apport d'Elias
Norbert Elias complète cette vision en évoquant des "chaînes d'interactions" où tous les acteurs sont dépendants les uns des autres, du plus puissant au moins visible. Il illustre cela par le pouvoir d'une secrétaire dans un ministère, qui, en gérant l'agenda du ministre et en utilisant son réseau personnel, peut influencer des rendez-vous et modifier des accords. Elias démontre ainsi les "règles du jeu social" qui assurent un statut et un pouvoir, même en dehors des apparences [2](#page=2).
> **Tip:** La compréhension des "zones de pouvoir" selon Crozier est essentielle pour analyser la dynamique des organisations. Le pouvoir ne réside pas toujours dans la position officielle.
> **Example:** Dans une collectivité territoriale, le pouvoir peut être partagé entre l'exécutif et les adjoints. Selon les analyses de Crozier et Elias, ce pouvoir est diffus et peut dépendre de la personnalité des acteurs, de leur maîtrise de l'information, de leurs réseaux ou de leur expertise, impliquant parfois des conseillers ou des fonctionnaires [2](#page=2).
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# Les lieux et acteurs du pouvoir
Cette section examine les lieux et acteurs du pouvoir, analysant comment l'État, les élites et les médias façonnent la société et les décisions politiques.
## 2. Les lieux et acteurs du pouvoir
### 2.1 Approches théoriques du pouvoir
#### 2.1.1 La perspective marxiste et les appareils de domination
Karl Marx critique l'approche institutionnaliste, affirmant que le pouvoir ne découle pas d'un ordre rationnel ou d'institutions. Selon lui, les institutions (superstructures) masquent la réalité du pouvoir, qui est fondamentalement lié au capital de la bourgeoisie. Ces superstructures servent à légitimer le système et sa reproduction, reposant sur l'infrastructure. Louis Althusser a développé cette idée en évoquant les appareils de domination utilisés par la bourgeoisie, qu'il divise en deux catégories: les appareils idéologiques (comme l'école et les médias) et les appareils répressifs (comme la justice et la police). Ces appareils garantissent la domination du système et la conservation du capital, au profit de la classe dominante [2](#page=2).
#### 2.1.2 Le pouvoir diffus et le jeu des acteurs selon Crozier et Elias
Michel Crozier et Norbert Elias proposent une approche du pouvoir diffus, centrée sur les relations entre les différents lieux de pouvoir. Cette analyse s'applique non seulement aux organisations institutionnelles et politiques, mais aussi aux entreprises. Ils soutiennent qu'une situation organisationnelle ne contraint jamais complètement un acteur, reconnaissant ainsi un statut d'acteur à l'individu plutôt qu'un simple sujet soumis. Crozier distingue l'autorité formelle, qui est censée détenir le pouvoir, du pouvoir effectif, qui opère en parallèle de l'organigramme. Il adopte une conception relationnelle et interactionniste du pouvoir [2](#page=2).
##### 2.1.2.1 Les quatre sources de pouvoir selon Crozier
Crozier identifie quatre sources de pouvoir basées sur la gestion de l'incertitude [2](#page=2):
* **Zone hiérarchique:** Le pouvoir lié à la position dans l'organigramme [2](#page=2).
* **Zone de l'expert:** Le pouvoir détenu par celui qui possède des compétences techniques rares et utiles, que d'autres n'ont pas, lui permettant de maximiser son influence [2](#page=2).
* **Zone de l'information:** Le pouvoir de celui qui détient les informations les plus fraîches, agissant comme un aiguilleur qui choisit de diffuser ou de garder ces informations pour lui [2](#page=2).
* **Zone de l'environnement:** Le pouvoir lié à la capacité d'activer ses réseaux et de maintenir de nombreux contacts [2](#page=2).
La hiérarchie tire son pouvoir de l'utilisation, de la création ou de la modification des règles formelles. Un individu peut potentiellement maîtriser ces quatre sources de pouvoir [2](#page=2).
Norbert Elias complète cette vision en évoquant des chaînes d'interactions où tous les acteurs sont interdépendants, du plus puissant au moins visible. Il illustre cela avec le pouvoir d'une secrétaire de ministère qui, en gérant l'agenda du ministre et en utilisant son réseau personnel, peut obtenir un rendez-vous déterminant pour un accord. Elias met en lumière les règles du jeu social et comment un statut peut être assuré en dehors du prestige social [2](#page=2).
> **Exemple:** Dans une collectivité territoriale, le pouvoir peut être partagé entre l'exécutif (adjoints, vice-présidents) et les conseillers ou fonctionnaires, selon la personnalité des acteurs et les situations. Ce pouvoir est souvent diffus et relationnel [2](#page=2).
### 2.2 Les lieux de pouvoir
#### 2.2.1 Le pouvoir de l'État
L'État est identifié comme un lieu d'incarnation et d'exercice des politiques. Pierre Rosanvallon a identifié quatre évolutions dans le pouvoir de l'État [2](#page=2) [3](#page=3):
* **Fonction régalienne:** Le monopole de la violence légitime, inscrit dans le droit, visant à régir les interactions sociales. C'est une phase précoce de l'action étatique [3](#page=3).
* **Cohésion sociale:** L'État agit comme un instituteur du social, générant et imposant des valeurs et des normes, souvent à travers une langue unique, une culture et un système éducatif. L'idée est que la culture imposée sera acceptée par la population [3](#page=3).
* **Réducteur d'incertitude:** Au XXe siècle, l'État se veut "réducteur d'incertitude" (selon Hobbes), adoptant une fonction protectrice et providentielle. Il assure le contrôle et l'assistance à la population via des régimes assurantiels (travail, retraite, santé) [3](#page=3).
* **Fonctions économiques:** L'État est impliqué dans la planification et la modernisation industrielle, assurant sa puissance financière, stratégique et régulatrice dans le jeu économique [3](#page=3).
Ces fonctions de l'État sont cependant contestées par d'autres sphères de pouvoir (médiatique, économique, technique) [3](#page=3).
#### 2.2.2 Le pouvoir des élites
Les théories élitistes, apparues au XXe siècle, envisagent le rôle potentiel des élites dans la détention du pouvoir. Elles postulent que toute société génère des élites cherchant à s'accaparer le pouvoir, ce qui affaiblit le concept de démocratie. Vilfredo Pareto affirmait que "l'histoire est un cimetière d'aristocraties" [3](#page=3).
Entre les deux guerres mondiales, Joseph Schumpeter, connu pour sa théorie de la destruction créatrice, a vu dans la crise des élites traditionnelles les raisons de l'apparition des grands totalitarismes, soulignant le rôle des élites dans le monde et leur choix de camp [3](#page=3).
C. Wright Mills, dans son analyse du pouvoir aux États-Unis, décrit une vision unifiée des élites aux valeurs communes qui accaparent le pouvoir, particulièrement dans un contexte militaro-industriel. Il identifie des synergies (actions coordonnées) entre les pouvoirs politiques, militaires et économiques [3](#page=3).
> **Exemple:** La maîtrise de satellites de défense par Elon Musk, qu'il peut activer ou désactiver pour la défense de l'Ukraine, illustre la synergie entre pouvoir économique et militaire [3](#page=3).
D'autres théories, plus proches de la logique interactionniste de Crozier et Elias, proposent une théorie de la polyarchie des élites. Robert Dahl, à travers une étude sur les décisions dans les communes américaines, identifie des élites multiples et concurrentielles, spécialisées dans des domaines partiels, qui se disputent le pouvoir lors des processus de décision [3](#page=3).
Pierre Bourdieu, en abordant la question de la mobilité sociale, utilise le concept de "noblesse d'État". Bien que théoriquement basée sur un principe de méritocratie, ses études montrent une reproduction sociale sous-jacente. Il dénonce la porosité entre les sphères publique et privée, notamment par le phénomène de "pantouflage" où de hauts fonctionnaires travaillent ensuite dans le secteur privé, et critique l'absence de différenciation claire entre élites administratives, politiques et économiques [3](#page=3).
#### 2.2.3 Le pouvoir des médias
Les médias détiennent une capacité significative à :
* **Cadrer:** Mettre un sujet à l'agenda. Bien qu'ils n'imposent pas une pensée, ils déterminent sur quoi penser, en sélectionnant les sujets abordés. La question de la propriété des médias devient alors cruciale [3](#page=3).
* **Persuader:** Serge Tchakhotine évoquait le "viol des foules" pour décrire cette capacité à persuader. Le pouvoir médiatique peut contrôler les intelligences par un traitement récurrent et continu de l'information, favorisant la construction d'opinions politiques figées sur des sujets comme l'immigration, les retraites ou la fiscalité. Tchakhotine distingue quatre impulsions affectives primaires: l'agressivité, l'intérêt matériel immédiat, l'attirance sexuelle, et la recherche de sécurité [3](#page=3) [4](#page=4).
* **Formater:** Marshall McLuhan suggère que les médias imposent une manière de penser et de voir le monde au-delà de leur contenu. Le format du média (radio, télévision, réseaux sociaux) influencerait les modalités de fonctionnement de l'intellect humain. Ces théories établissent un lien entre les systèmes d'information, la circulation de l'information et les systèmes politiques [4](#page=4).
* **Travestir:** Cela implique la manipulation de la ligne éditoriale et une présentation biaisée de l'information, souvent sous un sceau d'alarmisme ou de dérision, rendant les voix critiques inaudibles. Le type de média suivi peut orienter cette tendance à travestir la réalité [4](#page=4).
### 2.3 Les mutations du pouvoir
#### 2.3.1 L'affaiblissement du pouvoir de l'État
L'État se retrouve pris entre le marteau et l'enclume, confronté à plusieurs facteurs d'affaiblissement :
* **Pouvoir transnational:** L'émergence de projets supranationaux comme l'Union européenne [4](#page=4).
* **Pouvoirs régionaux:** L'accroissement de l'autonomie politique et la décentralisation [4](#page=4).
* **Idéologies libérales:** Les idéologies sociétales valorisent la société civile (gauche), tandis que les idéologies économiques remettent en question la fiscalité et privilégient une logique anti-fiscale (droite) [4](#page=4).
* **Logique de gouvernance:** La "coproduction de l'action publique" implique que différents échelons partagent l'exercice du pouvoir sur les territoires. La notion de "fédéralisme coopératif" définit cette manière institutionnelle de gérer l'action publique, comme dans le cas des politiques linguistiques en faveur de la langue basque [4](#page=4).
#### 2.3.2 Des élites en question
Des analyses récentes suggèrent une "radicalisation des élites". Des ouvrages comme "The Fracturing of the American Corporate Elite" de Mizruchi montrent comment les élites seraient moins disposées à partager leurs richesses et à contribuer au bien commun, favorisant une fiscalité plus agressive à leur égard. Certains parlent de "ploutocratie" (pouvoir des riches) plutôt que de démocratie. Le concept de "cessation des élites" décrit des élites mondialisées qui refusent la contribution au bien commun par le biais de l'outil fiscal [4](#page=4).
En France, la "cessation des élites" se manifeste par une diminution des contacts entre les catégories sociales supérieures et les autres. Les élites se sont coupées du reste de la société par des pratiques sociales distinctes (écoles privées, concentration de l'habitat dans les centres-villes, disparition du sentiment d'appartenance nationale ou fiscale) [4](#page=4).
#### 2.3.3 Médias et post-vérité
La radio est perçue comme la source d'information la plus crédible, tandis que la confiance en internet se dégrade. Le concept de "post-vérité", défini par le dictionnaire Oxford en 2016, fait référence à des circonstances où les faits objectifs ont moins d'influence [4](#page=4).
Les "vérités alternatives" sont contrôlées par des algorithmes qui influencent les visions du monde. Les médias traditionnels adaptent leurs relations à l'actualité pour intégrer ces algorithmes [4](#page=4).
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# Les mutations contemporaines du pouvoir
Ce chapitre explore les transformations actuelles du pouvoir, marquées par le recul de l'État face aux acteurs transnationaux et régionaux, la remise en question des élites traditionnelles et l'ascension du phénomène de post-vérité médiatique.
### 3.1 L'affaiblissement du pouvoir de l'État
L'État se trouve aujourd'hui pris entre différents facteurs qui érodent son pouvoir traditionnel [4](#page=4).
#### 3.1.1 Les contraintes transnationales et régionales
* **Pouvoirs transnationaux:** L'Union européenne est citée comme un exemple de projet transnational qui influence la souveraineté des États membres [4](#page=4).
* **Pouvoirs régionaux:** L'autonomie politique croissante et la décentralisation renforcent les pouvoirs régionaux au détriment de l'autorité centrale de l'État [4](#page=4).
#### 3.1.2 Les idéologies libérales et la logique de gouvernance
* **Idéologies sociétales:** L'influence des idéologies libérales, particulièrement celles qui valorisent le rôle de la société civile (souvent associée à la gauche), tend à diluer le monopole de l'État sur l'action publique [4](#page=4).
* **Idéologies économiques:** Les logiques économiques libérales, axées sur des questions de fiscalité et un sentiment anti-fiscal, remettent également en cause le rôle de l'État [4](#page=4).
* **Logique de gouvernance:** Cette approche se caractérise par la "coproduction de l'action publique", où différents échelons de décision partagent l'exercice du pouvoir sur les territoires. L'exemple des politiques linguistiques en faveur de la langue basque illustre ce "copilotage" de l'action publique. La notion de "fédéralisme coopératif" permet de définir cette manière institutionnelle de partager le pouvoir [4](#page=4).
### 3.2 La remise en question des élites
Les élites traditionnelles font face à une remise en question croissante, tant dans leur légitimité que dans leur comportement.
#### 3.2.1 La radicalisation des élites
L'ouvrage "The Fracturing of the American Corporate Elite" du professeur Mizruchi met en évidence une tendance des élites à être moins disposées à partager leurs richesses et à contribuer au bien commun. Cela se manifeste par une fiscalité plus agressive à leur égard et l'émergence de concepts comme la "ploutocratie" (pouvoir des riches) plutôt que la démocratie. Le concept de "cessation des élites" décrit des élites mondialisées qui refusent de participer à la contribution du bien commun par le biais de l'outil fiscal [4](#page=4).
#### 3.2.2 La déconnexion des élites de la société
Ce phénomène de "cessation des élites" touche également la France, où les contacts entre les catégories sociales supérieures et les autres groupes s'amenuisent. Les élites se sont coupées du reste de la société par diverses pratiques sociales, telles que le recours aux écoles privées, la concentration de l'habitat dans les centres métropolitains, et la disparition du sentiment d'appartenance à une communauté nationale ou fiscale [4](#page=4).
### 3.3 Médias et post-vérité
L'influence des médias et l'évolution de la perception de la vérité ont engendré le phénomène de "post-vérité".
#### 3.3.1 L'émergence du concept de post-vérité
* **Définition:** Le concept de "post-vérité" a été désigné "mot de l'année 2016" par le dictionnaire britannique Oxford. Il fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence pour modeler l'opinion publique que les appels à l'émotion et aux opinions personnelles. Le préfixe "post" suggère une période où le concept spécifié devient sans importance [4](#page=4) [5](#page=5).
* **Mécanismes de formation d'opinion:** Certaines théories suggèrent que le traitement récurrent et continu de l'information, notamment sur des sujets tels que l'immigration, les retraites, les conflits armés ou la fiscalité des plus riches, peut favoriser la construction d'opinions politiques figées [4](#page=4).
#### 3.3.2 L'influence des médias sur la pensée
* **Théorie de McLuhan:** Marshall McLuhan avance l'idée que les médias imposent une certaine façon de penser et de voir le monde, au-delà de leur contenu. Le format du média déterminerait les modalités de fonctionnement de l'intellect humain, que ce soit à travers la radio, la télévision ou les réseaux sociaux. Ces théories établissent un lien entre les systèmes d'information, les modes de circulation de l'information et les systèmes politiques [4](#page=4).
* **Travestissement de la réalité:** La manipulation de la ligne éditoriale, la présentation biaisée de l'information, et la codification de l'actualité sous un sceau d'alarmisme ou de dérision peuvent rendre inaudibles les voix critiques. En fonction du type de média suivi, il y a une vocation à travestir ou non la réalité [4](#page=4).
#### 3.3.3 La vérité alternative et les algorithmes
* **Influence des algorithmes:** Les algorithmes contrôlent de plus en plus les visions du monde et influencent les médias traditionnels, les poussant à modifier leurs propres relations à l'actualité pour s'adapter à ces systèmes [4](#page=4).
* **Déclin de la confiance:** Bien que la radio ait été une source d'information jugée très crédible, la confiance en internet tend à se dégrader [4](#page=4).
> **Tip:** Il est crucial de comprendre que les médias ne sont pas de simples vecteurs d'information neutre. Leur format, leur ligne éditoriale et les algorithmes qui les sous-tendent peuvent activement façonner notre perception de la réalité et nos opinions politiques [4](#page=4) [5](#page=5).
> **Example:** La façon dont une nouvelle sur l'immigration est présentée, soit par des reportages factuels et nuancés, soit par des témoignages anxiogènes et généralisants, peut considérablement influencer l'opinion publique, indépendamment des données objectives [4](#page=4).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Pouvoir | Relation par laquelle un acteur social obtient d’un autre acteur une action qu’il ne voulait pas faire, influençant la conduite d’autrui même contre des résistances. |
| Pouvoir politique | Instance qui s’impose aux autres sphères (économique, sociale, technologique), souvent caractérisée par un monopole de la contrainte physique légitime et un rôle de régulation central. |
| Perspective institutionnaliste | Approche qui voit le pouvoir comme une institution, se référant principalement à l'État et aux formes d'organisation qui structurent la société, par opposition aux citoyens ou à la société civile. |
| Perspective substantialiste | Conception du pouvoir comme un capital, lié à la possession de ressources tangibles telles que les moyens financiers ou les forces armées, permettant d'acquérir, d'accumuler ou de perdre du pouvoir et d'assurer la domination. |
| Perspective interactionniste | Vision du pouvoir comme intrinsèquement lié aux interactions et relations entre individus, distinguant le pouvoir d'injonction (imposition par la force ou la sanction) et le pouvoir d'influence (persuasion). |
| Monopole de la violence légitime | Concept weberien décrivant le droit exclusif de l'État d'utiliser la force physique sur son territoire, toute autre utilisation étant considérée comme illégale. |
| Autorité charismatique | Type de légitimité du pouvoir basé sur les qualités exceptionnelles, les vertus personnelles ou le prestige d'un chef, qui le positionne au-dessus du commun. |
| Autorité traditionnelle | Légitimité du pouvoir fondée sur le respect des coutumes et des traditions établies depuis des temps immémoriaux, souvent associée aux monarchies. |
| Autorité légale rationnelle | Forme de légitimité du pouvoir exercé par une bureaucratie qui repose sur un ensemble de règles, de lois et de normes écrites, assurant une gestion impersonnelle et prévisible. |
| Superstructures | Dans la théorie marxiste, ensemble des institutions (juridiques, politiques, culturelles, religieuses) qui légitiment et maintiennent l'infrastructure économique d'une société, masquant souvent la réalité du pouvoir de la classe dominante. |
| Appareils idéologiques d'État (AIE) | Concept d'Althusser désignant les institutions (école, médias, religion) qui contribuent à la diffusion de l'idéologie dominante et à la reproduction sociale, servant la domination de la classe dirigeante. |
| Appareils répressifs d'État (ARE) | Concept d'Althusser désignant les institutions (police, justice, armée) qui utilisent la force pour maintenir l'ordre social et réprimer toute contestation du pouvoir établi. |
| Pouvoir diffus | Forme de pouvoir qui n'est pas centralisée mais répartie au sein de diverses relations et situations, souvent observée dans les organisations et les interactions quotidiennes. |
| Sources de pouvoir (d'incertitude) selon Crozier | Les quatre domaines d'où les acteurs peuvent tirer du pouvoir dans une organisation : la zone hiérarchique (rôles définis), la zone de l'expert (compétences rares), la zone de l'information (détention de savoirs clés) et la zone de l'environnement (réseaux et contacts). |
| Chaînes d'interactions selon Elias | Concept décrivant la manière dont les individus, même ceux qui semblent moins puissants, sont interconnectés et dépendent les uns des autres, créant des dynamiques de pouvoir complexes et souvent subtiles. |
| Fonctions régaliennes de l'État | Attributions fondamentales de l'État, incluant le monopole de la violence légitime, la justice, la police et la défense, visant à régir les interactions sociales et à maintenir l'ordre. |
| Cohésion sociale | Rôle de l'État en tant qu'instituteur du social, générant et imposant des valeurs, des normes et une culture commune afin de créer un sentiment d'unité nationale. |
| "Réducteur d'incertitude" | Fonction de l'État au XXe siècle, particulièrement développée avec le modèle hobbesien, visant à protéger et à assister la population par le biais de régimes assurantiels (santé, retraite, travail). |
| Élites | Groupes restreints d'individus qui détiennent une position dominante dans la société et cherchent à s'approprier le pouvoir, que ce soit par la compétition ou par l'accaparement des ressources. |
| Noblesse d'État | Concept de Bourdieu décrivant une élite issue du système scolaire et prétendument méritocratique, mais qui, selon lui, assure surtout la reproduction sociale et la porosité entre sphères publique et privée. |
| Pantouflage | Phénomène où des hauts fonctionnaires, après avoir exercé des responsabilités dans le secteur public, rejoignent le secteur privé, brouillant les frontières entre ces deux sphères. |
| Cadrer (pouvoir des médias) | Capacité des médias à sélectionner les sujets à traiter et à les mettre à l'agenda public, influençant ainsi ce à quoi le public pense. |
| Persuader (pouvoir des médias) | Aptitude des médias à influencer les opinions et les comportements du public, parfois décrite comme un "viol des foules" par Tchakhotine, contrôlant les intelligences par un traitement récurrent de l'information. |
| Formater (pouvoir des médias) | Idée, développée par McLuhan, selon laquelle le type de média utilisé (radio, télévision, réseaux sociaux) impose une certaine manière de penser et de percevoir le monde, au-delà du contenu véhiculé. |
| Travestir (pouvoir des médias) | Manipulation de la ligne éditoriale et présentation biaisée de l'information par les médias, souvent sous un sceau d'alarmisme ou de dérision, rendant inaudibles les voix critiques. |
| Post-vérité | Concept désignant des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence sur l'opinion publique que les appels à l'émotion et aux opinions personnelles, où la vérité alternative prend le dessus. |
| Gouvernance | Logique d'action publique basée sur la coproduction et le partage des modalités d'exercice du pouvoir entre différents échelons et acteurs, formant une manière institutionnelle de coordination. |
| Ploutocratie | Système politique ou social où le pouvoir est détenu par les personnes les plus riches. |