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Summary
# Les fondements politiques et juridiques de l'intégration européenne
Cette section explore les origines et les bases de l'intégration européenne, en commençant par la déclaration de Robert Schuman et en examinant l'évolution des fondements juridiques et des mécanismes qui ont façonné l'Union Européenne [1](#page=1) [2](#page=2) [3](#page=3) [4](#page=4) [5](#page=5).
### 1.1 Les fondements politiques et institutionnels de l'intégration
#### 1.1.1 La déclaration fondatrice du 9 mai 1950
Les fondements politiques de l'intégration européenne ont été posés par Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, inspirée par Jean Monnet. Ce projet visait à créer une union entre les peuples d'Europe, en s'intéressant aux individus. Le terme "intégration" désigne un processus de mutation menant à une association politique originale d'États membres, incluant leurs ressortissants, et le résultat de ce processus, visant une union toujours plus étroite entre les peuples européens [1](#page=1).
La déclaration proposait des actions concrètes aux partenaires allemands et aux autres pays européens, notamment la mise en commun des moyens de production dans les secteurs stratégiques du charbon et de l'acier après-guerre. L'objectif était de rendre toute guerre entre pays européens matériellement impossible, Schuman évoquant même une fédération européenne indispensable à la paix. Le traité CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) fut conçu comme une première étape vers cette fédération [1](#page=1).
La conférence du plan Schuman s'est ouverte en 1950 avec six États, le Royaume-Uni ne s'étant pas engagé en raison de son opposition à une entité supranationale. Le traité instituant la CECA fut signé le 18 avril 1952 par la France, la Belgique, l'Italie, la République Fédérale d'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg, et a pris fin en 2002 après 50 ans d'existence [1](#page=1).
Les travaux de David Mitrany sur le fonctionnalisme ont influencé ce projet, suggérant la création d'entités supranationales pour assurer des fonctions étatiques et les limiter à un rôle technique. Jean Monnet et Robert Schuman ont relayé cette idée, confiant à la CECA une politique commune technique et sectorielle dans le but de progresser vers une fonction plus politique [1](#page=1).
Cependant, certains, comme le professeur Vlad Constantinesco, ont critiqué cette méthode fonctionnaliste, arguant qu'elle laissait croire à une séparation possible entre le politique et l'économique, et que l'intégration économique ne peut réussir sans une communauté de destin entre les peuples [2](#page=2).
#### 1.1.2 L'originalité de la "méthode communautaire" et du cadre institutionnel
Le traité CECA a conféré l'essentiel des pouvoirs à une institution strictement indépendante des États membres, capable d'adopter des actes contraignants: la Haute Autorité. Composée de personnalités indépendantes, elle devait adopter les décisions juridiques s'imposant aux États et aux entreprises, son fondement étant la supranationalité. La supranationalité, définie par Pierre Pescatore comme un pouvoir réel et autonome au service d'objectifs communs à plusieurs États membres, était un concept clé [2](#page=2).
Autour de la Haute Autorité, le système institutionnel de la CECA comprenait :
* Le Conseil des ministres de la CECA, dont le pouvoir de décision était limité aux situations de crise [2](#page=2).
* La Cour de justice de la CECA (devenue la Cour de justice des Communautés Européennes), dotée d'une mission large et insuffisamment définie [2](#page=2).
* L'Assemblée parlementaire de la CECA, composée de représentants des États, avec un pouvoir de contrôle, notamment la possibilité d'une motion de censure contre la Haute Autorité [2](#page=2).
Ce système institutionnel n'a pas été reproduit dans les traités de Rome (CEEA et CEE) signés le 25 mars 1957, en raison d'un contexte politique moins favorable à la supranationalité, marqué par le rejet du projet de CED (Communauté Européenne de Défense) par l'Assemblée Nationale française en 1954 [2](#page=2).
Les traités CEE et Euratom ont entraîné un déplacement du centre de gravité institutionnel vers les États membres. La Commission européenne prévue dans ces traités s'est vue privée de pouvoirs de décision, transférés au Conseil des ministres, une institution intergouvernementale. La Commission a toutefois conservé son droit d'initiative pour les projets d'actes juridiques. Le terme "supranational" a disparu des traités de Rome. La Cour de justice et l'Assemblée parlementaire ont été maintenues [2](#page=2).
Les traités de Rome sont qualifiés de "traités-cadres", par opposition au traité de Paris (CECA) qui était un "traité-loi" avec des règles de fond détaillées. Les traités-cadres contiennent principalement des règles de procédure, servant de base à la coopération entre États, laissant le traité plus flou. La CECA, grâce à ses mécanismes de prise de décision, était particulièrement supranationale, les institutions se limitant à appliquer les règles du traité [2](#page=2).
La CEE a bénéficié d'une bonne dynamique institutionnelle. Le traité de Bruxelles a fusionné les exécutifs communautaires, remplaçant les six institutions antérieures par un Conseil et une Commission uniques pour les trois communautés. Au sein de la CEE, la Commission européenne était présentée comme une autorité administrative, technique et non politique, défendant l'intérêt général européen, dans une stratégie de dépolitisation des enjeux. Le Conseil des ministres a favorisé la création du COREPER (Comité des représentants permanents) pour négocier les projets d'actes juridiques, les ministres se concentrant sur les dossiers les plus sensibles, une stratégie qui a conduit à des critiques d'une Europe technocratique [3](#page=3).
#### 1.1.3 Les controverses autour de la méthode communautaire
La méthode communautaire est considérée comme le volet opérationnel du projet politique d'intégration, visant une Union sans cesse plus étroite entre les peuples européens. Elle se distingue de la méthode de coopération intergouvernementale des organisations internationales classiques, où les décisions sont prises à l'unanimité [3](#page=3).
Les caractéristiques de la méthode communautaire varient selon les auteurs [3](#page=3):
* La Commission européenne détient un pouvoir d'initiative monopolistique [3](#page=3).
* Le vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres est un marqueur fort de cette méthode [3](#page=3).
* La CJUE joue un rôle clé en ayant le monopole de la résolution des litiges entre États membres et de l'interprétation des traités [3](#page=3).
Les traités modificatifs ont entraîné des évolutions institutionnelles majeures, interprétées par la doctrine comme un affaiblissement de la méthode communautaire et un retour des États, remontant au traité de Lisbonne. La création de deux piliers intergouvernementaux (PESC - Politique Étrangère et de Sécurité Commune - et JAI - Justice et Affaires Intérieures -) dans le cadre du traité de Maastricht a affaibli la méthode communautaire. L'acquisition du statut d'institution européenne par le Conseil européen et la BCE avec le traité de Lisbonne suggère un essoufflement de la méthode communautaire au profit d'une coopération intergouvernementale [3](#page=3).
Cependant, l'opposition binaire entre méthode communautaire et intergouvernementale ne permet pas d'observer la véritable dynamique de l'action européenne, car les deux méthodes se conjuguent et participent à l'intégration. La coopération intergouvernementale est un préalable nécessaire à l'intégration communautaire, permettant d'intégrer des dispositions de traités internationaux dans le droit de l'Union. Par exemple, les accords de Schengen ont créé un espace sans contrôle aux frontières. Cette logique d'utilisation de la coopération des États comme des "laboratoires d'essais" permet d'innover et de tenter des expériences dans des domaines politiquement sensibles. La coopération intergouvernementale est donc nécessaire et ne doit pas être opposée à la méthode communautaire, ayant fait ses preuves dans des domaines variés comme les migrations, la police et la justice [3](#page=3) [4](#page=4).
En marge des traités, de nouveaux modes de gouvernance empruntent aux deux méthodes, ajoutant des techniques comme la "soft law", essentielle à la construction du droit de l'Union, en complément du droit contraignant. La dichotomie entre ces méthodes est à relativiser. L'ouvrage de Luuk Van Middelaar, "Quand l'Europe improvise", souligne l'importance de l'improvisation européenne et la fonction "fonctionnaliste" de la méthode communautaire dans le projet initial. Le projet de construction de l'UE est animé par une tension entre le projet confédéraliste et le projet fédéraliste (ou constitutionnel), impliquant la prise de décision politique et démocratique, avec une forte association du Parlement européen [4](#page=4).
### 1.2 Les fondements juridiques de l'intégration européenne
#### 1.2.1 Une intégration par le droit
L'intégration européenne repose sur des mécanismes juridiques spécifiques présents dans les traités, permettant aux institutions de l'Union de réaliser l'objectif d'une Union toujours plus étroite entre les peuples. Cette progressivité est au cœur de nombreuses dispositions des traités [4](#page=4).
Un exemple institutionnel est la prévision d'un Parlement européen dès l'origine des communautés européennes, dont l'élection au suffrage universel direct n'a été rendue possible qu'en 1979. L'article 201 du traité CEE prévoyait l'attribution de ressources propres au budget de la CEE, une caractéristique distinctive par rapport aux autres organisations internationales. Le système de ressources propres est propre à l'Union [4](#page=4).
Les traités originaires contiennent de nombreuses clauses évolutives, reflétant l'approche dynamique de la construction communautaire, avec des traités à durée de vie illimitée. Les clauses évolutives incluent [4](#page=4):
* Les clauses de rendez-vous dans les traités modificatifs, prévoyant une révision ultérieure des traités pour manifester la volonté des États de se retrouver [4](#page=4).
* La clause passerelle, utilisée dans un domaine politique donné, permet par exemple au Conseil européen, en vertu de l'article 48 paragraphe 7 du TUE, de passer d'un vote à l'unanimité à une majorité qualifiée pour faire progresser une politique [4](#page=4).
* L'article 25 du TFUE sur la citoyenneté de l'Union permet au Conseil de statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, pour compléter des droits des citoyens de l'Union [4](#page=4).
Ces processus, tout en permettant la prise de décision commune, ont souvent dépolitisé les débats au profit de consensus politiques, en appréhendant les enjeux par la technique juridique. Cette approche, autrefois efficace, est aujourd'hui dépassée, car l'intégration par le droit ne peut plus pleinement fonctionner en raison d'un décalage entre l'apparence technique des institutions de l'Union et l'importance politique des enjeux [5](#page=5).
#### 1.2.2 Une intégration par le droit soutenue et promue par la Cour de Justice de l'Union
La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE), située au Luxembourg, est composée de la Cour et du Tribunal de l'Union Européenne. Prévue dès l'origine dans le traité CECA, elle est devenue un puissant instrument d'intégration juridique, animée par une vision politique du système juridique des communautés européennes. Robert Lecourt, ancien président de la CJUE, a souligné son rôle essentiel dans l'unité du marché commun [5](#page=5).
La Cour a innové continuellement par l'usage de divers instruments juridiques pour l'instauration de nouveaux mécanismes d'intégration, notamment par la théorie du principe de primauté du droit de l'Union Européenne. La notion de "marchandise" est centrale dans les traités, visant la libre circulation. La Cour a défini la marchandise de manière évolutive [5](#page=5):
* Dans l'arrêt de 1968, elle a considéré les œuvres d'art, les animaux, le sang humain et les déchets comme des marchandises [5](#page=5).
* Cependant, les stupéfiants, les armes et le matériel de guerre ne doivent pas être considérés comme des marchandises [5](#page=5).
La Cour a également défini l'activité économique et la notion d'entreprise [5](#page=5).
### 1.3 La double dimension de l'évolution du droit matériel de l'Union
#### 1.3.1 La diversification du droit matériel de l'Union
Le droit matériel de l'Union a connu une diversification progressive au gré des apports et des nouveautés intégrées dans les traités modificatifs. Initialement, le traité instituant la CEE prévoyait des politiques dites "communes" [5](#page=5).
##### 1.3.1.1 Les "politiques communes" prévues à l'origine dans le traité instituant la CEE
La politique agricole commune (PAC) était l'une des politiques les plus importantes prévues dans le traité CEE, visant à étendre le marché commun à l'agriculture et au commerce des produits agricoles. L'établissement de la PAC a nécessité une longue période de transition de 12 ans, divisée en plusieurs étapes [5](#page=5).
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# L'évolution de la méthode communautaire et intergouvernementale
Voici un résumé détaillé sur l'évolution de la méthode communautaire et intergouvernementale.
## 2. L'évolution de la méthode communautaire et intergouvernementale
L'étude de l'évolution des méthodes de gouvernance de l'Union européenne révèle un passage progressif d'une approche supranationale à une coopération interétatique, tout en intégrant des éléments des deux systèmes.
### 2.1 Les fondements institutionnels de l'intégration et l'originalité de la méthode communautaire
Le traité CECA a marqué la naissance d'une nouvelle technique communautaire, caractérisée par la supranationalité. L'essence de cette approche résidait dans l'attribution de pouvoirs importants à une institution indépendante des États membres, la Haute Autorité. Cette autorité, composée de personnalités indépendantes (diplomates, syndicalistes, etc.), avait le pouvoir d'adopter des actes contraignants pour les États et les entreprises. La supranationalité, définie par Pierre Pescatore, juge à la CJCE, comme un pouvoir réel et autonome au service d'objectifs communs était au cœur de ce système [2](#page=2).
Le cadre institutionnel de la CECA comprenait également :
* Le Conseil des ministres de la CECA, dont le pouvoir de décision était limité aux situations de crise [2](#page=2).
* La Cour de justice de la CECA, qui deviendra la Cour de justice des Communautés Européennes, dotée d'une mission large et peu définie [2](#page=2).
* L'Assemblée parlementaire de la CECA, composée de représentants des peuples des États, disposant de pouvoirs de contrôle, y compris la motion de censure à l'encontre de la Haute Autorité [2](#page=2).
Cependant, ce modèle n'a pas été reproduit dans les traités de Rome (CEEA et CEE) signés le 25 mars 1957. Le contexte politique défavorable, marqué par le rejet du projet de CED par l'Assemblée nationale française en août 1954, a entraîné un déplacement du centre de gravité institutionnel vers les États membres. La Commission européenne, prévue dans les traités de Rome, s'est vue privée de ses pouvoirs de décision, transférés au Conseil des ministres. Bien que la Commission ait conservé son droit d'initiative pour les projets d'actes juridiques, le terme "supranational" a disparu des traités de Rome. La Cour de justice et l'Assemblée parlementaire ont été maintenues dans ces nouvelles communautés [2](#page=2).
Les traités de Rome sont qualifiés de "traités-cadre", contrairement au traité de Paris qui était un "traité-loi" aux règles détaillées. La technique du traité-cadre a permis d'adopter des règles de procédure servant de base à la coopération entre États, laissant le traité plus flou [2](#page=2).
Le traité de Bruxelles, signé en 1965, a opéré la fusion des exécutifs communautaires, remplaçant les six institutions antérieures par le Conseil des Communautés Européennes et une Commission européenne pour les trois communautés. Dans la CEE, la Commission européenne a été présentée comme une autorité administrative technique, visant à dépolitiser les enjeux et à défendre l'intérêt général européen [3](#page=3).
Le Conseil des ministres a favorisé cette stratégie de dépolitisation en créant le COREPER (comité de représentants permanents), chargé de négocier les projets d'actes juridiques et de discuter les dossiers sensibles. Cette approche, bien que visant à forger des consensus et à faciliter la prise de décision, a alimenté la critique d'une gouvernance technocratique [3](#page=3).
### 2.2 Les controverses autour de la méthode communautaire
La méthode communautaire est considérée comme le volet opérationnel du projet politique d'intégration, visant à construire une union toujours plus étroite entre les peuples européens. Elle se distingue de la méthode de coopération intergouvernementale, utilisée dans les organisations internationales classiques où les décisions sont souvent prises à l'unanimité [3](#page=3).
Les caractéristiques distinctives de la méthode communautaire, selon les auteurs, incluent :
* Un pouvoir d'initiative quasi-monopolistique de la Commission européenne [3](#page=3).
* Le vote à la majorité qualifiée au Conseil des Ministres de l'Union [3](#page=3).
* Un rôle clé de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans la résolution des litiges entre États membres et dans l'interprétation des traités [3](#page=3).
Cependant, les modifications apportées par les traités successifs ont été interprétées par la doctrine comme un affaiblissement de la méthode communautaire au profit de la coopération intergouvernementale. Ce retour des États serait perceptible depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. La création des deux piliers intergouvernementaux (PESC, Justice et Affaires intérieures) dans le traité de Maastricht, ainsi que l'acquisition du statut d'institution européenne par le Conseil européen et la BCE avec le traité de Lisbonne, sont citées comme des exemples de cet essoufflement de la méthode communautaire au profit de la coopération intergouvernementale [3](#page=3).
> **Tip:** Il est important de noter que l'opposition binaire entre la méthode communautaire et intergouvernementale peut être simpliste. Les deux méthodes ne sont pas mutuellement exclusives et se conjuguent souvent pour faire avancer l'intégration européenne [3](#page=3).
### 2.3 La complémentarité entre méthode communautaire et coopération intergouvernementale
La coopération intergouvernementale est souvent vue comme un préalable nécessaire à l'intégration via la méthode communautaire. Les États négocient des traités internationaux dans le cadre intergouvernemental, avec l'espoir d'intégrer ultérieurement ces dispositions dans le droit de l'Union [3](#page=3) [4](#page=4).
> **Example:** Les accords de Schengen en sont une illustration: ils ont permis la création d'un espace sans contrôles d'identité aux frontières, une expérience menée en marge des traités et qui a pu ensuite être intégrée dans le droit communautaire [4](#page=4).
La coopération intergouvernementale agit ainsi comme un laboratoire d'expérimentation, permettant d'innover et de tenter des expériences dans des domaines politiquement sensibles, tels que la migration, la police et la justice. Par conséquent, il ne faut pas opposer frontalement ces deux méthodes [4](#page=4).
En marge des traités, de nouveaux modes de gouvernance émergent, empruntant aux deux méthodes et intégrant de nouvelles techniques, comme les instruments de "soft law". Ces instruments, combinés au droit contraignant, sont essentiels à la construction du droit de l'Union [4](#page=4).
La dichotomie entre ces deux méthodes doit être relativisée. Luuk Van Middelaar, dans son ouvrage "Quand l'Europe improvise", souligne que l'Europe improvise beaucoup et que la méthode communautaire avait initialement une fonction "fonctionnaliste". La construction de l'UE est animée par des projets confédéralistes et fédéralistes (ou constitutionnels), impliquant une prise de décision politique et démocratique associant fortement le Parlement européen [4](#page=4).
### 2.4 Les fondements juridiques de l'intégration européenne
L'intégration européenne repose sur un mécanisme juridique particulier, présent dans les traités, qui permet aux institutions de l'Union de poursuivre l'objectif d'une union sans cesse plus étroite. Cette progressivité se retrouve dans de nombreuses dispositions [4](#page=4):
* **Le Parlement européen:** Dès l'origine, les traités ont prévu un Parlement européen, dont l'élection au suffrage universel direct n'a été possible qu'en 1979 [4](#page=4).
* **Le système de ressources propres:** L'article 201 du traité CEE prévoit l'attribution de ressources propres au budget de la CEE, ce qui distingue spectaculairement la CEE des autres organisations internationales de l'époque. Ce système budgétaire est propre à l'Union [4](#page=4).
* **Les clauses évolutives:** Les traités européens, d'une durée de vie illimitée, contiennent de nombreuses clauses évolutives qui défendent l'approche progressive de la construction communautaire. Les "clauses de rendez-vous" prévoient la révision ultérieure des traités, marquant la volonté des États de se retrouver [4](#page=4).
* **La clause passerelle:** Cette expression, retenue par la doctrine, permet au Conseil européen, dans certains domaines et pour des politiques spécifiques, de passer d'un vote à l'unanimité à un vote à la majorité qualifiée, facilitant ainsi l'adoption d'actes juridiques. Un exemple est l'article 48 paragraphe 7 du TUE [4](#page=4).
* **La citoyenneté de l'Union:** L'article 25 du TFUE permet au Conseil de statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, d'annuler des dispositions visant à compléter les droits des citoyens de l'Union [4](#page=4).
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# La diversification et l'approfondissement du droit matériel de l'Union
Cette partie examine l'évolution du droit matériel de l'Union européenne à travers la diversification des politiques et l'approfondissement des compétences, notamment suite au Traité de Lisbonne.
### 3.1 La diversification du droit matériel de l'Union
La diversification du droit matériel de l'Union européenne s'est déroulée en plusieurs étapes, marquées par l'intégration de nouvelles politiques au fil des traités modificatifs. Initialement axée sur le marché commun, l'Union a progressivement étendu son champ d'action.
#### 3.1.1 Les politiques communes prévues à l'origine dans le traité instituant la CEE
Le traité instituant la CEE prévoyait des politiques communes, soulignant leur importance pour la construction européenne.
* **La politique agricole commune (PAC)**: Prévue dès l'origine (article 38 du traité CEE), la PAC visait à intégrer l'agriculture et le commerce des produits agricoles dans le marché commun. Elle a été mise en place progressivement sur une période de transition de 12 ans. Son ossature était constituée par les Organisations Communes de Marché (OCM). La PAC a combiné une approche libérale avec un fort interventionnisme économique, incluant des aides à la production et des prix agricoles de référence servant de "filet de sécurité". Cependant, elle a connu des problèmes de coût financier élevé et de "crise des excédents agricoles", menant à une réforme majeure en 1992, qui a remplacé les aides à la production par un paiement unique et introduit l'"éco-conditionnalité". La PAC actuelle intègre des primes pour les producteurs participant à des programmes environnementaux ("éco-régimes"), récompensant les services environnementaux rendus. Bien que la PAC ait une spécificité, celle-ci s'est érodée au profit du droit commun de la libre circulation des marchandises. Les objectifs initiaux de la PAC (accroître la productivité, assurer un niveau de vie équitable, garantir des prix raisonnables aux consommateurs) demeurent, avec une importance accrue accordée à la protection de l'environnement et de la santé publique. Le Traité de Lisbonne a classé la PAC et la pêche parmi les compétences partagées entre l'Union et les États membres, une décision contestée par certains États en raison des coûts budgétaires importants de la PAC pour l'Union (un tiers du budget). Le cadre financier annuel est de 174 milliards d'euros, dont 33% sont destinés à la PAC [5](#page=5) [6](#page=6).
* **La politique commune des transports**: Initialement prévue par l'article 74 du traité CEE, elle entretenait une relation symbiotique avec le principe de libre circulation des marchandises. Les débuts furent peu concluants, les États membres se désintéressant de la problématique, souhaitant sauvegarder leurs obligations de service public dans le secteur. La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a joué un rôle clé, notamment après un arrêt en 1985 constatant une absence d'action du Conseil, poussant ce dernier à agir dans le domaine des transports routiers et internationaux. Une politique des transports plus affirmée n'a émergé qu'à partir des années 90. Le transport aérien est resté à l'écart de la construction européenne jusqu'à ce que la CJUE consacre, dans un arrêt de 1986 ("Nouvelles Frontières"), l'applicabilité des règles de concurrence aux transports aériens. Cela a conduit à l'adoption de règlements permettant des tarifs réduits et, par la suite, à des règles d'indemnisation pour les passagers en cas de retards ou d'annulations [6](#page=6) [7](#page=7).
* **La politique commerciale commune (PCC)**: Issue de la volonté de créer une Union douanière et un tarif douanier commun, la PCC a été établie dès le traité CEE (article 111) pour régir les relations des États membres avec les États tiers. Elle constitue une compétence exclusive de l'UE (article 3, paragraphe 1, du TFUE). Initialement axée sur les questions tarifaires et les accords commerciaux, son domaine s'est élargi pour inclure les mesures de défense commerciale (lutte contre le dumping et les suspensions). La CJUE a joué un rôle essentiel dans l'interprétation et l'extension du domaine de la PCC, notamment en l'étendant aux investissements directs étrangers. Le Traité de Lisbonne a clarifié et étendu la PCC aux investissements directs étrangers, confirmant sa compétence exclusive [7](#page=7) [8](#page=8).
* **La formation professionnelle (FP)**: L'article 128 du traité CEE de 1957 prévoyait une politique commune de formation professionnelle. Le "fond social" a été institué pour promouvoir l'emploi et la mobilité des travailleurs, ainsi que pour aider à la reconversion et à la rééducation professionnelle. La politique a pris une dimension nouvelle avec le traité de Maastricht, mettant l'accent sur l'adaptation des travailleurs aux mutations des entreprises. Il est devenu un instrument financier majeur, avec un budget de 87 milliards d'euros pour la période 2021-2027 [8](#page=8).
#### 3.1.2 La définition et la mise en place des politiques d'accompagnement du marché intérieur (Acte Unique européen)
L'Acte Unique européen (AUE) de 1986 a marqué une étape majeure dans la diversification du droit matériel communautaire, visant à parachever le marché intérieur et à revitaliser la construction européenne. Il a été négocié dans un contexte d'essoufflement de la construction européenne, dû à la stagnation de l'Union douanière et aux obstacles au commerce maintenus par les États membres [9](#page=9).
* **Politique sociale communautaire**: L'AUE a permis au Conseil des ministres d'adopter des mesures tendant à protéger la sécurité et la santé des travailleurs à la majorité qualifiée, rompant ainsi avec l'exigence d'unanimité qui paralysait l'adoption des directives sociales, notamment en raison du blocage du Royaume-Uni [9](#page=9).
* **Politique de cohésion économique et sociale**: Un chapitre entier de l'AUE a été consacré à cette politique, visant à réduire les écarts de développement entre les régions de l'UE et le retard des régions les plus pauvres et moins développées. Des financements substantiels ont été attribués, coordonnés notamment par Jacques Delors [9](#page=9).
* **Politique de recherche et développement technologique**: L'AUE a lancé les programmes cadres de recherche et développement technologique. Le budget pour la période 2021-2027 s'élève à 95 milliards d'euros. L'UE a également développé des projets comme le système "Galileo" [9](#page=9).
* **Politique de protection de l'environnement**: L'AUE a vu l'adoption de mesures de protection environnementale basées sur des principes clés tels que la correction par priorité à la source et le principe du pollueur-payeur. Le principe de précaution a été ajouté ultérieurement par le traité de Maastricht. L'AUE a également introduit une clause de cohérence, intégrant les exigences environnementales dans toutes les autres politiques de la CEE [10](#page=10).
Ces politiques visaient à accompagner la réalisation du marché intérieur, son optimisation et la fluidité de la libre circulation des marchandises. Elles ont marqué un dépassement de la vision purement économique, s'appuyant sur des concepts détachés de la sphère économique et s'inscrivant dans un projet de société plus vaste, promouvant un "bien commun européen" [10](#page=10).
#### 3.1.3 La consolidation de la diversification matérielle des politiques de l'Union par le traité de Maastricht
Le traité de Maastricht a consolidé la diversification matérielle des politiques de l'Union, étendant le champ du droit de l'Union et consacrant la diversité politique de l'Union. Il a notamment acté l'adoption de la monnaie unique et l'institution de la citoyenneté de l'Union européenne. La Communauté européenne a vu ses compétences étendues, et l'adjectif "économique" a été retiré, ouvrant la voie à des politiques centrées sur la protection des personnes [10](#page=10).
* **Réseaux transeuropéens (RTE)**: Consacrés dans le titre 12 du traité de Maastricht, les RTE visent à renforcer la cohésion économique et sociale en développant les infrastructures dans les secteurs clés tels que les transports, les télécommunications et l'énergie. Le traité a créé le Fonds de cohésion, destiné aux pays de l'Est et aux pays les plus pauvres d'Europe (Grèce, Espagne, Irlande, Portugal) pour financer des projets d'infrastructures et les aider à affronter les contraintes macro-économiques liées à l'euro, ainsi que pour des projets environnementaux. Le label Projet d'Intérêt Commun (PIC) favorise la modernisation des infrastructures et l'engagement des investisseurs privés [11](#page=11).
### 3.2 L'approfondissement du droit matériel de l'Union résultant du traité de Lisbonne
Le Traité de Lisbonne a marqué une étape significative dans l'approfondissement du droit matériel de l'Union, en orientant l'intérêt vers les personnes physiques, citoyens de l'UE ou non. Cela représente un déplacement majeur par rapport aux débuts de la construction communautaire, centrés sur la circulation des marchandises [11](#page=11).
* **Politiques centrées sur la protection et les besoins des personnes** :
* **Protection de la santé publique** (Article 168 TFUE): L'inclusion de ce domaine a été une évolution remarquable, passant d'une compétence étatique à une compétence de l'UE, justifiée par une approche collective de la santé comme un bien commun [11](#page=11).
* **Protection des consommateurs** (Article 169 TFUE): Cette politique a connu un regain d'intérêt, notamment après la crise de la "vache folle" [12](#page=12).
* **Protection civile** (Article 196 TFUE): L'UE complète et soutient l'action des États dans la prévention des risques et l'intervention en cas de catastrophe [12](#page=12).
* **Éducation, formation professionnelle, jeunesse** (Article 126 traité CEE): L'action de l'UE vise à développer l'aspect européen de l'éducation par l'apprentissage des langues, la mobilité des étudiants et enseignants, et la reconnaissance des diplômes [12](#page=12).
* **Asile et immigration** (Articles 77 à 80 TFUE): Ces articles, héritiers du traité d'Amsterdam, montrent l'implication croissante du droit de l'UE dans des matières qui semblaient auparavant exclusivement étatiques, contribuant à la formation d'un droit civil et pénal européen. Des exemples incluent le règlement sur la loi applicable au divorce et le règlement sur la compétence et l'exécution des décisions en matière matrimoniale [12](#page=12).
Le droit de l'Union se développe et s'approfondit grâce à une législation de plus en plus dense et à la jurisprudence de la CJUE, qui donne de l'importance à certains concepts et notions [12](#page=12).
#### 3.2.1 Illustration 1 : le droit de la politique commerciale
La PCC est l'une des premières politiques communes, dont le contenu et la nature de la compétence ont été précisés en faveur d'une puissance accrue pour l'UE. Les traités initiaux étaient laconiques, mais la CJUE, par sa jurisprudence, a affirmé la nature englobante de la PCC, considérant que l'énumération des objets de cette politique n'était pas limitative. La CJUE a permis à la Communauté d'adopter des instruments de coopération au développement dans le cadre de la PCC. Le traité de Lisbonne a officialisé la PCC comme domaine de compétence exclusive de l'UE, confirmant ce que la CJUE avait déjà affirmé [12](#page=12) [13](#page=13).
#### 3.2.2 Illustration 2 : le droit de la politique énergétique de l'UE
Avant le traité de Lisbonne, il n'existait pas explicitement de compétence de l'UE pour une politique commune de l'énergie, bien que le domaine ait été touché ponctuellement par le droit du marché intérieur ou l'article 308 du traité CE. Le traité de Lisbonne a fait de l'énergie un domaine de compétence partagée avec les États, visant quatre objectifs: bon fonctionnement du marché, sécurité d'approvisionnement, efficacité énergétique et développement des énergies nouvelles et renouvelables, et interconnexion des réseaux. L'article 194 TFUE insiste sur l'esprit de solidarité entre les États membres [13](#page=13).
* **Solidarité énergétique**: L'article 194 TFUE, en lien avec l'article 122 TFUE, permet des actions communes en cas de graves difficultés d'approvisionnement, notamment dans le domaine de l'énergie. Cette solidarité a été mise en œuvre par des règlements visant à garantir l'approvisionnement continu en gaz et l'assistance mutuelle en cas de crise électrique. Suite à l'invasion de l'Ukraine, la Commission a adopté des mesures pour rendre l'UE indépendante des combustibles russes, renforçant la solidarité entre États membres [13](#page=13) [14](#page=14).
* **Jurisprudence de la CJUE**: La CJUE a interprété l'esprit de solidarité comme un principe énergétique normatif et justiciable, impliquant des obligations d'assistance mutuelle non seulement en cas de crise mais aussi en période normale. Elle a précisé que ce principe impose de tenir compte des intérêts des autres États et de l'UE dans les décisions prises, afin de prévenir les situations de crise [14](#page=14).
L'évolution du droit matériel de l'Union a conduit à une spécialisation, voire une hyperspécialisation, du droit matériel de l'Union [15](#page=15).
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# Illustrations spécifiques : politique commerciale et politique énergétique
Cette section examine en détail deux domaines clés de l'Union européenne : la politique commerciale commune, son évolution et son caractère exclusif, ainsi que la politique énergétique, introduite par le traité de Lisbonne et fondée sur le principe de solidarité entre États membres.
### 4.1 La politique commerciale commune
La politique commerciale commune est l'une des premières politiques communes mises en place par les traités initiaux de la Communauté économique européenne (CEE). Son contenu s'est considérablement étoffé au fil du temps, et la nature de la compétence de l'UE en matière commerciale a été précisée, renforçant ainsi la puissance de cette politique [12](#page=12).
#### 4.1.1 Évolution et caractère exclusif de la politique commerciale
Initialement, les traités de la CEE étaient plutôt succincts concernant la définition de la politique commerciale, se limitant à mentionner des principes uniformes pour les modifications tarifaires, la conclusion d'accords commerciaux, les politiques d'exportation, les mesures de défense commerciale et les subventions [12](#page=12).
La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a joué un rôle déterminant dans l'expansion de la politique commerciale commune par sa jurisprudence. Dans son avis du 4 octobre 1979, la Cour a affirmé qu'il n'y avait pas lieu d'interpréter restrictivement la notion de politique commerciale, car l'énumération des objets de cette politique n'était pas limitative. Elle s'est appuyée sur la lettre de l'article 113 du traité CEE pour étayer cette affirmation [12](#page=12).
La CJUE a permis à la Communauté d'adopter des instruments de politique commerciale servant également une politique de coopération et de développement. Dans un arrêt du 26 mars 1987 (Commission contre Conseil), elle a considéré qu'il était possible de dépasser l'aspect purement commercial pour adopter des politiques de développement en faveur de certains pays [13](#page=13).
Le champ de la politique commerciale peut donc s'étendre bien au-delà des objets initialement prévus par le traité. La politique commerciale commune est désormais officiellement un domaine de compétence exclusive de l'UE, une confirmation de ce que la CJUE avait déjà affirmé. Dès 1975, la CJUE avait affirmé, dans son avis 1/75 du 11 novembre 1975 sur la conclusion d'arrangements dans le cadre de l'OCDE, que les articles 113 et 114 du traité CEE excluaient une compétence des États dans ce domaine. Cependant, c'est le traité de Lisbonne qui a officialisé cette exclusivité. Cette politique historique est devenue de plus en plus forte et dense au fil du temps, contribuant à faire de l'UE une puissance commerciale sur la scène internationale [13](#page=13).
> **Tip:** L'intervention de la CJUE a été cruciale dans l'expansion et la consolidation de la politique commerciale commune, transformant une compétence initialement définie de manière restrictive en une compétence exclusive et puissante pour l'UE.
### 4.2 La politique énergétique de l'UE
La politique énergétique de l'UE a été explicitement introduite par le traité de Lisbonne. Avant ce traité, il n'existait pas de compétence explicite de l'UE pour promouvoir, déterminer ou développer une politique commune de l'énergie. Le domaine de l'énergie était alors touché par le droit de l'UE de manière ponctuelle, principalement au titre du marché intérieur, de la libre circulation des marchandises et des produits, ou de l'article 308 du traité CE (qui permettait au Conseil d'adopter des actes nécessaires pour atteindre les objectifs des traités dans certains cas) [13](#page=13).
#### 4.2.1 Introduction par le traité de Lisbonne et principes fondamentaux
Le traité de Lisbonne a innové en faisant de l'énergie un domaine de compétence partagée entre l'UE et les États membres. L'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que la politique de l'UE dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, à atteindre quatre grands objectifs [13](#page=13):
* Assurer le bon fonctionnement du marché de l'énergie [13](#page=13).
* Garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique [13](#page=13).
* Promouvoir l'efficacité énergétique et le développement des énergies nouvelles et renouvelables [13](#page=13).
* Promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques [13](#page=13).
Cet article reflète la volonté des États membres de mener une action commune dans ce domaine, adoptée lors de négociations où des pays comme la Pologne et la Lituanie avaient exprimé leurs inquiétudes quant à la forte dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Russie. Les États membres ont veillé à ce que les règles de cette politique européenne n'affectent ni leur droit de déterminer les conditions d'exploitation de leurs ressources énergétiques, ni leur possibilité de choisir leurs sources d'énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique [13](#page=13).
Un élément central de l'article 194 TFUE est la référence à "l'esprit de solidarité entre les États membres". Cet article est à mettre en relation avec l'article 122, paragraphe 1, du traité, qui permet au Conseil de décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, de mesures appropriées en cas de graves difficultés survenant dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie [13](#page=13).
#### 4.2.2 Mise en œuvre et rôle de la jurisprudence
La référence à l'esprit de solidarité a été exploitée tant sur le plan législatif que par la CJUE [13](#page=13).
Sur le plan législatif, plusieurs mesures ont été adoptées pour garantir la sécurité et la solidarité dans le domaine de l'énergie. Un règlement notable est celui du 25 octobre 2007, visant à assurer un approvisionnement continu en gaz dans l'UE et imposant une véritable solidarité entre les États membres en cas de crise d'approvisionnement. Concernant le secteur de l'électricité, un règlement du 5 juin 2019 s'inscrit également dans cette recherche de solidarité, stipulant qu'en cas de crise électrique, les États doivent s'entraider mutuellement au moyen de mesures bilatérales convenues [13](#page=13) [14](#page=14).
Suite à l'invasion de l'Ukraine, qui a déstabilisé le secteur de l'énergie, la Commission a adopté dès le 8 mars 2022 des mesures visant à rendre l'UE aussi indépendante que possible des combustibles russes. Dans cette perspective, des propositions ont été faites en octobre 2022 pour renforcer la solidarité entre États membres. Les ministres européens de l'énergie sont parvenus à un accord en décembre 2022 sur trois règlements [14](#page=14):
* Un règlement visant à renforcer la solidarité entre États membres grâce à une meilleure coordination en matière d'achat de gaz [14](#page=14).
* Un cadre visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables au sein de l'UE [14](#page=14).
* Un mécanisme de correction du marché de l'énergie afin de protéger les citoyens et l'économie de l'UE contre des prix excessivement élevés [14](#page=14).
> **Tip:** Le principe de solidarité énergétique, intégré dans l'article 194 TFUE, est un pilier de la politique énergétique de l'UE, visant à assurer la stabilité et la sécurité de l'approvisionnement pour tous les États membres.
Avant même l'adoption de ces trois règlements, la référence à l'esprit de solidarité avait déjà été exploitée par la CJUE, tant par le Tribunal de l'Union européenne que par la Cour de justice elle-même [14](#page=14).
En septembre 2019, le Tribunal est intervenu suite à une requête de la Pologne contre une décision d'exécution d'une directive de la Commission, affirmant que cette décision n'avait pas été prise dans le respect de l'exigence de solidarité. Le Tribunal a annulé la décision de la Commission, estimant qu'elle avait été adoptée en méconnaissance du principe de solidarité énergétique tel que formulé à l'article 194, paragraphe 1, TFUE. Le Tribunal a élevé l'esprit de solidarité au rang de principe énergétique, déclarant qu'il découlait d'un principe plus général de solidarité entre les États à la base du système de l'UE. Il a précisé que ce principe comportait des droits et obligations tant pour l'UE que pour les États membres, instituant une sorte de principe de solidarité énergétique normatif et justiciable. Le Tribunal a précisé que ce principe impliquait des obligations d'assistance mutuelle entre les États membres dans le domaine de l'énergie, non seulement en cas de crise, mais aussi hors périodes de crise ou en période normale. Il a affirmé que ce principe ne saurait se limiter à des situations extraordinaires et était destiné à imprégner l'entièreté de la politique dans le domaine de l'énergie [14](#page=14).
Une conséquence concrète est l'obligation pour l'UE et les États membres, dans le cadre de leurs compétences respectives (compétence partagée), de tenir compte des intérêts des autres États dans les décisions qu'ils prennent [14](#page=14).
Cet arrêt du Tribunal a été contesté par l'Allemagne, qui est intervenue au soutien de la Commission. La CJUE, dans son arrêt, n'a pas remis en cause l'arrêt du Tribunal, mais est allée dans son sens. Elle a affirmé que le principe évoqué à l'article 194 TFUE est l'expression spécifique du principe général de solidarité entre États membres. Par conséquent, son application n'était pas limitée aux situations de crise ou d'urgence, et son application imposait l'adoption de décisions visant à prévenir des situations de crise. La jurisprudence a ainsi ouvert des perspectives favorables à ce principe, pleinement normatif, associé à des droits et obligations, et justiciable [14](#page=14).
> **Example:** L'annulation par le Tribunal de l'UE d'une décision de la Commission pour méconnaissance du principe de solidarité énergétique illustre comment ce principe, initialement formulé comme un objectif, est devenu un critère juridique contraignant qui impose des obligations concrètes aux acteurs de l'UE et aux États membres.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Intégration européenne | Processus par lequel une organisation d'intégration économique évolue vers une forme originale d'association politique impliquant les États membres et leurs ressortissants, visant une union toujours plus étroite entre les peuples européens. |
| Fonctionnalisme | Approche théorique suggérant que la création d'entités supranationales peut assurer des fonctions étatiques, en limitant initialement leur rôle à des aspects techniques, dans le but de favoriser une intégration progressive. |
| Supranationalité | Concept désignant un pouvoir réel et autonome exercé au service d'objectifs communs à plusieurs États membres, distinct du pouvoir intergouvernemental où les États conservent un contrôle plus direct sur les décisions. |
| Méthode communautaire | Mode de fonctionnement propre aux Communautés européennes, caractérisé par un pouvoir d'initiative monopolistique de la Commission européenne, le vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres et le rôle central de la Cour de Justice de l'UE pour l'interprétation des traités. |
| Coopération intergouvernementale | Mode de coopération entre États où ces derniers conservent leur souveraineté et prennent leurs décisions à l'unanimité, typique des organisations internationales classiques, souvent opposé à la méthode communautaire. |
| Soft law | Instruments juridiques non contraignants, tels que les recommandations ou les communications, qui jouent un rôle important dans la construction du droit de l'Union Européenne en orientant les politiques et les comportements. |
| Traité-loi | Type de traité, comme le traité CECA, qui contient des règles de fond détaillées que les institutions supranationales ont pour mission d'appliquer directement. |
| Traité-cadre | Type de traité, comme les traités de Rome (CEE, CEEA), qui établit des règles de procédure générales servant de base à la coopération entre États, laissant une marge de manœuvre pour l'adoption d'instruments conventionnels plus spécifiques. |
| Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) | L'institution judiciaire de l'UE, située à Luxembourg, composée de la Cour et du Tribunal, dont le rôle est d'assurer le respect du droit de l'UE dans l'interprétation et l'application des traités. |
| Principe de primauté | Principe du droit de l'Union Européenne selon lequel le droit de l'UE prime sur le droit national des États membres en cas de conflit. |
| Politique Agricole Commune (PAC) | Politique européenne visant à soutenir le secteur agricole par divers mécanismes, ayant évolué au fil du temps pour intégrer des considérations environnementales et de développement durable. |
| Dumping | Pratique commerciale consistant pour un exportateur à vendre un produit sur un marché étranger à un prix inférieur à celui pratiqué sur son marché intérieur, pouvant entraîner l'application de droits compensateurs. |
| Compétence exclusive | Domaines où seule l'Union Européenne est habilitée à légiférer et à adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant agir que dans la mesure où ils sont habilités par l'UE. |
| Compétence partagée | Domaines où l'Union Européenne et les États membres peuvent légiférer, mais où les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne. |
| Solidarité entre États membres | Principe fondamental de l'Union Européenne qui implique une coopération mutuelle et un soutien entre les États membres, particulièrement important dans des domaines comme l'énergie. |