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Summary
# Droit institutionnel de l'UE
Ce guide d'étude explore les fondements, l'évolution, les institutions, le processus décisionnel, la délimitation des compétences et l'impact des crises sur le projet européen, en mettant l'accent sur la nature juridique de l'Union européenne.
## L'émergence du projet européen
L'unification politique de l'Europe est un projet ancien, mais c'est après la Seconde Guerre mondiale que des réalisations concrètes ont vu le jour, guidées par la déclaration de Robert Schuman le 9 mai 1950. L'objectif premier était la réconciliation franco-allemande, l'économie servant de moyen à cette fin pacifique.
### Les prémices de la construction européenne (1948-1954)
Le Congrès de La Haye en mai 1948, réunissant la société civile européenne, a donné une impulsion initiale à la construction européenne. Il a révélé une fracture entre unionistes et fédéralistes, mais a néanmoins tracé la direction vers l'union des nations européennes.
* **1. La CECA** : Créée par le traité de Paris du 18 avril 1951 entre six États (France, RFA, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), la Communauté européenne du charbon et de l'acier visait à rendre la guerre entre ces pays industriellement impossible en créant un marché commun du charbon et de l'acier. Elle a posé les bases des institutions actuelles de l'UE (Haute Autorité ancêtre de la Commission, Conseil des ministres, Assemblée commune ancêtre du Parlement européen, Cour de justice).
* **2. L'échec de la Communauté européenne de défense (CED)** : Suite au succès de la CECA, une tentative de prolonger la collaboration dans le domaine de la défense a mené au projet de CED en 1952. Ce projet ambitieux, qui prévoyait une intégration supranationale avec un commissariat européen, a échoué en raison de son rejet par l'Assemblée nationale française le 30 août 1954, sous la pression des partis anti-européens. Parallèlement, un projet de Communauté politique européenne, plus vaste, a également été abandonné.
### L'acte fondateur de Rome
L'échec de la CED a montré que l'heure de l'Europe politique n'était pas encore venue. Les partisans de l'Europe ont repris la méthode de Schuman en se concentrant sur de nouveaux secteurs :
* **1. La CEAA (Communauté européenne de l'énergie atomique)** : Signée à Rome le 25 mars 1957, la CEAA, également appelée Euratom, visait à garantir l'autonomie énergétique de l'Europe dans le domaine nucléaire civil. Son objectif était de réguler la distribution du combustible nucléaire.
* **2. La Communauté économique européenne (CEE)** : Signée le 25 mars 1957, la CEE a institué un marché commun, dépassant les modèles de zones de libre-échange et d'unions douanières. Elle reposait sur les quatre libertés : libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. La CEE a également instauré des politiques communes dans les domaines commercial, agricole (PAC) et des transports. Cependant, comparées à la CECA, la CEE et la CEAA révélaient un retour vers un modèle moins intégré, avec un pouvoir décisionnel moins prononcé pour la Commission au profit du Conseil.
### L'Acte Unique européen : le marché unique
En 1986, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, a lancé l'objectif de parfaire le marché intérieur pour 1993, éliminant les barrières techniques, fiscales et réglementaires subsistantes. L'Acte Unique européen, signé en février 1986, a également introduit trois nouvelles politiques : cohésion économique et sociale, environnement, et recherche et développement technologique.
## L'avènement d'une union politique
À la fin des années 1980 et début 1990, bouleversées par la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS, la CEE s'est trouvée à la croisée des chemins, face au choix entre élargissement et approfondissement.
### Traité de Maastricht et création de l'UE
Signé le 7 février 1992, le traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er novembre 1993, a marqué un tournant majeur :
* **1. La création de l'UE** : Une nouvelle entité, l'Union européenne, a été créée, destinée à englober les trois communautés européennes existantes.
* **2. L'Union économique et monétaire (UEM)** : Maastricht a appelé à la création d'une monnaie unique, l'Euro, et a prévu la coordination des politiques économiques des États membres, soumises à un Pacte de stabilité et de croissance.
La structure de l'UE a été illustrée par l'image d'un temple grec à trois piliers : les Communautés européennes (1er pilier), la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC, 2ème pilier), et la Coopération en matière de justice et d'affaires intérieures (3ème pilier). Les deux derniers piliers restaient gouvernés par la méthode intergouvernementale, tandis que le premier pilier reposait sur la méthode communautaire (supranationalité, intégration, effet direct et primauté des normes).
### La problématique de l'élargissement
L'élargissement accéléré après 1990 a posé de nouvelles difficultés institutionnelles, nécessitant des réformes.
* **1. Le traité d'Amsterdam** : Entré en vigueur en 1999, il a adopté la structure en trois piliers, créé un espace de liberté, de sécurité et de justice, renforcé la politique de l'emploi, consacré les coopérations renforcées et instauré une procédure de sanction contre les États membres qui violeraient les principes de l'État de droit. Il a également prévu la nomination d'un "Haut représentant de la politique étrangère et de sécurité commune".
* **2. Le traité de Nice** : Signé en février 2001, ce traité a tenté de répondre aux points restants de réforme, notamment la taille de la Commission, la pondération des voix au Conseil et l'extension du vote à la majorité qualifiée. Bien qu'ayant consacré le droit de chaque État membre à avoir un commissaire et modifié la pondération des voix, il a été considéré comme un demi-échec en raison de l'insuffisance des réformes et du maintien de l'unanimité dans de nombreux domaines clés.
### L'échec de la tentative de Constitution de l'Union
Face aux limites du traité de Nice, le Conseil européen d'Alexandrie en 2001 a convoqué une convention pour doter l'UE d'une Constitution.
* **1. Le rejet du projet de "Constitution européenne"**: Le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le 29 octobre 2004, visait à remplacer les traités précédents et à simplifier l'architecture juridique de l'UE. Il introduisait notamment la figure du Président du Conseil européen et du Ministre des affaires étrangères de l'Union. Son rejet par référendum en France et aux Pays-Bas a mis fin à ce projet [2005](#page=2005).
* **2. Le traité de Lisbonne** : Signé le 13 décembre 2007, le traité de Lisbonne a repris l'essentiel du volet institutionnel des travaux de la Convention, mais sous la forme d'un traité modificatif et non d'une Constitution. Il a conféré à l'UE la personnalité juridique, généralisé la procédure de codécision (devenue procédure législative ordinaire), renforcé le rôle du Parlement européen et la Charte des droits fondamentaux a acquis la même valeur juridique que les traités. La procédure de ratification a été complexe, marquée par le rejet initial de l'Irlande, suivie d'un nouveau vote positif.
## Identité politique de l'Union
L'identité politique de l'UE, comprise comme son régime politique, demeure incertaine.
### Absence de régime politique identifié
L'architecture institutionnelle de l'UE ne permet pas de la rattacher clairement à une catégorie politique existante.
* **1. L'absence de séparation organique des pouvoirs** : Il n'y a pas de séparation organique stricte entre l'exécutif et le législatif. La fonction législative est partagée entre le Parlement et le Conseil, tandis que la fonction exécutive est exercée conjointement par les États membres (via le Conseil) et la Commission.
* **2. Un régime parlementaire en devenir ?** : Des traits communs avec un régime parlementaire existent, tels que l'élection du président de la Commission par le Parlement. Cependant, l'absence de droit de dissolution du Parlement par l'exécutif européen empêche une qualification parlementaire stricte.
### L'identité axiologique (valeurs) de l'Union
L'UE est fondée sur des valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme.
* **a. Une Union assise sur des valeurs** : Le respect de ces valeurs est une condition d'adhésion (article 49 du TUE) et de maintien dans l'Union.
* **b. La projection des valeurs européennes** : La diplomatie européenne vise également à promouvoir activement ces valeurs dans ses accords externes.
* **2. La défense des valeurs européennes** : Le respect de ces valeurs doit être constant après l'adhésion. L'article 7 du TUE prévoit une procédure de sanction en cas de violation grave et persistante. Le règlement de 2020 sur la conditionnalité des fonds européens renforce cet arsenal en liant le versement des fonds au respect de l'État de droit.
## L'impact des crises sur le projet européen
Jean Monnet affirmait que "L'Europe se fera dans les crises et sera la somme des réponses apportées à ces crises". Historiquement, certaines crises ont stérilisé le processus d'intégration (crise de la chaise vide), tandis que d'autres, plus récemment, ont révélé la résilience de l'UE et agi comme des catalyseurs d'intégration.
### Les crises, des facteurs d'intégration ?
* **1. Crise financière de 2008** : Elle a conduit à l'adoption du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) en 2012, renforçant la rigueur budgétaire. Le programme OMT de la BCE en 2012, validé par la CJUE en 2015, a permis de stabiliser les marchés financiers.
* **2. La crise de la Covid-19** : Bien que la compétence sanitaire relève principalement des États membres, l'UE a joué un rôle de coordination dans les achats groupés de médicaments et l'action du mécanisme européen de protection civile. Sur le plan économique, le plan de relance "NextGenerationEU" de 750 milliards d'euros, adopté en 2020, a marqué une étape vers un fédéralisme budgétaire potentiel, avec une mutualisation partielle de la dette et des transferts budgétaires.
### Les crises, des facteurs d'élargissement ?
Les guerres, notamment celles de l'ex-Yougoslavie et la guerre en Ukraine, ont favorisé le processus d'élargissement de l'UE. L'UE a joué un rôle clé dans le processus de paix dans les Balkans, conduisant à l'adhésion de la Slovénie et de la Croatie. La candidature de l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, suite à l'invasion russe, témoigne de cette dynamique, bien que les procédures d'adhésion soient longues et complexes, soumises aux critères de Copenhague et à des négociations sur 35 chapitres [2004](#page=2004) [2013](#page=2013).
## Chapitre 1 : La nature juridique de l'Union européenne
La nature juridique de l'UE est complexe et débattue, ne correspondant parfaitement à aucune catégorie juridique classique (État, confédération).
### Une union d'États
L'UE, tout en aspirant à une intégration poussée, reste fondamentalement une union d'États souverains.
* **A. L'impossibilité de rattachement de l'UE à la catégorie d'État** : Malgré les aspirations fédéralistes de certains pères fondateurs et les symboles d'État dont l'UE s'est dotée (drapeau, hymne, devise), elle ne possède pas de Constitution au sens formel. Le projet de Constitution européenne a été rejeté. Juridiquement, l'UE est qualifiée de "cadre constitutionnel" par la CJUE, mais pas d'État au sens strict, notamment en raison de l'absence d'un peuple européen unique et d'une loi fondamentale unilatérale émanant de ce peuple.
* **B. Le très discutable rattachement à la catégorie des confédérations** : L'UE présente certaines caractéristiques des confédérations (organisation internationale, fondement sur des traités, respect de la souveraineté des États membres, droit de retrait). Cependant, des éléments la distinguent fondamentalement : la citoyenneté européenne, la méthode communautaire (prise de décision à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité) et la primauté du droit communautaire sur le droit national.
### Une union de peuples
L'UE aspire à être une démocratie représentative et participative.
* **A. La place du principe démocratique dans l'Union** :
* **1. Une démocratie européenne ?** : L'UE est une "démocratie de démocraties", ne rassemblant que des États démocratiques. Le principe démocratique est consacré par le TUE, avec une démocratie représentative (Parlement européen représentant directement les citoyens) et participative (consultation des citoyens et des corps intermédiaires, initiative citoyenne européenne).
* **2. Un déficit démocratique persistante ?** : Des critiques subsistent quant au poids inégal des voix au Parlement européen et à la responsabilité indirecte du Conseil devant les parlements nationaux.
* **B. La place des citoyens dans l'Union** :
* **1. La citoyenneté européenne** : Créée par Maastricht et précisée par Amsterdam, elle s'ajoute à la citoyenneté nationale et confère des droits, notamment la liberté de circulation et de séjour, le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales et européennes dans l'État membre de résidence, ainsi que le droit de pétition devant le Parlement européen et de saisir le Médiateur européen.
* **2. La protection des droits fondamentaux dans l'Union** : Initialement négligée au profit des libertés économiques, la protection des droits fondamentaux s'est renforcée avec le temps, culminant avec la Charte des droits fondamentaux de Nice, dont la valeur juridique contraignante a été reconnue par le traité de Lisbonne. La CJUE a joué un rôle déterminant dans la consécration de ces droits.
### L'Union européenne : une union à vocation fédérale
L'UE chemine vers une forme de fédéralisme, mais fait face à des obstacles politiques, juridiques et existentiels.
* **A. La destinée fédérale de l'union** : Les principes du fédéralisme (autonomie, superposition, participation) trouvent des échos dans l'organisation de l'UE, notamment dans la répartition des compétences et la structure bicamérale du pouvoir législatif.
* **B. Une fédération d'en nations ?** : La qualification de l'UE comme "fédération d'en nations" est débattue. Si certains théoriciens y voient un nouveau modèle politique, d'autres rejettent cette idée, notamment en raison de l'absence de constitution au sens strict, de la souveraineté des États membres et du droit de retrait inscrit à l'article 50 du TUE.
## Chapitre 2 : Les États membres de l'UE
L'UE est composée d'États membres souverains, dont le statut a été revalorisé depuis le traité de Maastricht.
### L'adhésion à l'UE
L'adhésion est un processus long et complexe, soumis à des critères stricts.
* **A. Les critères d'adhésion** :
* **1. Article 49 du TUE** : Tout État européen respectant les valeurs de l'article 2 peut demander à devenir membre. Trois conditions : être un État, être un État européen, et respecter les valeurs de l'UE.
* **2. Les critères de Copenhague** : Ils ajoutent des conditions pratiques : respect des principes démocratiques, de l'État de droit, des droits de l'homme, de la protection des minorités, existence d'une économie de marché viable, et capacité à assumer l'acquis communautaire.
* **3. Le critère de la capacité d'absorption** : L'UE doit pouvoir intégrer de nouveaux membres sans compromettre son propre approfondissement.
* **B. La procédure d'adhésion** : Elle comprend une phase interne aux institutions européennes (avis de la Commission, décision du Conseil à l'unanimité, approbation du Parlement européen) et une phase interétatique (négociations, signature et ratification des traités d'adhésion par tous les États membres).
* **C. L'élargissement de l'UE** : L'UE a connu plusieurs élargissements successifs, passant de 6 membres fondateurs à 27 aujourd'hui (suite au Brexit). Les perspectives d'élargissement futur incluent les Balkans occidentaux, la Turquie (dont le dossier est bloqué), l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Les mouvements séparatistes en Écosse et en Catalogne soulèvent des questions complexes quant à la possibilité pour des entités infra-étatiques de rejoindre l'UE en cas d'indépendance.
### Le statut de l'État membre
Le statut de l'État membre est marqué par un équilibre entre intégration européenne et respect de la souveraineté nationale.
* **A. Les obligations des États membres** :
* **1. Coopération loyale (ou fidélité)** : Les États membres doivent prendre toutes les mesures appropriées pour exécuter leurs obligations et faciliter l'accomplissement des missions de l'UE.
* **2. Confiance mutuelle** : Principe non expressément traité mais régulièrement invoqué, il repose sur l'idée que les États membres partagent des valeurs communes et peuvent se faire confiance mutuellement dans le respect du droit de l'Union.
* **B. Le respect de la souveraineté de l'État membre** :
* **1. Le principe d'égalité des États membres** : Les institutions comme le Conseil, le Conseil européen et la Commission sont organisées de manière à refléter cette égalité, bien que des mécanismes de pondération existent dans certains votes.
* **2. Le respect de l'identité nationale des États membres** : Ce principe, consacré par Maastricht, se traduit par le respect de la diversité culturelle et linguistique, et le droit pour chaque citoyen de s'adresser aux institutions dans sa langue nationale.
* **3. La consécration des fonctions essentielles de l'État** : Les traités reconnaissent que l'UE respecte les fonctions essentielles des États membres, notamment en matière de sécurité nationale, d'ordre public et d'intégrité territoriale.
### La suspension d'un État membre (et de ses droits)
Bien qu'il n'existe pas de procédure d'exclusion d'un État membre, le traité d'Amsterdam, complété par le traité de Nice, a introduit des procédures de sanction.
* **1. L'article 7 du TUE** : Il prévoit une procédure préventive (constatation d'un risque clair de violation grave des valeurs de l'UE) et une procédure répressive (constatation d'une violation grave et persistante). Ces procédures peuvent mener à la suspension de certains droits de l'État membre, y compris son droit de vote au Conseil.
* **2. L'alternative juridictionnelle** : En cas de violation du droit de l'UE, la Commission peut engager un recours en manquement devant la CJUE. De plus, le règlement de 2020 sur la conditionnalité des fonds européens permet de suspendre ou réduire les paiements budgétaires à un État membre en cas de constatation de violations de l'État de droit portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE.
## Chapitre 3 : Les Institutions européennes (de l'UE)
L'UE est dotée d'un ensemble d'institutions qui œuvrent à la réalisation de ses objectifs. L'équilibre des pouvoirs entre elles a évolué au fil des traités, renforçant notamment le rôle du Parlement européen.
### Le Parlement européen
Son ancêtre remonte à la CECA. Les traités de Rome ont créé une Assemblée fusionnée, qui a pris le nom de Parlement européen en 1962, officiellement reconnu en 1986 avec l'Acte Unique européen. Depuis le traité de Lisbonne, il assure la représentation directe des citoyens de l'UE.
* **A. Organisation du Parlement européen** : Il siège à Strasbourg (séances plénières), Bruxelles (réunions en commission) et Luxembourg (secrétariat général). Ses travaux sont organisés en périodes de sessions mensuelles. Sa composition a évolué avec les élargissements, le Brexit ayant entraîné une redistribution des sièges. La répartition est principalement basée sur la démographie, mais avec des déformations pour assurer une représentation des petits États.
* **B. Les attributions du PE** :
* **1. Les pouvoirs de délibération** : En matière législative, le PE est devenu un co-législateur de premier plan, participant à la procédure législative ordinaire au même titre que le Conseil. En matière budgétaire, il est devenu co-décideur depuis le traité de Lisbonne. Il dispose également d'un pouvoir d'approbation pour les accords externes importants.
* **2. La participation du Parlement au pouvoir de nomination** : Le PE élit le président de la Commission (proposé par le Conseil européen), approuve la Commission dans son ensemble et participe à la nomination des membres de la Cour des comptes et du directoire de la BCE. Il n'a cependant aucune compétence directe dans la nomination des magistrats de la CJUE.
* **3. Le contrôle politique opéré par le Parlement européen** : Le PE exerce un contrôle politique principalement sur la Commission (questions, commissions d'enquête, motion de censure), mais aussi, de manière plus limitée, sur le Conseil (droit d'information).
### Le Conseil européen
Désormais une institution reconnue par le traité de Lisbonne, le Conseil européen, qui réunit les chefs d'État ou de gouvernement, donne les impulsions politiques nécessaires au développement de l'Union et définit les orientations générales.
* **A. L'organisation du Conseil européen** : Composé des chefs d'État ou de gouvernement, de son Président, du président de la Commission et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune. Le Président du Conseil européen est élu à la majorité qualifiée pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. Il se réunit en principe quatre fois par an à Bruxelles.
* **B. Les fonctions du Conseil européen** : Il joue un rôle central dans les nominations institutionnelles, la révision des traités, l'approbation des nouvelles adhésions et la définition des priorités politiques. Il agit également comme une instance arbitrale dans les domaines où les États membres éprouvent des réticences à passer à la majorité qualifiée.
### Le Conseil (de l'Union européenne)
Souvent appelé "Conseil des ministres", le Conseil est une institution hybride, composée des représentants des gouvernements des États membres (pouvoir exécutif), mais exerçant une fonction législative en tant que co-législateur avec le Parlement européen.
* **A. Organisation du Conseil** : Il se réunit en différentes formations selon la thématique abordée (affaires générales, affaires étrangères, Écofin, etc.). La présidence du Conseil est assurée par rotation tous les six mois par un État membre, sauf exceptions (formation "affaires étrangères" présidée par le Haut représentant, et "Eurogroupe" présidé par son propre président). Le COREPER (Comité des représentants permanents) joue un rôle technique crucial en amont des réunions du Conseil.
* **B. Les attributions du Conseil** :
* **1. Les prérogatives du Conseil** : Il exerce conjointement avec le Parlement européen les fonctions législatives et budgétaires, et définit les politiques et assure la coordination des politiques nationales.
* **2. Les règles de vote** : Historiquement basé sur l'unanimité, le vote à la majorité qualifiée est devenu la procédure de droit commun depuis le traité de Lisbonne. Il repose sur un système de double majorité : 55% des États membres représentant 65% de la population de l'UE. Cependant, l'unanimité subsiste dans certains domaines sensibles.
### La Commission européenne
Souvent comparée au "gouvernement de l'UE", la Commission incarne l'intérêt général de l'Union et est indépendante des États membres.
* **A. Organisation de la Commission** : C'est une institution collégiale, dont les membres sont nommés pour cinq ans et sont collectivement responsables devant le Parlement européen. La question de sa taille est délicate, avec une tendance à l'égalité entre États membres (un commissaire par État) plutôt qu'à une pondération basée sur la démographie ou l'importance économique, ce qui soulève des questions de fonctionnement efficace. Le président de la Commission est élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen.
* **B. Les prérogatives de la Commission** :
* **1. Le pouvoir d'initiative de la Commission** : Elle détient un quasi-monopole de l'initiative législative, les autres institutions ne pouvant que l'inciter à proposer des actes législatifs.
* **2. La négociation des accords externes** : Elle négocie les accords externes de l'Union, sous réserve des directives du Conseil.
* **3. La Commission est gardienne des traités** : Elle veille à l'application du droit de l'UE et peut engager des recours en manquement contre les États membres.
* **4. Le pouvoir réglementaire de la Commission** : Elle exerce des fonctions d'exécution, principalement pour assurer l'application uniforme des actes de l'UE, et exécute le budget de l'Union.
* **5. Les fonctions de la Commission dans le cadre de l'UEM** : Elle a un rôle d'avis et de surveillance sur les politiques économiques et budgétaires des États membres de la zone euro.
### Les Institutions et organes chargés d'une mission de contrôle
* **A. La CJUE** : La Cour de justice de l'Union européenne assure le respect du droit de l'UE. Elle se compose de la Cour de justice et du Tribunal. Elle est compétente pour les recours en annulation, en carence, en responsabilité, les recours en manquement contre les États membres et les renvois préjudiciels des juridictions nationales.
* **B. La Cour des comptes** : Créée en 1975, elle contrôle les finances publiques de l'UE, la régularité des recettes et des dépenses. Elle n'a pas de pouvoir de sanction mais remet des rapports et avis aux autres institutions.
* **C. Le Médiateur** : Créé par le traité de Maastricht, il est un organe administratif indépendant chargé d'enquêter sur les cas de mauvaise administration des institutions ou organes de l'UE. Il ne dispose pas de pouvoir de décision mais peut émettre des recommandations.
### Les organes consultatifs
* **A. Le Comité économique et social européen** : Organe consultatif représentant les organisations d'employeurs, de salariés et de la société civile.
* **B. Le Comité des régions** : Crée en 1992, il permet d'associer les régions européennes au processus décisionnel et est consulté sur les actes législatifs affectant les compétences régionales.
### Les Institutions financières
* **A. La BCE** : La Banque centrale européenne, pilier du Système européen de banques centrales (SEBC), a pour mission principale de garantir la stabilité des prix dans la zone euro.
* **B. La Banque européenne d'investissement (BEI)** : Elle finance des projets d'investissement d'intérêt européen, notamment dans les domaines de l'énergie, des transports, de l'emploi et de la lutte contre le changement climatique.
### Les organisations paneuropéennes
Il existe diverses organisations paneuropéennes (Conseil de l'Europe, OSCE, OCDE, AELE) qui n'ont pas de lien juridique direct avec l'UE, bien que certaines aient des objectifs similaires, notamment en matière de droits de l'homme et de coopération.
## Chapitre 4 : Le processus décisionnel
Le processus décisionnel de l'UE implique l'initiative législative de la Commission, suivie de l'adoption des actes législatifs par le Parlement européen et le Conseil, selon des procédures variables.
### Les procédures législatives
* **Procédure législative ordinaire** : Procédure de codécision devenue la procédure de droit commun, plaçant le Parlement européen et le Conseil sur un pied d'égalité. Elle se déroule en trois lectures, avec des possibilités de compromis via le comité de conciliation.
* **Procédures législatives spéciales** : Elles impliquent une intervention inégale du Parlement et du Conseil, souvent dans des domaines sensibles où l'unanimité est privilégiée (fiscalité, protection sociale).
### La procédure budgétaire
Elle est régie par des principes classiques (unité, universalité, annualité, spécialité, équilibre, bonne gestion, transparence) et des principes spécifiques à l'UE. L'élaboration du projet de budget relève de la Commission, son adoption étant partagée entre le Conseil (qui statue à la majorité qualifiée) et le Parlement européen (qui peut amender et rejeter le projet). L'exécution du budget est largement déléguée aux États membres, sous le contrôle de la Cour des comptes européenne et du Parlement européen. Les ressources propres de l'UE proviennent principalement des contributions des États membres basées sur le RNB, complétées par d'autres ressources (droits de douane, TVA, nouvelles ressources liées au plan de relance).
### La conclusion d'accords internationaux
La procédure de conclusion d'accords internationaux est régie par l'article 218 du TFUE. Elle implique l'initiative de la Commission (sauf pour la PESC), l'ouverture des négociations autorisée par le Conseil, la conduite des négociations par un négociateur désigné par le Conseil (souvent la Commission), la délibération parlementaire (consultation ou approbation du Parlement européen), et enfin la signature et la conclusion de l'accord par le Conseil.
### La révision des traités
La révision des traités s'effectue principalement par une procédure ordinaire (article 48 du TUE) impliquant l'initiative d'un État membre, de la Commission ou du Parlement, la convocation éventuelle d'une convention, l'adoption par une Conférence intergouvernementale, et la ratification par tous les États membres. Des procédures simplifiées existent pour des révisions moins substantielles. La clause passerelle permet de basculer certains domaines de l'unanimité à la majorité qualifiée au Conseil européen.
## Chapitre 5 : Les compétences de l'UE
La délimitation des compétences de l'UE repose sur le principe d'attribution, tandis que leur exercice est régi par les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
### La délimitation des compétences de l'UE
* **A. La clé de répartition des compétences de l'UE** : Le principe d'attribution, consacré par le traité de Maastricht, limite l'action de l'UE aux compétences qui lui ont été attribuées par les traités. La CJUE a interprété ces compétences de manière extensive via la théorie des compétences implicites.
* **B. Les compétences exclusives et partagées de l'UE** : L'article 3 du TFUE distingue les compétences exclusives (où seule l'UE peut légiférer), les compétences partagées (où l'UE et les États membres peuvent légiférer, mais l'UE préempte la compétence dès qu'elle intervient), et les compétences de coordination, d'appui ou de PESC.
* **C. L'ajustement des compétences de l'Union à ses objectifs** : Le TFUE permet un ajustement des compétences de l'Union pour atteindre les objectifs des traités, via une procédure simplifiée impliquant la Commission, le Parlement et le Conseil.
* **D. La différenciation : l'Europe "à la carte" ?** : Le principe de différenciation, se manifestant par des clauses d' "opting-out" (non-participation volontaire à certaines politiques) et des coopérations renforcées (entre un groupe restreint d'États volontaires), témoigne d'une Europe à plusieurs vitesses, nécessaire pour permettre l'approfondissement de l'intégration malgré les divergences entre États membres.
### Les conditions d'exercice des compétences de l'Union
* **A. Le principe de subsidiarité** : L'UE intervient seulement si et dans la mesure où les objectifs ne peuvent être mieux réalisés au niveau de l'Union qu'au niveau des États membres. Il s'applique aux compétences partagées et à la PESC, mais pas aux compétences exclusives. Un contrôle par les parlements nationaux (mécanismes d'alerte précoce ou "carton jaune/orange") vise à garantir le respect de ce principe.
* **B. Le principe de proportionnalité** : L'action de l'UE ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.
### L'exécution des décisions de l'UE
* **A. Le principe d'administration indirecte** : L'exécution du droit de l'UE relève principalement des États membres, qui disposent d'une marge d'autonomie quant aux modalités de transposition, tout en devant respecter les principes de coopération loyale, d'autonomie, d'effectivité et d'équivalence. La transposition des directives se fait par voie législative ou réglementaire nationale. Le contrôle juridictionnel de la mise en œuvre incombe aux juridictions nationales, sous le contrôle ultime de la CJUE, et peut mener à des recours en manquement et à des actions en responsabilité des États membres.
* **B. Les habilitations exécutives au Conseil et à la Commission** : Le Conseil peut se réserver la compétence exécutive dans des cas exceptionnels, et peut également habiliter la Commission, qui est généralement assistée par des comités techniques (comitologie).
* **C. Les actes délégués** : Actes non législatifs de portée générale adoptés par la Commission pour compléter ou modifier certains points non essentiels d'un acte législatif, sous réserve du droit de veto du Parlement et du Conseil.
## Conclusion : Erreurs courantes à éviter
* **Confondre les institutions** : Ne pas mélanger le Conseil européen, le Conseil de l'UE et le Conseil de l'Europe.
* **Sous-estimer le rôle du Parlement européen** : Son pouvoir a considérablement augmenté, le plaçant sur un pied d'égalité avec le Conseil dans de nombreux domaines.
* **Ignorer la primauté du droit de l'UE** : Les normes de l'UE priment sur les normes nationales, même si la primauté de la Constitution nationale est parfois affirmée par les juridictions constitutionnelles nationales.
* **Confondre droit primaire et droit dérivé** : Comprendre la hiérarchie des normes dans l'ordre juridique de l'UE.
* **Mal interpréter les compétences** : Distinguer clairement les compétences exclusives, partagées et d'appui.
* **Oublier l'importance des principes de subsidiarité et de proportionnalité** : Ils encadrent l'exercice des compétences de l'UE.
* **Ne pas comprendre la complexité de la nature juridique de l'UE** : Elle n'est ni un État fédéral, ni une simple confédération, mais une entité sui generis.
* **Méconnaître les procédures décisionnelles** : Notamment la procédure législative ordinaire et les différentes procédures spéciales.
* **Simplifier à l'excès le rôle des États membres** : Leur influence reste prépondérante, notamment dans la conclusion des traités et la répartition des compétences.
Glossary
# Glossaire
| Terme | Définition |
|---|---|
| **Acte délégué** | Acte législatif non législatif et de portée générale, adopté par la Commission sur délégation du législateur (Parlement et Conseil), destiné à compléter ou modifier certains points non essentiels d'un acte législatif. Le législateur conserve un droit de veto. |
| **Acquis communautaire** | L'ensemble du droit positif de l'Union européenne, y compris les traités, les règlements, les directives, les décisions, les avis et les recommandations, ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE. Les États candidats doivent accepter l'intégralité de l'acquis communautaire pour adhérer à l'UE. |
| **Article 7 du TUE** | Procédure prévue par le Traité sur l'Union européenne permettant de sanctionner un État membre qui s'écarte gravement et persistamment des valeurs de l'Union, notamment l'État de droit. Les sanctions peuvent aller jusqu'à la suspension de certains droits, y compris le droit de vote au Conseil. |
| **Comité économique et social européen (CESE)** | Organe consultatif de l'UE composé de représentants des organisations d'employeurs, de salariés, de consommateurs et d'autres acteurs représentatifs de la société civile, notamment dans les domaines sociaux, économiques, civiques et professionnels. Il est obligatoirement consulté dans de nombreux cas prévus par les traités et peut également émettre des avis de sa propre initiative. |
| **Compétence d'attribution** | Principe selon lequel l'Union européenne n'agit que dans la limite des compétences que les États membres lui ont attribuées par les traités. Toutes les compétences non attribuées à l'UE appartiennent aux États membres. |
| **Compétence exclusive** | Domaine dans lequel seule l'Union européenne peut légiférer et adopter des actes juridiques contraignants. Les États membres ne peuvent intervenir que s'ils sont habilités par l'UE ou pour mettre en œuvre ses actes. |
| **Compétence partagée** | Domaine dans lequel l'Union européenne et les États membres peuvent intervenir. Cependant, les États membres perdent leur droit d'intervenir dès lors que l'UE a adopté un acte dans ce domaine, opérant ainsi une préemption de compétence par l'UE. |
| **Coopération loyale (ou principe de fidélité)** | Principe issu de l'article 4 § 3 du TUE, qui impose aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'exécution des obligations découlant des traités et de faciliter l'accomplissement des missions de l'Union. Il s'applique de manière verticale (entre l'UE et les États membres) et horizontale (entre les États membres). |
| **Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)** | Institution de l'UE chargée d'assurer le respect du droit de l'Union dans l'interprétation et l'application des traités. Elle se compose de la Cour de justice et du Tribunal. |
| **Critères de Copenhague** | Conditions d'adhésion à l'UE définies en juin 1993, complétant l'article 49 du TUE. Ils comprennent le respect des principes démocratiques, de l'État de droit, des droits de l'homme et des minorités ; l'existence d'une économie de marché viable et solide ; et la capacité du pays candidat à assumer les obligations découlant de l'acquis communautaire. |
| **Droit dérivé** | Ensemble des actes juridiques adoptés par les institutions de l'UE, tels que les règlements, les directives et les décisions. |
| **Droit primaire** | Ensemble des traités fondateurs de l'Union européenne, constituant le fondement juridique de l'UE. |
| **Principe de proportionnalité** | Principe selon lequel l'action de l'Union européenne ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par les traités. Il s'applique tant aux compétences propres qu'aux compétences partagées de l'UE, ainsi qu'aux États membres. |
| **Principe de subsidiarité** | Principe selon lequel l'Union européenne intervient seulement si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres, que ce soit au niveau central ou au niveau régional et local, mais peuvent être mieux réalisés au niveau de l'Union. |
| **Procédure législative ordinaire** | Procédure législative principale de l'UE, qui implique l'adoption conjointe d'un acte législatif par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission. Appelée anciennement "procédure de codecision". |
| **Procédure législative spéciale** | Procédure législative dans laquelle le Parlement européen et le Conseil n'interviennent pas sur un pied d'égalité. Soit le Conseil agit seul après consultation du Parlement, soit le Parlement approuve une proposition du Conseil. |
| **Ressources propres** | Ensemble des recettes qui financent le budget de l'Union européenne, telles que les droits de douane, les prélèvements agricoles, une part de la TVA et une contribution basée sur le revenu national brut des États membres. De nouvelles ressources propres sont en cours d'introduction, comme une contribution basée sur les déchets plastiques ou une taxe sur les transactions financières. |