Institutions juridictionnelles n°1.docx
Summary
# Introduction aux institutions juridictionnelles et à la notion de justice
Voici une synthèse détaillée sur l'introduction aux institutions juridictionnelles et à la notion de justice, conçue pour un guide d'étude académique.
## 1. Introduction aux institutions juridictionnelles et à la notion de justice
Cette section explore les fondements de la justice, le rôle essentiel du juge, les symboles qui l'incarnent, ainsi que les principes fondamentaux qui régissent son exercice, tels que l'impartialité et la contradiction.
### 1.1 La conception de la justice et le rôle du juge
Le droit peut être appréhendé comme l'art de résoudre des litiges. Pour ce faire, il est nécessaire de confier la résolution de ces conflits à un tiers impartial. Ce tiers, qualifié de juge ou d'arbitre, doit appliquer la règle de droit.
#### 1.1.1 Les symboles de la justice
Les symboles traditionnels de la justice éclairent sa fonction et ses principes :
* **Le glaive :** Représente la capacité du droit à trancher des situations conflictuelles et à départager des intérêts opposés. Il symbolise la force et la détermination nécessaires pour appliquer la justice.
* **Le bandeau :** Illumine le principe d'impartialité du juge. Le bandeau signifie que le juge ne doit pas prendre en compte l'identité, le statut ou la qualité des personnes impliquées, assurant ainsi l'égalité de tous devant la justice.
* **La balance :** Symbolise la nécessité de peser, comparer et évaluer attentivement tous les arguments présentés par les parties. Elle représente la recherche d'un juste milieu, d'un équilibre, et l'accueil de la pluralité des éléments du litige. Cette notion d'équilibre rappelle l'idée de justice comme vertu, telle que pensée par Aristote, visant une répartition équitable des choses et la recherche du juste milieu.
#### 1.1.2 Les principes fondamentaux de l'exercice de la justice
Pour garantir une justice de qualité, deux principes majeurs sont essentiels :
* **Le principe de contradiction :** Particulièrement en matière civile, ce principe assure que chaque partie peut connaître et discuter les arguments et les preuves présentés par la partie adverse.
* **Le droit de la défense :** En matière pénale, il garantit à la personne accusée la possibilité de se défendre pleinement contre les accusations portées contre elle.
Un bon juge doit donc écouter attentivement toutes les parties, faire preuve d'impartialité et trancher en pesant les éléments du dossier.
### 1.2 Définitions fondamentales
* **Juridiction :** Dérivé du latin *juris dictio* (dire le droit), ce terme désigne tout organe chargé de trancher un litige. Il est souvent synonyme de tribunal.
* **Institution :** Désigne ce qui est établi, instauré et conçu pour durer. Une institution juridictionnelle renvoie donc aux structures et aux règles qui régissent les tribunaux.
### 1.3 L'organisation des juridictions en France : une pluralité justifiée
La France connaît une multiplicité de juridictions, dont la répartition découle de plusieurs facteurs historiques et conceptuels. Une mauvaise compréhension de cette organisation peut mener à saisir la mauvaise juridiction, rendant l'affaire irrecevable. La notion de **compétence** délimite juridiquement le rôle de chaque juridiction.
#### 1.3.1 L'influence de la séparation des pouvoirs
Inspirée par Montesquieu, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire a conduit à distinguer la fonction de juger de celle d'administrer. L'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 stipule que les fonctions judiciaires sont distinctes des fonctions administratives.
Historiquement, le ministre juge a existé, permettant de saisir directement un ministre pour certains litiges concernant l'administration. La loi du 24 mai 1872, et surtout l'arrêt Cadot du Conseil d'État en 1889, a marqué l'abandon de cette conception, faisant du Conseil d'État le juge de droit commun de l'administration.
Cette séparation a engendré un **dualisme juridictionnel** en France, avec deux ordres de juridiction distincts :
* **L'ordre judiciaire :** Compétent pour les litiges entre personnes privées (droit privé) et pour le droit pénal.
* **L'ordre administratif :** Compétent pour les litiges impliquant l'État ou ses démembrements, ainsi que pour certaines professions réglementées.
Le **Tribunal des conflits** a été créé pour résoudre les difficultés nées de ce dualisme, notamment lorsque les deux ordres s'estiment compétents (conflit positif) ou incompétents (conflit négatif), risquant ainsi de priver les justiciables de leur droit d'accès à la justice. Son existence même est une source de complexité et alimente le débat sur la pertinence d'une juridiction unique.
L'arrêt Blanco (8 février 1873) a été fondamental pour affirmer la spécificité de la responsabilité de l'État, régie par des règles spéciales et relevant de la compétence du juge administratif. Ce principe a renforcé la distinction entre les deux ordres de juridiction.
#### 1.3.2 L'influence du type de contentieux : les branches du droit
La pluralité des juridictions est également expliquée par la diversité des branches du droit et la nature des litiges.
* **Droit privé :** Il concerne les relations entre particuliers. Il relève de l'ordre judiciaire et comprend des branches telles que le droit civil (famille, successions), le droit du travail, le droit de la consommation et le droit commercial. Certaines de ces branches disposent de juridictions spécialisées, comme le Tribunal de commerce pour les litiges commerciaux et le Conseil de prud'hommes pour le droit du travail. Ces juridictions sont, en principe, subordonnées à la Cour de cassation.
* **Droit public :** Il régit les relations impliquant l'État et les collectivités publiques. Les litiges relevant du droit public sont généralement traités par l'ordre administratif. Le droit constitutionnel relève également du droit public. Des organes spécifiques existent, tels que la Cour des comptes. Le Conseil d'État est la juridiction administrative suprême.
* **Droit pénal :** Il sanctionne les infractions. Dans ce domaine, c'est l'État, représenté par le procureur, qui poursuit l'auteur de l'infraction. Le juge judiciaire est compétent, même si l'État est la partie lésée.
#### 1.3.3 L'influence des nouvelles normes
L'émergence de nouvelles normes juridiques impacte également la structure et le rôle des institutions juridictionnelles.
* **La loi :** En France, la loi, votée par le Parlement, est considérée comme l'expression de la volonté générale et donc souveraine. Cependant, la **Constitution** constitue la norme suprême. Le **Conseil constitutionnel** est chargé de vérifier la conformité des lois à la Constitution, limitant ainsi la primauté absolue de la loi.
* **Les normes internationales et européennes :** Les règles émanant d'organisations internationales, comme la **Convention européenne des droits de l'homme** (contrôlée par la Cour européenne des droits de l'homme - CEDH) ou le **droit de l'Union européenne** (contrôlé par la Cour de justice de l'Union européenne - CJUE), s'imposent aux États membres et influencent le droit interne. Ces juridictions supra-étatiques jouent un rôle crucial dans la protection des droits fondamentaux et l'harmonisation du droit.
### 1.4 Justice étatique et justice privée : absence de monopole de la *juris dictio*
L'État détient le monopole de l'*imperium* (pouvoir de contrainte) mais pas nécessairement de la *juris dictio* (dire le droit).
#### 1.4.1 La conquête de la justice par le souverain
Historiquement, la fonction de juger était partagée entre l'Église, les seigneurs et le roi. Le roi a progressivement centralisé le pouvoir de justice en acceptant de connaître des décisions des seigneurs en appel, et en se dotant d'une cour composée de légistes. Les Parlements, initialement cours royales, sont devenus des institutions judiciaires importantes, préfigurant les cours d'appel. Au fil du temps, le roi a affirmé que toute justice émanait de lui. Aujourd'hui, la souveraineté nationale appartient au peuple, et les juridictions judiciaires rendent leurs décisions au nom du peuple français, comme le stipule l'article L111-1 du Code de l'organisation judiciaire. Le Ministère de la Justice veille à l'organisation et au bon fonctionnement du service public de la justice.
#### 1.4.2 L'arbitrage
L'État n'a pas le monopole absolu de la *juris dictio*. L'arbitrage permet à des tiers, appelés arbitres, de trancher des litiges. Les parties peuvent convenir à l'avance de recourir à l'arbitrage par le biais d'une **clause compromissoire** ou d'une **convention d'arbitrage**.
* **Arbitrabilité :** Tous les litiges ne sont pas arbitrables. L'article 2059 du Code civil dispose que l'on peut compromettre sur les droits dont on a la libre disposition. Le droit pénal, en raison de son caractère d'ordre public, ne peut pas être soumis à l'arbitrage. La question de l'arbitrabilité en droit public est plus complexe.
* **Intérêts de l'arbitrage :** L'arbitrage est souvent perçu comme plus rapide et plus confidentiel que la justice étatique.
* **Statut de l'arbitre :** L'arbitre doit être impartial. Aucune exigence de compétence juridique n'est requise, bien que ce soit souvent le cas en pratique. L'arbitre doit être une personne physique, pas une personne morale ou une intelligence artificielle.
* **Décision en équité :** Les parties peuvent demander à l'arbitre, ou même au juge étatique, de statuer en **amiable compositeur**, c'est-à-dire en s'écartant de la règle de droit stricte pour rechercher une solution plus équitable, sous réserve de l'accord des parties et de la renonciation éventuelle à l'appel. L'article 12 du Code de procédure civile encadre cette faculté pour le juge. Les décisions arbitrales peuvent être soumises à une procédure d'**exequatur** par un tribunal étatique pour obtenir force exécutoire.
### 1.5 Le monopole de l'*imperium*
L'État est le seul détenteur de la force publique et du **monopole de la violence légitime**, concept développé par Max Weber. L'arbitre, juge privé, ne dispose pas de cet *imperium*. Par conséquent, sa décision ne peut être exécutée de force sans une procédure d'exequatur devant une juridiction étatique.
### 1.6 La justice étatique : l'accès à la justice
L'accès à la justice est un droit fondamental garanti par l'État, qui a le devoir de juger.
#### 1.6.1 La prohibition du déni de justice
Le déni de justice, défini comme le refus de rendre la justice, est une faute grave sanctionnée par la loi.
* **Code pénal :** L'article 434-7-1 du Code pénal prévoit des sanctions pour les magistrats qui refusent de juger.
* **Code civil :** L'article 4 du Code civil dispose que le juge qui refuse de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, peut être poursuivi pour déni de justice. Cette disposition vise à obliger le juge à se prononcer même en l'absence de règle claire, héritage de l'abolition des "arrêts de règlement" et du "référé législatif" suite à la Révolution. L'article 5 du Code civil interdit aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire, ce qui les contraint à ne pas créer de droit.
* **Délai raisonnable :** Le juge est également tenu de juger dans un **délai raisonnable**, comme le stipule l'article L111-3 du Code de l'organisation judiciaire et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Un délai excessif peut s'apparenter à un déni de justice.
#### 1.6.2 La permanence de la justice
Les juridictions étatiques sont conçues pour fonctionner tout au long de l'année, assurant une permanence de la justice. L'article L111-4 du Code de l'organisation judiciaire garantit cette permanence, même si certaines juridictions, comme les cours d'assises, fonctionnent par sessions. Des permanences sont organisées pour traiter les questions urgentes, notamment par le juge des référés.
### 1.7 Les institutions de contrôle
Plusieurs institutions jouent un rôle de contrôle sur l'exercice de la justice et la légalité des normes :
* **Le Tribunal des conflits :** Organe chargé de résoudre les conflits de compétence entre les ordres judiciaire et administratif. Il agit comme un "cartographe des compétences et gardien des frontières" entre ces deux ordres. Sa composition est mixte, composée de membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation.
* **Le Conseil constitutionnel :** Veille à la conformité des lois à la Constitution. Son rôle s'est accru avec le temps, notamment grâce à l'élargissement du bloc de constitutionnalité et à l'instauration de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Il est composé de neuf membres nommés par les plus hautes autorités de l'État.
* **La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) :** Contrôle le respect des droits fondamentaux par les États parties à la Convention européenne des droits de l'homme. Toute personne peut la saisir après épuisement des voies de recours internes.
* **La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) :** Assure l'interprétation et l'application du droit de l'Union européenne par les États membres et les institutions de l'UE. Elle est composée de la Cour de justice, du Tribunal et de tribunaux spécialisés.
Ces institutions, par leurs missions de contrôle et de régulation, contribuent à l'État de droit et à la protection des citoyens. L'existence de ces différents organes, tout en assurant une justice spécialisée et contrôlée, soulève également des questions quant à la complexité du système juridictionnel et à son accessibilité pour le justiciable.
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# Organisation et dualisme des juridictions en France
Voici une synthèse détaillée sur l'organisation et le dualisme des juridictions en France.
## 2. Organisation et dualisme des juridictions en France
La France est organisée autour de deux ordres de juridiction distincts, judiciaire et administratif, issus de la séparation des pouvoirs, avec un organe spécifique, le Tribunal des conflits, chargé de trancher les différends de compétence entre ces deux ordres.
### 2.1 L'influence de la séparation des pouvoirs
L'idée de séparer les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, popularisée par Montesquieu, a conduit à l'organisation actuelle des juridictions françaises. Cette séparation visait à empêcher l'exécutif d'empiéter sur les fonctions judiciaires.
#### 2.1.1 La distinction des fonctions judiciaires et administratives
L'article 13 de la loi des 16/24 août 1790 a établi la séparation fondamentale entre les fonctions judiciaires et administratives. Cette distinction a donné naissance à deux ordres de juridiction distincts :
* **L'ordre judiciaire** : Il traite des litiges entre personnes privées, ainsi que des infractions pénales. Il est traditionnellement considéré comme le juge de droit commun pour le règlement des litiges.
* **L'ordre administratif** : Il est chargé de trancher les litiges opposant une personne privée à l'administration, ou entre différentes administrations.
#### 2.1.2 L'évolution vers le dualisme juridictionnel
Historiquement, la fonction de juger était moins clairement séparée. L'influence du roi s'est accrue au fil des siècles, le monarque devenant la source ultime de la justice. Avec la Révolution française, l'idée de la séparation des pouvoirs s'est imposée, mais le principe d'une justice émanant du peuple, et donc de l'État, a persisté.
L'arrêt **Cadot** du Conseil d'État en 1889 a marqué un tournant en abandonnant la théorie du "ministre juge", affirmant ainsi la compétence du Conseil d'État comme juge de droit commun du contentieux administratif. Cela a consolidé le dualisme juridictionnel.
> **Tip:** Le dualisme juridictionnel, bien qu'ancré dans la séparation des pouvoirs, peut engendrer des complexités, notamment dans la détermination de la compétence. Certains plaident pour une juridiction unique, mais le système actuel perdure.
#### 2.1.3 Le Tribunal des conflits : gardien de la compétence
L'existence de deux ordres de juridiction distincts pose la question de la détermination de leur compétence respective. Des conflits peuvent survenir lorsque :
* Aucun des deux ordres ne se considère compétent ("conflit négatif").
* Les deux ordres s'estiment compétents ("conflit positif").
Le **Tribunal des conflits** a été créé pour résoudre ces divergences. Il détermine vers quelle juridiction se tourner et illustre la complexité du dualisme.
> **Exemple:** L'arrêt **Blanco** du Tribunal des conflits en 1873 a établi que la responsabilité de l'État, dans l'exécution de travaux publics, ne pouvait être régie par le droit civil commun, mais par des règles spéciales relevant de la compétence administrative. Cela a affirmé le lien entre le juge compétent et les règles de droit applicables.
Le Tribunal des conflits est composé de magistrats issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation, assurant une représentation équilibrée des deux ordres. Sa présidence est assurée alternativement par un membre de chaque ordre.
### 2.2 L'influence du type de contentieux
La répartition des compétences entre les juridictions dépend également de la nature des litiges, c'est-à-dire des branches du droit concernées.
#### 2.2.1 Le droit privé et l'ordre judiciaire
Le droit privé régit les relations entre particuliers. L'ordre judiciaire est compétent pour les litiges relevant de différentes branches du droit privé :
* **Droit civil** : Régit les relations familiales, patrimoniales, successorales, etc.
* **Droit du travail** : Concerne les relations entre employeurs et salariés. Le **Conseil des prud'hommes** est la juridiction spécialisée dans ce domaine.
* **Droit de la consommation** : Protège le consommateur dans ses relations avec les professionnels.
* **Droit commercial** : Traite des litiges entre commerçants ou liés à des actes de commerce. Le **tribunal de commerce** est la juridiction compétente.
Ces juridictions sont placées sous le contrôle de la **Cour de cassation**, qui est la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire.
#### 2.2.2 Le droit public et l'ordre administratif
Le droit public régit les relations impliquant l'État ou d'autres personnes publiques. L'ordre administratif est compétent pour les litiges relevant de cette sphère.
* **Droit administratif** : Concerne les actions de l'administration, les marchés publics, la responsabilité administrative, etc. Le **Conseil d'État** est la plus haute juridiction administrative, à l'exception de certains contentieux spécifiques.
* **Droit constitutionnel** : Bien qu'il relève du droit public, son contrôle est principalement assuré par le **Conseil constitutionnel**.
* **Droit pénal** : Sanctionne les infractions. Bien que l'État soit la partie lésée représentée par le procureur, le juge judiciaire est compétent pour juger les affaires pénales.
Certains organes, tels que la **Cour des comptes** ou des conseils professionnels sous tutelle administrative (comme le Conseil national de l'Ordre des médecins), relèvent de l'ordre administratif.
> **Tip:** Il est crucial de distinguer le droit privé et le droit public, car cela détermine l'ordre de juridiction compétent pour trancher un litige. Une mauvaise appréciation de cette distinction peut entraîner une irrecevabilité de la demande.
### 2.3 L'influence des nouvelles normes
L'évolution des normes juridiques, qu'elles soient nationales ou internationales, influence également l'organisation et la compétence des juridictions.
#### 2.3.1 La primauté de la loi et ses limites
La loi, votée par le Parlement représentant le peuple souverain, est traditionnellement considérée comme l'expression de la volonté générale. Cependant, cette suprématie est désormais encadrée :
* **La Constitution** : Le **Conseil constitutionnel** vérifie la conformité des lois à la Constitution depuis 1958. Cette fonction a été élargie au fil du temps, notamment avec la **Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)**, permettant de contester la constitutionnalité d'une loi déjà promulguée dans le cadre d'un procès.
* **Les normes internationales** : La France est tenue d'appliquer des règles issues d'organisations internationales. La **Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH)** veille à l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme, et la **Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)** assure le respect du droit de l'Union européenne.
#### 2.3.2 Les juridictions européennes et internationales
* **Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH)** : Basée à Strasbourg, elle juge les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme par les États membres. Elle permet aux individus de saisir la Cour après épuisement des voies de recours internes.
* **Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)** : Siège à Luxembourg, elle veille à l'interprétation et à l'application du droit de l'Union européenne par les États membres et les institutions de l'UE. Elle comprend la Cour de justice, le Tribunal et les tribunaux spécialisés.
> **Exemple:** La CJUE peut être saisie d'une "question préjudicielle" par un juge national pour obtenir une interprétation d'un texte de droit européen avant de rendre sa propre décision.
### 2.4 La justice étatique et la justice privée
L'État a le monopole de la "juris dictio" (dire le droit) et de l'"imperium" (pouvoir de contrainte). Cependant, il existe des formes de justice privée.
#### 2.4.1 L'absence de monopole de la "juris dictio" : l'arbitrage
L'État n'est pas le seul à pouvoir résoudre des litiges. L'arbitrage permet à des personnes privées de soumettre leur différend à un ou plusieurs arbitres, qui rendront une sentence arbitrale.
* **Conditions de l'arbitrage** : Les litiges doivent porter sur des droits dont les parties ont la libre disposition. Le droit pénal, par nature, relève du monopole étatique et n'est pas arbitrable.
* **Avantages de l'arbitrage** : Il est souvent plus rapide et confidentiel que la justice étatique.
* **Statut de l'arbitre** : Il doit être impartial, mais aucune exigence de profession juridique n'est généralement requise.
> **Tip:** Une sentence arbitrale n'a pas de force exécutoire directe. Elle nécessite un "exequatur" d'un tribunal étatique pour pouvoir être exécutée de force.
#### 2.4.2 Le monopole de l'"imperium" : la force publique
L'État détient le monopole de la violence légitime, ce qui signifie que seul l'État peut contraindre une personne à exécuter une décision de justice par la force. C'est ce qu'on appelle l'"imperium".
#### 2.4.3 Le devoir de juger de l'État : la prohibition du déni de justice
L'État a le devoir de rendre la justice, et le refus de juger peut constituer un "déni de justice".
* **Sanctions pénales et civiles** : Le refus de juger peut entraîner des sanctions pénales pour les magistrats (amende, interdiction d'exercer) et des poursuites civiles en cas d'insuffisance ou d'obscurité de la loi.
* **Délai raisonnable** : Les décisions de justice doivent être rendues dans un délai raisonnable, sous peine d'équivalence à un déni de justice, conformément aux principes garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme.
* **Permanence de la justice** : En France, les juridictions siègent tout au long de l'année, assurant une permanence même pendant les périodes de vacances judiciaires pour les affaires urgentes.
### 2.5 Les institutions de contrôle
Au-delà du Tribunal des conflits, d'autres institutions jouent un rôle de contrôle, particulièrement en ce qui concerne la constitutionnalité des lois et le respect des droits fondamentaux.
#### 2.5.1 Le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est chargé de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Il contrôle non seulement la compétence du législateur, mais aussi le respect des droits et libertés fondamentaux, tels qu'énoncés dans le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La mise en place de la QPC a considérablement élargi son rôle.
> **Tip:** La tension entre la souveraineté populaire (légicentrisme) et l'État de droit (contrôle constitutionnel) est une caractéristique fondamentale de notre système juridique.
#### 2.5.2 Les juridictions européennes
La Cour européenne des droits de l'Homme et la Cour de justice de l'Union européenne, bien qu'ayant des compétences distinctes, jouent un rôle crucial dans la protection des droits fondamentaux et l'application du droit européen, influençant ainsi les juridictions nationales.
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# Les institutions de contrôle et leur rôle
Voici une synthèse détaillée sur les institutions de contrôle et leur rôle, élaborée dans le cadre d'un guide d'étude académique.
## 3. Les institutions de contrôle et leur rôle
Les institutions de contrôle, incluant le Tribunal des conflits, le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne, jouent un rôle crucial dans la garantie de la légalité, la protection des droits fondamentaux et la résolution des conflits de compétences entre différentes juridictions ou ordres juridiques.
### 3.1 Le Tribunal des conflits
Le Tribunal des conflits (TC) est une institution chargée de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif. Il agit comme un "cartographe des compétences et gardien des frontières" entre ces deux ordres.
#### 3.1.1 Origine et rôle
Créé initialement par la Constitution du 4 novembre 1848, le TC a été rétabli par la loi de 1872 et modifié depuis, notamment en 2015. Son existence découle de la dualité des ordres juridictionnels en France, issue de la séparation des pouvoirs. L'idée est d'éviter que les justiciables soient renvoyés d'une juridiction à l'autre sans qu'une décision ne soit rendue, ce qui constituerait un déni de justice.
#### 3.1.2 Types de conflits
* **Conflit positif d'attribution :** Il survient lorsque le juge judiciaire est saisi d'un litige relevant de l'ordre administratif, ou inversement. La procédure peut être initiée par le représentant de l'État (le préfet) qui peut demander au juge judiciaire de se déclarer incompétent. Si le juge refuse, le préfet peut prendre un "arrêté de conflit" pour saisir le TC. Le TC confirme alors la compétence judiciaire ou l'annule.
* **Conflit négatif :** Aucun des deux ordres de juridiction ne s'estime compétent, créant un risque de déni de justice. Dans ce cas, la juridiction saisie en second lieu doit saisir le TC.
* **Renvoi facultatif :** Depuis un décret de 2015, une juridiction peut soumettre une question de compétence au TC avant de statuer sur le fond.
#### 3.1.3 Composition
Le TC est composé de membres issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation (quatre magistrats du siège de chaque cour). Il est présidé alternativement par un membre de chaque ordre pour des mandats de trois ans.
### 3.2 Le Conseil constitutionnel (CC)
Le Conseil constitutionnel est l'organe chargé de contrôler la conformité des lois à la Constitution, garantissant ainsi l'État de droit et la primauté de la norme constitutionnelle.
#### 3.2.1 Légicentrisme et contrôle de constitutionnalité
Historiquement, la loi était considérée comme l'expression de la volonté générale, donc souveraine. Cependant, avec l'instauration du Conseil constitutionnel, ce principe (légicentrisme) est tempéré. Le CC veille à ce que la loi votée par les représentants du peuple respecte la Constitution, évitant ainsi un potentiel "gouvernement des juges".
> **Tip :** La tension entre la souveraineté populaire et l'État de droit est une question centrale. Le contrôle de constitutionnalité est vu par certains comme une protection des libertés fondamentales et un signe de démocratie libérale, tandis que d'autres y voient un risque d'ingérence des juges dans le processus législatif.
#### 3.2.2 Composition
Le CC est composé de neuf membres nommés pour un mandat de neuf ans, renouvelable par tiers tous les trois ans. Trois membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale, et trois par le Président du Sénat. Un président est désigné par le Président de la République.
#### 3.2.3 Missions
* **Contrôle a priori :** Avant la promulgation d'une loi, le CC peut être saisi par certaines autorités (Président de la République, Premier ministre, Présidents des assemblées) pour vérifier sa conformité à la Constitution, notamment son articulation avec le domaine réglementaire.
* **Élargissement du contrôle :** Suite à une décision de 1971, le CC a élargi son contrôle pour vérifier la conformité des lois à des normes supérieures comme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de 1946, et d'autres principes fondamentaux.
* **Contrôle a posteriori (QPC) :** Depuis 2008, la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) permet aux justiciables, lors d'un procès, de contester la constitutionnalité d'une loi déjà promulguée.
### 3.3 La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)
La Cour européenne des droits de l'homme, dont le siège est à Strasbourg, veille au respect de la Convention européenne des droits de l'homme par les États membres du Conseil de l'Europe.
#### 3.3.1 Droit de saisine et objectifs
La Convention européenne des droits de l'homme a été créée après la Seconde Guerre mondiale pour protéger les droits fondamentaux des individus contre les abus de l'État. Une de ses particularités est la possibilité pour toute personne de saisir la Cour si elle estime que ses droits conventionnels ont été violés par un État partie. La France a autorisé le recours individuel en 1981.
> **Example :** L'interprétation évolutive de la Convention par la CEDH, comme dans le cas de la reconnaissance des liens de filiation pour les enfants nés de gestation pour autrui à l'étranger, montre la volonté de la Cour d'adapter la protection des droits aux réalités sociales contemporaines, parfois au-delà de ce qui était initialement prévu par les textes nationaux.
#### 3.3.2 Composition
La Cour est composée d'un juge par État partie à la Convention. Pour les affaires au fond, elle statue en chambre (sept juges) ou en grande chambre (dix-sept juges, formation d'appel). Le juge national de l'État mis en cause siège systématiquement. Les juges sont élus pour six ans par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
### 3.4 La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)
La Cour de justice de l'Union européenne, basée à Luxembourg, est l'organe juridictionnel de l'Union européenne, garantissant l'interprétation et l'application uniformes du droit de l'UE.
#### 3.4.1 Mission et objectifs
L'UE vise à assurer la paix par la coopération, notamment économique, entre les nations. La CJUE veille à ce que les règles créées par l'Union (traités, règlements, directives) soient respectées par les États membres et les institutions de l'UE. Elle contribue ainsi à un marché unique et à une intégration juridique.
> **Tip :** Le droit dérivé de l'Union européenne comprend les règlements (directement applicables) et les directives (qui nécessitent une transposition dans le droit national). La CJUE joue un rôle essentiel dans leur interprétation pour assurer leur uniformité.
#### 3.4.2 Structure
La CJUE comprend plusieurs juridictions : la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés.
#### 3.4.3 Composition
La Cour de justice est composée d'un juge par État membre et de conclusions présentées par des avocats généraux. Les juges et avocats généraux sont choisis parmi des personnalités offrant des garanties d'indépendance et possédant les plus hautes qualifications juridiques dans leur pays. Ils sont nommés par les gouvernements des États membres pour une durée de six ans.
#### 3.4.4 Questions préjudicielles
La CJUE est souvent saisie par le biais de questions préjudicielles. Un juge national, confronté à une question d'interprétation du droit de l'UE dans une affaire pendante, peut (et parfois doit) interroger la CJUE pour obtenir une interprétation qui éclairera sa propre décision.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Juridiction | Organe chargé de trancher un litige, synonyme de tribunal. Le mot vient du latin "juris dictio", qui signifie "dire le droit". |
| Institution | Ce qui est instauré, établi et fait pour durer. Dans le contexte juridique, cela désigne les règles et les structures qui organisent le système judiciaire. |
| Institution juridictionnelle | Ensemble des règles établies et des tribunaux qui constituent le système judiciaire, conçus pour fonctionner sur le long terme. |
| Compétence | Délimitation juridique des affaires qu'une juridiction est habilitée à traiter. Une affaire doit être portée devant le juge approprié pour être jugée. |
| Séparation des pouvoirs | Principe fondamental de l'organisation de l'État, distinguant le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, afin d'éviter toute concentration excessive de pouvoir. |
| Dualisme juridictionnel | Organisation du système judiciaire en deux ordres distincts : l'ordre judiciaire, traitant des litiges entre particuliers, et l'ordre administratif, traitant des litiges impliquant l'administration publique. |
| Tribunal des conflits | Organe chargé de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif, garantissant ainsi l'unité de la justice. |
| Droit privé | Branche du droit qui régit les relations entre les personnes privées, qu'elles soient physiques ou morales. Il comprend notamment le droit civil, le droit du travail et le droit commercial. |
| Droit public | Branche du droit qui régit les relations entre l'État et les citoyens, ainsi que les relations entre les différentes administrations publiques. Il englobe le droit constitutionnel et le droit administratif. |
| Droit pénal | Branche du droit qui définit les infractions et les peines correspondantes. Il vise à sanctionner les comportements considérés comme nuisibles à la société. |
| Norme | Règle juridique, qu'il s'agisse d'une loi, d'un règlement ou d'une convention internationale. La norme juridique établit des obligations ou des droits. |
| Conseil constitutionnel | Organe chargé de contrôler la constitutionnalité des lois avant leur promulgation, garantissant ainsi leur conformité à la Constitution. |
| Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) | Juridiction internationale chargée de veiller au respect des droits de l'homme énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme par les États membres du Conseil de l'Europe. |
| Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) | Organe juridictionnel de l'Union européenne, responsable de l'interprétation et de l'application du droit de l'Union européenne, ainsi que du contrôle de la légalité des actes des institutions européennes. |
| Justice privée | Justice rendue par des personnes privées, non magistrats, comme dans le cas de l'arbitrage, où les parties choisissent un arbitre pour trancher leur litige. |
| Imperium | Pouvoir de contrainte et d'exécution de la décision de justice, détenu exclusivement par l'État. Il confère à la décision sa force obligatoire. |
| Déni de justice | Refus par un juge de juger une affaire qui lui est soumise, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi. Il constitue une faute grave. |
| Délai raisonnable | Principe selon lequel les décisions de justice doivent être rendues dans un temps approprié pour garantir l'efficacité de la justice et le droit à un procès équitable. |
| Arrêts de règlement | Décisions rendues par les anciens parlements, qui possédaient un pouvoir réglementaire et créaient des règles de droit applicables sur leur territoire. Cette pratique a été supprimée. |
| Référé législatif | Procédure ancienne où le juge, en cas de doute sur l'interprétation de la loi, devait adresser une demande aux législateurs. Elle a été supprimée au profit de la mission du juge de trancher. |
| Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) | Procédure permettant à un justiciable, lors d'un procès, de contester la constitutionnalité d'une loi déjà promulguée, transmise ensuite au Conseil constitutionnel pour examen. |
| Arbitrage | Mode de résolution des litiges par lequel les parties soumettent leur différend à un ou plusieurs arbitres, dont la décision a une force obligatoire. |
| Clause compromissoire | Clause insérée dans un contrat par laquelle les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges futurs qui pourraient naître de ce contrat. |
| Amiable compositeur | Faculté accordée au juge ou à l'arbitre de statuer en équité, c'est-à-dire en s'écartant de la règle de droit stricte, si les parties y consentent expressément. |
| Exequatur | Procédure par laquelle un tribunal étatique reconnaît la force exécutoire d'une sentence arbitrale, la rendant ainsi opposable par la contrainte publique. |
| Gouvernement des juges | Concept critiquant le risque qu'un organe juridictionnel, tel que le Conseil constitutionnel, puisse exercer un pouvoir excessif en contrôlant la loi, au détriment de la volonté populaire. |