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Summary
# Les mercantilistes et leurs écoles nationales
Cette section explore la pensée économique des mercantilistes, une école de pensée axée sur les politiques économiques nationales entre 1500 et 1750, et détaille leurs objectifs d'accroissement de la richesse nationale pour renforcer le pouvoir de l'État, ainsi que les diverses écoles nationales telles que espagnole, française et anglaise [1](#page=1).
### 1.1 La notion de mercantilisme et ses objectifs
Le terme "mercantiliste" regroupe diverses écoles de pensée économique nationale actives entre 1500 et 1750, centrées sur les politiques économiques. Contrairement aux économistes théoriciens, les mercantilistes étaient des praticiens – ministres, magistrats ou conseillers – préoccupés par l'accroissement des échanges commerciaux internationaux et l'influence des gouvernements sur les décisions économiques. Leur objectif principal était d'augmenter la richesse économique de l'État afin de renforcer le pouvoir du souverain et la puissance nationale. Cette idée, selon laquelle la puissance politique découle de la puissance économique, était nouvelle et signifiait que l'économie était désormais indépendante de la morale et supérieure aux politiques traditionnelles [1](#page=1).
> **Tip:** Comprendre que le mercantilisme n'était pas une théorie académique mais une application pratique visant à renforcer l'État est essentiel pour saisir ses motivations.
### 1.2 Les différentes écoles nationales du mercantilisme
Le mercantilisme s'est manifesté à travers plusieurs écoles nationales distinctes :
#### 1.2.1 Le mercantilisme espagnol
L'école espagnole est intimement liée à la découverte de l'or dans le Nouveau Monde par les conquistadors. Il est suggéré que les auteurs espagnols se sont inspirés des écrits économistes arabes, laissant des traces durables dans la pensée économique [1](#page=1).
#### 1.2.2 Le mercantilisme français
Bien que né en Espagne, le mercantilisme a atteint son apogée en France au XVIIe siècle. Les "agrairiens" sont classiquement rattachés à cette école. Jean Bodin (1530-1569) est reconnu comme le premier à avoir établi un lien entre l'augmentation des prix et l'abondance de la monnaie; une injection d'argent dans le système économique mène à une hausse de la demande, dépassant l'offre et provoquant une inflation des prix [1](#page=1).
#### 1.2.3 Le mercantilisme anglais
L'idée fondamentale du mercantilisme anglais est que le commerce extérieur est la clé de la richesse des nations par l'abondance des monnaies. Parmi ses représentants les plus célèbres figurent Thomas Gresham (1519-1579), Josiah Child (1630-1699), William Petty (1623-1687), Thomas Mun (1571-1641), Grégory King (1648-1712) et Gérard Malynes (1586-1641) [2](#page=2).
Cette période a vu l'émergence de "lois" économiques considérées comme universelles :
* **Loi de Gresham:** "La mauvaise monnaie chasse la bonne" [2](#page=2).
* **Loi de Child:** "Lorsque les approvisionnements sont chers, les gens sont riches; lorsqu’ils sont bon marché, les gens sont pauvres" [2](#page=2).
* **Loi de Petty:** Il faut abaisser les salaires pour diminuer le chômage volontaire [2](#page=2).
* **Loi de King:** L'accroissement de la production de biens alimentaires par l'agriculture entraîne une baisse plus que proportionnelle des prix de cette production [2](#page=2).
Bernard de Mandeville (1670-1733) a justifié le libéralisme économique par sa "Fable des abeilles", dont l'interprétation reste sujette à débat, certains (comme Friedrich Hayek) y voyant un précurseur du libéralisme, tandis que Keynes mettait en avant l'utilité de la dépense. Gérard de Malynes, négociant anglais, préconisait de restreindre les sorties d'or pour préserver la valeur de la monnaie. Thomas Mun, un autre mercantiliste anglais influent, suggérait de stimuler les exportations et de freiner les importations en encourageant la consommation intérieure. Le mercantilisme anglais montre ainsi des convergences avec la pensée keynésienne future et le bullionisme espagnol [2](#page=2).
> **Example:** La loi de Gresham illustre comment une monnaie dépréciée (mauvaise) circule et évince une monnaie plus stable (bonne) de la circulation, qui tend à être thésaurisée.
### 1.3 Le néomercantilisme et les caméralistes
#### 1.3.1 Le néomercantilisme
Le néomercantilisme émerge plus tard, caractérisé par l'idée d'un interventionnisme étatique qui finit par céder la place à un ordre naturel. Thomas Hobbes adhère à l'idée d'un "État gendarme". Pierre Le Pesant de Boisguilbert réfléchit à la représentation globale de l'économie, tandis que Richard Cantillon introduit la notion de vitesse de circulation de la monnaie. John Law, le banquier, est à l'origine de la banque moderne, où l'émission de billets n'est plus garantie par l'or ou les métaux précieux, mais par les dépôts des clients [3](#page=3).
#### 1.3.2 Les mercantilistes allemands : les caméralistes
Les caméralistes étaient des spécialistes des finances publiques, considérés comme les précurseurs de l'école historique allemande. Joseph Schumpeter a contribué à réhabiliter leurs travaux, louant particulièrement ceux de Johann Heinrich Gottlieb Von Justi sur les perspectives économiques à court et long terme [3](#page=3).
### 1.4 Le contenu de la doctrine mercantiliste
L'objectif fondamental de ces écoles mercantilistes était l'enrichissement de tous. Une citation d'Antoine de Montchrestien résume bien cette philosophie: "Le bonheur des hommes consiste principalement dans la richesse et la richesse dans le travail. Et l'État doit intervenir pour favoriser cet accroissement de richesses" ] [3](#page=3).
Cette phrase a une double signification :
* Premièrement, la richesse matérielle devient la valeur suprême, la finalité de la vie sociale se déplace vers l'enrichissement matériel. Le mercantilisme reflète ainsi la nouvelle mentalité de la Renaissance et des Temps Modernes, celle du bourgeois capitaliste cherchant un profit constant. Pour y parvenir, la production de richesses doit augmenter, ce qui implique que tous travaillent, que la production de marchandises croisse, et que leur vente par les marchands soit facilitée. Les mercantilistes considéraient le commerce comme l'activité la plus importante, car les manufactures travaillaient pour lui. Cette logique de croissance est mise en contraste avec les idées contemporaines de "décroissance" qui prônent un retour à la terre et une réduction de la consommation et de la production [3](#page=3) [4](#page=4).
* Deuxièmement, le rôle du souverain ou du gouvernement est primordial. En recherchant le bonheur de ses sujets, le souverain doit intervenir pour faciliter cet accroissement de richesses, en stimulant la production et la vente des marchandises, et particulièrement leur exportation. L'augmentation des profits commerciaux des marchands est censée bénéficier à tous: les citoyens ont un emploi et un salaire, les recettes fiscales de l'État augmentent, et la puissance économique, donc politique, du souverain s'accroît [4](#page=4).
La richesse d'une nation était définie par l'abondance de métaux précieux qu'elle détenait, principalement l'or et l'argent. À une époque où ces métaux provenaient essentiellement des colonies espagnoles et portugaises, accroître la richesse nationale impliquait soit la conquête de nouveaux territoires, soit l'acquisition de ces richesses aux dépens des États voisins [4](#page=4).
Cela nécessitait une **balance commerciale extérieure positive ou excédentaire** pour assurer une entrée nette de métaux précieux. Les exportations de marchandises entraînaient une entrée de métaux précieux, tandis que les importations nécessitaient une sortie. Il était donc crucial de dynamiser l'offre de produits exportables issus de manufactures spécialisées et de limiter le besoin de produits importés. L'intervention de l'État était jugée indispensable pour atteindre ces objectifs. L'obsession de la balance des paiements persiste encore chez certains économistes aujourd'hui [4](#page=4).
L'État devait garantir une "abondance d'hommes et d'argent" pour favoriser la production de marchandises et les activités exportatrices [5](#page=5).
* L'**abondance d'hommes** impliquait une main-d'œuvre abondante, donc une forte production. Pour cela, des taux de salaire faibles étaient préconisés afin d'accroître l'offre de travail (contrainte pour le peuple) et la demande de travail des manufacturiers (incitation à l'embauche) . De plus, un faible coût du travail rendait les produits plus compétitifs et augmentait les profits [5](#page=5).
* L'**abondance d'argent** signifiait une forte quantité de monnaie offerte et demandée. Cela supposait des taux d'intérêt très faibles, favorables aux emprunts nécessaires au financement de l'industrie et du commerce international [5](#page=5).
L'État devait intervenir pour assurer un excédent de la balance commerciale extérieure. Il devait soutenir les exportations par des subventions et des privilèges accordés à certaines manufactures. Parallèlement, les importations devaient être limitées par une politique protectionniste, incluant des droits de douane, des contingentements, voire des interdictions pour les marchandises concurrentes. Cet interventionnisme dans les échanges extérieurs reflète la montée en puissance des États-nations et un climat international souvent conflictuel [5](#page=5).
> **Tip:** Le concept de "balance commerciale excédentaire" est central pour comprendre la logique mercantiliste d'accumulation des métaux précieux.
### 1.5 Héritage et débats issus du mercantilisme
La doctrine mercantiliste conserve une importance majeure dans l'histoire de la pensée économique car elle a initié des débats fondamentaux toujours d'actualité dans trois domaines :
#### 1.5.1 La croissance économique
Les mercantilistes raisonnaient principalement en termes d'offre, considérant que l'augmentation des facteurs de production (travail et capital financier) expliquait l'accroissement de la production. Pierre de Boisguilbert, contemporain mais critique, a été le premier à poser la question de la demande, soulignant l'importance de la distribution des revenus et de la consommation. Il estimait qu'une fiscalité injuste, en pénalisant la majorité des consommateurs, limitait la demande de produits agricoles, entraînant un déclin de l'agriculture et, par conséquent, de l'industrie. Le débat persiste aujourd'hui: la théorie néo-classique explique la croissance par l'augmentation des facteurs travail et capital et le progrès technique, tandis que la logique keynésienne l'explique par l'accroissement de la demande interne (consommation et investissement) et de la demande extérieure [6](#page=6).
#### 1.5.2 L'explication de l'inflation
Le mercantilisme a proposé la première formulation de la théorie quantitative de la monnaie. Jean Bodin expliqua la forte inflation européenne du XVIe siècle par l'afflux massif de métaux précieux d'Amérique, qui avait augmenté les revenus et donc la demande. Cette demande accrue, confrontée à une augmentation plus lente de la production de marchandises, a entraîné une hausse des prix. De même, un excès de monnaie nationale par rapport aux marchandises disponibles entraînait une baisse du prix relatif de la monnaie. Aujourd'hui, les théories néo-classiques et monétaristes défendent toujours la théorie quantitative de la monnaie, liant l'inflation à une création monétaire excessive. La théorie keynésienne conteste cette analyse [6](#page=6).
> **Example:** L'afflux d'or et d'argent des Amériques vers l'Europe a stimulé la demande, provoquant une hausse des prix faute d'augmentation proportionnelle de la production. C'est une illustration de la relation entre masse monétaire et niveau des prix selon les mercantilistes.
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# La doctrine physiocratique et l'importance de l'agriculture
Voici la synthèse détaillée sur la doctrine physiocratique et l'importance de l'agriculture, conçue comme une section d'un guide d'étude prêt pour l'examen.
## 2. La doctrine physiocratique et l'importance de l'agriculture
Cette partie explore la doctrine physiocratique, la première école de pensée économique structurée, fondée par François Quesnay, qui postule que la terre et l'agriculture sont la source unique de richesse.
### 2.1 Introduction à la physiocratie
La physiocratie, issue de la pensée de François Quesnay (1694-1774), médecin de la marquise de Pompadour, représente la première école de pensée économique formalisée. Le terme "Physiocratie" a été inventé en 1767 par Dupont de Nemours, dérivant des mots grecs *physis* (nature) et *kratos* (force ou puissance), signifiant ainsi "gouvernement de la nature". Bien qu'elle n'ait duré que moins de vingt ans, cette école est fondamentale dans l'histoire de la pensée économique, marquant le passage d'une politique économique axée sur le pouvoir du souverain à une économie politique cherchant à comprendre le fonctionnement naturel de la richesse. Les physiocrates croyaient en un ordre naturel dont il fallait découvrir les mécanismes pour expliquer l'économie [7](#page=7) [8](#page=8).
### 2.2 La production agricole comme source unique de richesse
#### 2.2.1 Le concept de revenu net
Les physiocrates considéraient que le progrès de la révolution agricole en Angleterre était un modèle de réussite économique. Ils affirmaient que l'agriculture devait être la principale source d'enrichissement d'une nation, en s'appuyant sur leur théorie du revenu net. Quesnay a résumé cette idée en déclarant: « la terre est l’unique source de richesse et c’est l’agriculture qui multiplie ces richesses » [8](#page=8).
Ils distinguaient la production brute de la production nette :
* La **production brute** correspond à l'ensemble des richesses réelles produites [8](#page=8).
* La **production nette** est obtenue en soustrayant de la production brute les richesses consommées, c'est-à-dire les dépenses effectuées durant le processus de production [8](#page=8).
#### 2.2.2 Le "don gratuit de la nature"
L'existence d'un produit net signifie que la valeur produite excède le coût de production, indiquant un accroissement ou une création nette de richesses. Les physiocrates attribuaient cette capacité de créer ce surplus de richesse, qualifié de "don gratuit de la nature", uniquement à la terre. Ce surplus n'était pas le résultat de la seule volonté des agriculteurs, mais plutôt une conséquence de la générosité de la terre, de la fertilité du sol ou des conditions climatiques [8](#page=8).
> **Tip:** Il est crucial de comprendre que pour les physiocrates, le travail industriel ou commercial n'était pas productif de richesse nouvelle, car il ne faisait que transformer ou déplacer des richesses existantes, contrairement à l'agriculture qui engendrait un surplus grâce aux forces naturelles.
> **Example:** Si un agriculteur dépense 100 dollars pour produire une récolte, et que cette récolte vaut 150 dollars, le revenu net est de 50 dollars. Ce surplus de 50 dollars est considéré comme le "don gratuit de la nature" créé par la terre. Les marchands qui achètent et revendent cette récolte pour 150 dollars ne créent pas de nouvelle richesse, ils la font simplement circuler.
### 2.3 Le rôle de l'État selon les physiocrates
Contrairement aux mercantilistes qui prônaient un interventionnisme étatique fort pour accroître la puissance du souverain, les physiocrates, tout en reconnaissant l'importance de l'agriculture, s'inscrivaient dans une logique d'ordre naturel. Leur discours visait à découvrir les mécanismes naturels régissant l'économie pour expliquer la formation de la richesse, plutôt qu'à prescrire des interventions étatiques directes. Ils cherchaient à comprendre la nature et les causes de la richesse d'une économie. Bien que le document ne détaille pas leurs propositions spécifiques d'intervention étatique, le fondement de leur pensée est la croyance en un ordre naturel optimal, suggérant une approche moins interventionniste que celle des mercantilistes [7](#page=7) [8](#page=8).
#### 2.3.1 Distinction avec le mercantilisme et le keynésianisme
Il est important de distinguer la pensée physiocratique des courants mercantiliste et keynésien concernant le rôle de l'État. Alors que les mercantilistes étaient interventionnistes, les physiocrates cherchaient à découvrir les lois naturelles de l'économie. Le discours néo-classique actuel est libéral et condamne l'intervention de l'État, considérant le marché comme un régulateur parfait. Le discours keynésien, quant à lui, est libéral mais interventionniste, car il estime que l'État doit intervenir lorsque les mécanismes du marché sont insuffisants pour réguler l'économie [7](#page=7) [8](#page=8).
### 2.4 Le Tableau économique
Le *Tableau économique*, attribué à Quesnay et publié en 1758, est une œuvre fondatrice de l'école physiocratique. Ce tableau trouve son origine dans la pratique médicale de Quesnay et visait à représenter de manière schématique les circulations de richesses au sein de l'économie, en mettant en évidence le rôle central de l'agriculture. Il illustre concrètement la théorie physiocratique en montrant comment le produit net généré par l'agriculture irrigue le reste de l'économie [7](#page=7).
> **Tip:** Le *Tableau économique* est souvent considéré comme l'une des premières représentations graphiques d'une économie dans son ensemble, anticipant les modèles macroéconomiques ultérieurs.
### 2.5 Héritage des Physiocrates
L'héritage des physiocrates est considérable dans l'histoire de la pensée économique. Ils ont initié la naissance de l'économie politique et ont posé les bases de l'analyse économique moderne en se concentrant sur la production, la circulation des richesses et le concept de revenu net. Leur insistance sur l'agriculture comme fondement de la richesse a marqué un tournant par rapport aux conceptions antérieures et a ouvert la voie aux travaux d'économistes classiques comme Adam Smith [8](#page=8).
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# L'école classique : Adam Smith, Malthus, Ricardo et les fondements de la valeur et de la répartition
Cette section explore les contributions majeures de l'école classique, particulièrement Adam Smith, David Ricardo et Robert Malthus, à la compréhension de la valeur des marchandises, de la répartition des revenus entre les classes sociales et de la croissance économique [8](#page=8).
### 3.1 L'héritage de l'économie politique
L'économie politique naît du passage d'une politique économique visant à renforcer le pouvoir du souverain à une science cherchant à expliquer la nature et les causes de la richesse des nations. Les physiocrates, par exemple, considéraient la production agricole comme la source unique de richesse, basée sur la notion de "produit net" résultant du "don gratuit de la nature". L'école classique, quant à elle, domine une période d'environ un siècle, débutant avec Adam Smith et son œuvre majeure "Recherche sur la cause et la nature de la richesse des nations" en 1776 [8](#page=8).
### 3.2 La pensée classique : ordre naturel et main invisible
La pensée classique est un discours structuré qui cherche à expliquer l'enrichissement des nations durant la première révolution industrielle. Elle repose sur la croyance en un ordre naturel et des lois économiques constantes, déduites de la nature des choses et de l'homme. La célèbre métaphore de la "main invisible" d'Adam Smith illustre cette idée: l'autorégulation des marchés, guidée par l'intérêt personnel de chaque individu, conduit au bien commun de la société. La concurrence est vue comme une force régulatrice et dynamique créatrice de richesse, rendant ainsi l'intervention de l'État superflue, son rôle se limitant à la défense et à la justice [9](#page=9).
Malgré cette vision commune, des débats et controverses existent au sein de l'école classique, notamment sur l'explication de la valeur, la répartition des revenus, l'équilibre et la croissance [9](#page=9).
#### 3.2.1 Adam Smith et la recherche de la richesse des nations
Adam Smith, professeur de morale à l'université de Glasgow, publie en 1776 "La richesse des nations". L'ouvrage débute par l'exemple célèbre de la division du travail dans une fabrique d'épingles, soulignant comment la spécialisation augmente considérablement la productivité. Smith décrit une Angleterre de 1770, incluant les apprentis, les journaliers, les capitalistes, les seigneurs, les prêtres, les rois, les usines, les fermes et le commerce extérieur. Sa doctrine visait la direction d'un empire et non une simple apologie de la bourgeoisie montante [10](#page=10).
La "main invisible" est le mécanisme par lequel les intérêts individuels sont guidés vers le bien-être collectif. L'intérêt personnel, dans un contexte concurrentiel, pousse à produire les biens désirés par la société en quantité et à un prix acceptables. Les lois du marché assurent que les prix des biens ne s'écartent pas arbitrairement du coût de production, incitent les producteurs à répondre à la demande sociale, et que les prix élevés se résorbent d'eux-mêmes par l'augmentation de la production et l'arrivée de nouveaux concurrents [10](#page=10) [11](#page=11).
> **Tip:** Le concept de "compétition atomistique" décrit le monde d'Adam Smith, où aucun agent n'est assez puissant pour perturber la concurrence, forçant chacun à poursuivre son intérêt dans un cadre de liberté universelle [11](#page=11).
Pour Smith, une société prospère ne peut exister si une grande partie de sa population est pauvre et malheureuse. La croissance économique est le résultat du mécanisme du marché, qui stimule l'innovation, l'invention et la prise de risque [12](#page=12).
Smith distingue deux lois inhérentes à l'évolution du système de marché :
1. **La loi de l'accumulation:** L'accumulation de capital, investie dans des machines, permet une plus grande division du travail et augmente l'énergie productive. L'accumulation de machines entraîne une demande accrue de main-d'œuvre et donc une hausse des salaires, ce qui peut finir par réduire les profits, source de l'accumulation [12](#page=12).
2. **La loi du peuplement:** Une hausse des salaires induit une augmentation du nombre d'ouvriers. Le mécanisme du marché règle les flux de main-d'œuvre et de capital, assurant que les biens demandés sont produits en quantité adéquate à un prix proche du coût de production. L'accumulation de capital accroît les forces de production, accentue la division du travail et augmente les salaires, stimulant ainsi la demande de main-d'œuvre. Une hausse des salaires peut mener à une baisse de la mortalité et à une augmentation de l'offre de travailleurs, ce qui comprime à nouveau les salaires en raison de la concurrence [12](#page=12) [13](#page=13).
Smith ne soutenait aucune classe sociale particulière, mais sa philosophie économique, fondée sur la confiance dans la capacité du marché à s'autoréguler, a justifié l'opposition des capitalistes à toute réglementation. La doctrine du "laisser-faire" prône une intervention minimale de l'État, considérée comme dispendieuse et improductive. Le consommateur est le grand bénéficiaire du système. Smith n'a cependant pas pleinement anticipé les bouleversements de la révolution industrielle et l'émergence de nouvelles formes d'organisations économiques collectives. Sa contribution essentielle réside dans la formulation systématique de la philosophie de l'action réclamée par la conception du marché. La finalité ultime de la recherche de richesse et de puissance est le bien-être commun [13](#page=13) [14](#page=14).
#### 3.2.2 Robert Malthus et David Ricardo : population, rendement et répartition
Robert Malthus, premier économiste de profession, publie en 1798 son "Essai sur le principe de la population", affirmant que la population tend à dépasser les moyens de subsistance disponibles. Selon lui, l'humanité est confrontée à une opposition entre une population croissante et une offre de ressources limitée. Malthus et Ricardo, bien qu'en désaccord sur de nombreux points, partageaient une préoccupation commune concernant la démographie et ses implications sur la pauvreté permanente [14](#page=14).
David Ricardo, contemporain de Malthus, était indépendant financièrement et opposé à la corruption parlementaire. Il analysait la société en classes sociales, où les capitalistes tiraient les ficelles et recevaient les profits [15](#page=15).
### 3.3 Les fondements de la valeur chez les classiques
La question centrale pour les économistes classiques est de déterminer le fondement de la valeur d'une marchandise et son prix d'échange [15](#page=15).
#### 3.3.1 La théorie de la valeur d'Adam Smith
Adam Smith distingue la **valeur d'usage** (l'utilité d'un bien) de la **valeur d'échange** (le pouvoir d'achat d'un bien). Il illustre ce paradoxe avec l'eau (grande valeur d'usage, faible valeur d'échange) et le diamant (faible valeur d'usage, grande valeur d'échange). Smith en déduit que l'utilité fonde la valeur intrinsèque mais n'explique pas la valeur d'échange [15](#page=15).
La valeur d'échange est déterminée par la **quantité de travail achetable**. Une marchandise nécessitant 5 heures de travail permet d'acheter une autre qui en a nécessité 5. Cette valeur marchande, mesurée par le travail achetable, est le **prix naturel**. Le **prix courant**, lié à l'offre et à la demande, oscille autour du prix naturel [15](#page=15).
Dans un état informel de la société, le produit du travail appartient aux travailleurs, et le prix de la marchandise correspond idéalement au salaire. Dans une société plus avancée, avec l'accumulation du capital et la propriété privée, le prix inclut également le profit du capitaliste et la rente du propriétaire foncier. Le prix devient alors la somme du salaire, du profit et de la rente. Smith rencontre des difficultés à expliquer comment cette addition de revenus correspond à la quantité de travail achetable [16](#page=16).
#### 3.3.2 La théorie de la valeur de David Ricardo
David Ricardo reprend la distinction entre valeur d'usage et valeur d'échange. Pour lui, l'utilité est une condition nécessaire à la valeur d'échange, mais ne la mesure pas. La valeur d'échange dépend uniquement des **conditions de production** et de la **quantité de travail nécessaire** pour produire la marchandise [16](#page=16).
Ce travail nécessaire peut être direct (celui des ouvriers) ou indirect (travail incorporé dans les matières premières et l'usure des machines). Une variation de la quantité de travail fixée dans une marchandise entraîne une variation de son prix. Une hausse de la productivité du travail diminue la quantité de travail nécessaire et donc le prix. Cette théorie s'applique aux marchandises reproductibles dans l'industrie (ex: voiture). Pour les biens non reproductibles (ex: œuvre d'art), la valeur d'échange est liée à leur rareté et à la demande [16](#page=16) [17](#page=17).
#### 3.3.3 La théorie de la valeur de Jean-Baptiste Say
Jean-Baptiste Say s'oppose aux classiques, réfutant l'idée d'une valeur liée au travail. Pour lui, la valeur est fondée sur l'**utilité subjective** appréciée par les individus. Le prix d'une marchandise s'explique par la tension entre sa rareté et l'intensité de la demande [17](#page=17).
### 3.4 La répartition des revenus chez les classiques
Une autre question majeure pour les classiques concerne le partage de la richesse produite entre les classes sociales: travailleurs, propriétaires fonciers et capitalistes [17](#page=17).
* **Salaires:** Revenus du travail [17](#page=17).
* **Rentes:** Revenus de la terre perçus par les propriétaires fonciers [17](#page=17).
* **Profits:** Revenus du capital avancé par les capitalistes [17](#page=17).
Selon la théorie de Say basée sur l'utilité, la production de richesse est une création d'utilité. La répartition des revenus se fait entre travail, terre et capital, considérés comme des services productifs dont la rémunération s'explique par l'offre et la demande sur leurs marchés respectifs. Ce système est perçu comme harmonieux, chaque service recevant une rémunération juste pour sa contribution. Cette théorie sera reprise par l'école néoclassique [17](#page=17) [18](#page=18).
#### 3.4.1 La répartition selon les classiques anglais
Les capitalistes avancent du capital productif (capital fixe, matières premières, salaires). La valeur produite est mesurée par la quantité de travail nécessaire. Les salaires sont considérés comme des variables de production (coûts de production), tandis que les profits et les rentes sont des variables de répartition, issues du revenu net et prélevées sur le produit du travail. L'analyse de la répartition se concentre sur le partage du produit net entre salaires, profits et rentes, sans tenir compte du capital fixe consommé et des dépenses en matières premières [18](#page=18).
##### 3.4.1.1 L'analyse des salaires
L'analyse des salaires, formulée par Smith et reprise par les classiques anglais, distingue le **salaire naturel** du **salaire courant** [18](#page=18).
* **Salaire naturel:** Le minimum de subsistance nécessaire pour reconstituer les forces de l'ouvrier et faire vivre sa famille. C'est un minimum physiologique stable à court terme mais variable à long terme [19](#page=19).
* **Salaire courant:** Le salaire effectivement perçu, qui dépend du rapport de force entre capitalistes et ouvriers. L'abondance de main-d'œuvre favorise le maître, alignant le salaire courant sur le salaire naturel. En période de croissance, une demande accrue de travail peut temporairement faire monter le salaire courant au-dessus du salaire naturel. Selon la loi de population de Malthus, cette hausse induit une augmentation de la population et donc de la main-d'œuvre, ramenant le salaire courant vers le niveau minimum. Il faut distinguer le salaire monétaire du salaire réel, qui prend en compte l'évolution des prix [19](#page=19).
##### 3.4.1.2 La théorie ricardienne de la répartition
Ricardo développe la théorie de la **rente différentielle** et des **rendements décroissants** dans l'agriculture. Les terres les plus fertiles sont exploitées en premier. Avec l'augmentation de la population, il faut cultiver des terres moins fertiles, nécessitant plus de travail et de capital pour produire la même quantité de blé. C'est la loi des rendements décroissants, où le coût de production augmente et le rendement diminue [19](#page=19) [20](#page=20).
La conséquence est une hausse du coût marginal sur la terre marginale, menant à une hausse du prix du blé. Cela entraîne une hausse de la rente foncière et une hausse du salaire monétaire pour maintenir le salaire réel constant [20](#page=20).
Concernant le profit du capital, il est la rémunération du capital engagé, un revenu résiduel après reconstitution du capital avancé. Dans l'industrie, le produit net est partagé entre salaires et profits. La loi des rendements décroissants dans l'agriculture entraîne une hausse du prix de la nourriture, une hausse des rentes (qui induit une consommation improductive), et une hausse des salaires. La hausse des salaires induit une baisse des profits. Comme les capitalistes tendent à investir plutôt qu'à consommer, cette baisse des profits implique une baisse de l'épargne, de l'accumulation de capital productif et de la croissance économique. Ricardo a ainsi défendu la libre importation du blé pour contrer la hausse de son prix, ce qui permettrait aux industriels de réduire les salaires et d'augmenter leurs profits [20](#page=20) [21](#page=21).
### 3.5 Équilibre et déséquilibre
Il existe une tension entre la thèse de l'équilibre automatique, illustrée par la "main invisible" de Say, et la théorie du déséquilibre de Malthus [21](#page=21).
#### 3.5.1 La loi des débouchés de Jean-Baptiste Say
La loi des débouchés, ou loi de Say, affirme un principe d'équivalence entre l'offre et la demande. Toute offre crée sa propre demande, car la production génère des revenus qui sont intégralement dépensés (consommés ou épargnés, puis investis). La production totale de biens de consommation ou d'investissement est égale au revenu global distribué [21](#page=21).
Les conséquences de cette loi sont :
* La surproduction est inconcevable; la demande est toujours suffisante pour absorber la production. Les crises ne peuvent être que sectorielles et temporaires [21](#page=21).
* La monnaie est neutre par rapport à l'économie réelle; elle n'influence pas l'activité économique et n'est demandée que pour elle-même [21](#page=21).
#### 3.5.2 La crainte de Robert Malthus
En contraste avec Say, Robert Malthus exprime la crainte d'une surproduction chronique, suggérant un potentiel déséquilibre économique [21](#page=21).
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# Karl Marx et l'analyse critique du capitalisme
Karl Marx, souvent considéré comme le dernier des classiques, a développé une analyse radicalement critique du mode de production capitaliste, axée sur la théorie de la valeur-travail, la notion de plus-value et la dynamique des crises [22](#page=22).
### 4.1 Le mode de production capitaliste selon Marx
Marx définit le mode de production comme l'articulation entre les forces productives (relations techniques homme-nature, productivité du travail) et les rapports de production (relations sociales dans le processus productif, appropriation des moyens de production et des résultats). Le mode de production capitaliste se caractérise par des forces productives très développées et par des rapports de production fondés sur l'exploitation: les capitalistes possèdent les moyens de production, tandis que les salariés ne possèdent que leur force de travail [23](#page=23).
### 4.2 La théorie de la valeur-travail
La valeur d'une marchandise, pour Marx, est déterminée par la quantité de travail humain nécessaire à sa production. Il distingue deux types de travail [23](#page=23):
* **Travail vivant:** l'activité directe de la force de travail, créateur de valeur nouvelle. Il correspond au capital variable (V) [24](#page=24).
* **Travail mort:** le travail antérieur incorporé dans les moyens de production (machines, matières premières). Il ne fait que transmettre sa valeur. Il correspond au capital constant (C) [24](#page=24).
La valeur d'une marchandise est donc la somme du travail mort et du travail vivant qu'elle incorpore. Marx précise que la mesure pertinente est le **temps de travail socialement nécessaire**, c'est-à-dire le temps requis dans des conditions normales de production, avec un degré moyen d'habileté et d'intensité [24](#page=24).
La valeur d'échange d'une marchandise est sa capacité à s'échanger sur le marché, et le travail en est la substance commune. La composition organique du capital est le rapport $C/V$ [23](#page=23) [24](#page=24).
> **Tip :** Marx rejette le temps de travail individuel car un travailleur moins habile ne doit pas créer plus de valeur. La norme est le travail socialement nécessaire.
### 4.3 La plus-value et l'exploitation
Dans la sphère de la production, l'argent avancé par le capitaliste (A) se transforme en une somme d'argent supérieure (A') après l'achat des moyens de production et de la force de travail, suivie de la production et de la vente de nouvelles marchandises (M → A'). Cette augmentation est la **plus-value (PL)** [24](#page=24) [25](#page=25).
La plus-value naît de la spécificité de la force de travail, qui peut créer plus de valeur qu'elle n'en coûte. Le salaire, prix de la force de travail, est déterminé par le travail socialement nécessaire à sa reproduction, mais l'usage de cette force de travail pendant la journée de travail crée une valeur supérieure qui revient au capitaliste [25](#page=25).
La formule générale du capital s'écrit donc: $A \rightarrow M (C+V) \rightarrow M' (C+V+PL) \rightarrow A'$. La plus-value est la différence entre la valeur créée par le travail et la valeur payée sous forme de salaire [24](#page=24) [25](#page=25).
> **Example :** Si un travailleur est payé pour 6 heures de travail (coût de sa force de travail) mais travaille 10 heures, les 4 heures supplémentaires constituent du travail non payé, source de plus-value.
Le **taux de plus-value** (ou taux d'exploitation) est le rapport $PL/V$. Les capitalistes cherchent à accroître la plus-value par [25](#page=25):
1. **Allongement de la durée du travail (plus-value absolue):** Augmenter le temps de travail sans hausse de salaire [25](#page=25).
2. **Accroissement de la productivité (plus-value relative):** Réduire le coût des biens de consommation du travailleur, diminuant ainsi la valeur de la force de travail [26](#page=26).
3. **Intensification du travail:** Augmente la valeur produite et la productivité [26](#page=26).
### 4.4 La baisse tendancielle du taux de profit
L'accumulation du capital, accompagnée par le progrès technique, entraîne une substitution des machines aux hommes, c'est-à-dire une augmentation du rapport $C/V$. Si le taux d'exploitation reste constant, l'augmentation du dénominateur ($C+V$) dans le taux de profit (ratio de la plus-value au capital total investi: $PL/(C+V)$) conduit mathématiquement à une **baisse tendancielle du taux de profit**, car seule la partie variable (V) produit de la plus-value [26](#page=26).
Cette tendance est jugée structurelle dans la logique marxiste, bien qu'elle puisse être ralentie à court terme [26](#page=26).
### 4.5 Les conséquences de l'accumulation capitaliste
L'accumulation est une nécessité pour les capitalistes sous peine de disparaître par concurrence. Elle consiste à transformer la plus-value en capital constant et variable. L'augmentation du capital constant (machines) accroît la capacité de production tout en détruisant des emplois via la productivité [26](#page=26).
Dans la perspective marxiste, la destruction d'emplois par le progrès technique domine, entraînant un chômage structurel formant une "armée industrielle de réserve". Le capitalisme accumule ainsi le capital mais aussi la misère [26](#page=26).
### 4.6 La dynamique des crises
Marx déduit de cette dynamique une tendance aux crises. Les crises sont d'abord des crises de surproduction liées à la paupérisation relative de la classe ouvrière: faibles salaires et chômage entraînent une sous-consommation par rapport à une production croissante, manquant ainsi de débouchés [26](#page=26).
Une seconde cause immédiate est la baisse du taux de profit, qui décourage l'accumulation et l'investissement. Les crises se résorbent par la destruction de capital (faillites) et la concentration du capital, ce qui permet une remontée provisoire du taux de profit et relance l'accumulation jusqu'à une crise future [27](#page=27).
Selon Marx, cette dynamique mènerait ultimement à une crise finale du capitalisme et à l'émergence d'un nouveau mode de production [27](#page=27).
> **Tip :** Les concepts de Marx, bien que datés, ont influencé des économistes ultérieurs comme Keynes, notamment concernant les problématiques de sous-consommation et de rôle de l'investissement.
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# L'école néoclassique et les fondements de la microéconomie
Cette section explore l'émergence de l'école néoclassique au XIXe siècle, marquée par la révolution marginaliste et ses concepts fondamentaux qui sous-tendent la microéconomie moderne.
### 5.1 L'émergence de la pensée néoclassique
L'école néoclassique a émergé au XIXe siècle, en partie en réaction aux théories classiques et marxistes, et s'est consolidée au fil du temps pour influencer l'économie contemporaine [27](#page=27).
#### 5.1.1 Les précurseurs
Dès le milieu du XIXe siècle, plusieurs penseurs ont introduit des idées novatrices :
* **Cournot** (1801–1877): Mathématicien qui a établi la relation inverse entre la demande et le prix. Il a également formalisé l'analyse du monopole en montrant que le profit est maximisé lorsque la recette marginale est égale au coût marginal [27](#page=27).
* **Dupuit** (1804–1866): Ingénieur qui a suggéré que le prix des services publics devrait être fixé en fonction de l'utilité qu'en retirent les usagers [27](#page=27).
* **Von Thünen**: Annonciateur des principes de la productivité marginale, essentiels pour expliquer la rémunération des facteurs de production [27](#page=27).
* **Gossen**: A mis en évidence la loi de l'utilité marginale décroissante et a souligné l'importance de l'approche mathématique en économie [27](#page=27).
#### 5.1.2 La révolution marginaliste (années 1870)
Cette période marque la naissance véritable du néoclassicisme, avec trois auteurs travaillant indépendamment :
* **Stanley Jevons** (anglais): A démontré mathématiquement la loi de l'utilité marginale décroissante. Il a développé la théorie de la "valeur-utilité", affirmant que la valeur d'un bien dépend de son utilité marginale. Sa célèbre formule stipule que le coût de production influence l'offre, qui influence le degré final d'utilité, lequel détermine la valeur [28](#page=28).
* **Carl Menger** (autrichien): A développé l'idée d'utilité marginale et a surtout fondé l'**individualisme méthodologique**, posant que les phénomènes économiques doivent être expliqués à partir des choix rationnels individuels. C'est une annonce clé de la microéconomie moderne [28](#page=28).
* **Léon Walras** (français): A construit un modèle d'**équilibre général**, cherchant à prouver l'existence d'un système de prix assurant l'égalité entre l'offre et la demande sur l'ensemble des marchés dans une économie de concurrence parfaite. Son cadre est devenu la base théorique structurante du néoclassicisme [28](#page=28).
#### 5.1.3 Autres figures marquantes
* **Alfred Marshall** (1842–1924): Dans ses *Principes d'économie politique* il a consolidé une nouvelle orthodoxie et introduit la méthode de l'**équilibre partiel**. Il analyse un marché isolé en supposant "toutes choses égales par ailleurs", étudiant la maximisation de l'utilité par le consommateur (déterminant la demande) et la maximisation du profit par le producteur (déterminant l'offre). Marshall a affirmé que le prix résulte conjointement de l'utilité et du coût de production, comme les deux lames d'une paire de ciseaux [28](#page=28).
* **Joseph Schumpeter** (1883–1950): S'est intéressé à la dynamique du capitalisme, mettant en avant le rôle de l'innovation et de l'entrepreneur. Il a souligné l'importance des dimensions politique et sociale dans l'avenir du capitalisme [28](#page=28).
* **Milton Friedman** (1912–2006): Figure centrale du monétarisme et de l'école de Chicago, il a défendu le libéralisme économique, critiqué le keynésianisme et proposé une politique monétaire basée sur une croissance constante de la masse monétaire. Il a également développé la théorie du "revenu permanent" [28](#page=28) [29](#page=29).
### 5.2 Principes fondamentaux de l'école néoclassique
L'école néoclassique se distingue des classiques par son approche principalement microéconomique et statique, se concentrant sur la formation des prix et l'établissement de l'équilibre sur les marchés [29](#page=29).
#### 5.2.1 L'approche individualiste et marginaliste
* **Individualisme méthodologique**: L'analyse économique part des comportements individuels rationnels [28](#page=28) [29](#page=29).
* **Rationnalité des agents**: Les agents économiques (ménages et entreprises) cherchent à maximiser leurs objectifs (utilité pour les ménages, profit pour les entreprises) sous contraintes (budget, prix, technologie) [29](#page=29).
* **Analyse à la marge**: Les décisions sont prises en considérant les effets d'une unité supplémentaire: utilité marginale pour le consommateur et productivité marginale pour l'entreprise [29](#page=29).
* **Allocation des ressources rares**: La question centrale est de savoir comment allouer efficacement des ressources limitées pour satisfaire au mieux les besoins individuels [29](#page=29).
#### 5.2.2 L'offre et la demande
* **Ménages**: Possèdent les facteurs de production (travail, capital) et les louent aux entreprises en échange de revenus (salaires, intérêts) [29](#page=29).
* **Entreprises**: Utilisent les facteurs de production pour fabriquer des biens et services, dans le but de maximiser leur profit [28](#page=28) [29](#page=29).
* **Marché**: Lieu de rencontre de l'offre et de la demande, où les prix s'ajustent pour coordonner les décisions individuelles [29](#page=29).
#### 5.2.3 L'équilibre général et partiel
* **Équilibre général (Walras)**: Recherche de l'ensemble des prix assurant l'égalité de l'offre et de la demande sur tous les marchés simultanément. La démonstration mathématique rigoureuse a été fournie par Arrow et Debreu sous des conditions strictes [28](#page=28) [30](#page=30).
* **Équilibre partiel (Marshall)**: Analyse d'un marché isolé, "toutes choses égales par ailleurs", permettant d'étudier l'interaction de l'offre et de la demande sur ce marché spécifique [28](#page=28).
#### 5.2.4 Théorie de la valeur et de la répartition
* **Théorie de la valeur subjective**: La valeur d'un bien dépend de son utilité marginale, c'est-à-dire de la satisfaction retirée par le consommateur de la dernière unité consommée. Cela rompt avec la théorie classique basée sur le travail [29](#page=29).
* **Utilité totale vs Utilité marginale**: L'utilité totale est la satisfaction globale, tandis que l'utilité marginale est la satisfaction d'une unité supplémentaire. La loi de l'utilité marginale décroissante stipule que cette dernière diminue avec la consommation [30](#page=30).
* **Paradoxe de l'eau et du diamant**: Expliqué par la différence entre utilité totale et marginale. L'eau, abondante, a une faible utilité marginale et un prix faible, malgré une utilité totale immense. Le diamant, rare, a une utilité marginale élevée et un prix élevé [30](#page=30).
* **Théorie de la répartition basée sur la productivité marginale**: La rémunération des facteurs de production (travail, capital) est déterminée par leur contribution marginale à la production [30](#page=30).
* **Salaire réel**: Lié à la productivité marginale du travail [30](#page=30).
* **Taux d'intérêt réel**: Lié à la productivité marginale du capital [30](#page=30).
* Dans cette logique, les facteurs reçoivent une rémunération "juste" correspondant à leur apport marginal, contrastant avec les analyses classiques et marxistes sur le conflit distributif [30](#page=30).
#### 5.2.5 Le rôle de la monnaie et de l'intervention de l'État
* **Neutralité de la monnaie**: Dans la vision néoclassique macroéconomique, la monnaie n'affecte pas les grandeurs réelles de l'économie (production, emploi), mais influence principalement le niveau général des prix [31](#page=31) [32](#page=32).
* **Efficacité des marchés**: L'intervention de l'État est généralement considérée comme inutile, voire perturbatrice, car le marché est supposé autorégulateur, surtout en situation de concurrence "pure et parfaite" [29](#page=29).
### 5.3 Les marchés néoclassiques
Le modèle néoclassique décrit un système économique basé sur l'ajustement des prix sur trois marchés réels principaux :
* **Marché du travail**: L'offre de travail est croissante par rapport au salaire réel, et la demande de travail est décroissante. La flexibilité du salaire réel assure un équilibre de plein emploi, le chômage persistant étant interprété comme volontaire [31](#page=31).
* **Marché du capital**: L'offre de capital (épargne) est croissante par rapport au taux d'intérêt réel, et la demande de capital (investissement) est décroissante. La flexibilité du taux d'intérêt réel assure l'équilibre épargne = investissement [31](#page=31) [32](#page=32).
* **Marché des biens et services**: Selon la loi des débouchés, la production génère un revenu qui se répartit en consommation et épargne. L'équilibre sur le marché du capital assure que l'épargne se transforme en investissement, garantissant que la production est écoulée et qu'il n'y a pas de surproduction durable [32](#page=32).
* **Marché de la monnaie**: Détermine principalement le niveau général des prix. Une hausse de l'offre de monnaie se traduit par une inflation, et limiter la croissance monétaire est un moyen de stabiliser les prix [32](#page=32).
> **Tip:** Comprendre la distinction entre utilité totale et utilité marginale est crucial pour saisir la théorie de la valeur néoclassique et le paradoxe de l'eau et du diamant.
> **Tip:** L'individualisme méthodologique est le pilier sur lequel repose l'ensemble de l'analyse microéconomique néoclassique. Il faut toujours remonter aux décisions individuelles pour expliquer les phénomènes agrégés.
> **Example:** La détermination du salaire d'un travailleur dans un marché concurrentiel. Le salaire sera égal à la productivité marginale du travailleur, à condition que cette productivité soit supérieure ou égale au salaire offered. L'entreprise cessera d'embaucher si la productivité marginale devient inférieure au salaire [30](#page=30).
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# Keynes et le développement de la macroéconomie moderne
John Maynard Keynes a révolutionné la pensée économique en fondant la macroéconomie moderne, remettant en cause les fondements néoclassiques et plaidant pour l'intervention de l'État afin de garantir le plein emploi [32](#page=32) [33](#page=33).
### 6.1 La rupture avec le cadre néoclassique
#### 6.1.1 Les limites du modèle néoclassique
Le modèle néoclassique postule que la flexibilité des prix (salaires réels, taux d'intérêt réels, prix des biens) assure automatiquement le retour à l'équilibre, garantissant le plein emploi et l'égalité entre épargne et investissement. La monnaie y est considérée comme neutre, n'affectant que le niveau général des prix. Dans ce cadre, il n'y a pas de risque de surproduction générale durable, car la production génère un revenu qui se répartit en consommation et épargne, et la loi des débouchés garantit que toute offre trouve sa demande. Le marché de la monnaie sert principalement à déterminer le niveau des prix: une hausse de l'offre de monnaie se traduit par une hausse des prix, tandis que limiter la croissance monétaire vise à stabiliser les prix [32](#page=32).
#### 6.1.2 Les apports fondamentaux de Keynes
Keynes, en rupture avec cette vision, a affirmé que le problème majeur des économies modernes est leur incapacité à assurer le plein emploi et une répartition équitable des richesses. Sa première rupture majeure réside dans l'objectif de son analyse: expliquer l'emploi, le chômage et l'instabilité, plutôt que de se concentrer uniquement sur la formation des prix. Sur le plan méthodologique, Keynes raisonne en macroéconomie, en étudiant des grandeurs globales, et réfute la neutralité de la monnaie. Pour lui, l'économie est fondamentalement monétaire, et le taux d'intérêt, la monnaie, les anticipations et la finance influencent directement l'activité réelle [33](#page=33).
> **Tip:** Contrairement aux néoclassiques qui considèrent le plein emploi comme la norme, Keynes met l'accent sur la possibilité d'un équilibre de sous-emploi.
### 6.2 Les concepts clés de la théorie keynésienne
#### 6.2.1 La demande globale et la demande effective
Au cœur de la théorie keynésienne se trouve l'idée que le niveau de production et d'emploi dépend de la **demande globale anticipée** par les entreprises. Les entrepreneurs décident de produire en fonction de ce qu'ils pensent pouvoir vendre; c'est la logique de la **demande effective**. La demande effective est le point où la production décidée correspond exactement à la demande attendue, assurant un équilibre sur le marché des biens et services, mais cet équilibre peut coexister avec du chômage [33](#page=33).
#### 6.2.2 La consommation
La consommation (C) dépend principalement du revenu. Keynes formule une "**loi psychologique**" selon laquelle, lorsque le revenu augmente, la consommation augmente aussi, mais de manière moins que proportionnelle. Cela signifie qu'une hausse du revenu entraîne à la fois une augmentation de la consommation et une augmentation de l'épargne. La **propension moyenne à consommer** (la part du revenu consacrée à la consommation) peut paraître stable à court terme mais tend à diminuer à long terme à mesure que les besoins essentiels sont satisfaits [34](#page=34).
> **Tip:** La "loi psychologique" est fondamentale pour comprendre pourquoi la consommation ne suit pas toujours le rythme de la croissance du revenu.
#### 6.2.3 L'investissement
L'investissement (I) est influencé par deux variables principales: l'**efficacité marginale du capital** et le **taux d'intérêt** [34](#page=34).
* L'**efficacité marginale du capital** représente la rentabilité attendue d'un projet d'investissement, calculée à partir du coût initial et des profits futurs anticipés. Il existe une relation décroissante entre le volume d'investissement et l'efficacité marginale du capital: plus un projet est important, plus l'incertitude augmente et plus la rentabilité anticipée peut diminuer [34](#page=34).
* Le **taux d'intérêt** est le coût de financement d'un investissement. Pour qu'un investissement soit rationnel, l'efficacité marginale du capital doit être supérieure au taux d'intérêt [34](#page=34).
Cependant, Keynes insiste sur le rôle crucial des **anticipations** et de l'**incertitude** ("esprits animaux") dans la décision d'investir. Ces facteurs psychologiques, comme le climat général, le goût du risque, l'optimisme ou le pessimisme, déterminent en grande partie le niveau d'investissement [34](#page=34).
#### 6.2.4 Le taux d'intérêt et le rôle de la monnaie
Le taux d'intérêt est déterminé sur le marché monétaire par la rencontre de l'offre et de la demande de monnaie. La demande de monnaie obéit à plusieurs motifs [34](#page=34):
* **Transaction et précaution** : liés au revenu.
* **Spéculation** : inversement liée au taux d'intérêt.
Contrairement aux néoclassiques, la monnaie n'est pas neutre pour Keynes; elle influence l'économie via le taux d'intérêt et, par conséquent, via l'investissement [34](#page=34).
### 6.3 Le rôle de l'intervention de l'État
Keynes soutient que le système capitaliste ne tend pas spontanément vers le plein emploi, et qu'un équilibre de sous-emploi peut persister durablement si la demande anticipée est faible. Par conséquent, l'intervention de l'État est nécessaire pour relancer l'économie et réduire le chômage [34](#page=34) [35](#page=35).
#### 6.3.1 Objectifs de l'intervention
L'objectif principal de l'intervention publique est d'**augmenter la demande globale** afin d'inciter les entreprises à produire davantage et à embaucher [35](#page=35).
#### 6.3.2 Leviers d'action
L'intervention de l'État peut agir sur :
* La **consommation**: par la redistribution des revenus, la politique fiscale, ou l'augmentation directe des revenus [35](#page=35).
* L'**investissement**: par la baisse du taux d'intérêt, l'action budgétaire (dépenses publiques), ou la création d'un climat favorable à l'investissement [35](#page=35).
> **Tip:** La compréhension de la demande globale comme moteur de l'activité est essentielle pour appréhender la logique des politiques de relance keynésiennes.
### 6.4 Le développement de la macroéconomie moderne après Keynes
#### 6.4.1 Le néo-keynésianisme et la synthèse
Le néo-keynésianisme cherche à concilier l'héritage keynésien (demande, chômage involontaire, rigidités) avec les cadres néoclassiques (formalisation, équilibre, microfondations). Des figures comme **John Hicks** avec le modèle IS-LM ont formalisé la pensée keynésienne dans un cadre compatible avec le raisonnement classique, permettant d'analyser l'impact des politiques de demande. **Paul Samuelson** a joué un rôle immense dans l'établissement d'une macroéconomie moderne articulée à des bases microéconomiques, influençant les politiques de relance des années 1960 [35](#page=35) [36](#page=36).
##### 6.4.1.1 Évolutions et extensions
* **Robert Mundell** a adapté le modèle IS-LM à une économie ouverte, intégrant la dimension internationale [36](#page=36).
* **Robert Solow** a développé un modèle de croissance basé sur l'accumulation du capital, souvent considéré comme un socle de la croissance néoclassique [36](#page=36).
* D'autres courants, comme la théorie des marchés contestables (William Baumol), ont exploré l'efficacité concurrentielle dans des secteurs à coûts fixes élevés [36](#page=36).
#### 6.4.2 L'équilibre général avec rationnement (EGR) et la théorie du déséquilibre
À partir des années 1970, face à la stagflation, le courant de l'EGR (ou théorie du déséquilibre) émerge. Il distingue les offres et demandes "notionnelles" de celles "effectives", expliquant la persistance du sous-emploi sans supposer un ajustement instantané des prix et salaires. Des figures comme **Robert Clower**, **Axel Leijonhufvud**, **Edmond Malinvaud** et **Jean-Paul Bénassy** ont contribué à cette approche, souvent associée à l'"économie française" du déséquilibre [36](#page=36) [37](#page=37).
#### 6.4.3 La nouvelle économie keynésienne
Apparue dans les années 1980 en réaction à la nouvelle économie classique, la "nouvelle économie keynésienne" conserve l'idée d'équilibre général et de microfondations, mais rejette l'hypothèse d'information parfaite. Elle met l'accent sur les **rigidités nominales** (prix et salaires "visqueux"), les imperfections de marché et l'asymétrie d'information. Des économistes comme **Joseph Stiglitz**, **George Akerlof**, **Michael Spence** (théories de l'information), ainsi que **Gregory Mankiw**, **Olivier Blanchard** et **Ben Bernanke** sont associés à ce courant [37](#page=37).
> **Tip:** Il est crucial de distinguer le néo-keynésianisme de la "nouvelle économie keynésienne", ces deux courants ayant des origines et des focalisations légèrement différentes, bien que partageant un socle keynésien.
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# Les écoles libérales : Autrichienne et Monétariste
Cette section aborde deux courants importants du libéralisme économique : l'école autrichienne, axée sur l'individualisme méthodologique et le marché, et le monétarisme, centré sur la stabilité monétaire et une politique économique libérale.
### 7.1 L'école autrichienne d'économie
L'école autrichienne, également connue sous le nom d'école de Vienne, est une école de pensée qualifiée d'hétérodoxe. Elle prend pour fondement l'individualisme méthodologique, rejetant l'application des méthodes des sciences naturelles à l'économie. L'école privilégie l'analyse des relations causales entre événements en considérant que l'origine des phénomènes économiques réside dans l'action des individus [38](#page=38).
#### 7.1.1 Principes fondamentaux
* **Individualisme méthodologique:** L'explication des phénomènes économiques doit être basée sur les choix rationnels individuels [28](#page=28) [38](#page=38).
* **Conception subjective de la valeur:** La valeur d'un bien est déterminée par la perception subjective de l'utilité par l'individu. L'école développe l'idée d'utilité marginale, où la valeur dépend de la satisfaction procurée par la dernière unité consommée [28](#page=28) [38](#page=38).
* **Rôle central du marché:** Le marché est perçu comme un révélateur des préférences individuelles et un régulateur de la société [38](#page=38).
#### 7.1.2 Représentants clés et contributions
L'école est généralement considérée comme ayant débuté avec la publication des "Principes d'économie" par Karl Menger. Parmi ses principaux représentants, on compte Eugen Böhm-Bawerk, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek et Murray Rothbard [38](#page=38).
##### 7.1.2.1 Friedrich Hayek
Friedrich August von Hayek (1899-1992) est un économiste et philosophe autrichien, figure majeure de l'école autrichienne. Son libéralisme s'accompagne d'une forte opposition au socialisme et à l'étatisme [38](#page=38).
* **"La Route de la servitude":** Cet ouvrage analyse le totalitarisme et soutient que la socialisation de l'économie et l'intervention étatique massive sur le marché conduisent à la suppression des libertés individuelles. Hayek établit un parallèle entre les systèmes interventionnistes de son époque (nazisme, communisme) et affirme une continuité entre socialisme et totalitarisme [38](#page=38) [39](#page=39).
* **Prix Nobel d'économie:** Il l'a reçu pour ses travaux pionniers sur la théorie de la monnaie, les fluctuations économiques, et l'interdépendance des phénomènes économiques, sociaux et institutionnels [39](#page=39).
* **Œuvres majeures en philosophie politique:** "La Constitution de la liberté" et "Droit, législation et liberté" (1973-1979) [39](#page=39).
* **Rival intellectuel de Keynes:** Hayek est souvent présenté comme un grand rival intellectuel de John Maynard Keynes [39](#page=39).
### 7.2 Le monétarisme
Le monétarisme, principalement associé à Milton Friedman (1912-2006), représente une évolution majeure du néoclassicisme au XXe siècle. Friedman, figure centrale de l'école de Chicago, défend le libéralisme économique et critique le keynésianisme [28](#page=28).
#### 7.2.1 Principes fondamentaux et critiques du keynésianisme
Le monétarisme s'inscrit dans le cadre d'une vision néoclassique de l'économie, caractérisée par la dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire [31](#page=31).
* **Dichotomie:** Les monétaristes distinguent strictement la sphère réelle (production, emploi, capital) de la sphère monétaire (monnaie, niveau général des prix) [31](#page=31).
* **Neutralité de la monnaie:** La monnaie est considérée comme servant principalement à "monétiser" les échanges et n'affecte pas l'équilibre réel [31](#page=31).
* **Importance de la stabilité monétaire:** Le monétarisme met un accent particulier sur le contrôle de la masse monétaire pour assurer la stabilité des prix et éviter l'inflation [28](#page=28).
#### 7.2.2 Le modèle économique monétariste
Le modèle néoclassique d'équilibre, sur lequel repose la représentation macroéconomique monétariste, est articulé autour de trois grands marchés réels :
* **Marché du travail:** L'offre de travail est une fonction croissante du salaire réel, tandis que la demande de travail est une fonction décroissante de ce même salaire. Le chômage persistant est interprété comme volontaire, les individus refusant de travailler au salaire d'équilibre. La flexibilité du salaire réel est censée garantir le retour au plein emploi [31](#page=31).
* **Marché du capital:** L'offre de capital est liée à l'épargne des ménages et est croissante du taux d'intérêt réel. La demande de capital, issue de l'investissement des entreprises, est décroissante du taux d'intérêt réel [31](#page=31).
* **Marché des biens et services :** L'offre est déterminée par les entreprises et la demande par les ménages, avec un ajustement via le prix.
* **Marché de la monnaie:** Ce marché détermine principalement le niveau général des prix [31](#page=31).
##### 7.2.2.1 La politique économique préconisée
Le monétarisme prône une politique économique libérale avec une intervention minimale de l'État. L'accent est mis sur :
* **Contrôle de la masse monétaire:** L'objectif principal est de maîtriser la croissance de la masse monétaire pour lutter contre l'inflation [28](#page=28).
* **Libéralisme économique:** Défense des marchés libres et de la concurrence [28](#page=28).
> **Tip:** Il est crucial de comprendre la distinction entre l'école autrichienne et le monétarisme, bien que les deux courants soient classés sous l'étiquette "libérale". Les différences résident dans leurs approches méthodologiques, leurs priorités analytiques et leur conception du rôle de l'État et de la monnaie.
> **Example:** L'un des points de divergence majeurs concerne la flexibilité des prix et des salaires. Alors que les monétaristes s'inscrivent dans un cadre néoclassique où les ajustements sont censés se faire relativement rapidement, les débats sur les "rigidités" des marchés, comme soulevés dans le contexte du chômage persistant sont également présents, mais les explications diffèrent entre les courants [38](#page=38).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Terme | Définition |
|---|---|
| Mercantilistes | Groupe d'écoles de pensée économique nationales actives entre 1500 et 1750, cherchant à influencer les politiques économiques gouvernementales pour accroître la richesse et la puissance de l'État par le biais du commerce international et de l'accumulation de métaux précieux. |
| Loi de Gresham | Principe économique selon lequel la mauvaise monnaie (une monnaie dont la valeur intrinsèque est inférieure à sa valeur nominale) tend à supplanter la bonne monnaie dans la circulation. |
| Tableau économique | Modèle créé par François Quesnay pour représenter le flux des richesses dans une économie, particulièrement axé sur l'agriculture comme source de création de richesse nette. |
| Valeur d'usage | Utilité intrinsèque d'un bien, sa capacité à satisfaire un besoin ou un désir humain. |
| Valeur d'échange | Capacité d'une marchandise à s'échanger contre d'autres marchandises sur le marché ; elle est souvent exprimée par son prix. |
| Prix naturel | Prix d'une marchandise dans la théorie classique, déterminé par la quantité de travail nécessaire à sa production ou par le coût de production. |
| Prix courant | Prix d'une marchandise déterminé par les forces de l'offre et de la demande sur le marché à un moment donné. |
| Plus-value | Concept marxiste représentant la différence entre la valeur créée par le travailleur et la valeur de sa force de travail payée sous forme de salaire. C'est la source du profit capitaliste. |
| Temps de travail socialement nécessaire | Durée moyenne de travail requise pour produire une marchandise dans des conditions de production normales, avec un niveau moyen de compétence et d'intensité. |
| Composition organique du capital | Ratio entre le capital constant (machines, matières premières) et le capital variable (salaires) dans le processus de production, selon la théorie marxiste. Elle tend à augmenter avec le progrès technique. |
| Taux de plus-value (ou taux d'exploitation) | Rapport entre la plus-value et le capital variable, indiquant la proportion du travail non rémunéré par rapport au travail rémunéré. |
| Baisse tendancielle du taux de profit | Tendance structurelle dans le capitalisme, selon Marx, où l'augmentation du capital constant par rapport au capital variable entraîne une diminution du taux de profit, potentiellement source de crises. |
| Utilité marginale | Satisfaction supplémentaire obtenue par la consommation d'une unité additionnelle d'un bien ou d'un service. |
| Individualisme méthodologique | Principe selon lequel les phénomènes économiques doivent être expliqués en partant des actions et des choix rationnels des individus. |
| Équilibre général | Concept théorique selon lequel il existe un ensemble de prix qui assure simultanément l'égalité entre l'offre et la demande sur tous les marchés d'une économie. |
| Équilibre partiel | Analyse d'un marché isolé, en supposant que les autres marchés restent inchangés (toutes choses égales par ailleurs). |
| Demande effective | Niveau de demande qui correspond à l'offre produite, déterminant le volume d'emploi et de production dans une économie. |
| Propension à consommer | Part du revenu qu'un individu ou un ménage consacre à la consommation. |
| Esprits animaux | Terme keynésien désignant les facteurs psychologiques, les émotions, l'optimisme ou le pessimisme, qui influencent les décisions d'investissement des entrepreneurs. |
| Courbe de Phillips | Relation observée entre le taux de chômage et le taux d'inflation ; traditionnellement, une relation inverse. |
| Marchés contestables | Marchés où la menace d'entrée de nouveaux concurrents, même si elle n'est pas réalisée, peut suffire à discipliner les entreprises existantes et à maintenir les prix bas. |
| Rigidités nominales | Imperfections dans le marché des biens et services, telles que les prix et les salaires qui ne s'ajustent pas instantanément aux changements des conditions économiques. |
| Concurrence imparfaite | Situations de marché où les hypothèses de concurrence parfaite ne sont pas respectées, incluant le monopole, l'oligopole et la concurrence monopolistique. |