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Summary
# L'évolution historique de la citoyenneté romaine
Ce sujet retrace l'historique de l'octroi de la citoyenneté romaine, en détaillant les différents statuts au sein du monde romain et son extension progressive jusqu'à l'édit de Caracalla, incluant les mesures fiscales associées.
### 1.1 Rappel des différents statuts dans le monde romain
La population de l'empire romain se subdivisait principalement en deux grandes catégories: les hommes libres et les esclaves. Parmi les hommes libres, trois groupes principaux se distinguaient: les citoyens romains, les Latins et les pérégrins [1](#page=1).
### 1.2 L'évolution historique de l'octroi de la citoyenneté
#### 1.2.1 Origines et extension progressive
À l'origine, la citoyenneté romaine était principalement conférée aux habitants de Rome, aux colons de droit romain et aux municipia situés en Italie. Les Latins, quant à eux, étaient initialement concentrés dans le Latium, d'où le nom de "droit latin" obtenu par ses habitants en 493 avant J.-C. suite au foedus Cassianum. Après la bataille d'Antium en 338 avant J.-C., le Latium fut intégré à l'ager romanus, et ses habitants devinrent citoyens romains, tandis que le droit latin fut étendu à d'autres communautés. Les populations restantes étaient considérées comme pérégrines [1](#page=1).
#### 1.2.2 Les Gracques et la guerre sociale
Les frères Gracques, Tiberius Sempronius Gracchus en 133 avant J.-C. et surtout Caius Sempronius Gracchus en 123-122 avant J.-C., proposèrent de conférer le droit latin aux alliés italiens et le droit romain aux colonies latines, bien que cette proposition ne fut jamais appliquée. La guerre sociale, qui eut lieu entre 90 et 89 avant J.-C., aboutit à l'octroi de la citoyenneté romaine à toute l'Italie jusqu'au Pô, excluant ainsi la Gaule cisalpine. La Gaule cisalpine obtint la citoyenneté lorsque sa rattachement à l'Italie fut effectif en 49 ou 42 avant J.-C. [1](#page=1).
#### 1.2.3 L'édit de Caracalla et la fin de la distinction politique
Sous l'Empire, la citoyenneté romaine s'étendit progressivement aux provinces. L'édit de Caracalla, ou constitution antonine, en 212 après J.-C., marqua l'apogée de ce processus en accordant la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l'empire, hommes et femmes [1](#page=1).
> **Tip:** L'édit de Caracalla, bien que souvent présenté comme une mesure d'universalisation, eut également des implications fiscales notables.
Cet édit s'accompagna de mesures fiscales: le vingtième sur les héritages et les affranchissements, impôts auparavant payés uniquement par les citoyens romains, furent temporairement réduits au dixième avant de revenir au vingtième sous Macrin. Certains historiens, comme Dion Cassius, interprétèrent l'édit principalement comme une mesure visant à augmenter les revenus de l'État [1](#page=1).
Malgré ces considérations fiscales, l'universalisation de la citoyenneté romaine signala la perte de sa signification politique originelle pour devenir un simple statut juridique. Sa large diffusion permit d'uniformiser les statuts et de simplifier les opérations juridiques [1](#page=1).
#### 1.2.4 L'Antiquité tardive et l'uniformisation terminologique
Dans l'Antiquité tardive, avec la quasi-universalité de la citoyenneté romaine, on observa un retour généralisé à une dénomination unique, bien que cela pût varier selon les régions et les catégories sociales [1](#page=1).
### 1.3 L'égalité apparente entre citoyens
Bien qu'une égalité de principe régnât entre tous les citoyens romains, la loi reconnaissait et légitimait l'inégalité de fait entre les individus et les groupes. Les juristes romains considéraient cette inégalité non seulement comme acceptable, mais comme une nécessité. Pline le Jeune conseillait ainsi à un gouverneur: "Maintiens les discriminations liées aux ordres et aux dignités; rien n'est plus inégal que cette égalité qui prétend confondre et bouleverser ces différences." [1](#page=1).
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# Les inégalités sociales dans la société romaine
Voici une synthèse du sujet "Les inégalités sociales dans la société romaine", rédigée conformément à vos instructions.
## 2. Les inégalités sociales dans la société romaine
La société romaine, bien qu'ayant un principe d'égalité, était traversée par de profondes inégalités basées sur la naissance, la fortune et l'âge, marquant une distinction fondamentale entre les "gens de biens" (honestiores) et les humbles (humiliores).
### 2.1 La coexistence de l'égalité et de l'inégalité
L'égalité romaine repose sur le principe de l'égalité géométrique, où chacun reçoit selon ses possibilités et ses responsabilités, par opposition à une égalité arithmétique qui donnerait la même chose à tous. Cette inégalité est inscrite dans le droit et reflète l'organisation sociale et politique de la cité, dont le but est d'assurer sa grandeur et sa prospérité par une cohésion maximale [2](#page=2).
### 2.2 La distinction fondamentale : honestiores et humiliores
La société romaine est divisée entre les "gens de biens" (appelés *Boni* par Cicéron, puis *honestiores*) et les "humbles" (*humiliores*) [2](#page=2).
#### 2.2.1 Les honestiores : l'élite romaine
Les *honestiores* représentent l'élite sociale, caractérisée par la richesse, mais aussi par une distinction morale, une noblesse de naissance et un mode de vie conférant une dignité particulière. Leur statut peut être remis en cause par la pratique de professions infamantes ou une vie privée scandaleuse. Cette élite est divisée en plusieurs niveaux, les *proceres* représentant le sommet de la pyramide sociale [2](#page=2).
##### 2.2.1.1 La noblesse née du service de la cité
L'appartenance à la noblesse romaine (*proceres*, *honestior*) est principalement déterminée par le service rendu à la cité et à Rome. Dans les cités, les notables ont l'obligation de siéger dans le conseil municipal, et les magistrats sont élus. Le Sénat de Rome, issu de la République, était initialement réservé à une noblesse terrienne et héréditaire (le patriciat). Avec la croissance de Rome, de nouvelles élites plébéiennes ont émergé et se sont battues pour accéder aux magistratures, formant la *nobilitas*. L'accession au pouvoir suit une carrière hiérarchisée, le *cursus honorum*, qui commence avec la questure et peut aboutir au consulat [2](#page=2) [3](#page=3).
Sous l'Empire, Auguste a formalisé deux ordres principaux: l'ordre équestre et l'ordre sénatorial, chacun avec des missions spécifiques et des conditions de fortune distinctes. Pour être chevalier, un minimum de 400 000 sesterces est requis, et pour être sénateur, un million de sesterces, bien qu'une fortune de huit millions soit nécessaire pour réellement tenir son rang. Les cités ont également un cens minimum pour accéder aux fonctions de décurion, variant selon la richesse de la cité [3](#page=3).
La fortune n'est pas le seul critère d'accès à ces ordres; le consentement de l'autorité (l'empereur ou les quinquennaux des cités) est nécessaire pour être inscrit sur les listes officielles (*album*). L'esprit des censeurs est de délimiter une noblesse d'excellence, morale et éduquée [4](#page=4).
##### 2.2.1.2 La conscience d'appartenir à une élite
L'appartenance à l'élite se manifeste par la "pureté de l'ordre", excluant notamment les origines serviles et l'exercice de professions infamantes comme celle de crieur public ou d'organisateur de combats de gladiateurs. La naissance distinguée, libre et souvent citoyenne, ainsi que l'appartenance à un lignage important, sont des facteurs clés [4](#page=4).
Le culte de la famille est particulièrement développé chez les sénateurs, avec la mise en scène des ancêtres par des bustes dans l'atrium, des arbres généalogiques peints et des éloges funèbres prononcés lors des processions. Les *proceres* justifient leur prééminence par le talent et le dévouement de leurs prédécesseurs, se considérant comme un maillon d'une chaîne transmise [4](#page=4).
Les signes de supériorité sociale incluent les titres honorifiques (*clarissimus*, *perfectissimus*, etc.) et le costume distinctif, comme la tunique blanche bordée de pourpre (*laticlave* pour les sénateurs, *angusticlave* pour les chevaliers) [4](#page=4).
Une culture commune, fruit d'une éducation (*paideia*) basée sur les arts libéraux, distingue également les élites. Ils étudient la grammaire, la poésie, les mythes, la rhétorique et la philosophie. Cette éducation aristocratique privilégie le langage et la discipline intellectuelle, à l'opposé de l'éducation plébéienne qui valorise les apprentissages concrets [4](#page=4) [5](#page=5).
##### 2.2.1.3 L'évergétisme
L'évergétisme, phénomène hérité de la cité grecque, consiste à faire des dons à la collectivité ou à des groupes civiques, souvent dans un cadre officiel. Les magistrats romains, surtout à la fin de la République et au début de l'Empire, sont à l'origine de constructions financées en partie sur fonds privés [5](#page=5).
Pline le Jeune est un exemple notable d'évergète, ayant consacré environ cinq millions de sesterces à des fondations à Côme, sa ville natale, incluant une bibliothèque, une fondation alimentaire, et la restauration de temples. Ces dépenses, représentant un quart ou un cinquième de sa fortune, soulignent le poids des obligations de son rang [5](#page=5).
L'évergétisme est plus qu'un comportement individuel et moral; il permet de s'affirmer, de pérenniser la gloire individuelle et familiale, et surtout de marquer la distinction entre *honestiores* et *humiliores*. Il assure une forme de paix sociale en intériorisant le devoir d'État des notables, créant un camp de ceux qui donnent et de ceux qui reçoivent [5](#page=5).
#### 2.2.2 Les humiliores : les "humbles"
La distinction entre *humiliores* et *honestiores* a des conséquences légales, notamment dans la composition des jurys. Le terme est comparatif, signifiant que l'on est plus ou moins "humble" ou "notable" par rapport à d'autres. Cette distinction est apparue avec l'égalité géométrique, où seules quelques familles accèdent aux magistratures, le reste constituant le peuple [6](#page=6).
À partir des IIe et IIIe siècles, avec la généralisation de la citoyenneté, les distinctions de rang et de fortune deviennent plus déterminantes que le statut juridique. Les *humiliores* regroupent un large spectre de la population: la plèbe urbaine et rurale, les pérégrins non élites, les affranchis et les esclaves. Il est important de noter que cette catégorie englobe des situations sociales très variées, allant de personnes aisées à des individus très pauvres [6](#page=6).
##### 2.2.2.1 La *plebs urbana*
La *plebs urbana*, présente à Rome et dans les colonies, constitue une catégorie à part au sein des classes populaires. Bien qu'inférieure aux *ordines*, elle se situe au-dessus des autres catégories populaires et des esclaves. La proportion de familles de citoyens dans la population romaine varie selon les estimations [6](#page=6).
Paul Veyne distingue la *media plebs* de la *plebs humilis* et des *ordines*. La distinction principale se situe entre ceux qui doivent gagner leur pain au jour le jour (*egentes*, indigents) et ceux qui disposent de quelques biens assurant une certaine stabilité. Les *egentes* vivent dans des conditions précaires, dans les étages supérieurs des *insulae* ou des taudis [6](#page=6).
La *media plebs* habite les *cenacula* (appartements du bas des *insulae*) ou les *domus*. Cette classe moyenne est variée, incluant de grands entrepreneurs, des *tabernarii* modestes, et des propriétaires fonciers vivant en ville. Bien qu'ils puissent ne pas inclure immédiatement les affranchis, leurs descendants y trouvent souvent une place [7](#page=7).
Ces familles partagent des valeurs avec les *proceres*, notamment une aversion pour les bouleversements et les guerres civiles, préférant la stabilité de l'Empire. La *plebs* défend l'institution impériale, même si elle peut être divisée sur la personne de l'empereur. La plèbe n'est pas dépolitisée, manifestant son opinion même si elle n'intervient plus dans le vote [7](#page=7).
### 2.3 Inégalités spécifiques
Outre la distinction *honestiores/humiliores*, d'autres formes d'inégalités existaient :
* **Inégalité de naissance**: distinction entre citoyens de souche (*ingénus*) et non-citoyens, ainsi que les affranchis [2](#page=2).
* **Inégalité de fortune**: les catégories censitaires déterminent le rang d'appel à l'armée et la participation à la vie civique [2](#page=2).
* **Inégalité d'âge**: distinction entre *iuniores* (plus jeunes) et *seniores* (plus âgés) [2](#page=2).
> **Tip:** La distinction entre *honestiores* et *humiliores* n'était pas seulement une question de richesse, mais aussi de statut social, de moralité perçue et d'appartenance à des ordres définis par la loi et la coutume.
> **Example:** L'application de peines corporelles comme la torture était réservée aux *humiliores*, tandis que les *honestiores* bénéficiaient de traitements judiciaires plus cléments, reflétant une justice profondément inégalitaire [2](#page=2).
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# Les élites romaines : les proceres et leur rôle
Ce thème examine la composition et les caractéristiques des élites romaines, appelées 'proceres', issues du service de la cité, de garanties de fortune, de leur conscience de groupe, et de la pratique de l'évergétisme.
### 3.1 Définition et caractéristiques générales des proceres
Le terme "proceres", ancien et possiblement d'origine étrusque, désignait les nobles et les puissants, équivalant à l'usage juridique d' "honestior". Ces individus formaient le sommet de la pyramide sociale romaine, représentant le modèle aristocratique tant à Rome que dans l'empire. L'appartenance à cette élite était conditionnée par une combinaison de facteurs, incluant le service rendu à la cité ou à Rome, des garanties de fortune significatives, une forte conscience de groupe, et la pratique de l'évergétisme (#page=2, 3, 4, 5) [2](#page=2) [3](#page=3) [4](#page=4) [5](#page=5).
> **Tip:** Il est essentiel de comprendre que la notion d'élitisme romain repose sur une "égalité géométrique" (à chacun selon ses possibilités et responsabilités) plutôt qu'une égalité arithmétique (à chacun la même chose) [2](#page=2).
### 3.2 Une noblesse née du service de la cité
L'origine de la noblesse romaine est intrinsèquement liée au service rendu à la cité ou à Rome (#page=2, 3). Dans les cités, les notables avaient l'obligation de siéger dans le conseil municipal et étaient souvent élus magistrats annuellement par les citoyens. Les anciens magistrats devenaient membres de droit du conseil local, un système calqué sur le Sénat romain. Le Sénat, initialement réservé au patriciat (noblesse terrienne héréditaire), s'est ouvert aux plébéiens fortunés qui ont accédé aux magistratures, formant ainsi la "nobilitas". Cette nouvelle élite a développé une carrière hiérarchisée, le *cursus honorum*, débutant par la questure et s'achevant au consulat, la plus prestigieuse des magistratures sous la République [2](#page=2) [3](#page=3).
Sous l'Empire, Auguste a officialisé et différencié les ordres équestre et sénatorial, chacun avec des missions spécifiques. L'engagement dans le service de la *Res Publica* était une condition sine qua non pour faire partie des proceres, un engagement à vie mais non permanent, laissant place à la gestion privée et intellectuelle entre les mandats [3](#page=3).
### 3.3 Des garanties de fortune
La fortune était une condition nécessaire, bien que non suffisante, pour accéder au statut de proceres. Auguste a fixé des seuils de fortune stricts: 400 000 sesterces pour être chevalier, et 1 million de sesterces pour être sénateur, bien qu'un patrimoine de 8 millions de sesterces fût nécessaire pour maintenir ce rang. Les fortunes des élites romaines étaient majoritairement basées sur la rente foncière, mais certains plaçaient des capitaux dans des entreprises, souvent via des intermédiaires comme les *negotiatores* (#page=3, 4) [3](#page=3) [4](#page=4).
Dans les cités, un cens minimum existait également, variant selon la richesse locale, mais généralement plus bas que celui de Rome. L'accès aux ordres supérieurs nécessitait le consentement de l'autorité (l'empereur ou les quinquennaux des cités) qui inscrivait les nouveaux membres sur les listes officielles, les *album*. La fortune n'était qu'un critère parmi d'autres, l'excellence, la moralité et l'éducation étant également valorisées [3](#page=3) [4](#page=4).
> **Example:** Pline le Jeune, représentant une catégorie traditionnelle de rentiers fonciers, possédait des domaines agricoles rapportant 400 000 sesterces par an, en plus d'un million de sesterces en liquidités issues de placements et de prêts [3](#page=3).
### 3.4 La conscience d'appartenir à une élite
La pureté de l'ordre était un facteur déterminant, excluant les individus d'origines serviles ou ceux ayant exercé des professions jugées infamantes (crieur public, organisateur de combats de gladiateurs, etc.). Une naissance distinguée, libre et souvent citoyenne, ainsi que l'appartenance à un lignage ancestral, étaient fondamentales. Les membres de l'ordre sénatorial, en particulier, cultivaient la mémoire familiale en rappelant les hauts faits de leurs ancêtres consuls, magistrats, ou triomphateurs, allant jusqu'à forger des légendes mythologiques [4](#page=4).
Les signes de supériorité sociale incluaient des titres honorifiques (clarissimus, perfectissimus) et des insignes vestimentaires comme le *laticlave* (pour les sénateurs) et l'*angusticlave* (pour les chevaliers). Une culture commune, façonnée par une éducation aux arts libéraux (*paideia*), caractérisait également ces élites. L'étude de la poésie, des mythes, de la rhétorique et de la philosophie, ainsi qu'une formation juridique et politique auprès de notables expérimentés, constituaient cette éducation aristocratique distincte de celle, plus concrète, de la plèbe [4](#page=4).
### 3.5 L’évergétisme
L'évergétisme, concept originaire de la cité grecque et amplifié à l'époque hellénistique, consistait pour les élites à faire des dons à la collectivité, souvent dans le cadre d'une magistrature. Les empereurs romains ont hérité de cette tradition, tout comme les magistrats romains qui finançaient des constructions non entièrement couvertes par les fonds publics [5](#page=5).
> **Example:** Pline le Jeune a consacré environ 5 millions de sesterces (un quart ou un cinquième de sa fortune) à des donations et fondations pour sa ville natale de Côme. Cela incluait une fondation alimentaire pour enfants nécessiteux, une bibliothèque, un petit temple impérial, la restauration d'un temple, une œuvre d'art, et le financement d'un professeur [5](#page=5).
L'évergétisme, bien que coûteux, était un moyen pour les aristocrates de s'affirmer, de pérenniser leur gloire familiale et de marquer la distinction entre les *honestiores* et les *humiliores*. Il n'assurait pas la paix sociale, mais contribuait à la maintenir en intériorisant le devoir d'État des notables [5](#page=5).
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# Les humiliores et leur place dans la société romaine
Cette section explore la distinction juridique et sociale entre les "humiliores" et les "honestiores" dans la société romaine, en se concentrant particulièrement sur la "plebs urbana" et ses diverses composantes et conditions de vie.
### 4.1 Distinction entre humiliores et honestiores
Le droit romain a historiquement établi une différenciation entre les "humiliores" (les plus humbles) et les "honestiores" (les plus notables). Bien qu'initialement une distinction terminologique, elle a acquis des conséquences juridiques importantes. Pour être membre d'un jury, il fallait être un "honestus", c'est-à-dire posséder une solvabilité suffisante pour juger sereinement. La terminologie "humilior" et "honestior" reflète des comparaisons relatives, où l'un est jugé plus humble ou plus notable que l'autre [6](#page=6).
Initialement, cette distinction se manifestait au sein du corps civique, où l'égalité géométrique était un acquis de longue date, réservant les magistratures locales et romaines à un nombre restreint de familles. Les autres citoyens formaient le peuple [6](#page=6).
Cependant, la différence entre "humiliores" et "honestiores" est devenue de plus en plus pertinente à partir du IIème siècle, et surtout au IIIème siècle de notre ère. Durant cette période, la citoyenneté a cessé d'être un privilège en soi, et les distinctions de rang, de fortune et le degré d'indépendance économique ont pris une importance sociale prépondérante [6](#page=6).
#### 4.1.1 Délimitation du groupe des humiliores
La catégorie des "humiliores" est délimitée par exclusion: ils n'appartiennent ni aux ordres majeurs (comme les sénateurs ou les chevaliers) ni à la noblesse curiale. Ce groupe englobe donc une vaste étendue sociale, incluant [6](#page=6):
* La plèbe urbaine, qu'elle soit riche ou pauvre [6](#page=6).
* La plèbe rurale [6](#page=6).
* Les pérégrins qui ne font pas partie des élites dirigeantes de leur cité [6](#page=6).
* Les affranchis [6](#page=6).
* Les esclaves [6](#page=6).
Il est crucial de noter que ces catégories larges englobent des situations sociales très diverses, et la société romaine ne peut être réduite à une dichotomie simple entre maîtres et dépendants. Les "humiliores" comprennent ainsi des personnes aisées, modestes et très pauvres [6](#page=6).
### 4.2 Le cas de la plebs urbana
La "plebs urbana" constitue une catégorie particulière au sein des classes populaires, présente à Rome et dans les colonies romaines. Elle représentait un groupe de privilégiés au sein de l'Empire, se situant en dessous des "ordines" mais au-dessus des autres catégories populaires et des esclaves. Il s'agit des citoyens romains chefs de famille [6](#page=6).
Les estimations de leur proportion dans la population de Rome varient considérablement, allant d'un tiers aux trois quarts de la population totale (soit 600 000 sur 800 000 habitants). Cette "plèbe" est très diverse, regroupant des catégories sociales dont les objectifs ne coïncident pas toujours [6](#page=6).
#### 4.2.1 Les divisions de la plebs urbana
Paul Veyne distingue au sein de la plèbe la "media plebs" (plèbe moyenne) de la "plebs humilis" (plèbe humble) et des "ordines". La distinction fondamentale se situe entre ceux qui doivent gagner leur pain au jour le jour, les "egentes" (indigents) qui perçoivent un salaire journalier et paient un loyer quotidien, et ceux qui sont assurés du lendemain et peuvent jouir d'une meilleure qualité de vie grâce à leurs biens [6](#page=6).
**Conditions de vie des "egentes":**
* Ils habitent les étages supérieurs des "insulae" (immeubles d'habitation) ou les taudis [6](#page=6).
* Pour accéder aux habitations des "egentes", il fallait gravir un nombre considérable de marches, comme le décrit Martial, qui, bien que n'étant pas "egens", se peignait dans cette situation [6](#page=6).
* Les logements de fortune incluent des petites cabanes adossées aux bâtiments publics, des caves, des cages d'escalier, ou des espaces dans des monuments publics ouverts la nuit [6](#page=6).
* Certains dorment dans les "tabernae" (boutiques) ou dans l'arrière-salle des auberges [6](#page=6).
**Conditions de vie de la "media plebs":**
* La "plèbe moyenne" réside dans les "cenacula" (appartements situés en bas des "insulae") et paie ses loyers à l'année, s'ils ne sont pas propriétaires [6](#page=6).
* Ils peuvent également posséder des "domus" (maisons), dont la taille moyenne à Pompéi se situe entre 120 et 350 mètres carrés, une surface considérablement plus petite que celles des "proceres" (élites) qui varient entre 450 et 3000 mètres carrés dans la même ville [7](#page=7).
#### 4.2.2 La diversité économique et professionnelle de la plèbe moyenne
Rome, en tant que mégalopole regroupant toutes les catégories sociales en grand nombre, a vu émerger une véritable classe moyenne diversifiée et consciente d'elle-même. Cette catégorie comprend [7](#page=7):
* De grands entrepreneurs, tels qu'Eurysachès, un adjudicataire des marchés publics, ou Arruntius Evaristus, un crieur public dont le patrimoine rivalise avec celui des sénateurs, enrichi par une profession jugée insignis [7](#page=7).
* Des "tabernarii" modestes, qui ne possèdent, selon Cicéron, que leur échoppe abritant leur matériel de travail et leur gain quotidien, leur petite chambre, et leur lit, garantissant ainsi la sécurité de leur vie [7](#page=7).
* Des propriétaires fonciers vivant en ville et tirant des revenus suffisants de leurs domaines pour vivre dans l'aisance [7](#page=7).
Il est possible que les affranchis ne soient pas immédiatement inclus dans cette définition, bien que cela reste à prouver; leurs descendants ont cependant trouvé une place de choix dans ce milieu au fil des générations [7](#page=7).
#### 4.2.3 Valeurs et attitudes politiques de la plèbe moyenne
La "plèbe moyenne" se distingue des "proceres" principalement par sa fortune, mais aussi par ses valeurs et son mode de vie, qui est avant tout privé et familial. Ces familles partagent certaines valeurs avec les "proceres". Ayant moins à gagner des bouleversements sociaux, et étant plus vulnérables que les puissants aux conjonctures économiques, elles n'apprécient pas les guerres civiles. La République était associée à la guerre civile, et les empereurs étaient perçus comme les défenseurs du peuple contre une aristocratie oppressive. Bien que la plèbe puisse diverger sur la personne de l'empereur, elle défendait l'institution impériale. Par conséquent, la plèbe n'était pas dépolitisée, même si sa participation politique ne passait plus par le vote, mais par la manifestation [7](#page=7).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Citoyen romain | Individu possédant l'ensemble des droits civils et politiques conférés par Rome, permettant notamment la participation à la vie publique et la protection juridique. |
| Latin | Statut juridique intermédiaire dans le monde romain, accordant certains droits mais pas l'intégralité de la citoyenneté romaine. Le droit latin a évolué au fil du temps et a été étendu à diverses communautés. |
| Pérégrin | Terme désignant les étrangers libres vivant dans l'Empire romain, sans posséder la citoyenneté romaine ni le statut de latin. Ils étaient soumis au droit de leur cité d'origine. |
| Guerre sociale | Conflit armé (90-89 a.C.) opposant Rome à ses alliés italiens qui revendiquaient la citoyenneté romaine. La guerre aboutit à l'extension de la citoyenneté à toute l'Italie. |
| Édit de Caracalla (Constitution antonine) | Décret impérial de 212 p.C. qui accorde la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l'Empire, marquant une uniformisation juridique et fiscale et la dépolitisation de la citoyenneté. |
| Ingénus | Personne libre de naissance, par opposition aux affranchis. |
| Affranchis | Esclaves libérés, qui acquièrent un statut juridique particulier, souvent avec certaines limitations par rapport aux citoyens de naissance libre. |
| Ordres (équestre, sénatorial) | Catégories sociales et politiques élevées à Rome, définies par la fortune et les fonctions exercées. L'ordre équestre et l'ordre sénatorial constituaient les principales composantes de l'élite romaine. |
| Honestiores | Terme latin désignant les "plus honnêtes", les "gens de bien", qui formaient l'élite sociale et morale romaine, bénéficiant de privilèges juridiques et judiciaires. |
| Humiliores | Terme latin désignant les "plus humbles", les "gens du commun", par opposition aux honestiores. Ce groupe regroupait une large majorité de la population, aux statuts sociaux variés. |
| Cursus honorum | Carrière hiérarchisée des magistratures romaines, qui devait être suivie par ceux qui aspiraient aux plus hautes fonctions politiques, commençant par la questure et pouvant aboutir au consulat. |
| Sesterce (HS) | Monnaie romaine de cuivre ou de laiton, utilisée comme unité de compte. La fortune était souvent exprimée en sesterces. |
| Évergétisme | Pratique de faire des dons et des fondations à la collectivité (cités, groupes civiques) par des individus fortunés, afin d'affirmer leur statut social, leur générosité et d'obtenir la gloire. |
| Plebs urbana | Ensemble des citoyens romains résidant dans la ville, formant une catégorie sociale diverse allant des plus pauvres (indigents) à une classe moyenne plus aisée. |
| Insulae | Immeubles d'habitation à étages dans les villes romaines, souvent surpeuplés et de qualité médiocre pour les couches populaires. |
| Cenacula | Appartements situés dans les étages inférieurs des insulae, généralement plus confortables que ceux des étages supérieurs. |