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Summary
# Le contrôle de gestion : un mode de contrôle parmi d'autres
Le contrôle de gestion est un mode de contrôle parmi d'autres, caractérisé par son émergence historique, ses avantages, ses limites, et sa comparaison avec d'autres formes de contrôle organisationnel.
## 1. Le contrôle de gestion : un mode de contrôle parmi d'autres
### 1.1 L'émergence historique du contrôle de gestion
L'origine du terme "contrôle" remonte au français "contre-rolle", désignant un double registre de comptes. Bien que le terme soit français, le concept de contrôle de gestion en tant que système de management est apparu dans un contexte anglo-saxon, notamment avec les travaux de la Harvard Business School [29](#page=29).
#### 1.1.1 La double filiation du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion possède une double filiation :
* **Invention chez General Motors (GM)**: Les années 1920 voient l'émergence du contrôle de gestion comme un système cohérent de management chez GM. Face à une entreprise en croissance et diversifiée, Alfred Sloan (PDG) et Donaldson Brown (directeur financier) ont développé le "contrôle financier" (devenu contrôle de gestion) pour coordonner les divisions, juger leur performance et planifier les activités. Ce système visait à permettre la "décentralisation par le contrôle", en accordant une autonomie aux directeurs de division sous la contrainte de résultats financiers, grâce à une utilisation intensive des données financières et comptables [30](#page=30).
* **Influence des travaux de Taylor**: L'invention du contrôle de gestion a été rendue possible par les développements de la comptabilité industrielle et son utilisation comme système de management par Frederick Winslow Taylor à la fin du XIXe siècle. Taylor a montré que la comptabilité industrielle servait non seulement à calculer les coûts de revient, mais aussi à suivre les flux, à surveiller et à comparer le réel à la prévision. Il a introduit le contrôle dans les ateliers via l'organisation taylorienne, en soumettant les tâches à des normes de temps et en développant le coût standard ou coût préétabli pour contrôler par exception et inciter les employés [30](#page=30) [31](#page=31).
### 1.2 Définitions et rôles du contrôle de gestion
Le terme "contrôle de gestion" est la traduction de l'anglo-américain "management control", qui signifie "pilotage, maîtrise de la gestion" [31](#page=31).
#### 1.2.1 Définition selon Robert N. Anthony
Robert N. Anthony, considéré comme un père fondateur de la discipline, a proposé en 1965 la définition suivante :
> "Le contrôle de gestion (management control) est le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisation." [31](#page=31).
Trois éléments clés émergent de cette définition :
1. **Cible**: Il s'adresse aux managers ayant un pouvoir de décision et devant faire travailler d'autres personnes [31](#page=31).
2. **Finalités**: Il vise l'efficacité (atteindre les objectifs) et l'efficience (atteindre les objectifs en minimisant les moyens). Ces concepts sont souvent illustrés par le triangle de la performance, incluant aussi la pertinence (cohérence moyens-objectifs) et l'économie (coût minimal des ressources) [31](#page=31) [32](#page=32).
3. **Positionnement**: Il intervient dans la mise en œuvre des objectifs définis. En 1988, Anthony a précisé que le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent les autres membres de l'organisation pour mettre en œuvre les stratégies de l'organisation [31](#page=31) [32](#page=32).
#### 1.2.2 Les trois niveaux de contrôle selon Anthony
Anthony distingue trois niveaux de contrôle dans l'organisation :
* **Le planning stratégique**: Processus de décision concernant les objectifs de l'organisation et les stratégies pour les atteindre [32](#page=32).
* **Le contrôle de gestion**: Vise à mettre en œuvre les stratégies issues de la planification stratégique pour atteindre les objectifs organisationnels. Il se situe au niveau des décisions tactiques [32](#page=32) [33](#page=33).
* **Le contrôle opérationnel (ou contrôle des tâches)**: Processus assurant que les tâches spécifiques sont réalisées de manière efficace et efficiente. Il correspond au contrôle taylorien classique [32](#page=32) [33](#page=33).
Ces trois niveaux s'articulent de manière hiérarchique [32](#page=32).
#### 1.2.3 Le contrôle de gestion comme système cybernétique (PDCA)
Le contrôle de gestion peut être vu comme un système de contrôle cybernétique, facilitant le pilotage et la convergence des buts organisationnels. Le modèle PDCA (Plan, Do, Check, Act) de William E. Deming illustre ce pilotage [33](#page=33):
* **PLAN (Planifier)**: Fixer une norme chiffrée (objectif, prévision, benchmarking). La participation à la définition des objectifs (DPPO - Direction Participative par Objectifs) peut entraîner un "slack budgétaire" [33](#page=33) [34](#page=34).
* **DO (Réaliser)**: Organiser la transformation des ressources en produits ou activités de manière efficace et efficiente [34](#page=34).
* **CHECK (Vérifier)**: Mesurer les résultats obtenus et les comparer aux objectifs. La mesure peut être physique ou comptable/financière. Des actions correctives sont engagées en cas d'écarts significatifs [34](#page=34).
* **ACT (Agir)**: Mettre en œuvre des actions correctives et attribuer des primes ou sanctions basées sur l'atteinte des normes [34](#page=34).
Ce modèle repose sur une représentation cybernétique de l'organisation, la considérant comme un système capable d'atteindre un objectif indépendamment de son environnement grâce à un mécanisme de rétroaction [34](#page=34).
#### 1.2.4 Les effets du contrôle de gestion sur les comportements
Le contrôle de gestion influence les comportements à quatre niveaux :
* **Planification**: Contrôle ex ante, fournissant des informations pour guider les actions [35](#page=35).
* **Mesure**: Contrôle ex ante et ex post, orientant l'action et fournissant des informations pour la correction [35](#page=35).
* **Feed-back**: Informations sur le comportement et les résultats, permettant des actions correctives et l'attribution de récompenses/sanctions [35](#page=35).
* **Évaluation et récompenses**: Contrôle ex post, comparant la performance aux standards. Les récompenses peuvent être extrinsèques (primes) ou intrinsèques (satisfaction), influençant les comportements ex ante par anticipation [35](#page=35).
#### 1.2.5 Avantages du contrôle de gestion
Trois avantages principaux sont identifiés :
* **Langage commun**: S'appuyant sur des données comptables et financières, il crée un langage partagé dans l'organisation [36](#page=36).
* **Gestion à distance et décentralisation**: Il permet de décentraliser la prise de décision en échange du contrôle des résultats, améliorant la qualité de l'information et la réactivité [36](#page=36).
* **Responsabilisation, évaluation et motivation**: Il permet de responsabiliser, évaluer et motiver les salariés, servant d'outil de gouvernement des hommes à tous les niveaux [36](#page=36).
### 1.3 Les hypothèses et les limites du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion, en tant que modèle, repose sur des hypothèses fortes et présente des limites.
#### 1.3.1 Modèle rationnel du contrôle et conditions d'application
Henri Bouquin décompose le processus rationnel de contrôle en trois étapes: finalisation, pilotage et post-évaluation, chacune nécessitant des conditions d'application spécifiques. Ces conditions incluent la crédibilité des buts, la capacité à quantifier les résultats, la connaissance technologique, la possibilité de découper l'entreprise en centres de responsabilité, la qualité du système d'information, la capacité à prévoir, la connaissance de la relation fins-moyens, et la capacité à modéliser les relations causes-effets [37](#page=37).
#### 1.3.2 Hypothèses sur le processus, l'organisation et le comportement
Le contrôle de gestion repose sur trois hypothèses fondamentales :
1. **Sur le processus contrôlé**: Il doit être possible de définir un objectif et de mesurer son atteinte. Cela est difficile pour les politiques de qualité, d'innovation, et dans les organisations publiques [37](#page=37).
2. **Sur l'organisation**: L'entreprise doit pouvoir être découpée en centres de responsabilité (centre de coût, de revenus, de profit, d'investissement). Le découpage peut engendrer des effets pervers (concurrence entre départements, sacrifice de l'intérêt général au profit de l'objectif local) [38](#page=38).
3. **Sur le comportement des individus**: L'hypothèse classique (Théorie X de McGregor) considère l'homme comme opportuniste et peu courageux, nécessitant contrainte et incitation. L'alternative (Théorie Y) suggère que l'homme est motivé par la prise d'initiative et de responsabilité dans des conditions favorables [38](#page=38).
#### 1.3.3 Effets pervers et limites
Le contrôle de gestion, s'il est trop contraignant ou mal appliqué, peut engendrer des effets pervers :
* **Effets psychologiques**: Stress, frustration, pathologies psychosomatiques, agressivité [39](#page=39).
* **Orientation comportementale négative**: Focalisation sur les problèmes locaux au détriment de la collaboration transversale, préférence pour le court terme au détriment du long terme (car les indicateurs financiers mesurent mal la performance à long terme comme la qualité ou l'engagement) [39](#page=39).
* **Problèmes de fixation des objectifs**: Des objectifs trop lâches peuvent mener à la complaisance, tandis que des objectifs trop ambitieux peuvent démobiliser. La motivation dépend de la théorie de l'expectance (effort -> succès -> récompense, et valeur de la récompense) [39](#page=39).
* **Difficulté d'évaluation**: Difficulté à évaluer les aspects qualitatifs ou non financiers de la performance, notamment dans les organisations publiques [37](#page=37).
> **Tip:** Il est crucial de reconnaître que le contrôle de gestion repose sur des hypothèses fortes et peut générer des effets pervers s'il n'est pas appliqué avec discernement. La prise en compte des attentes des salariés et la recherche d'un équilibre entre les différents niveaux de contrôle sont essentielles.
### 1.4 Les autres modes de contrôle organisationnel
Le contrôle de gestion n'est qu'un mode de contrôle parmi d'autres au sein du contrôle organisationnel, qui vise à orienter les actions, comportements, savoirs, buts ou valeurs pour accroître la probabilité que les individus internalisent les objectifs organisationnels [40](#page=40).
#### 1.4.1 Typologie des organisations et types de contrôle (Etzioni)
Selon Amitai Etzioni, les organisations peuvent être différenciées selon les relations entre individus et organisation :
* **Organisations coercitives** (prisons, asiles): Buts des individus opposés à ceux de l'organisation. Le contrôle est physique, basé sur la force et la sanction [40](#page=40).
* **Organisations normatives** (partis politiques, églises): Buts des individus convergents avec ceux de l'organisation. Le contrôle porte sur la vision du monde partagée, via l'identification, la socialisation et l'idéologie [40](#page=40).
* **Organisations instrumentales** (entreprises): Buts des individus divergent de ceux de l'organisation sans y être totalement opposés. Le contrôle porte sur les comportements, via des systèmes d'incitation [40](#page=40).
Dans les entreprises, les modes de contrôle instrumentaux (calcul, intérêt, incitations) sont prédominants, mais les modes coercitifs (licenciements, sanctions) et normatifs (propagande, culture) sont aussi utilisés. Le contrôle normatif est souvent considéré comme le plus efficace car il agit sur les croyances et l'idéologie [41](#page=41).
#### 1.4.2 Typologie des modes de contrôle (Ouchi et Merchant)
Ouchi et Merchant distinguent trois modes de contrôle pour gérer la divergence d'intérêts :
1. **Contrôle par la bureaucratie** :
* **Mécanisme**: Règles, surveillance directe, procédures, supervision hiérarchique [41](#page=41).
* **Objectif**: S'assurer que les individus réalisent les actions souhaitées par l'organisation [41](#page=41).
* **Application** : Adapté aux environnements stables ; présent dans les organisations publiques et les grandes entreprises (normes ISO, contrôle interne, audit) [41-42](#page=41,42).
> **Example:** Les normes ISO (International Organization for Standardization) introduisent et normalisent une forme de contrôle bureaucratique en définissant des standards et des procédures à suivre [42](#page=42).
2. **Contrôle par les résultats** :
* **Mécanisme**: Objectifs, marché, données comptables ou non comptables [41](#page=41).
* **Objectif**: Rendre les acteurs responsables et "comptables" de leurs résultats [42](#page=42).
* **Application**: Le contrôle de gestion en est l'archétype. Il est efficace lorsque les résultats sont mesurables [42](#page=42).
3. **Contrôle par les normes** :
* **Mécanisme**: Engagement, surveillance des pairs, socialisation, qualifications, valeurs, culture, clan [41](#page=41).
* **Objectif**: Former les identités, émotions, attitudes et croyances pour "gagner les cœurs et les esprits" [43](#page=43).
* **Application**: Contrôle par le clan (mafia), standardisation des qualifications (médecins), culture d'entreprise, socialisation. Il est souvent utilisé lorsque le processus de transformation est mal connu et la mesure des résultats difficile [43](#page=43) [44](#page=44).
| Type de contrôle | Mécanisme | Forme | Exemples |
| :--------------- | :---------------------------------------- | :------------------------ | :-------------------------------------------------------------------- |
| Bureaucratie | Règles, surveillance | Contrôle des comportements | Supervision directe, procédures |
| Résultats | Objectifs, marché | Contrôle des résultats | Résultats, budgets |
| Normes | Engagement, surveillance des pairs, socialisation, qualifications | Contrôle cérémonial, symbolique | Formation, endoctrinement |
#### 1.4.3 Quel mode de contrôle pour quel contexte ?
Le choix du mode de contrôle dépend de deux éléments principaux selon Ouchi :
1. **Possibilité de mesurer les résultats** : Essentiel pour le contrôle par les résultats.
2. **Connaissance du processus de transformation** : Capacité à expliciter les moyens pour réaliser une tâche.
| | **Possibilité de mesurer les résultats Forte** | **Possibilité de mesurer les résultats Faible** |
| :----------------------------------------------------- | :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- | :------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ |
| **Connaissance du processus de transformation Parfaite** | Contrôle des comportements ou mesure du résultat (ex: manager, réalisateur, vendeur) | Contrôle du comportement par observation, règles (ex: ouvriers sur chaîne de montage) |
| **Connaissance du processus de transformation Imparfaite** | Contrôle par les résultats (ex: vendeur) | Contrôle par le clan, par la standardisation des qualifications ou par la culture (ex: mafia, laboratoire de recherche, enseignants) | [44](#page=44).
D'autres critères influencent le choix :
* **Coût de mise en place du système de contrôle**: Il ne doit pas excéder l'utilité du système [44](#page=44).
* **Niveau désiré d'innovation**: Un contrôle strict par procédures limite l'innovation, tandis qu'un contrôle par les normes ou l'engagement peut la favoriser [44](#page=44).
> **Tip:** Comprendre la matrice de Ouchi est fondamental. Elle illustre comment la combinaison de la mesurabilité des résultats et de la connaissance du processus de transformation dicte le mode de contrôle le plus approprié. Les organisations doivent adapter leurs stratégies de contrôle à leur environnement et à leurs objectifs spécifiques.
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# Les sources d'information du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion s'appuie sur deux sources d'information fondamentales : la comptabilité financière pour évaluer la performance et la comptabilité de gestion pour le calcul des coûts.
### I. Les sources d'information comptables et la mesure de la performance financière
La comptabilité financière constitue le socle historique du contrôle de gestion, comme en témoigne son ancienne appellation de "financial control". Bien que distinctes dans leurs finalités – la comptabilité financière s'adresse aux parties prenantes externes tandis que le contrôle de gestion vise les managers internes – elles sont souvent liées. Les normes internationales d'information financière (IFRS) ont accentué cette interconnexion, en ce que la comptabilité financière intègre des éléments issus de la comptabilité de gestion pour la valorisation de certains actifs ou le suivi de contrats [45](#page=45) [46](#page=46) [47](#page=47).
#### A. La comptabilité financière et le contrôle de gestion
La comptabilité financière, bien que normalisée et publiée, est utilisée de manière interne, notamment pour la discussion avec les investisseurs et partenaires via des prévisions et des "business plans". Le système comptable français est traditionnellement dualiste, séparant comptabilité financière et comptabilité de gestion (analytique). Cependant, la tendance est à une approche "moniste" où les deux systèmes sont plus intégrés, notamment sous l'impulsion des IFRS [46](#page=46).
##### 1. La mesure de la rentabilité : Le ROI (Return On Investment)
Le ROI, introduit par General Motors dans les années 1920, est un indicateur financier clé pour mesurer la performance des divisions d'une entreprise. Il permet de comparer des entités de tailles différentes et est relativement simple à calculer à partir des données bilantielles [48](#page=48).
* **Définition et calcul:**
Le ROI est un ratio de rentabilité économique. Plusieurs formulations existent, mais une approche courante est :
$$ \text{ROI} = \frac{\text{Bénéfice d'exploitation après impôts}}{\text{Actifs investis}} $$
Où le bénéfice d'exploitation après impôts est le résultat net plus les intérêts financiers, et les actifs investis correspondent au besoin en fonds de roulement plus les immobilisations [49](#page=49).
* **La pyramide du ROI:**
Le ROI peut être décomposé en deux éléments principaux :
* **Le taux de marge:** Le rapport entre le bénéfice d'exploitation après impôts et le chiffre d'affaires. Il mesure la profitabilité de chaque unité monétaire de vente [50](#page=50).
* **La rotation de l'actif:** Le rapport entre le chiffre d'affaires et les actifs investis. Il mesure l'efficacité avec laquelle les actifs sont utilisés pour générer des ventes [50](#page=50).
La formule décomposée est donc :
$$ \text{ROI} = \left(\frac{\text{Bénéfice d'exploitation après impôts}}{\text{Chiffre d'affaires}}\right) \times \left(\frac{\text{Chiffre d'affaires}}{\text{Actifs investis}}\right) $$
> **Tip:** Cette décomposition permet de comprendre comment le ROI est atteint. Deux entreprises peuvent avoir le même ROI mais par des stratégies différentes (par exemple, une forte marge avec une faible rotation ou inversement) [50](#page=50).
* **De la mesure économique à la mesure financière : le ROE (Return on Equity)**
Le ROE mesure la rentabilité pour les actionnaires. Il est lié au ROI par l'effet de levier financier :
$$ \text{ROE} = \frac{\text{Résultat net}}{\text{Capitaux propres}} $$
La relation entre ROE et ROI est donnée par :
$$ \text{ROE} = \text{ROI} + (\text{ROI} - i) \times \frac{D}{CP} $$
où $i$ est le taux d'intérêt après impôts de la dette et $D/CP$ le ratio dette/capitaux propres. Un ROI supérieur au coût de la dette induit un effet de levier positif [52](#page=52).
* **Les limites du ROI:**
Le ROI présente plusieurs limites :
* Il repose sur des données comptables sujettes à des choix et conventions, notamment pour l'évaluation des actifs [53](#page=53).
* Il peut inciter à limiter les investissements, même ceux qui créeraient de la valeur à long terme, afin de préserver ou d'améliorer le ratio [53](#page=53).
* Il peut conduire à accepter des investissements destructeurs de valeur ou refuser des investissements créateurs de valeur si ceux-ci affectent négativement le ratio à court terme [53](#page=53).
##### 2. Bénéfice Résiduel et ROI
Le bénéfice résiduel (ou Residual Income) est une mesure de performance qui vise à corriger certaines limites du ROI.
* **Définition et mode de calcul:**
Le bénéfice résiduel mesure la création de valeur d'une entreprise en tenant compte du coût du capital investi.
$$ \text{Bénéfice résiduel} = \text{Résultat d'exploitation après impôts} - \text{Coût des capitaux investis} $$
Le coût des capitaux investis est calculé comme :
$$ \text{Coût des capitaux investis} = \text{Capitaux investis} \times \text{Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC)} $$
Le CMPC est la moyenne pondérée du coût de la dette et du coût des capitaux propres [54](#page=54).
* **Bénéfice résiduel et ROI:**
La relation entre le bénéfice résiduel et le ROI est la suivante :
$$ \text{Bénéfice résiduel} = \text{Actif} \times (\text{ROI} - \text{CMPC}) $$
Cette formule met en évidence qu'un ROI élevé ne garantit pas la création de valeur si le CMPC est supérieur. Elle permet de comparer des entités de tailles différentes en considérant leur coût du capital spécifique [54](#page=54).
> **Tip:** Le bénéfice résiduel incite à accepter tous les investissements dont le ROI est supérieur au CMPC, car ils créent de la valeur pour l'entreprise. Cela évite les problèmes de sous-optimisation liés au ROI [55](#page=55).
* **EVA (Economic Value Added):**
L'EVA est une forme de bénéfice résiduel développée par Stern et Steward, qui intègre des retraitements des données comptables pour mieux refléter la valeur économique [57](#page=57).
##### 3. Vers une mesure boursière de la performance financière ?
Pour pallier les limites des indicateurs comptables, des mesures basées sur les flux de trésorerie et la valeur boursière ont été développées, telles que le TSR (Total Shareholder Return) et la MVA (Market Value Added) [58](#page=58).
* **La MVA (Market Value Added):**
La MVA représente l'excédent de la valeur de marché de l'entreprise par rapport au capital investi.
$$ \text{MVA} = \text{Valeur de marché} - \text{Capital employé} $$
Elle est théoriquement la somme actualisée des EVA futures anticipées par les marchés [58](#page=58).
* **Typologie des indicateurs de mesure de la création de valeur:**
Les indicateurs de performance ont évolué depuis les années 1980 :
* **Indicateurs de profit:** Résultat net, Bénéfice Par Action (BPA) [59](#page=59).
* **Indicateurs de rentabilité:** Rentabilité des capitaux propres (ROE), Rentabilité de l'actif économique (ROCE) [59](#page=59).
* **Indicateurs de création de valeur:** EVA, MVA, TSR. Ces derniers cherchent à évaluer la performance par rapport au coût du capital, mais peuvent être influencés par la conjoncture boursière [59](#page=59).
### II. La comptabilité de gestion
La comptabilité de gestion, anciennement appelée comptabilité analytique ou des coûts, est la deuxième source majeure d'information pour le contrôle de gestion. Elle fournit des méthodes pour calculer les coûts, aidant ainsi à la prise de décision et au pilotage de l'organisation [60](#page=60).
#### A. Les rôles de la comptabilité de gestion
John M. Clark a identifié dix fonctions clés pour la comptabilité de gestion dès 1923, couvrant la détermination des prix, l'analyse de la profitabilité des produits, le contrôle des stocks, le test d'efficience et la cohérence avec les comptes financiers [60](#page=60) [61](#page=61).
Les informations issues de la comptabilité de gestion permettent de répondre à trois types de questions :
* **Score-card questions:** "Les choses vont-elles bien?" (constat) [61](#page=61).
* **Attention directing questions:** "À quels problèmes faut-il s'intéresser?" (orientation de l'attention) [61](#page=61).
* **Problem-solving questions:** "Comment résoudre les problèmes et prendre des décisions?" (aide à la décision) [61](#page=61).
Le calcul des coûts est indispensable à toutes les étapes du processus de contrôle de gestion, de la planification (budget) au suivi et à l'analyse des résultats [61](#page=61) [62](#page=62).
#### B. Les coûts complets
La méthode des coûts complets vise à imputer l'ensemble des charges (variables, fixes, directes, indirectes) aux objets de coût (produits, services, etc.) [62](#page=62).
* **Définition et calcul du coût complet :**
$$ \text{Coût complet} = \sum \text{des charges directes} + \text{quote-part des charges indirectes} $$
Les charges indirectes, qui ne peuvent être affectées sans ambiguïté à un produit, constituent le principal défi de cette méthode [62](#page=62).
* **La méthode des sections homogènes (ou centres d'analyse) :**
Cette méthode, formalisée en 1929, est une approche traditionnelle pour la répartition des coûts indirects. Elle se déroule en plusieurs étapes [62](#page=62) [63](#page=63):
1. **Classement des charges:** Distinction entre charges directes et indirectes, en intégrant les charges supplétives et excluant les charges non incorporables [63](#page=63).
2. **Affectation des charges directes aux produits.**
3. **Affectation des charges indirectes aux sections homogènes (centres d'analyse):** Répartition primaire. Un centre d'analyse regroupe des activités technologiquement homogènes [63](#page=63).
4. **Répartition secondaire:** Les coûts des centres auxiliaires sont refacturés aux centres principaux [64](#page=64).
5. **Calcul du coût des unités d'œuvre (UO):** L'UO mesure l'activité d'un centre d'analyse. Le coût de l'UO est le coût total du centre divisé par le nombre d'UO [64](#page=64).
6. **Affectation des charges indirectes aux objets de coût:** Via les unités d'œuvre consommées par chaque produit [65](#page=65).
7. **Calcul du coût complet et du résultat par produit.**
> **Tip:** La pertinence de la méthode repose sur le choix judicieux des centres d'analyse (homogénéité des activités) et des unités d'œuvre (corrélation avec les coûts du centre) [66](#page=66) [67](#page=67).
* **L'imputation rationnelle et la mesure de la sous-activité :**
Cette méthode vise à corriger l'impact des variations d'activité sur les coûts unitaires des charges fixes.
$$ \text{Charges fixes imputées} = \text{Charges fixes} \times \frac{\text{Activité réelle}}{\text{Activité normale}} $$
Une suractivité génère un "bonus de suractivité", tandis qu'une sous-activité génère un "malus de sous-activité" [70](#page=70) [71](#page=71).
* **La méthode ABC (Activity Based Costing) :**
Développée pour pallier les insuffisances des méthodes traditionnelles face à l'évolution du contexte économique (produits différenciés, augmentation des coûts indirects) [71](#page=71) [72](#page=72).
* **Principes:** Elle identifie les "activités" et leurs "inducteurs de coût" (cost drivers) pour une imputation plus causale [72](#page=72).
* **Logique:** Les produits consomment des activités, qui consomment des ressources. La méthode cherche une relation de cause à effet entre les activités et les coûts [73](#page=73).
* **Appréciation:** Elle offre une vision plus stratégique et une meilleure coordination des processus, mais peut être complexe et perdre la notion de centre de responsabilité budgétaire [77](#page=77).
* **Méthodes historiques basées sur les équivalents de production :**
Ces méthodes simplifient le calcul des coûts en utilisant un produit de référence.
* **Méthode des équivalents de production:** Le coût des produits est calculé à partir d'un produit de référence ("produit équivalent"). Elle permet une évaluation rapide des coûts et de l'impact des variations de charges ou de production [79](#page=79) [80](#page=80).
* **Méthode GP (Georges Perrin):** Affine la méthode des équivalents en considérant différents postes d'activité. Elle utilise des "indices de postes" et des "constantes GP" pour mesurer l'effort relatif de production [81](#page=81) [82](#page=82) [83](#page=83).
* **Méthode UVA (Unités de Valeur Ajoutée):** Généralise l'analyse des consommations à l'ensemble des activités de l'entreprise et la notion d'effort de production à la notion d'effort de création de valeur ajoutée [84](#page=84) [85](#page=85).
#### C. Les méthodes de calcul des coûts partiels
Ces méthodes distinguent les charges fixes et variables pour une analyse plus fine, notamment pour les prévisions et le calcul du seuil de rentabilité.
* **Direct costing (coût variable) :**
Les charges fixes ne sont pas imputées aux coûts des produits mais sont déduites globalement du résultat.
Le compte de résultat simplifié est: Chiffre d'affaires - Coûts variables = Marge sur coût variable - Charges fixes = Résultat [87](#page=87) [88](#page=88).
* **Direct costing évolué (coûts spécifiques) :**
Segmente les charges fixes en directes (spécifiques) et indirectes (communes) pour affiner l'analyse de profitabilité par produit [88](#page=88).
* **Analyse coûts/volumes/profits (Seuil de rentabilité) :**
Le seuil de rentabilité (ou point mort) est le niveau de ventes qui permet d'atteindre un résultat nul [88](#page=88).
* **Point mort en quantité (Q*):** $ Q^* = \frac{\text{CF}}{\text{MCV (unitaire)}} $ [89](#page=89).
* **Point mort en chiffre d'affaires (CA*):** $ \text{CA}^* = \frac{\text{CF}}{\text{Taux de MCV}} $ [90](#page=90).
* **Taux de marge de sécurité:** Mesure la diminution possible du chiffre d'affaires avant de devenir déficitaire [90](#page=90).
* **Levier opérationnel (LO):** Mesure la sensibilité du résultat aux variations du chiffre d'affaires. Un LO élevé indique une forte sensibilité (coûts fixes importants) [91](#page=91).
#### D. Calcul du coût des produits et prise de décision
Le calcul du coût complet est essentiel pour les décisions à long terme comme le lancement ou le retrait d'un produit, ou la fixation des prix. Cependant, la suppression d'un produit dont le résultat en coût complet est négatif peut détériorer le résultat global si les charges indirectes ne disparaissent pas. Le calcul du coût variable, quant à lui, est plus pertinent pour les décisions de court terme et l'optimisation sous contrainte [93](#page=93) [94](#page=94) [95](#page=95).
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# Gouvernance d'entreprise et contrôle de gestion
Absolument ! Voici une synthèse détaillée de la "Gouvernance d'entreprise et contrôle de gestion", structurée selon vos instructions, qui devrait constituer une excellente base pour votre préparation.
## 3. Gouvernance d'entreprise et contrôle de gestion
La gouvernance d'entreprise concerne l'ensemble des mécanismes visant à contrôler et influencer les décisions des dirigeants afin d'assurer la pérennité et la performance de la firme, en conciliant les intérêts des actionnaires et, de plus en plus, de l'ensemble des parties prenantes .
### 3.1 La montée en puissance de la problématique de la gouvernance
La problématique du contrôle des décisions des dirigeants n'est pas nouvelle et remonte à la dissociation entre la propriété et le management dans les grandes entreprises. Cependant, elle a pris une ampleur considérable ces dernières années pour trois raisons principales: le rôle croissant des investisseurs financiers, les crises boursières et financières, et les pratiques managériales inefficaces ou frauduleuses .
#### 3.1.1 La prise de pouvoir des actionnaires et la financiarisation de l'économie
Après la crise de 1929, le capitalisme est devenu "managérial", les dirigeants ayant pris le pouvoir au détriment d'actionnaires plus dispersés. Ces derniers privilégiaient la croissance du chiffre d'affaires ou des effectifs plutôt que la rentabilité des actionnaires. La "révolution conservatrice" de la fin des années 1970 a remis en cause ce compromis, entraînant une baisse de la fiscalité, une remise en cause du pouvoir syndical et une libéralisation des échanges. Simultanément, les marchés financiers ont connu une libéralisation marquée par le décloisonnement, la déréglementation et la désintermédiation, favorisant le financement direct par le marché .
Ce contexte a conduit à une gouvernance "actionnariale", où les managers ont lié leur sort à celui des actions, notamment via les stock-options. Les opérations de fusion-acquisition ont explosé, amplifiant le rôle des marchés financiers et des investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension anglo-saxons. Ces derniers ont diffusé le modèle anglo-saxon de gouvernance, axé sur la "shareholder value" et l'EVA, imposant des règles de transparence et de souci de l'intérêt actionnarial. Ce modèle, qualifié de "boursier", a favorisé une gouvernance "dure" avec des "cost killers" .
#### 3.1.2 Les crises boursières et financières
Les crises boursières de 2000 (bulle Internet) et surtout la crise financière de 2007-2008 ont ébranlé le modèle anglo-saxon. La crise de 2008 a eu des impacts économiques mondiaux durables, affectant le potentiel de croissance, les taux de fécondité, les migrations et les inégalités de revenus. Bien que des politiques aient permis une amélioration, la période de taux d'intérêt bas a généré des vulnérabilités financières et une hausse de la dette publique. Ces crises ont soulevé des interrogations sur l'efficacité des marchés financiers et des mécanismes de gouvernance .
#### 3.1.3 Les pratiques frauduleuses et les faillites d'entreprises
Les scandales financiers (Enron, WorldCom, Vivendi, Société Générale, etc.) ont révélé les limites des systèmes de gouvernance, y compris aux États-Unis. Ces affaires ont mis en évidence des fraudes comptables, des manipulations d'informations financières, et la connivence possible entre management et auditeurs, au détriment des autres parties prenantes. Ces défaillances ont conduit à un renforcement de l'encadrement juridique, comme le Sarbanes-Oxley Act aux États-Unis et la loi sur la sécurité financière en France. Cependant, l'efficacité de ces réglementations reste débattue, comme l'illustre l'affaire Société Générale où des défaillances des contrôles internes ont été constatées malgré le respect des principes de gouvernance. Les évolutions récentes, comme la loi PACTE en France et la directive européenne "Droits des actionnaires" témoignent de la nécessité d'adapter continuellement la réglementation .
### 3.2 Les approches théoriques de la gouvernance et de ses mécanismes
La gouvernance d'entreprise repose sur plusieurs cadres théoriques qui éclairent différemment la relation entre la performance et les mécanismes de contrôle des dirigeants.
#### 3.2.1 Les théories économiques et contractualistes
Ces théories, axées sur la relation entre actionnaires et dirigeants, s'appuient sur la théorie des droits de propriété, la théorie de l'agence et la théorie des coûts de transaction. L'objectif est de "discipliner" les managers pour qu'ils agissent dans l'intérêt des actionnaires .
##### 3.2.1.1 La théorie des droits de propriété
Elle analyse l'influence des différents types de droits de propriété sur l'efficacité économique. Une distinction est faite entre l'usus (droit d'utiliser), le fructus (droit de percevoir les fruits) et l'abusus (droit de vendre). Une entreprise avec des droits de propriété privés exclusifs et transférables serait plus efficace. En ordre décroissant d'efficacité, on trouve: la propriété privée, la propriété privée atténuée, la propriété publique atténuée, la propriété publique non atténuée, et la propriété communale. Selon cette théorie, le comportement du dirigeant découle de l'allocation des droits de propriété, les entreprises publiques étant jugées moins efficaces en raison de l'absence de contrôle actionnarial véritable et de mécanismes d'incitation .
##### 3.2.1.2 La théorie de l'agence
Développée par Jensen et Meckling, elle postule une divergence d'intérêts entre actionnaires (principaux) et managers (agents). Cette relation d'agence est source de conflits et de coûts, notamment dus à l'aléa moral (comportement différent de celui promis) et à l'antisélection (dissimulation d'informations avant le contrat). La firme est vue comme un "nœud de contrats" où la gouvernance vise à aligner les comportements via des incitations et une surveillance. Les hypothèses clés sont: la firme comme nœud de contrats, la divergence d'intérêts, et l'asymétrie d'information. Elle explique le développement des stock-options et l'importance des administrateurs indépendants .
##### 3.2.1.3 La théorie des coûts de transaction
Proposée par Williamson, elle examine comment les entreprises organisent les transactions pour économiser de la rationalité et se prémunir contre l'opportunisme. L'existence de la firme s'explique par sa capacité à économiser des coûts de transaction par rapport au marché. La théorie repose sur deux hypothèses: l'opportunisme des agents et la rationalité limitée. Les coûts de transaction sont classés en coûts ex ante (recherche, négociation) et ex post (surveillance). Leur niveau est influencé par la spécificité des actifs, l'incertitude des transactions et la fréquence des relations contractuelles, déterminant le choix entre marché, réseau ou hiérarchie. Ces approches sont dites "disciplinaires" car elles cherchent à garantir que les dirigeants agissent dans l'intérêt des actionnaires .
#### 3.2.2 Les approches partenariales de la gouvernance
Elles critiquent le modèle purement contractuel et financier, arguant que l'entreprise n'appartient pas aux seuls actionnaires mais est une création collective. L'approche partenariale conteste le statut de "créanciers résiduels" aux seuls actionnaires, suggérant que les autres parties prenantes (salariés, fournisseurs, etc.) doivent être associées au partage de la "rente organisationnelle" pour être incitées à accroître la valeur. La maximisation de la performance ne se mesure plus seulement par la valeur actionnariale mais par la "valeur partenariale" .
##### 3.2.2.1 Les parties prenantes et les typologies existantes
Les parties prenantes sont définies comme "un individu, ou un groupe d’individus, qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels". On distingue les parties prenantes volontaires/involontaires et internes/externes. La typologie primaire/secondaire est également pertinente. Les outils de mesure de la performance diffèrent selon la vision (actionnariale vs. partenariale), l'EVA étant plus adaptée à la première et le SPG à la seconde .
#### 3.2.3 Les approches cognitives de la gouvernance
Ces approches se concentrent sur la notion de "connaissance" et le processus de création de valeur, notamment par l'innovation et l'apprentissage organisationnel. Contrairement aux approches précédentes, elles adoptent une vision coopérative et dynamique, visant à favoriser l'émergence de nouvelles opportunités et l'alignement des schémas mentaux. L'invention d'opportunités peut se faire par le conseil aux dirigeants ou la connexion à l'environnement via les parties prenantes. L'alignement des schémas mentaux améliore la coordination et réduit les coûts de coordination .
#### 3.2.4 Théories de la gouvernance et mécanismes de gouvernance
Les théories débouchent sur des mécanismes de gouvernance variés, classés selon leur origine (interne/externe) et leur caractère (intentionnel/spontané) .
* **Mécanismes intentionnels spécifiques à la firme:** Systèmes formels d'incitation et de contrôle, systèmes de rémunération des dirigeants (ex. stock-options) .
* **Mécanismes intentionnels non spécifiques :** Environnement légal et réglementaire.
* **Mécanismes spontanés spécifiques à la firme :** Contrôle hiérarchique, surveillance mutuelle.
* **Mécanismes spontanés non spécifiques:** Marché des dirigeants, marché financier, marché des prises de contrôle, marché des biens et services .
Le modèle dominant, le "modèle anglo-saxon" (actionnarial, financier, boursier), privilégie la fonction "disciplinaire" pour résoudre les conflits entre managers et actionnaires .
### 3.3 Les modèles nationaux de gouvernance et leurs évolutions
La gouvernance d'entreprise présente une diversité de modèles nationaux, influencés par l'histoire, la culture, les institutions et la structure économique de chaque pays.
#### 3.3.1 La diversité des modèles de gouvernance
Bien qu'il y ait une convergence générale vers le modèle actionnarial anglo-saxon, des variations subsistent.
* **Modèle actionnarial (Anglo-saxon):** Dominant aux États-Unis et au Royaume-Uni, il est centré sur la discipline des dirigeants et la création de valeur pour l'actionnaire, régulé par les marchés financiers .
* **Modèle partenarial (Continental):** Caractérisé par la prise en compte des intérêts de différentes parties prenantes, notamment les salariés. L'Allemagne (avec la "Mitbestimmung" ou cogestion) et le Japon (historiquement) illustrent ce modèle, bien que le Japon évolue vers le modèle actionnarial .
* **Modèles alternatifs :**
* **Modèle réticulaire:** Présent en Italie et en Espagne, il est influencé par le poids des relations interpersonnelles et familiales ("capitalisme relationnel") .
* **Modèle administré:** Régulé par l'État, il est caractéristique des économies où l'État joue un rôle central, comme en France avec son approche "colbertiste" .
* **Modèle familial:** Le capital est détenu par une ou plusieurs familles, privilégiant une vision à long terme mais posant des problèmes de succession et de cession des droits de propriété .
#### 3.3.2 Les évolutions récentes de la réglementation en termes de gouvernance
Les crises financières ont mis en lumière les limites du modèle actionnarial et les défaillances des mécanismes de soutien (analystes, auditeurs). Des réformes législatives ont été entreprises aux États-Unis (Sarbanes-Oxley Act), en France (loi de sécurité financière, loi PACTE) et dans l'Union européenne (directive "Droits des actionnaires") .
* **Aux États-Unis:** Le Sarbanes-Oxley Act (SOA) renforce la responsabilité des dirigeants, l'exactitude de l'information, et l'indépendance des auditeurs. Des réflexions portent sur le dépôt de résolutions par les actionnaires et le rôle des agences de conseil en vote .
* **En France:** La loi NRE et la loi de sécurité financière ont renforcé la transparence et l'arsenal juridique. La loi PACTE consacre l'intérêt social et la "raison d'être" des entreprises, et renforce la place des administrateurs salariés .
* **Au niveau européen:** La directive "Droits des actionnaires" vise à harmoniser les pratiques et à faciliter l'exercice des droits des actionnaires .
* **Principes de gouvernance du G20 et de l'OCDE:** Ces principes, révisés régulièrement, encouragent la transparence, l'équité, la protection des droits des actionnaires et la prise en compte des autres parties prenantes .
#### 3.3.3 La gouvernance des entreprises publiques
La gouvernance des entreprises publiques pose des défis spécifiques en France, en raison de l'absence de définition juridique claire et de l'hétérogénéité des statuts (EPIC, sociétés d'économie mixte, sociétés privées à capital public). L'Agence des participations de l'État (APE) a été créée pour organiser la gouvernance et représenter les intérêts de l'État actionnaire. Les critiques portent sur la performance de l'État actionnaire, souvent jugé tatillon et opaque. L'alignement des modalités de gouvernance sur celles des entreprises privées est une tendance, mais la place des représentants des salariés reste un sujet délicat .
### 3.4 Les nouveaux enjeux de la gouvernance d'entreprise
#### 3.4.1 Les préoccupations de la gouvernance
La gouvernance intègre des préoccupations morales, d'équité et sociétales. L'éthique des administrateurs, la répartition plus équitable de la valeur créée, et le développement durable sont au cœur de ces enjeux. Le développement durable repose sur trois piliers: économique, social et environnemental .
#### 3.4.2 Le développement durable et la RSE
Le développement durable se traduit par des politiques de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) visant à "socialiser les marchés". La RSE implique que les entreprises prennent en compte leurs impacts sur leur environnement humain, social, politique et écologique, au-delà de la maximisation du profit. Bien que présentant une origine historique aux États-Unis, la RSE se diffuse en France avec des adaptations spécifiques. Les "marchés de la vertu" combinent objectifs sociaux et environnementaux avec la profitabilité .
* **Gouvernance et RSE:** La Commission européenne promeut une finance durable en luttant contre le court-termisme et en renforçant une gouvernance durable. Les codes de gouvernance évoluent pour intégrer les enjeux environnementaux et sociaux, la prise en compte des parties prenantes, la diversité et des structures de rémunération incluant des critères extrafinanciers. En France, les lois NRE, Grenelle I et II, et PACTE renforcent le reporting extrafinancier et la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie .
* **Les outils de mise en place:** La norme ISO 26000 fournit des lignes directrices sur la responsabilité sociétale, couvrant sept dimensions centrales. La notation extrafinancière évalue la responsabilité globale des entreprises .
#### 3.4.3 La gouvernance à l'heure de la digitalisation
La digitalisation bouleverse les modèles de gouvernance, notamment par le développement du big data, des algorithmes et des plateformes collaboratives (Uber, Airbnb). Les algorithmes redéfinissent la question de l'information et de la connaissance, influençant les décisions et le contrôle des agents. La technologie blockchain et les "smart contracts" offrent de nouvelles perspectives pour sécuriser les transactions et redéfinir la relation d'agence, en s'appuyant sur la transparence et la confiance dans le code plutôt que sur des instances centrales .
### 3.5 Gouvernance, comptabilité, audit et contrôle
La comptabilité, l'audit et le contrôle de gestion sont au cœur de la gouvernance d'entreprise.
#### 3.5.1 Gouvernance et politiques comptables
La comptabilité, notamment sous les normes IFRS, est un outil central de la gouvernance actionnariale, privilégiant l'investisseur. Cependant, la comptabilité n'étant pas une science exacte, des "politiques comptables" peuvent être mises en œuvre pour orienter l'appréciation des marchés financiers ou satisfaire des objectifs fiscaux. Cela peut aller de l'"habillage des comptes" (window dressing) au choix de méthodes comptables subjectives, en passant par la "gestion" des résultats (lissage). Les fraudes caractérisées, comme dans le cas Enron, représentent l'extrême limite de ces pratiques .
#### 3.5.2 Gouvernance et processus d'audit des comptes
L'audit est essentiel pour la gouvernance actionnariale, mais la pression pour des publications financières fréquentes peut encourager la créativité comptable. La qualité de l'audit dépend de la compétence et de l'indépendance des auditeurs, deux qualités parfois difficiles à concilier. Les comités d'audit jouent un rôle crucial en interne pour inciter à l'amélioration des processus, contrôler les auditeurs externes et réguler les conflits potentiels entre auditeurs et management .
#### 3.5.3 Gouvernance et contrôle
Le contrôle de gestion est intimement lié à la gouvernance, car il transpose les mécanismes de contrôle de la théorie de l'agence à l'échelon hiérarchique de l'entreprise. La délégation de responsabilités à différents niveaux crée des asymétries d'information et des risques de comportements opportunistes, que le système de contrôle vise à contrer par des incitations et des dispositifs de surveillance. La gouvernance, dans une perspective anglo-saxonne, repose sur des mécanismes externes (auditeurs, marchés), mais les crises récentes ont montré leurs limites, suggérant une remise en cause du "toujours plus" de contrôles et d'incitations, qui peuvent générer des effets pervers .
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Contrôle de gestion | Processus par lequel les managers influencent les autres membres de l'organisation pour mettre en œuvre les stratégies de l'organisation et atteindre les objectifs fixés. Il repose sur des techniques quantifiées et contractuelles pour un pilotage à distance. |
| Contrôle organisationnel | Ensemble des dispositifs formels et informels qui visent à encadrer les comportements des acteurs au sein d'une organisation pour assurer la cohérence des actions avec les objectifs globaux. Il inclut le contrôle de gestion mais aussi des éléments comme la culture d'entreprise ou les normes éthiques. |
| Pouvoir | Capacité d'un individu ou d'un groupe à influencer les décisions et les comportements des autres acteurs au sein d'une organisation, même contre leur volonté. Il peut émaner de la légitimité, du contrôle d'une ressource, de la proximité ou de la compétence. |
| Configurations de pouvoir | Différents modes d'articulation entre les acteurs internes (coalition interne) et externes (coalition externe) d'une organisation, influençant la manière dont le pouvoir est exercé et les décisions sont prises (exemples : autocratie, système clos, arène politique). |
| Rationalité limitée | Concept selon lequel les individus, en raison de leurs capacités cognitives et de l'information disponible, ne peuvent pas toujours prendre des décisions optimales, mais se contentent de solutions satisfaisantes. |
| Paradoxe de Condorcet | Phénomène révélant que l'agrégation des préférences individuelles rationnelles ne conduit pas nécessairement à une préférence collective rationnelle, pouvant mener à des résultats illogiques ou imprévisibles lors de processus de décision collective. |
| Gouvernance d'entreprise | Ensemble des mécanismes internes et externes qui encadrent et contrôlent les pouvoirs des dirigeants et leur latitude managériale, dans le but d'assurer la pérennité et la performance de l'entreprise, en tenant compte des intérêts des différentes parties prenantes. |
| Théorie de l'agence | Cadre théorique expliquant les relations entre un principal (ex: actionnaire) et un agent (ex: dirigeant), en reconnaissant des divergences d'intérêts et des asymétries d'information, et proposant des mécanismes de contrôle pour aligner leurs comportements. |
| Coût de transaction | Coûts associés à la mise en œuvre des échanges économiques, incluant les coûts ex ante (recherche, négociation) et ex post (surveillance, application des contrats), influencés par la spécificité des actifs, l'incertitude et la fréquence des relations. |
| Parties prenantes (Stakeholders) | Individus ou groupes qui peuvent affecter ou être affectés par les réalisations des objectifs organisationnels. Leur prise en compte est essentielle pour une gouvernance élargie et le développement durable. |
| RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) | Démarche volontaire des entreprises visant à intégrer des préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités et leurs relations avec leurs parties prenantes, allant au-delà des obligations légales et économiques. |
| ROI (Return On Investment) | Ratio de rentabilité économique mesurant le retour sur l'investissement, calculé par la division du bénéfice d'exploitation après impôts par les actifs investis. Il permet de comparer la performance d'entités de tailles différentes. |
| Bénéfice résiduel | Indicateur de performance mesurant la création de valeur d'une entreprise ou d'une partie de celle-ci après déduction de la rémunération des capitaux investis au coût moyen pondéré du capital. Un bénéfice résiduel positif indique une création de valeur. |
| Contrôleur de gestion | Professionnel dont le rôle est d'accompagner les managers dans le processus de contrôle de gestion, en participant à la prévision budgétaire, à l'analyse des écarts, au reporting et à la mise en place de procédures. |
| Méthode ABC (Activity Based Costing) | Méthode de calcul des coûts basée sur les activités, qui attribue les coûts indirects aux objets de coût (produits, services) en fonction des activités qui les consomment et des inducteurs de coût associés, cherchant une meilleure pertinence que les méthodes traditionnelles. |
| Gouvernance actionnariale | Modèle de gouvernance privilégiant les intérêts des actionnaires, où les mécanismes visent à discipliner les dirigeants et à sécuriser la rentabilité de l'investissement financier, principalement régulés par les marchés financiers. |
| Gouvernance partenariale | Approche de la gouvernance qui intègre les intérêts de l'ensemble des parties prenantes (salariés, fournisseurs, clients, etc.) dans la création et la répartition de la valeur, au-delà de la seule satisfaction des actionnaires. |
| Gouvernance cognitive | Approche de la gouvernance qui met l'accent sur la capacité de l'entreprise à acquérir, utiliser et enrichir des connaissances pour innover et s'adapter, favorisant ainsi la création de valeur durable. |