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Summary
# Généralités sur le droit matériel de l’Union européenne
Cette section explore la distinction entre le droit matériel et le droit institutionnel de l'Union européenne, leur interrelation, ainsi que les diverses sources du droit matériel, incluant les principes généraux du droit [1](#page=1) [2](#page=2) [3](#page=3).
### 1.1 La notion de droit matériel
#### 1.1.1 Distinction entre droit matériel et droit institutionnel
Le droit institutionnel de l'UE concerne les règles et principes régissant le fonctionnement de l'Union en tant qu'organisation internationale, s'appliquant à tous ses secteurs d'action. Il englobe les principes qui régissent les institutions et les actes européens, ainsi que les voies de droit et les règles contentieuses, dont l'interprétation authentique est assurée par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Le renvoi préjudiciel est un mécanisme permettant aux juges nationaux de solliciter l'avis de la CJUE pour une interprétation officielle du droit de l'UE [1](#page=1).
Le droit matériel de l'UE, également appelé droit substantiel, se réfère à l'ensemble des règles de fond contenues dans les traités et adoptées par les institutions de l'Union. Il étudie la substance du droit de l'Union en examinant les règles qui prescrivent, interdisent ou autorisent des comportements dans des domaines spécifiques, dans le but de réaliser les objectifs fixés par les traités. L'attribution croissante de compétences à l'UE a étendu le champ d'application du droit matériel [1](#page=1).
#### 1.1.2 La relativisation de la distinction
La distinction entre droit matériel et droit institutionnel est relativisée pour deux raisons principales: l'existence d'objets d'étude hybrides et la connexion étroite entre l'ordre institutionnel et l'ordre matériel. Par exemple, la citoyenneté européenne peut être abordée sous l'angle du droit institutionnel en raison de sa place dans le registre politique européen, mais aussi sous l'angle du droit matériel en lien avec la libre circulation ou la protection consulaire. De nombreux pans du droit matériel, comme le droit de la concurrence, soulèvent des questions institutionnelles, et les contentieux devant la CJUE mêlent souvent droit matériel et institutionnel, notamment dans le cadre du contentieux de la base juridique [1](#page=1).
### 1.2 Les principales sources formelles du droit matériel
Les sources substantielles influencent le contenu du droit de l'UE et comprennent les principes politiques, sociaux et philosophiques, ainsi que les valeurs de l'Union inscrites à l'article 2 du traité sur l'UE. Les sources formelles sont les actes par lesquels une règle acquiert la qualité de norme juridique, qu'elles soient écrites ou non écrites. Le système juridique de l'UE se compose de sources primaires et de sources externes ou dérivées [2](#page=2).
#### 1.2.1 Les sources primaires
Les sources primaires se situent au sommet de la hiérarchie des normes de l'UE. Elles comprennent les trois traités européens fondamentaux: le traité CECA, le traité CEE et le traité EURATOM. Le traité de Lisbonne a révisé le traité sur l'UE (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ainsi que le traité EURATOM. Ces traités sont complétés par des protocoles ayant la même valeur juridique [2](#page=2).
Le noyau dur des sources primaires inclut également la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui a la même valeur juridique que les traités et regroupe les droits fondamentaux dans six chapitres. La Charte, qui a acquis une valeur juridique contraignante avec le traité de Lisbonne, reconnaît des droits fondamentaux qui ne découlent pas directement des traités, tels que le droit à la protection des données à caractère personnel [2](#page=2).
Les traités d'adhésion, conclus avec les États candidats à l'adhésion, constituent également des sources primaires du droit de l'UE et se situent au même niveau normatif que les traités constitutifs. Ces traités permettent aux nouveaux États membres de s'adapter aux règles de l'UE, souvent sur une période de transition [2](#page=2).
#### 1.2.2 Les sources dérivées : les actes unilatéraux normatifs
Les sources dérivées sont les actes normatifs unilatéraux adoptés par les institutions de l'UE sur le fondement des traités, permettant à l'Union de remplir ses missions. Le législateur européen est généralement composé du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen, formant le "triangle inter-institutionnel" [3](#page=3).
L'article 288 du TFUE distingue les actes contraignants (règlements, directives, décisions) des actes non contraignants (avis, recommandations). Bien que non contraignants, les avis et recommandations peuvent avoir un effet normatif reconnu par la CJUE [3](#page=3).
#### 1.2.3 Les sources externes : les accords externes de l'Union et le droit international
Les sources externes principales sont les accords conclus par l'UE avec des groupes d'États tiers et des organisations internationales, tels que les accords de commerce. Ces accords ont une valeur juridique inférieure aux traités européens et ne peuvent pas les contredire. Conformément à l'article 218, paragraphe 11, du TFUE, tous les accords internationaux doivent être compatibles avec le TUE et le TFUE, la CJUE arbitrant sur les incompatibilités [3](#page=3).
#### 1.2.4 Les sources non écrites : les principes généraux du droit
Les principes généraux du droit (PGD) sont des règles non écrites que la CJUE dégage et applique pour assurer le respect du droit, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du traité de l'UE. La CJUE peut s'inspirer de principes communs aux systèmes juridiques des États membres, voire les découvrir dans un fonds commun de traditions juridiques. Cette technique a été particulièrement utilisée par la CJUE, menant à la reconnaissance de PGD tels que le droit au respect de la vie privée et familiale [3](#page=3).
Bien que l'utilisation des PGD ait diminué avec la Charte des droits fondamentaux, ils sont intégrés au droit primaire de l'UE et possèdent la même valeur que les traités constitutifs et d'adhésion, se voyant reconnaître un rang équivalent à celui de normes constitutionnelles [3](#page=3).
> **Tip:** Il est crucial de comprendre que la distinction entre droit institutionnel et droit matériel, bien qu'utile conceptuellement, est souvent perméable en pratique, les deux ordres s'influençant mutuellement de manière significative.
> **Example:** L'étude du droit de la concurrence illustre parfaitement cette interconnexion. Les règles matérielles de concurrence (interdiction des ententes, abus de position dominante) sont intrinsèquement liées aux procédures institutionnelles d'enquête, de sanction, et aux voies de recours devant la CJUE, qui déterminent la mise en œuvre et l'interprétation de ces règles [1](#page=1).
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# Les sources formelles du droit matériel de l’Union européenne
Le droit matériel de l'Union européenne puise ses fondements dans un ensemble de sources formelles, tant écrites que non écrites, qui déterminent la validité et l'application de ses normes juridiques. Ce système juridique unique se structure autour de sources primaires, dérivées et externes, complété par des principes généraux [2](#page=2) [3](#page=3).
### 2.1 Les sources primaires
Les sources primaires constituent le sommet de la hiérarchie des normes au sein du droit de l'Union européenne. Elles comprennent principalement [2](#page=2):
* **Les traités européens fondateurs et révisés:** Historiquement, les traités de Paris (CECA), de Rome (CEE) et le traité erratum (CAA) ont constitué le socle du droit primaire. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le traité sur l'Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ont été révisés, devenant les textes fondamentaux [2](#page=2).
* **Les protocoles et annexes:** Ces documents, signés conjointement avec les traités, possèdent la même valeur juridique que les traités eux-mêmes et enrichissent le noyau dur du droit primaire [2](#page=2).
* **La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne:** Promulguée en décembre 2000 et dotée d'une valeur juridique contraignante depuis le traité de Lisbonne, la Charte est intégrée au droit primaire. Elle énumère et garantit les droits fondamentaux au sein de l'Union, couvrant des domaines spécifiques comme le droit à la protection des données personnelles, le droit d'asile et le droit fondamental à une bonne administration. La Charte a une valeur juridique égale à celle des autres traités et est un instrument clé pour la protection des individus, y compris les ressortissants de pays tiers [2](#page=2).
* **Les traités d'adhésion:** Ces traités, conclus entre l'Union et les États candidats à l'adhésion, sont également des sources primaires. Ils permettent aux nouveaux États membres de s'adapter progressivement au corpus juridique de l'UE, souvent par le biais de périodes de transition. Le traité d'adhésion de la Croatie en 2011 en est un exemple récent [2](#page=2).
Ces sources primaires jouissent d'une autorité normative supérieure à toutes les autres sources écrites du droit de l'Union [2](#page=2).
### 2.2 Les sources dérivées : les actes unilatéraux normatifs
Les sources dérivées englobent les actes normatifs unilatéraux adoptés par les institutions de l'UE sur la base des traités. Ces actes sont essentiels à la mise en œuvre des missions de l'Union dans le cadre de ses politiques diverses [3](#page=3).
* **Institutions législateurs:** Le rôle législatif est généralement partagé entre le Conseil de l'Union européenne (composé des ministres des États membres) et le Parlement européen, formant ainsi le "triangle interinstitutionnel". Le Conseil européen, réuni des chefs d'État et de gouvernement, joue un rôle de définition des orientations politiques [3](#page=3).
* **Typologie des actes (Article 288 du TFUE) :**
* **Actes contraignants:** Ils incluent les règlements, les directives et les décisions. La nature législative de ces actes doit être vérifiée [3](#page=3).
* **Actes non contraignants:** Les avis et les recommandations font partie de cette catégorie. Bien qu'ils n'aient pas de force obligatoire, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) peut leur reconnaître un effet normatif dans certaines situations [3](#page=3).
### 2.3 Les sources externes : les accords externes de l’Union et le droit international
Les sources externes comprennent principalement les accords conclus par l'Union européenne avec des groupes d'États tiers ou des organisations internationales [3](#page=3).
* **Nature des accords:** Ces accords, tels que les accords de commerce (par exemple, le CETA), ont une valeur juridique inférieure aux traités européens [3](#page=3).
* **Conformité aux traités:** Les accords internationaux doivent impérativement être conformes aux prescriptions du TUE et du TFUE. La CJUE est chargée d'arbitrer en cas d'incompatibilité [3](#page=3).
### 2.4 Les sources non écrites : les principes généraux du droit
Les principes généraux du droit (PGD) constituent une catégorie importante de sources non écrites du droit de l'UE. La CJUE est chargée d'en assurer le respect, au-delà de la simple application du droit écrit [3](#page=3).
* **Rôle de la CJUE:** La Cour dégage et applique ces règles non écrites, en puisant dans les systèmes juridiques des États membres. Cette technique permet à la Cour d'intégrer des principes issus de traditions juridiques communes aux États membres dans l'ordre juridique de l'Union [3](#page=3).
* **Évolution et influence:** Historiquement, l'utilisation des PGD a été intensive, notamment sous l'influence des juges allemands et italiens à partir de la fin des années 1960. Par exemple, le droit au respect de la vie privée et familiale a été reconnu par la CJUE sur cette base. L'avènement de la Charte des droits fondamentaux a réduit le recours à cette méthode, mais elle reste une source importante [3](#page=3).
* **Valeur juridique:** Les PGD de l'Union sont intégrés au droit primaire et possèdent la même valeur que les traités constitutifs et d'adhésion, leur conférant un rang équivalent à celui de normes constitutionnelles dans l'ordre juridique de l'Union [3](#page=3).
> **Tip:** Il est essentiel de distinguer les influences substantielles (politiques, sociologiques) des sources formelles (traités, actes, principes) pour appréhender pleinement le droit matériel de l'UE [2](#page=2).
>
> **Tip:** Bien que la Charte des droits fondamentaux ait réduit le recours aux principes généraux du droit pour certaines garanties, ces derniers conservent une importance fondamentale pour combler des lacunes et assurer la cohérence du système juridique de l'UE [3](#page=3).
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# Principes essentiels à la bonne appréhension du droit matériel de l’UE
Ces principes fondamentaux encadrent l'adoption et l'application du droit matériel de l'UE, assurant la légalité, l'opportunité et l'efficacité des actions de l'Union [4](#page=4).
### 3.1 Le principe d’attribution des compétences
Ce principe conditionne la capacité de l'Union à produire légalement du droit matériel. L'Union ne dispose que des compétences que les États membres lui ont explicitement attribuées par les traités. Elle ne possède pas la compétence de la compétence, contrairement à un État souverain. Avant d'adopter un acte, il est donc nécessaire de vérifier si l'Union a la compétence pour agir et quelle est l'étendue de celle-ci. L'article 5 paragraphe 2 du TUE stipule que l'Union n'agit que dans les limites des compétences qui lui ont été attribuées par les traités pour atteindre les objectifs fixés. Toute compétence non attribuée à l'Union appartient aux États membres [4](#page=4).
#### 3.1.1 Domaines d'exclusion et exemples
Certains domaines sont explicitement exclus de la compétence de l'Union, comme l'indique l'article 153 paragraphe 5 du TFUE. Par exemple, des sujets tels que le salaire minimum européen, le droit de grève ou le droit des associations ne peuvent pas être abordés par l'Union. Une tentative de directive visant à fixer un cadre pour les salaires minimums a été jugée outrepasser les compétences de l'UE par l'avocat général, car la rémunération est explicitement exclue par l'article 153 du TFUE. Si une institution adopte un acte en dehors de ses compétences attribuées, cet acte peut être contesté devant la CJUE [4](#page=4).
#### 3.1.2 Catégories de compétences
Le traité de Lisbonne a introduit une typologie des compétences attribuées à l'UE, influencée par la jurisprudence de la CJUE [5](#page=5):
* **Compétence exclusive de l’Union:** Dans ces domaines, seuls l'Union peut légiférer. Les traités énumèrent de manière exhaustive ces compétences, qui incluent l'union douanière, le domaine monétaire pour la zone euro, les règles de concurrence relatives au bon fonctionnement du marché intérieur, la politique commune de la pêche et la politique commerciale commune [5](#page=5).
* **Compétence d’appui, de coordination ou de complément:** L'Union peut mener des actions ponctuelles de soutien aux politiques des États membres dans des domaines précis de compétence partagée. Les actes de l'Union dans ce cadre ne peuvent pas harmoniser les dispositions législatives et réglementaires des États membres. Les domaines concernés sont nombreux et incluent les politiques industrielles, culturelles, touristiques, la coopération entre administrations nationales et le sport. L'Union peut adopter des dispositions renvoyant à des compétences d'éducation (comme Erasmus+) ou des actes visant la coordination des actions des États (comme la santé publique) [5](#page=5).
* **Compétences partagées:** L'article 4 paragraphe 1 du TFUE stipule qu'il y a compétence partagée lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence qui ne relève pas des domaines de compétence exclusive ou d'appui. Ces compétences, qui constituent le principe, concernent des domaines sensibles comme la politique migratoire, le droit d'asile, les visas, la coopération judiciaire, la politique agricole commune et la politique de cohésion. Il peut être difficile de distinguer la compétence de l'État de celle de l'Union dans ces domaines [5](#page=5).
### 3.2 Le principe de subsidiarité
Ce principe est particulièrement pertinent dans le cadre des compétences partagées. Il interroge sur l'opportunité d'adopter un acte au niveau de l'Union plutôt qu'au niveau national, régional ou local. La question est de savoir quelle collectivité est la mieux placée pour exercer une compétence, sans priver indûment une collectivité de sa responsabilité. Le Royaume-Uni a plaidé pour l'inscription de ce principe dans les traités afin d'obtenir l'annulation de certaines législations européennes jugées non conformes [5](#page=5) [6](#page=6).
L'article 5 paragraphe 3 du TUE formule ce principe: l'Union intervient seulement si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l'être mieux au niveau de l'Union en raison de leurs dimensions ou de leurs effets. Il s'agit davantage d'un principe politique que juridique, veillant à ce que l'Union n'agisse pas lorsque les États peuvent le faire eux-mêmes. La CJUE a tendance à ne remettre en cause une disposition qu'en cas d'erreur manifeste d'appréciation du législateur de l'Union, cherchant à se prémunir contre les critiques de "gouvernement des juges" [6](#page=6).
Le protocole numéro 2 annexé au traité de Lisbonne renforce le contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux, qui peuvent émettre un avis motivé s'ils estiment qu'une disposition ne respecte pas ce principe [6](#page=6).
> **Tip:** Bien que théoriquement important, la mise en œuvre pratique du contrôle de subsidiarité par la CJUE peut être restrictive, privilégiant l'erreur manifeste d'appréciation.
### 3.3 Le principe de proportionnalité
Ce principe a un impact significatif sur la portée du droit matériel de l'UE. Il implique que les actes des institutions de l'Union ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché par le législateur. Introduit dans le traité de Maastricht, il est inscrit à l'article 5 paragraphe 4 du TUE [6](#page=6).
L'article 5 paragraphe 4 du TUE stipule que le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Ce principe soulève la question de l'adéquation entre les fins et les moyens, ainsi que de l'intensité de l'action de l'Union. Si plusieurs modes d'action sont possibles, l'Union doit choisir celui qui laisse le plus de liberté aux États membres et aux particuliers, c'est-à-dire la mesure la moins contraignante et la moins lourde en termes de charges administratives et financières [6](#page=6) [7](#page=7).
Ce principe s'applique matériellement à toutes les compétences exercées par l'Union et s'impose non seulement à ses institutions, mais aussi aux États membres dans leur fonction d'exécution du droit de l'Union [7](#page=7).
> **Example:** Si l'Union doit réglementer un marché, elle privilégiera une directive cadre laissant une marge d'appréciation aux États pour sa transposition, plutôt qu'un règlement d'application directe et détaillée, si les deux options permettent d'atteindre l'objectif visé.
### 3.4 Le principe de cohérence
Ce principe impose aux institutions de l'Union, tant dans leurs activités internes qu'externes, une exigence de cohérence. L'article 13 du TUE établit un cadre institutionnel unique pour garantir la cohérence, l'efficacité et la continuité des politiques et actions de l'Union [7](#page=7).
Des clauses de cohérence ou d'intégration sont présentes dans les traités pour assurer l'homogénéité du droit matériel de l'Union. L'article 11 du TFUE, issu du traité sur l'acte unique européen, exige que les préoccupations environnementales soient intégrées dans toutes les politiques de l'Union. La CJUE pourrait annuler un acte législatif pour non-cohérence, bien que cela ne soit jamais arrivé [7](#page=7).
Ces clauses de cohérence se sont étendues à de nombreux domaines et intérêts généraux, tels que la protection des consommateurs (article 12 TFUE), la santé publique (article 168 paragraphe 1 TFUE), la culture (article 4 TFUE), la protection du bien-être animal (article 13 TFUE) et la non-discrimination (articles 9 et 10 TFUE). La CJUE est elle-même guidée par ce principe dans son interprétation du droit de l'Union [7](#page=7).
### 3.5 Le principe de confiance mutuelle
Ce principe, d'origine prétorienne créé par la CJUE à la fin des années 80, a été élevé au rang de droit fondamental de l'Union dans l'avis "2/13" de 2014. Il est considéré comme existentiel et conditionne la création d'un espace sans frontières intérieures [7](#page=7) [8](#page=8).
La Cour a dédoublé ce principe avec celui de reconnaissance mutuelle, car les deux reposent sur une confiance réciproque absolue entre les États membres. La confiance mutuelle a permis l'adoption de nombreux dispositifs juridiques, comme le mandat d'arrêt européen. L'exécution automatique du mandat d'arrêt européen repose sur l'idée que les États membres considèrent que tous les autres États respectent le droit de l'Union et les droits fondamentaux [8](#page=8).
Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour admet qu'il puisse y avoir une brèche dans cette confiance mutuelle, notamment si des États membres ne respectent pas les droits fondamentaux reconnus par le droit de l'Union. La confiance mutuelle vise à préserver l'efficacité du droit de l'Union, mais la Cour reconnaît des cas d'exception pour le mandat d'arrêt européen [8](#page=8).
> **Tip:** Comprendre la relation entre confiance mutuelle et reconnaissance mutuelle est clé pour saisir le fonctionnement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice de l'UE.
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# Les compétences de l’Union européenne
Cette section examine la classification des compétences de l'Union européenne, en distinguant les compétences exclusives, les compétences d'appui/coordination/complément, et les compétences partagées, à la lumière du traité de Lisbonne et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE).
### 4.1 Le principe d'attribution des compétences
Le principe d'attribution des compétences est un fondement essentiel du droit matériel de l'UE. Il stipule que l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées par les traités afin d'atteindre les objectifs fixés par ces traités. Toute compétence non attribuée à l'Union appartient aux États membres. Ce principe, parfois désigné comme le "principe des compétences d'attribution", implique que la capacité de l'UE à adopter des règles contraignantes est limitée aux domaines pour lesquels elle a reçu une délégation expresse de pouvoir des États membres. L'UE ne possède pas la "compétence de la compétence", qui est caractéristique d'un État souverain, et ne peut donc pas décider unilatéralement des domaines dans lesquels elle exercera son pouvoir législatif [4](#page=4).
Avant d'adopter un acte juridique, il est impératif de vérifier si l'Union dispose de la compétence nécessaire et jusqu'où elle peut agir. L'article 10 du TFUE, par exemple, mentionne la lutte contre la discrimination dans la définition et la mise en œuvre des politiques de l'Union. Cependant, certains domaines sont explicitement exclus de la compétence de l'UE, comme le stipule l'article 153 paragraphe 5 du TFUE concernant les politiques sociales, excluant par exemple la rémunération, le droit de grève ou les salaires minimums [4](#page=4).
> **Example:** L'Avocat général Nicholas Emiliou a estimé qu'une directive européenne visant à fixer un cadre pour les salaires minimums outrepassait les compétences de l'UE, car la "rémunération" est exclue de sa compétence en vertu de l'article 153 du TFUE, proposant ainsi son annulation [4](#page=4).
Si une institution adopte un acte contenant des règles de fond dans un domaine qui ne relève pas des compétences attribuées à l'Union, cet acte peut être contesté devant la CJUE, démontrant ainsi la surveillance étroite exercée sur la compétence d'attribution de l'Union. L'acquisition de nouvelles compétences par l'UE requiert toujours l'accord unanime des États membres [4](#page=4).
Une nouveauté introduite par le traité de Lisbonne est la possibilité pour un État membre de reprendre une compétence qu'il avait initialement déléguée à l'Union, notamment dans le cadre d'une révision du TFUE ou par le droit de retrait [4](#page=4).
### 4.2 Typologie des compétences de l'Union européenne
Le traité de Lisbonne a clarifié la typologie des compétences attribuées à l'UE, s'appuyant sur un classement influencé par la jurisprudence de la CJUE. Il existe trois catégories principales de compétences [5](#page=5):
#### 4.2.1 Compétences exclusives de l'Union
Ces compétences confèrent à l'Union le pouvoir d'adopter des actes contraignants, et les États membres ne peuvent plus légiférer dans ces domaines à leur propre niveau. Les domaines de compétence exclusive sont limitativement énumérés dans les traités [5](#page=5):
* L'Union douanière [5](#page=5).
* La politique monétaire dans la zone euro, relevant de la Banque centrale européenne (BCE) [5](#page=5).
* L'établissement des règles de concurrence nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur [5](#page=5).
* La politique commune de la pêche, concernant la conservation des ressources biologiques de la mer [5](#page=5).
* La politique commerciale commune de l'Union européenne [5](#page=5).
#### 4.2.2 Compétences d'appui, de coordination ou de complément
Cette catégorie représente le niveau d'intégration le moins poussé. Dans ces domaines, l'Union peut mener des actions ponctuelles de soutien aux politiques des États membres sans toutefois pouvoir harmoniser leurs législations et réglementations. L'UE ne peut pas mener une politique européenne propre dans ces secteurs, une interdiction étant retrouvée dans les traités. Les domaines concernés sont nombreux et incluent des politiques plus récentes, telles que la politique industrielle, culturelle, le tourisme, la coopération entre les administrations nationales et le sport. L'action de l'Union peut prendre la forme de dispositions facilitant la coopération entre les États (par exemple, dans le domaine de l'éducation avec Erasmus+) ou d'actes contraignants visant à coordonner les actions étatiques (par exemple, en matière de santé publique) [5](#page=5).
#### 4.2.3 Compétences partagées
Les compétences partagées impliquent que l'Union et les États membres peuvent légiférer dans ces domaines, mais seulement dans la mesure où l'Union n'a pas déjà exercé sa compétence ou décidé de ne pas le faire. L'article 4 paragraphe 1 du TFUE définit une compétence comme partagée lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence qui ne relève pas des domaines des articles 3 (compétences exclusives) et 6 (domaines où l'Union a une compétence d'appui, de coordination ou de complément) [5](#page=5).
Il n'existe pas de liste exhaustive des compétences partagées, mais plutôt des exemples dans le traité. Ces domaines sont souvent les plus sensibles sur le plan politique et incluent, par exemple [5](#page=5):
* La politique migratoire [5](#page=5).
* Le droit d'asile [5](#page=5).
* Les visas [5](#page=5).
* La coopération judiciaire [5](#page=5).
* La politique agricole commune [5](#page=5).
* La politique de cohésion [5](#page=5).
Dans les compétences partagées, il peut être difficile de déterminer si c'est la compétence de l'État ou celle de l'Union qui prévaut [5](#page=5).
### 4.3 Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité est particulièrement pertinent dans le cadre des compétences partagées. Il régit l'opportunité pour l'Union de produire du droit matériel dans ces domaines. Il consiste à se demander s'il est plus judicieux que l'acte envisagé soit adopté au niveau de l'Union plutôt que par chaque État membre au niveau de ses parlements nationaux [5](#page=5).
> **Tip:** Le principe de subsidiarité vise à garantir que les décisions soient prises au niveau le plus proche possible des citoyens, et que l'Union n'intervienne que si l'action au niveau de l'UE est plus efficace que celle menée au niveau national.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Droit institutionnel de l'UE | Correspond aux règles et principes qui régissent le fonctionnement de l'UE en tant qu'organisation internationale, et qui s'appliquent à tous les secteurs d'action de l'UE. Cela inclut les règles régissant les actes européens, la primauté du droit de l'UE, l'effet direct, ainsi que les règles contentieuses et la CJUE. |
| Droit matériel de l'UE | Englobe l'ensemble des règles de fond contenues dans les traités européens et adoptées par les institutions de l'Union, souvent appelé droit substantiel. Il étudie la substance du droit de l'Union et le contenu des règles qui prescrivent, interdisent ou autorisent certains comportements dans le but de réaliser des objectifs fixés par les traités. |
| Renvoi préjudiciel | Mécanisme permettant à un juge national de poser des questions à la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) sur l'interprétation d'une disposition du droit de l'UE, afin d'obtenir une interprétation authentique qui sera ensuite appliquée par le juge national. |
| Sources primaires du droit de l'UE | Ce sont les normes juridiques les plus élevées dans la hiérarchie du droit de l'Union Européenne. Elles comprennent principalement les traités constitutifs de l'UE (comme le TUE et le TFUE), ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. |
| Sources dérivées du droit de l'UE | Il s'agit des actes normatifs unilatéraux adoptés par les institutions de l'UE sur la base des traités, tels que les règlements, les directives et les décisions. Ces actes visent à permettre à l'UE de remplir ses missions dans le cadre des différentes politiques européennes. |
| Actes contraignants de l'UE | Catégorie d'actes juridiques adoptés par les institutions de l'Union Européenne qui produisent des effets obligatoires pour leurs destinataires. Les principaux actes contraignants sont les règlements, les directives et les décisions, tels que définis à l'article 288 du TFUE. |
| Principes généraux du droit (PGD) | Règles non écrites dégagées par la Cour de Justice de l'Union Européenne à partir des traditions juridiques communes aux États membres. Ces principes sont essentiels au respect du droit de l'Union et ont une valeur juridique équivalente aux traités constitutifs. |
| Principe d'attribution des compétences | Principe fondamental selon lequel l'Union Européenne ne peut agir que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées par les traités. Toute compétence non attribuée relève des États membres. L'UE ne possède pas de compétence générale ni la compétence de la compétence. |
| Compétences exclusives de l'Union | Domaines dans lesquels seule l'Union Européenne est compétente pour légiférer. Les États membres ne peuvent intervenir que s'ils sont habilités par l'Union. Ces domaines sont énumérés de manière exhaustive dans les traités, tels que l'union douanière ou la politique commerciale commune. |
| Compétences partagées | Domaines dans lesquels l'Union Européenne et les États membres partagent la compétence pour légiférer. L'Union intervient si et dans la mesure où les objectifs ne peuvent être atteints de manière suffisante par les États membres seuls. Les États membres peuvent continuer à agir tant que l'Union n'a pas exercé sa compétence. |
| Principe de subsidiarité | Dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Union, celle-ci intervient seulement si les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l'être mieux au niveau de l'Union. Ce principe vise à déterminer quelle collectivité doit exercer une compétence. |
| Principe de proportionnalité | Ce principe impose que le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Il implique une adéquation entre les fins et les moyens, et l'Union doit choisir le mode d'action le moins contraignant pour les États membres et les particuliers. |
| Principe de confiance mutuelle | Principe prétorien créé par la CJUE, qui repose sur la confiance réciproque entre les États membres de l'Union. Il est considéré comme essentiel pour l'existence d'un espace sans frontières intérieures et conditionne la coopération entre les États, comme dans le cas du mandat d'arrêt européen. |