Cover
Start nu gratis Histoire de la justice.pdf
Summary
# Évolution historique de la justice en France
L'histoire de la justice en France est une longue évolution marquée par le passage de systèmes basés sur la vengeance et les épreuves divines à une organisation étatique et rationnelle, influencée par les changements politiques et sociaux majeurs tels que la monarchie et la Révolution [1](#page=1).
### 1.1 Les origines de la justice : vengeance et premières civilisations
Dans les sociétés primitives et claniques, le règlement des conflits reposait principalement sur la vengeance privée au sein des clans. L'émergence de gouvernements a conduit à une tentative de limiter et de réglementer cette vengeance pour maintenir l'ordre. Le Code d'Hammurabi (vers 1750 avant J.-C.) illustre cette évolution en instaurant le principe de réciprocité ("œil pour œil, dent pour dent") non pas comme une incitation à la vengeance, mais comme un moyen de limiter les représailles privées [1](#page=1).
### 1.2 La justice au Moyen Âge : éclatement et ordalies
Le Moyen Âge (Vème au XVème siècle) se caractérise par un éclatement des sources de justice, avec la coexistence de plusieurs juridictions :
* **Justices seigneuriales:** Les plus fréquentes, exercées par les seigneurs locaux [1](#page=1).
* **Juridictions ecclésiastiques:** L'Église détenait un pouvoir judiciaire important à travers l'Europe [1](#page=1).
* **Justices municipales:** Les villes, dans leur mouvement d'émancipation, ont acquis le droit de justice [1](#page=1).
* **Justice royale:** Moins prépondérante à cette époque [1](#page=1).
Les décisions judiciaires étaient souvent rendues par le biais d' **ordalies**, des "jugements de Dieu" où le succès d'une épreuve prouvait la justesse d'une partie. Le duel judiciaire était une forme courante d'ordalie bilatérale [1](#page=1) [2](#page=2).
À partir du XIIème siècle, l'Église s'est opposée aux ordalies, interdisant aux clercs d'y participer en 1215. Les rois, comme Saint-Louis, ont cherché à remplacer le duel judiciaire par des procédures d'enquête, ouvrant la voie à des modes de preuve plus rationnels [2](#page=2).
La monarchie a progressivement œuvré à reprendre le contrôle de la justice, visant à instaurer une **justice d'État** supérieure aux autres juridictions [2](#page=2).
### 1.3 La justice sous la monarchie : principes et réalités au XVIIIème siècle
Sous la monarchie, le roi était considéré comme la "fontaine de toute justice", détenant la justice entre ses mains. Il exerçait sa justice de deux manières [2](#page=2):
* **Justice retenue:** Intervention personnelle du roi dans le cours de la justice [2](#page=2).
* **Justice déléguée:** Le roi délègue son pouvoir à des tribunaux [2](#page=2).
L'organisation juridictionnelle était complexe, marquée par une superposition des juridictions sans rationalité claire, chaque nouveau besoin entraînant la création de nouvelles instances sans suppression des anciennes [2](#page=2) [3](#page=3).
#### 1.3.1 La complexité de l'organisation juridictionnelle
L'organisation judiciaire sous l'Ancien Régime était caractérisée par une multitude de tribunaux, rendant difficile l'identification du tribunal compétent et contribuant à la lenteur de la justice [3](#page=3).
**A. Les tribunaux inférieurs de droit commun :**
* **Tribunaux seigneuriaux et municipaux:** Justices de proximité, souvent dominées par la justice royale [3](#page=3).
* **Prévôtés:** Agents royaux, dont les compétences civiles et criminelles ont été réduites avec la création des bailliages et sénéchaussées pour les contrôler [3](#page=3).
* **Bailliages et sénéchaussées:** Jugent les appels des prévôts et peuvent connaître des appels des justices seigneuriales et municipales [3](#page=3).
**B. Les présidiaux :**
Créés en 1552, ils visaient à juger en dernier ressort certains litiges civils (jusqu'à 250 livres) ou à connaître des appels (entre 250 et 500 livres, sans effet suspensif). La nature processive de la société et la rémunération des magistrats par les "épices" versées par les plaideurs ont cependant entretenu la lenteur et la complexité [3](#page=3).
**C. La myriade des juridictions d'exception :**
La monarchie a créé des juridictions spécialisées pour des contentieux spécifiques, respectant la tradition et les anciennes institutions :
* Maîtrises particulières des eaux et des forêts [3](#page=3).
* Amirautés particulières (affaires maritimes et commerciales) [3](#page=3).
* Juridictions consulaires (procès entre marchands) [3](#page=3).
* Intendants de police, justice et finance [4](#page=4).
* Juridictions financières, monétaires et domaniales (Chambres des Comptes, Cours des Aides) [4](#page=4).
#### 1.3.2 L'omniprésence de la justice retenue
Le roi, en tant que grand justicier, intervenait personnellement dans la justice :
* **Jugement des placets:** Requêtes de sujets demandant une intervention royale pour résoudre un litige ou accorder une grâce [5](#page=5).
* **Lettres de cachet:** Ordonnances royales pour ordonner l'incarcération, la réclusion ou l'assignation à résidence, souvent perçues comme arbitraires. Diderot et Mirabeau en furent victimes [5](#page=5).
* **Lettres de grâce:** Permettaient au roi d'atténuer ou d'effacer une peine, manifestation de sa miséricorde. Le droit de grâce a été aboli en 1791 [5](#page=5).
Des **commissions spéciales (justice par commissaire)** étaient créées pour juger des affaires spécifiques, contournant les juridictions ordinaires, comme dans le cas de Nicolas Fouquet ou de la Marquise de Brinvillier [5](#page=5).
Le **Conseil du Roi** rendait justice au plus haut niveau, avec des fonctions de jugement par évocation, de tribunal de cassation (dès le XIVème siècle) et de règlement de juges pour arbitrer les conflits de compétence [6](#page=6).
#### 1.3.3 La vénalité des offices et l'opposition des parlements
La **vénalité des offices** (vente des charges judiciaires) a été officialisée sous François Ier, puis consolidée par la **Paulette** en 1604, rendant les offices patrimoniaux. Cette pratique limitait le contrôle du roi sur ses magistrats, favorisait les classes possédantes, mais rendait la justice coûteuse et pouvait mener à la formation de dynasties judiciaires [7](#page=7).
Les **Parlements**, corps de magistrats puissants, s'opposaient souvent aux réformes royales et exerçaient un droit d'enregistrement des édits et ordonnances, assorti de **remontrances**. Le "lit de justice" permettait au roi d'imposer l'enregistrement de ses actes. Les tentatives de réforme, comme celles du Chancelier Maupeou (édits de 1771) ou du Chancelier Lamoignon (édits de 1788), ont échoué face à cette opposition parlementaire et aux protestations [8](#page=8) [9](#page=9).
#### 1.3.4 Le mouvement critique et l'émergence de nouvelles idées
Le dernier tiers du XVIIIème siècle a été marqué par une critique acerbe de la justice, notamment criminelle, portée par les intellectuels des Lumières. Des affaires retentissantes comme celles de Calas, Sirven, ou du Chevalier de la Barre ont révélé les imperfections des procédures, la rigueur des peines et le non-respect des droits de la défense [9](#page=9).
Des penseurs comme **Cesare Beccaria**, dans son ouvrage "Des délits et des peines" ont proposé des principes novateurs :
* Adoucissement et proportionnalité des peines [9](#page=9).
* Rejet du droit de grâce et exigence de légalité [9](#page=9).
* Critique de la peine de mort au profit de l'utilitarisme pénal, visant à la prévention et à la dissuasion [10](#page=10).
Jeremy Bentham a également développé les principes de l'utilitarisme pénal et l'idée du **panoptique** [10](#page=10).
### 1.4 La Révolution de la justice (1789-1799)
La Révolution a visé à anéantir l'organisation judiciaire de l'Ancien Régime pour en construire une nouvelle, fondée sur de nouveaux principes [10](#page=10).
#### 1.4.1 La nouvelle organisation de la justice civile
La justice révolutionnaire a été guidée par la méfiance envers les anciens acteurs, le principe de simplicité et la primauté de l'arbitrage et de la conciliation [11](#page=11).
* **Suppression des justices seigneuriales et de la vénalité des offices:** La justice est devenue gratuite [11](#page=11).
* **Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen:** Socle de la philosophie pénaliste de la Révolution, affirmant l'égalité, le principe de légalité des délits et des peines, et l'interdiction de la rétroactivité [13](#page=13) .
* **Loi des 16 et 24 août 1790:** Nouvelle organisation judiciaire basée sur les départements, districts et cantons, privilégiant l'arbitrage et la justice de paix [11](#page=11) [12](#page=12).
* **Justice de paix:** Un juge par chef-lieu de canton pour les affaires de faible valeur [12](#page=12).
* **Tribunaux de district:** Juges d'appel les uns des autres (appel circulaire) [12](#page=12).
* **Tribunal de cassation:** Créé pour veiller à l'application de la loi et au respect de la procédure, sans interpréter le contenu des lois. Il renvoyait les affaires complexes au législateur (référé législatif) [13](#page=13) .
#### 1.4.2 La création d'une nouvelle justice pénale
De nouveaux principes ont été proclamés, notamment dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen :
* **Principe de légalité des délits et des peines:** Interdiction de punir pour un crime non prévu par la loi [13](#page=13).
* **Suppression du droit de grâce.** [13](#page=13) .
* **Présomption d'innocence.** [13](#page=13).
Le ministère public est devenu **bicéphale** (commissaires du roi et accusateur public), puis a été simplifié avec l'accusateur public représentant la nation [14](#page=14).
Trois degrés de juridictions répressives ont été créés :
* **Tribunaux de police municipaux.** [14](#page=14).
* **Tribunaux correctionnels.** [14](#page=14).
* **Tribunaux criminels:** Composés de juges et d'un jury populaire, une innovation majeure [15](#page=15).
Le **Code pénal de 1791** a introduit des peines fixes, a réduit le nombre de crimes passibles de mort et a institué la guillotine comme mode d'exécution unique, symbole d'égalité. La prison est devenue une peine autonome [15](#page=15) [16](#page=16).
Les **magistrats** n'étaient plus des professionnels mais des citoyens élus, soumis au contrôle du peuple [16](#page=16).
#### 1.4.3 La remise en cause du modèle libéral : la justice révolutionnaire
Suite aux crises et aux menaces internes et externes, un **gouvernement révolutionnaire** s'est instauré à partir du 10 août 1792, suspendant les garanties judiciaires. La **Terreur** a vu la création de tribunaux exceptionnels pour éliminer les adversaires de la Révolution [16](#page=16) [17](#page=17).
* **Justiciables des tribunaux révolutionnaires:** Émigrés, prêtres réfractaires, suspects (loi des suspects du 17 septembre 1793) [17](#page=17).
* **Tribunal révolutionnaire (créé le 10 mars 1793):** Jugement sans appel ni recours en cassation, visant à éliminer les "ennemis de la Révolution" [17](#page=17).
#### 1.4.4 Les réformes du Directoire et le retour à un modèle étatique .
Après la Terreur, le Directoire a cherché à rétablir un contrôle étatique sur la justice :
* **Commissaire du gouvernement:** Représentant de l'État dans chaque juridiction [18](#page=18).
* **Rétablissement du ministère de la Justice.** [18](#page=18).
* **Suppression des tribunaux de famille.** [18](#page=18).
* **Remplacement des tribunaux de district par un tribunal unique par département.** [18](#page=18).
* **Maintien de l'élection des juges, mais avec des restrictions de la part du Directoire.** [18](#page=18).
### 1.5 Le modèle napoléonien et la consolidation de la justice d'État (1800-1815)
Le coup d'État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799) a porté Bonaparte au pouvoir, ouvrant la période du Consulat puis de l'Empire. L'objectif était de structurer la société de manière hiérarchique et autoritaire avec de nouvelles institutions judiciaires [19](#page=19).
#### 1.5.1 Une nouvelle organisation des juridictions civiles
La **loi du 27 Ventôse an VIII (18 mars 1800)** a restructuré les tribunaux civils, posant les bases encore actuelles de l'organisation judiciaire :
* **Justices de paix:** Pour les infractions mineures [20](#page=20).
* **Tribunaux d'arrondissement:** Juges de droit commun en première instance [20](#page=20).
* **Tribunaux d'appel (devenus Cours Impériales en 1804):** Structure hiérarchisée [20](#page=20).
* **Tribunal de cassation:** Subsiste pour veiller à l'application du droit [20](#page=20).
* **Tribunaux de commerce et Conseils de prud'hommes:** Maintenus ou créés pour des litiges spécifiques [20](#page=20).
La nomination des juges relève du chef du gouvernement, avec des conditions d'âge et de formation (licence en droit et stage) à partir de 1809 [20](#page=20).
#### 1.5.2 La réforme de la justice pénale
La procédure pénale a été réformée entre 1808 et 1810 avec le **Code d'instruction criminelle ** et le **Code pénal ** .
* **Tribunaux correctionnels:** Pour juger les délits [21](#page=21).
* **Cours d'assises (créées en 1811):** Pour juger les crimes, composées de juges et d'un jury de 12 citoyens. Les décisions n'étaient pas susceptibles d'appel, sauf recours en cassation [21](#page=21).
Le **Code pénal de 1810**, surnommé le "code de fer", a renforcé la sévérité des peines, rétabli certains supplices (marque au fer rouge, poing coupé), et rétabli les peines perpétuelles. Le droit de grâce, aboli en 1792, est rétabli en 1802 [21](#page=21).
#### 1.5.3 Le rôle croissant du ministère public
Le ministère public est devenu un instrument clé de la politique pénale. Le principe de légalité des poursuites, inscrit dans le Code de 1808, a progressivement laissé place au **principe d'opportunité des poursuites**, permettant au parquet de décider d'engager ou non des poursuites [21](#page=21) [22](#page=22).
Le **juge d'instruction**, créé en 1808, a vu son rôle se restreindre face au développement des prérogatives du ministère public et de la police judiciaire [22](#page=22) [23](#page=23).
#### 1.5.4 La réforme des juridictions de l'ordre administratif
La **Constitution de l'an VIII** et la **loi du 28 pluviôse an VIII (18 février 1800)** ont réorganisé l'administration et mis en place de nouvelles juridictions administratives :
* **Conseils de préfecture:** Présidés par le préfet, leur compétence était limitée [24](#page=24).
* **Conseil d'État:** Cumulant des fonctions de rédaction de lois, de direction de l'administration et de tribunal des conflits. Il était le juge de droit commun du contentieux administratif [24](#page=24).
Le Conseil d'État a d'abord eu un rôle de "justice retenue", ses décisions étant soumises à l'approbation de l'Empereur. Ce n'est qu'en 1872 que le Conseil d'État est devenu une juridiction autonome [24](#page=24).
### 1.6 La magistrature politisée et les réformes de la carte judiciaire (XIXème siècle - 1958)
#### 1.6.1 Une magistrature sous influence politique
Le recrutement et l'avancement des magistrats dépendaient largement du pouvoir politique, notamment des recommandations de protecteurs influents et du dévouement au régime en place. Les magistrats du parquet étaient particulièrement vulnérables aux changements de régime. Les épurations de la magistrature ont marqué les transitions politiques [25](#page=25).
Des tentatives d'établir des concours pour le recrutement ont eu lieu dès le XIXème siècle, mais ce n'est qu'en 1958 que la création de l'École nationale de la magistrature (ENM) a marqué un véritable mode de sélection basé sur le mérite [26](#page=26) [27](#page=27).
L'accès des femmes à la magistrature a été officiellement ouvert en 1946, avec une entrée massive à partir des années 1970 [27](#page=27).
#### 1.6.2 Les réformes de la carte judiciaire
Les réformes de la carte judiciaire (répartition territoriale des tribunaux) ont été rares et difficiles à mettre en œuvre, souvent bloquées par des résistances locales [28](#page=28).
* Apparition de **juridictions spécialisées** pour répondre à des besoins sociaux spécifiques (tribunaux de pensions, tribunaux paritaires de baux ruraux, tribunaux pour la sécurité sociale, justice des mineurs) [28](#page=28).
* Tentatives de **regroupement des tribunaux**, notamment la réforme Poincaré de 1926 qui a été abrogée [29](#page=29).
La **réforme de 1958**, menée par Michel Debré, a profondément réorganisé les juridictions et la carte judiciaire :
* Suppression des justices de paix et création du **tribunal d'instance** [30](#page=30).
* Transformation des tribunaux civils de première instance en **tribunaux de grande instance** [30](#page=30).
* Les appels en matière civile et correctionnelle étaient portés aux cours d'appel [30](#page=30).
* La cour d'assises restait sans appel en matière criminelle jusqu'en 2000 [30](#page=30).
Cette réforme a marqué un tournant majeur dans la modernisation de la justice française [30](#page=30).
---
# La justice sous l'Ancien Régime et la Révolution
Voici une synthèse détaillée du sujet "La justice sous l'Ancien Régime et la Révolution", conforme à vos exigences.
## 2. La justice sous l'ancien régime et la révolution
La transition de la justice de l'Ancien Régime à celle de la Révolution française révèle une transformation profonde des structures, des principes et de l'idéal de justice, passant d'un système fragmenté et souvent arbitraire à une organisation cherchant à incarner l'égalité et la loi [10](#page=10) [1](#page=1).
### 2.1 La justice sous l'Ancien Régime : complexité, oppositions et critiques
Sous l'Ancien Régime, la justice était caractérisée par une organisation juridictionnelle extrêmement complexe et fragmentée, marquée par l'enchevêtrement des compétences et l'omniprésence de la justice retenue du roi, tout en faisant face à d'importantes oppositions, notamment celles des parlements [2](#page=2).
#### 2.1.1 L'organisation juridictionnelle de l'Ancien Régime
La justice de l'Ancien Régime se distinguait par une superposition de juridictions et une myriade de juridictions d'exception, reflétant un manque de rationalité organisationnelle [2](#page=2) [3](#page=3).
##### 2.1.1.1 Les juridictions de droit commun
* **Les tribunaux inférieurs:** Incluaient les juridictions seigneuriales, municipales, et les prévôtés. Ces dernières ont vu leurs compétences réduites au profit des baillis et sénéchaux, qui jugeaient les appels des prévôts et les affaires civiles et criminelles [3](#page=3).
* **Les présidiaux:** Créés en 1552, ils visaient à juger en dernier ressort les litiges civils dont la valeur ne dépassait pas 250 livres, afin de limiter le recours aux parlements. Cependant, leur efficacité fut limitée par la propension des plaideurs à user de tous les recours et par la vénalité des offices [3](#page=3).
##### 2.1.1.2 Les juridictions d'exception
Ces juridictions étaient créées pour des contentieux spécialisés, reflétant les différentes facettes de l'administration royale :
* **Contentieux spécialisé:** Les maîtrises particulières des eaux et forêts, les amirautés, les juridictions consulaires (pour les marchands), et les juridictions des conservateurs des universités étaient chargées de dossiers spécifiques [3](#page=3).
* **Police militaire et maréchaussée:** Les prévôts des maréchaux rendaient une justice sévère pour maintenir l'ordre et juger les militaires et les vagabonds [4](#page=4).
* **Juridictions financières, monétaires et domaniales:** Les chambres des comptes, cours des aides, cours des monnaies et les élections traitaient des questions fiscales, monétaires et de gestion du domaine royal [4](#page=4).
#### 2.1.2 La justice retenue et la justice déléguée
Le roi était considéré comme la source de toute justice ("fontaine de toute justice"). Il exerçait sa justice de deux manières [2](#page=2) [4](#page=4):
* **Justice retenue:** L'intervention personnelle du roi dans le cours de la justice, souvent par des requêtes présentées par les sujets [5](#page=5).
* **Jugement des placets:** Demandes adressées au roi pour obtenir une intervention en cas d'abus ou pour une grâce [5](#page=5).
* **Lettres de cachet:** Ordres signés par le roi ordonnant l'incarcération, la réclusion ou l'assignation à demeure, symbolisant l'arbitraire royal et faisant l'objet de vives critiques [5](#page=5).
* **Lettres de grâce:** Permettaient au roi d'atténuer ou d'effacer une peine, manifestant sa miséricorde mais aussi une forme d'arbitraire [5](#page=5).
* **Justice déléguée:** Le roi délégait son pouvoir de justice à des tribunaux [2](#page=2).
#### 2.1.3 La vénalité des offices et ses conséquences
La vénalité des offices, c'est-à-dire la possibilité d'acheter et de transmettre une fonction judiciaire, a eu des conséquences majeures sur l'indépendance des magistrats et le contrôle royal [6](#page=6) [7](#page=7).
* **Instauration et patrimonialité:** Formalisée sous François Ier et rendue héréditaire par la Paulette en 1604, la vénalité a transformé les offices en patrimoines privés [7](#page=7).
* **Conséquences :**
* **Indépendance des magistrats:** Les officiers, ayant acheté leur charge, gagnaient une indépendance vis-à-vis du roi [7](#page=7).
* **Justice coûteuse:** Le système des épices versées par les plaideurs rendait la justice onéreuse [7](#page=7).
* **Multiplication des offices:** Pour accroître les finances royales, conduisant à une surabondance et une dévalorisation des charges [7](#page=7).
* **Formation de dynasties judiciaires.** [7](#page=7).
#### 2.1.4 L'opposition des parlements
Les parlements, corps judiciaires puissants, s'opposaient aux réformes royales, notamment par leur droit d'enregistrement des édits et ordonnances royaux et leurs remontrances [7](#page=7) [8](#page=8).
* **Origine et compétences:** Issus de la Cour du roi, les parlements étaient des juridictions d'appel et pouvaient rendre des arrêts de règlement [8](#page=8).
* **Enregistrement et remontrances:** Les parlements pouvaient s'opposer à l'enregistrement des lois royales, menant à des "lettres de jussion" ou à des "lits de justice" où le roi imposait l'enregistrement [8](#page=8).
* **Échec des tentatives de réforme:** Les réformes de Maupeou visant à supprimer la vénalité et rendre la justice gratuite échouèrent, tout comme celle de Lamoignon [8](#page=8) [9](#page=9).
#### 2.1.5 Le mouvement critique et la philosophie des Lumières
Le dernier tiers du XVIIIe siècle a vu naître un mouvement de critique intense de la justice, nourri par les affaires marquantes et la pensée des Lumières [9](#page=9).
* **Affaires marquantes:** L'affaire Calas, Sirven, et le Chevalier de la Barre ont révélé les archaïsmes, la rigueur et les vices de la justice criminelle [9](#page=9).
* **Influence de Beccaria:** L'ouvrage "Des délits et des peines" de Cesare Beccaria a profondément influencé la pensée moderne en prônant l'adoucissement des peines, le principe de légalité, et une approche utilitariste de la sanction [10](#page=10) [9](#page=9).
* **Utilitarisme pénal:** Développé par Jeremy Bentham, ce courant met l'accent sur la prévention, la proportionnalité des peines et la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre [10](#page=10).
### 2.2 La révolution de la justice : principes et transformations
La Révolution française a cherché à anéantir l'organisation judiciaire de l'Ancien Régime pour établir un système nouveau fondé sur l'égalité, la loi et les droits du citoyen, bien que ces idéaux aient été souvent malmenés par la période révolutionnaire elle-même [10](#page=10).
#### 2.2.1 La nouvelle organisation de la justice civile
La loi des 16 et 24 août 1790 a jeté les bases d'une nouvelle organisation judiciaire, caractérisée par la simplicité, la méfiance envers les anciens magistrats et la promotion de l'arbitrage et de la conciliation [11](#page=11).
* **Fin de l'Ancien Régime judiciaire:** Suppression des justices seigneuriales, de la vénalité des offices, et des parlements [11](#page=11).
* **Principe de simplicité et confiance en la loi:** L'objectif était de réduire le recours aux tribunaux, en privilégiant la justice de bon sens et le vote (réservé aux élites) [11](#page=11) [12](#page=12).
* **Nouveaux tribunaux :**
* **Justice de paix:** Instaurée dans chaque chef-lieu de canton pour juger les litiges de faible valeur et favoriser la conciliation [12](#page=12).
* **Tribunaux de district:** Situés dans chaque district, ils jugeaient les affaires civiles et servaient de juridictions d'appel, instaurant un système d'appel "circulaire" [12](#page=12).
* **Tribunal de cassation:** Créé par la loi des 27 novembre et 1er décembre 1790, il veille à l'application de la loi, sans interpréter les faits, se plaçant aux côtés du pouvoir législatif [13](#page=13).
#### 2.2.2 La création d'une nouvelle justice pénale
La justice pénale a été profondément réformée, s'appuyant sur les principes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) et marquant une rupture avec la rigueur de l'Ancien Régime [13](#page=13).
* **Principes nouveaux :**
* **Légalité des délits et des peines:** Interdiction de punir pour un crime non prévu par la loi [13](#page=13).
* **Rétroactivité interdite.** [13](#page=13).
* **Abolition du droit de grâce.** [13](#page=13).
* **Protection des droits fondamentaux:** Présomption d'innocence, liberté de conscience, d'opinion et d'expression [13](#page=13).
* **Nouveau ministère public:** Bicéphale au départ (commissaires du roi et accusateur public), il est ensuite constitué uniquement de l'accusateur public représentant la nation [14](#page=14).
* **Juridictions répressives :**
* **Tribunaux de police municipaux.** [14](#page=14).
* **Tribunaux de police correctionnels.** [14](#page=14).
* **Tribunaux criminels:** Ils comprenaient un jury populaire, grande innovation révolutionnaire permettant la participation des citoyens à la justice. La culpabilité était prononcée par les jurés (10 voix sur 12) et l'application de la loi par les juges [15](#page=15).
* **Nouveau droit pénal:** Le Code pénal de 1791 a introduit des peines fixes, l'abolition du droit de grâce, la réduction du nombre de crimes passibles de mort, et la guillotine comme moyen unique d'exécution, symbolisant l'égalité devant la mort. La prison devient une peine principale [15](#page=15) [16](#page=16).
#### 2.2.3 Le statut des magistrats
Sous la Révolution, les juges ne sont plus des professionnels nommés ou héréditaires, mais des citoyens élus, soumis au contrôle du peuple. Cependant, la Convention a fini par nommer directement les magistrats, portant atteinte au principe d'élection [16](#page=16).
#### 2.2.4 Les remises en cause du modèle libéral
Après le 10 août 1792, les garanties judiciaires issues de la DDHC sont suspendues, marquant le début de la "justice révolutionnaire" d'exception, visant à punir les ennemis de la Révolution dans un contexte de crise et de guerre [16](#page=16).
---
# La justice sous le Consulat, l'Empire et les Républiques
Cette période voit la transformation radicale de l'organisation judiciaire française, passant d'un pouvoir judiciaire limité sous la Révolution à une justice fortement influencée par l'exécutif sous Napoléon, puis évoluant vers une structure plus moderne à travers les différentes Républiques [19](#page=19).
### 3.1 Les réformes de la justice sous le Consulat et l'Empire (1799-1815)
La période révolutionnaire s'achève avec le coup d'État du 18 Brumaire an VIII, portant Bonaparte au pouvoir, qui vise à structurer la société de manière hiérarchique et autoritaire avec de nouvelles institutions judiciaires. Deux grandes réformes marquent cette période: celle de l'administration par la loi du 28 pluviôse an VIII et celle de la justice par la loi du 27 ventôse an VIII. Le pouvoir exécutif devient prépondérant, la Constitution de l'an VIII supprimant le terme "pouvoir judiciaire" et affirmant la domination de l'exécutif sur l'organisation judiciaire [19](#page=19) [20](#page=20).
#### 3.1.1 La nouvelle organisation des juridictions civiles
La loi du 18 mars 1800 (27 Ventôse an VIII) restructure les tribunaux civils en instaurant une pyramide des juridictions [20](#page=20):
* **Justices de paix:** Situées au chef-lieu du canton, elles statuent sur les infractions mineures, correspondant aux tribunaux de police [20](#page=20).
* **Tribunaux d'arrondissement:** Un par arrondissement, ils sont les juges de droit commun en première instance pour tous les litiges non réservés aux justices de paix [20](#page=20).
* **Tribunaux d'appel:** Créés au nombre de 28, ils couvrent un à trois départements [20](#page=20).
* **Tribunal de cassation:** Il subsiste, maintenant une structure relativement simple [20](#page=20).
En 1804, les tribunaux d'appel deviennent des cours impériales, rétablissant d'anciennes dénominations et le costume judiciaire. La nomination des juges relève du chef du gouvernement, sur proposition du garde des sceaux. Des conditions d'âge (30 ans minimum) et, à partir de 1809, de diplôme (licence en droit) et de stage sont exigées pour devenir magistrat [20](#page=20).
Sont également maintenus :
* **Tribunaux de commerce:** Pour les litiges entre commerçants [20](#page=20).
* **Conseils de prud'hommes:** Créés en 1806 pour régler les conflits entre patrons et ouvriers [20](#page=20).
#### 3.1.2 La réforme de la justice pénale
La justice pénale est réformée entre 1808 et 1810 par le Code d'instruction criminelle (procédure pénale) et le Code pénal [20](#page=20).
##### 3.1.2.1 Les tribunaux pénaux
L'organisation pénale est profondément modifiée [21](#page=21):
* **Justices de paix:** Maintenues pour juger les contraventions (infractions mineures), leurs décisions peuvent être contestées devant les tribunaux de première instance [21](#page=21).
* **Tribunaux correctionnels:** Compétents pour juger les délits, leurs décisions sont susceptibles d'appel [21](#page=21).
* **Cours d'assises:** Créées en 1811 pour remplacer les tribunaux criminels, elles jugent les crimes. Composées d'un président, d'assesseurs, du ministère public et d'un jury de 12 citoyens, elles ne siègent pas en permanence et leurs décisions ne sont pas susceptibles d'appel, sauf recours en cassation. Ce système perdure jusqu'à la loi de 2000 introduisant l'appel en matière criminelle [21](#page=21).
Le Code pénal de 1810 renforce la sévérité des peines et les prérogatives du ministère public. Il rétablit des peines comme la marque au fer rouge et le poing coupé pour le parricide, et réintroduit les peines perpétuelles. Le droit de grâce, aboli en 1792, est rétabli en 1802 par le Premier Consul [21](#page=21).
##### 3.1.2.2 Le rôle croissant du ministère public
Dès 1825, une statistique criminelle est établie pour recenser les crimes. Le ministère public est présent dans toutes les juridictions. Il devient l'instrument clé de la politique pénale du gouvernement [21](#page=21).
En 1808, le Code d'instruction criminelle attribue chaque étape du procès criminel à un organe distinct: poursuites (ministère public), enquêtes (juges d'instruction), jugement (juges). Le principe de légalité des poursuites, imposant au parquet de saisir le juge dès information d'une infraction, est rapidement délaissé au profit du principe d'opportunité des poursuites, où le ministère public décide seul d'engager ou non des poursuites [22](#page=22).
Le parquet s'immisce dans les enquêtes, menant des enquêtes officieuses via la police judiciaire, réduisant le rôle du juge d'instruction aux affaires mineures. La loi de 1863 sur les flagrants délits permet au parquet de mener des instructions rapides et de délivrer des mandats de dépôt. La correctionnalisation, consistant à faire juger un crime par un tribunal correctionnel en le requalifiant en délit, permet d'éviter le jury populaire des assises et d'accélérer les procédures [22](#page=22).
##### 3.1.2.3 Le juge d'instruction
Créé en 1808, le juge d'instruction est initialement le seul chargé des enquêtes et décide du renvoi des affaires devant une juridiction. Son rôle se restreint progressivement avec le développement des prérogatives du ministère public et la montée en puissance de la police judiciaire. À la fin du XIXe siècle, il n'instruit plus qu'une affaire correctionnelle sur cinq, devenant principalement un juge d'enquête [22](#page=22) [23](#page=23).
#### 3.1.3 La réforme des juridictions de l'ordre administratif
Les bases sont posées par la Constitution de l'an VIII et la loi du 28 pluviôse an VIII (18 février 1800). Deux juridictions administratives sont instaurées [23](#page=23):
* **Les conseils de préfecture:** Un par département, présidés par le préfet. Leur compétence est restreinte aux litiges relatifs à la qualification d'électeur et aux contributions directes [24](#page=24).
* **Le Conseil d'État:** Rappelant l'ancien Conseil du roi, il cumule plusieurs fonctions: rédaction des projets de lois, direction de l'administration par voie de règlements, rôle dans l'organisation administrative, et tribunal des conflits. Il est le juge de droit commun du contentieux administratif, statuant en première instance et en appel des décisions des conseils de préfecture [24](#page=24).
Cependant, le Conseil d'État n'est pas souverain; ses décisions sont des délibérations soumises à l'Empereur. C'est une "justice retenue", exercée sous l'autorité du chef de l'État. Sous la Troisième République, la loi du 24 mai 1872 transforme le Conseil d'État en juridiction autonome, rendant des arrêts souverains et cessant d'exercer le rôle de Tribunal des conflits [24](#page=24).
### 3.2 La magistrature politisée et l'évolution de son statut (19e siècle - époque contemporaine)
Du début du XIXe siècle jusqu'en 1958, le recrutement et l'avancement des magistrats dépendent majoritairement du pouvoir politique, ce qui traduit une mainmise de l'État sur la justice [25](#page=25).
#### 3.2.1 Conditions de recrutement et d'avancement
Les magistrats sont nommés par le chef de l'exécutif, avec des exigences de licence en droit et de stage à partir de 1810. Les magistrats du siège bénéficient de l'inamovibilité une fois nommés, tandis que les magistrats du parquet, considérés comme des agents de l'exécutif, sont vulnérables aux changements de régime. L'avancement dépend du régime en place et des recommandations d'influents protecteurs [25](#page=25).
> **Tip:** Le système de recrutement mis en place en 1800 est resté inchangé pendant plus d'un siècle et demi. Ce n'est qu'en 1958, avec le concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature, qu'un mode de sélection basé sur le mérite est établi [25](#page=25).
#### 3.2.2 Les épurations de la magistrature
L'inamovibilité était fréquemment bafouée lors des changements politiques, entraînant des destitutions à chaque changement de régime: Restauration Monarchie de Juillet Seconde République Second Empire (1851-1852), et Troisième République (1879-1880), où l'inamovibilité est finalement consolidée par la loi du 30 août 1881 [25](#page=25) [26](#page=26).
#### 3.2.3 L'évolution des statuts des magistrats au 20e siècle
Le corps judiciaire se diversifie à la fin du XIXe siècle. Des tentatives de concours d'entrée apparaissent dès la Monarchie de Juillet, et des décrets en 1906 et 1908 tentent d'instaurer un concours puis un examen professionnel. La création du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) en 1946 (réformé en 1958) vise à organiser les nominations des magistrats du siège et à exercer la discipline, bien que son rôle reste limité [26](#page=26) [27](#page=27).
Le recrutement des magistrats est profondément modifié en 1958 avec la création d'un concours d'entrée à l'ENM (École Nationale de la Magistrature), qui prend ce nom officiellement en 1970 [27](#page=27).
##### 3.2.3.1 L'accès des femmes à la magistrature
Initialement réservée aux hommes, la profession d'avocat étant considérée comme un "office viril", les femmes obtiennent le droit de vote en 1944 et accèdent officiellement à la magistrature par une loi du 11 avril 1946. Les femmes entrent massivement dans la magistrature à partir des années 1970 [27](#page=27) [28](#page=28).
### 3.3 Les réformes de la carte judiciaire (1815-1958)
La carte judiciaire, qui désigne la répartition territoriale des tribunaux et leur ressort géographique, a connu peu de réformes majeures. Les réformes importantes interviennent généralement dans des périodes exceptionnelles et par des moyens exceptionnels [28](#page=28) [30](#page=30).
#### 3.3.1 L'apparition de juridictions spécialisées (1919-1958)
Au cours du 20e siècle, de nouvelles juridictions spécialisées voient le jour pour répondre à des besoins sociaux spécifiques :
* **1919:** Tribunaux de pensions pour indemniser les victimes de la guerre [28](#page=28).
* **1943:** Tribunaux paritaires de baux ruraux pour les litiges entre fermiers et propriétaires [28](#page=28).
* **1945:** Tribunaux spécialisés pour le contentieux de la Sécurité sociale [28](#page=28).
* **1945:** Création d'un système spécifique pour la justice des mineurs, avec la désignation d'un juge des enfants en 1951 [28](#page=28).
#### 3.3.2 La volonté de regrouper les tribunaux
Dès le début du XIXe siècle, une volonté de réduire le nombre de tribunaux et de cours d'appel apparaît, notamment pour des raisons d'économies budgétaires. Des projets échouent, mais des réductions partielles ont lieu, comme le regroupement des justices de paix en 1919 [29](#page=29).
La réforme Poincaré de 1926 remplace les tribunaux d'arrondissement par des tribunaux départementaux, supprimant 227 tribunaux sur 359, mais cette réforme est abrogée en 1930 [29](#page=29).
#### 3.3.3 Les réformes de 1958
La réforme majeure de 1958, opérée par décrets et ordonnances, touche la profession, les tribunaux et la carte judiciaire [29](#page=29).
* **Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM):** Réformé pour moderniser la gestion des magistrats [29](#page=29).
* **Recrutement des magistrats:** Création d'un examen d'entrée à la magistrature (concours) et du Centre National d'Études Judiciaires (futur ENM) [29](#page=29).
* **Profession de magistrat:** Revalorisée financièrement et en prestige, création du juge de l'application des peines [29](#page=29).
* **Réorganisation des juridictions et de la carte judiciaire :**
* Suppression des justices de paix [29](#page=29).
* Création du tribunal d'instance (situé au chef-lieu d'arrondissement, juge unique) reprenant les compétences des justices de paix et fonctionnant comme tribunal de police pour les contraventions [30](#page=30).
* Les tribunaux civils de première instance deviennent des tribunaux de grande instance (situés au chef-lieu de département), avec des compétences civiles étendues et un rôle correctionnel [30](#page=30).
* En 1958, tous les appels sont portés aux cours d'appel en matière civile et correctionnelle. Les crimes restent jugés en cour d'assises, sans possibilité d'appel jusqu'en 2000 [30](#page=30).
Cette réforme de 1958 marque un tournant majeur dans la modernisation de la justice française [30](#page=30).
---
# L'avènement de la justice pénale internationale
L'émergence de la justice pénale internationale au XXe siècle a marqué un tournant significatif dans la façon de concevoir la responsabilité pénale au-delà des frontières nationales [31](#page=31).
### 4.1 Juger les représentants d'un État
Historiquement, la souveraineté des États impliquait que les affaires internes relevaient de leur seule juridiction, sans intervention extérieure. Cependant, le XXe siècle a vu naître l'idée d'une justice pénale internationale capable de poursuivre les actes commis par des représentants d'États, malgré la réticence de ces derniers à accepter une telle juridiction [31](#page=31).
#### 4.1.1 Le Traité de Versailles .
Les États signataires du Traité de Versailles ont tenté d'établir une juridiction internationale pour juger l'empereur d'Allemagne, Guillaume II, en sa qualité de chef d'État. L'objectif était double: lutter contre la criminalité d'État et doter la justice d'une fonction préventive par l'exemple. Néanmoins, cette tentative n'a pas abouti à la comparution de l'empereur devant une cour internationale [31](#page=31).
#### 4.1.2 Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo
Ces tribunaux ont été créés après la Seconde Guerre mondiale pour juger les crimes commis pendant le conflit. Quatre chefs d'accusation principaux ont été retenus: le complot, les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, ce dernier constituant une notion nouvelle [31](#page=31).
* **Procès de Nuremberg (post-Seconde Guerre mondiale)**
* Accusations: complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, crimes contre l'humanité [31](#page=31).
* Critique: La justice a été qualifiée de "justice des vainqueurs", les Alliés ayant également commis des crimes [32](#page=32).
* **Procès de Tokyo ** .
* Objectif: juger les crimes de guerre commis par le Japon [32](#page=32).
* Constat: Le principal responsable, l'empereur Hirohito, n'a pas été poursuivi [32](#page=32).
#### 4.1.3 La notion juridique de génocide
En 1944, le juriste polonais Raphael Lemkin a conceptualisé le terme "génocide" pour décrire la destruction systématique de groupes humains en raison de leur race, religion ou nationalité [32](#page=32).
> **Tip:** La notion de génocide, introduite par Lemkin, a été fondamentale pour l'évolution du droit international pénal et la poursuite de crimes d'une gravité exceptionnelle.
### 4.2 La création de la Cour Pénale Internationale (CPI)
La création de la Cour Pénale Internationale (CPI) en 2002 marque une étape majeure dans la consolidation de la justice pénale internationale. La CPI est spécifiquement chargée de juger les crimes les plus graves à l'échelle internationale, notamment le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre [32](#page=32).
---
## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Terme | Définition |
|------|------------|
| Institution | Organisation créée par l'homme, durable, qui structure la société et les relations sociales, et qui s'inscrit dans le temps. Elle peut être politique, judiciaire, administrative ou sociale. |
| Judiciaire | Relatif à la justice, à ce qui se fait en justice, aux juges et aux tribunaux. |
| Justice retenue | Intervention personnelle du roi dans le cours de la justice, où il exerce son pouvoir directement, sans déléguer son autorité à des tribunaux. |
| Justice déléguée | Pouvoir de rendre la justice que le roi délègue à des tribunaux et à ses représentants. |
| Ordalie | Forme de preuve utilisée au Moyen Âge, consistant en une épreuve (unilatérale ou bilatérale) subie par une partie à un conflit, dont l'issue était censée prouver la vérité par intervention divine. |
| Duel judiciaire | Une forme d'ordalie bilatérale où les deux parties d'un conflit s'affrontaient physiquement, le vainqueur étant considéré comme ayant raison. |
| Procédure d'enquête | Méthode rationnelle de recherche de preuves et d'interrogatoires pour établir la vérité dans un procès, remplaçant progressivement les ordalies. |
| Justice d'État | Système de justice centralisé, émanant du pouvoir royal, visant à s'imposer au-dessus des autres formes de justice (seigneuriale, ecclésiastique, municipale). |
| Vénalité des offices | Système sous l'Ancien Régime où les fonctions judiciaires et administratives étaient achetées et vendues, conférant aux titulaires un statut de propriété sur leur charge. |
| Patrimonialité | Caractère de propriété qui s'attachait aux offices sous l'Ancien Régime, notamment grâce à l'institution de la Paulette, permettant leur transmission héréditaire moyennant un impôt annuel. |
| Parlements | Cours de justice souveraines sous l'Ancien Régime, exerçant notamment des fonctions d'enregistrement des édits royaux et des droits de remontrance. |
| Remontrances | Observations respectueuses formulées par les parlements à l'encontre des actes royaux, constituant un moyen de résistance et de conseil envers le roi. |
| Lit de justice | Procédure par laquelle le roi se rendait personnellement au parlement pour imposer l'enregistrement d'un édit ou d'une ordonnance, outrepassant ainsi l'opposition des magistrats. |
| Lettre de cachet | Acte royal signé par le roi, ordonnant une mesure d'enfermement, de réclusion ou d'assignation à résidence, souvent utilisée pour des raisons politiques ou disciplinaires sous l'Ancien Régime. |
| Lettre de grâce | Acte royal permettant d'atténuer ou d'effacer une peine en matière pénale, manifestant la miséricorde du roi. |
| Justice commissaire | Tribunal d'exception constitué par une lettre de commission pour juger une affaire spécifique, en dessaisissant la juridiction normalement compétente. |
| Conseil du Roi | Organe gouvernemental sous l'Ancien Régime, qui rendait également la justice au plus haut niveau, notamment par évocation, cassation et règlement de juges. |
| Tribunal de cassation | Juridiction dont le rôle est de vérifier la conformité des décisions de justice à la loi et à la procédure, sans juger le fond de l'affaire. |
| Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) | Texte fondamental de la Révolution française, proclamant les droits naturels et imprescriptibles de l'homme, servant de base à la philosophie pénaliste révolutionnaire. |
| Principe de légalité des délits et des peines | Principe selon lequel nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée avant le délit, et que la loi seule détermine les peines applicables. |
| Ministère public | Organe chargé de représenter la société et de veiller à l'application de la loi, poursuivant les délinquants et requérant l'application des peines. |
| Jury populaire | Institution révolutionnaire où des citoyens tirés au sort décident de la culpabilité de l'accusé dans les affaires criminelles. |
| Tribunal révolutionnaire | Juridiction d'exception créée pendant la Révolution française, chargée de juger les traîtres, conspirateurs et contre-révolutionnaires sans appel ni recours en cassation. |
| Terreur | Période de la Révolution française caractérisée par un appareil répressif et une justice d'exception visant à éliminer les adversaires réels ou supposés de la Révolution. |
| Justice d'exception | Justice dérogatoire au droit commun, mise en place dans des circonstances exceptionnelles pour faire face à des menaces particulières (ex. la Terreur). |
| Cour d'assises | Tribunal chargé de juger les crimes les plus graves, composé d'un président, de deux assesseurs et d'un jury populaire. |
| Code d'instruction criminelle | Ensemble de règles régissant la procédure pénale, c'est-à-dire la manière dont les affaires pénales sont traitées par la justice. |
| Code pénal | Ensemble des lois définissant les infractions et fixant les peines correspondantes. |
| Ministère de la Justice | Administration de l'État chargée de l'organisation et du fonctionnement de la justice. |
| Appel | Voie de recours permettant de soumettre une affaire déjà jugée en première instance à une juridiction supérieure pour un nouvel examen. |
| Cassation | Recours devant la Cour de cassation, visant à faire annuler une décision de justice pour violation de la loi ou de la procédure, sans réexaminer les faits. |
| Conseil d'État | Haute juridiction administrative française, ayant également un rôle consultatif auprès du gouvernement et chargé de rédiger les projets de loi. |
| Juridiction administrative | Instance judiciaire compétente pour connaître des litiges opposant les citoyens à l'administration publique. |
| Justice retenue | Pratique où le chef de l'État conserve un pouvoir de décision sur les jugements rendus par les juridictions administratives, ceux-ci n'étant pas souverains. |
| Inamovibilité | Principe garantissant que les magistrats du siège ne peuvent être révoqués de leur fonction, sauf cas exceptionnels (mort, démission, forfaiture). |
| Magistrats du parquet | Magistrats chargés de représenter le ministère public, représentant le pouvoir exécutif au sein des tribunaux. Ils ne bénéficient pas de l'inamovibilité comme les magistrats du siège. |
| Épices | Sommes d'argent versées par les plaideurs aux magistrats sous l'Ancien Régime, en contrepartie de leurs services judiciaires. |
| Épuration de la magistrature | Destitution ou révocation de magistrats suite à un changement de régime politique, afin d'assurer la fidélité du corps judiciaire au nouveau pouvoir. |
| Carte judiciaire | Répartition territoriale des tribunaux et de leur ressort géographique. |
| Juridictions spécialisées | Tribunaux créés pour traiter des contentieux spécifiques, répondant à des besoins sociaux particuliers. |
| Tribunal d'instance | Juridiction de première instance créée par la réforme de 1958, reprenant certaines compétences des anciennes justices de paix. |
| Tribunal de grande instance | Juridiction de première instance de droit commun, compétente pour les litiges civils et correctionnels. |
| Tribunal judiciaire | Juridiction issue de la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance en 2020. |
| Cour criminelle départementale | Cour composée de cinq magistrats professionnels, chargée de juger les crimes punis de moins de 20 ans de réclusion criminelle depuis 2023. |
| Justice pénale internationale | Système de justice visant à juger les individus responsables de crimes internationaux (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre). |
| Génocide | Destruction systématique d'un groupe humain en raison de sa race, religion ou nationalité. |
| Cour pénale internationale (CPI) | Juridiction internationale permanente chargée de juger les crimes les plus graves relevant du droit international. |
| Tribunal militaire international | Juridiction créée après la Seconde Guerre mondiale pour juger les criminels de guerre et les crimes contre l'humanité. |
| Crimes contre l'humanité | Actes inhumains commis à grande échelle contre une population civile. |
| Crimes de guerre | Violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux. |