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Summary
# La monarchie franque et les origines du droit
Ce sujet explore la transition de l'Empire romain vers les royaumes francs, en analysant les influences germaniques et romaines sur la royauté et le droit, couvrant la période mérovingienne et l'établissement des Francs en Gaule.
### 1.1 La royauté mérovingienne
Les frontières de l'Empire romain ont été fragilisées par des incursions de populations que Rome qualifiait de "barbares", terme renvoyant initialement à la langue et à la culture. Les historiens ont nuancé cette vision, préférant l'adjectif "germanique" et soulignant le mélange culturel entre les deux univers. Ces tribus germaniques, dispersées et possédant leurs propres chefs, ont tenté de franchir le limes, la frontière fortifiée de l'Empire d'Occident [1](#page=1).
Dès le IIIe siècle, l'Empire a privilégié des solutions politiques, concluant des pactes pour permettre l'installation de certains groupes à l'intérieur des frontières en échange de la défense de celles-ci. L'avancée des Huns au IVe siècle a intensifié la pression migratoire, poussant d'autres populations à chercher refuge derrière la frontière romaine, comme les Wisigoths, les Vandales, les Alains, les Suèves et les Burgondes. Ce mouvement d'implantation massive est traditionnellement appelé "invasions barbares" [1](#page=1) [2](#page=2).
Le pillage de Rome par les Wisigoths en 410 a profondément marqué l'Empire, interprété par certains comme une punition divine. Face à cette crise, l'empereur d'Occident Honorius a accordé des terres aux Wisigoths en échange de la paix. Progressivement, Rome a organisé l'installation pacifique par des traités bilatéraux, les chefs germains devenant des "hôtes" de Rome. En 476, Odoacre dépose l'empereur romain d'Occident, marquant la disparition de l'Empire d'Occident. L'ancienne Gaule romaine est alors partagée entre peuples germaniques, parmi lesquels les Francs se distinguent [2](#page=2).
Mérovée donne son nom à la dynastie mérovingienne, dont Clovis (règne 481-511) est la figure la plus emblématique. Clovis se distingue par ses ambitions militaires, ses victoires contre les Romains, les Alamans et les Wisigoths, contrôlant ainsi presque toute la Gaule à sa mort [2](#page=2).
#### 1.1.1 Conception franque du pouvoir
La conception franque du pouvoir diffère de la conception romaine: le pouvoir y est concret, personnel et guerrier, le chef légitime étant le plus fort. Le royaume est considéré comme un bien du roi, transmissible entre ses fils. Deux notions dominent pour exprimer les prérogatives royales: le **ban** (pouvoir de commandement, ordres et interdictions sanctionnés) et le **mundium** (fonction protectrice et magnanimité du souverain) [3](#page=3).
#### 1.1.2 L'unification par la religion
Clovis a consolidé sa puissance par des alliances matrimoniales et, surtout, par la conversion au catholicisme. Cette conversion, entourée de récits légendaires, était un moyen politique de s'attirer l'appui des populations gallo-romaines et de l'épiscopat, ainsi que de bénéficier du réseau de l'Église. Clovis se fait baptiser, et non sacrer, un rite d'entrée dans la communauté chrétienne. La cérémonie est attribuée à Rémy, évêque de Reims, et s'est déroulée autour de 496-506. Cette alliance du trône et de l'autel renforce le prestige de Clovis, qui reçoit des insignes consulaires de l'empereur d'Orient Anastase en 508, étant appelé "Auguste" [3](#page=3) [4](#page=4).
#### 1.1.3 Administration mérovingienne
Pour gouverner efficacement, le roi s'appuie sur une administration centrale, le **palais** (palatium), et des relais locaux, les **comtes**. Le palais est un ensemble de fonctions publiques et privées, mobile, dont les membres sont liés par l'entrustion. Le maire du palais, d'abord intendant, tend à diriger l'ensemble de l'institution. Au niveau local, le royaume est divisé en **pagus**, confiés à des comtes, délégués du roi exerçant des pouvoirs étendus en matière de justice, police, administration et perception de l'impôt. La composition des comtes variait selon les régions, avec une origine gallo-romaine au sud de la Loire et germanique au nord, facilitant la gouvernance selon les lois et usages locaux [4](#page=4).
### 1.2 Le renouvellement des sources du droit
La chute de l'Empire romain d'Occident en 476 entraîne une recomposition des sources du droit, avec le recul du droit romain et le développement des droits germaniques. Les traditions juridiques romaines et germaniques s'opposent sur des points essentiels, notamment le champ d'application de la loi [5](#page=5).
#### 1.2.1 Territorialité vs. Personnalité du droit
Rome privilégiait la **territorialité** du droit: la règle s'appliquait en fonction du lieu. Les droits germaniques reposent sur la **personnalité** du droit: l'application d'une règle dépend des caractéristiques personnelles des individus, notamment leur origine familiale ou leur appartenance à un peuple. En cas de litige, le juge devait identifier la loi applicable à chaque partie par la **professio legis**. Ce principe de personnalité du droit a permis la survie du droit romain après la disparition de l'Empire [5](#page=5).
> **Tip:** Le principe de personnalité du droit est crucial pour comprendre comment le droit romain a survécu à la chute de l'Empire d'Occident. Il explique pourquoi des habitants d'un même lieu pouvaient être soumis à des lois différentes.
#### 1.2.2 Le droit romain après l'Empire
Le droit romain, complexe et non encore simplifié par l'œuvre justinienne, était difficile à manier pour les juges germaniques. Cela a conduit à l'apparition de versions abrégées et simplifiées. En 506, le roi wisigoth Alaric II fait adopter le **Bréviaire d'Alaric**, une compilation de textes impériaux et d'interprétations de juristes. Clovis a conservé ce Bréviaire et en a étendu l'application aux Gallo-Romains de son royaume [5](#page=5) [6](#page=6).
#### 1.2.3 Les droits germaniques et l'acculturation
À côté des Gallo-Romains, les peuples germaniques étaient régis par leurs propres droits, initialement des coutumes orales. Au contact de l'Empire, les droits germaniques se sont romanisés, tant sur le plan formel (mise par écrit, rédaction en latin) que substantiel. Les premières compilations germaniques sont réalisées par les Wisigoths (Code d'Euric en 476) et les Burgondes (Loi des Burgondes en 502) [6](#page=6).
Le texte germanique le plus célèbre est le **Pactus Legis Salicae**, ou loi salique, promulgué entre 507 et 511. Son origine mixte est soulignée par des éléments romains, tels que sa rédaction écrite et le terme "pactus" [6](#page=6).
> **Example:** L'hypothèse selon laquelle la loi salique pourrait être une version d'un texte initialement rédigé par des autorités romaines pour les Francs saliens renforce l'idée d'une influence romaine dès les origines.
#### 1.2.4 La composition pécuniaire et la loi salique
La loi salique illustre l'acculturation en matière pénale, s'éloignant de la vengeance privée (faida) pour adopter la **composition pécuniaire**. Le coupable devait verser une somme combinant réparation et sanction: deux tiers pour la victime et un tiers pour les autorités. Le texte dresse une liste détaillée de tarifs pour diverses infractions, reflétant les inégalités de statut et l'importance des aptitudes guerrières [6](#page=6) [7](#page=7).
L'exemple de l'homicide est pertinent: le **wergeld** ("prix de l'homme") variait selon le statut de la victime. L'homicide d'un Franc protégé par le roi coûtait 600 sous, celui d'un Franc ordinaire 200 sous, et celui d'un Romain 100 sous. Les mutilations étaient également tarifées selon la gravité et les conséquences sur la capacité de travail. Cette logique de composition visait à briser le cycle des représailles et à diminuer la violence sociale, révélant une influence romaine et chrétienne [7](#page=7).
Un titre célèbre de la loi salique, le titre 62, interdisait la transmission des alleux (terres libres) aux femmes, dans un but patrimonial et familial initial. Au XIVe siècle, cette règle sera réactivée pour des raisons politiques inattendues. La loi salique sera amendée par Charlemagne pour devenir la **Lex Salica Emendata** [7](#page=7).
### 1.3 Le coup d'État carolingien et la restauration de l'Empire
La combinaison de l'affaiblissement des derniers rois mérovingiens et de la montée en puissance des maires du palais issus de la famille des Pipinides a conduit à un changement de pouvoir, menant au coup d'État carolingien et à la restauration de l'Empire [7](#page=7).
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# Le coup d'État carolingien et la restauration de l'Empire
La période analysée détaille l'ascension des maires du palais, la déposition des derniers rois mérovingiens, et l'établissement de la dynastie carolingienne, en explorant la légitimation religieuse du pouvoir et la restauration de l'Empire romain d'Occident [7](#page=7) [8](#page=8).
### 2.1 L'affaiblissement mérovingien et la montée en puissance des maires du palais
Les derniers rois mérovingiens virent leur autorité décliner, tandis que les maires du palais, issus de la famille des Pipinides, accrurent leur pouvoir au milieu du VIIIᵉ siècle. Dagobert Ier (629-639) est considéré comme le dernier roi mérovingien à avoir exercé un réel pouvoir. Ses successeurs, incapables d'imposer leur autorité et de mener des conquêtes, furent surnommés les « rois fainéants ». Ils conservaient les symboles de la royauté, mais le gouvernement effectif était exercé par le maire du palais [8](#page=8).
#### 2.1.1 Origine et évolution de la charge de maire du palais
À l'origine, le maire du palais était un proche du roi, nommé par ce dernier. En 623, Dagobert Ier nomma Pépin l'Ancien maire du palais d'Austrasie. Un mécanisme politique clé se mit en place: Pépin l'Ancien parvint à se maintenir après la mort du roi grâce au soutien de l'aristocratie, et son petit-fils, Pépin II de Herstal, accéda à son tour à la mairie d'Austrasie. Le royaume était souvent divisé entre héritiers, conformément à la conception germanique du royaume comme bien patrimonial, ce qui fragiliseait l'unité et favorisait les luttes entre royaumes (Austrasie, Neustrie, etc.) [8](#page=8).
#### 2.1.2 La prise de contrôle par la mairie du palais
Pépin II de Herstal profita des conflits entre l'Austrasie et la Neustrie pour accroître son pouvoir. Il remporta la bataille de Tertry en 687, prit également la mairie de Bourgogne et s'autoproclama *Princeps Francorum* (le « premier des Francs »). Plus important encore, il obtint que la charge de maire du palais devienne héréditaire, privant ainsi le roi de la maîtrise de la nomination [8](#page=8).
#### 2.1.3 Charles Martel et l'alliance religieuse
À la mort de Pépin II son fils Charles Martel hérita de cette puissance. Charles Martel consolida son autorité par ses succès militaires et une alliance avec la papauté. En 722, le pape Grégoire II envoya Boniface en mission et réclama la protection de Charles, qui l'accorda, gagnant ainsi les faveurs de l'Église. En 732, Charles Martel repoussa les Arabes près de Poitiers, renforçant ainsi le prestige des Pipinides. Il ne prit cependant pas le titre de roi, car le sang royal devait rester mérovingien pour être considéré comme légitime. À sa mort il transmit à ses fils Carloman et Pépin les titres de *dux* et *princeps* [8](#page=8).
### 2.2 L'avènement de la dynastie carolingienne et la légitimation du pouvoir
L'accession au trône des Carolingiens fut marquée par une prise de pouvoir politique et une légitimation religieuse approfondie [9](#page=9).
#### 2.2.1 La prise du pouvoir: déposition et élection .
Carloman se retira dans les ordres, permettant à Pépin le Bref de concentrer l'autorité. En novembre 751, à Soissons, il déposa Childéric III, le dernier roi mérovingien, qui fut tonsuré et envoyé à l'abbaye de Saint-Bertin. Pépin fut alors élu roi par les grands et élevé sur le pavois, selon la tradition franque. Cependant, une simple élection ne suffisait pas à stabiliser un changement dynastique; Pépin devait s'appuyer sur des sources de légitimité plus solides, notamment religieuses [9](#page=9).
#### 2.2.2 La légitimation pontificale : *potestas* et pragmatisme
Pépin consulta le pape Zacharie, lui posant la question de savoir s'il était juste que les rois en Francie n'aient pas la *potestas* royale, soulignant ainsi que les Mérovingiens n'exerçaient plus le pouvoir réel. Zacharie, menacé par les Lombards et en quête d'un protecteur, répondit qu'il valait mieux appeler roi celui qui détenait la *potestas* (le pouvoir effectif) plutôt que celui qui en était dépourvu. Pépin obtint ainsi une première validation pontificale, en échange de la protection promise [9](#page=9).
#### 2.2.3 Le sacre : transformation religieuse de la royauté
Pour parfaire sa légitimité, Pépin réactiva la tradition du sacre. À la différence du baptême, rite d'entrée commun à tous, le sacre était réservé aux souverains, signifiant l'élection divine, faisant du roi le *Christus Domini*, et le rendant intouchable (*sacer*). Pépin inaugura ainsi une alliance renouvelée entre le trône et l'autel, conférant à la royauté une dimension sacrée destinée à neutraliser l'idée que les grands pourraient "choisir" librement le roi à l'avenir [9](#page=9).
### 2.3 L'alliance politique et territoriale avec la papauté
L'alliance entre les Carolingiens et la papauté se concrétisa par des accords territoriaux et politiques significatifs [10](#page=10) [9](#page=9).
#### 2.3.1 La Donation de Pépin
Le successeur de Zacharie, Étienne II, menacé par le roi lombard Aistulf, se tourna vers Pépin, l'aide byzantine ayant échoué. L'alliance se concrétisa par le traité de Quierzy, signé le 14 avril 754, qui créa les États pontificaux. Cet accord, surnommé la Donation de Pépin, prévoyait la restitution au pape de l'exarchat de Ravenne. En contrepartie, le pape reconnut la dynastie carolingienne comme légitime et approuva l'éviction de Childéric III [10](#page=10).
#### 2.3.2 Le sacre de Saint-Denis et l'interdiction d'élire une autre lignée .
Le 28 juillet 754, à Saint-Denis, Étienne II sacra Pépin ainsi que ses deux fils, Charlemagne et Charles, leur conférant les titres de roi et de Patrice des Romains. Plus important encore, le pape lia les principaux Francs par une menace d'excommunication à ne jamais élire un roi issu d'une autre famille. Cette clause visait directement à empêcher que l'élection de 751 ne serve de précédent contre les Carolingiens, sacralisant ainsi l'élection [10](#page=10).
### 2.4 La restauration de l'Empire : *renovatio imperii*
Charlemagne, par ses conquêtes et sa politique unificatrice, parvint à rétablir un empire comparable à l'ancien Empire romain d'Occident, culminant avec son sacre impérial en 800 [10](#page=10).
#### 2.4.1 De roi à empereur: la *renovatio imperii* .
À la mort de Pépin le royaume fut partagé entre ses fils, mais Carloman mourut rapidement, laissant Charlemagne régner seul dès 771. Par ses conquêtes, il reconstitua vers l'an 800 un territoire comparable à celui de l'ancien Empire romain d'Occident. Il mena une politique d'unification (politique, économique, intellectuelle, religieuse, juridique), imposa une monnaie unique (le denier d'argent) en 781, attira des savants à la cour (notamment Alcuin) et christianisa les territoires conquis, satisfaisant ainsi la papauté. La papauté, fragilisée et privée d'un soutien byzantin efficace, dépendait de Charlemagne. Le pape Léon III obtint sa protection; en échange, Charlemagne reçut le prestige impérial. À Noël 800, dans la basilique Saint-Pierre de Rome, Léon III sacra Charlemagne empereur, marquant la *renovatio imperii*. Charlemagne ajouta aux titres hérités (roi, patrice des Romains) ceux d'Auguste et d'Empereur, à portée universaliste [10](#page=10) .
#### 2.4.2 Réforme du pouvoir : fin du maire du palais et contrôle centralisé
Conscients du danger représenté par un maire du palais devenu héréditaire sous les Mérovingiens, les Carolingiens supprimèrent cette fonction. Charlemagne la remplaça par un comte du palais, librement choisi et révocable par le roi. Le comte n'avait pas de pouvoir autonome; il exerçait un *ministerium* (service) au nom du souverain, sous surveillance, sans hérédité. Cette réorganisation s'inscrivit dans un maillage territorial existant, combinant comtes et évêques. Le *pagus* confié au comte correspondait souvent à un évêché, et l'évêque possédait également des compétences judiciaires [11](#page=11).
##### 2.4.2.1 Les *missi dominici* : une administration de contrôle
L'innovation majeure fut la création des *missi dominici*, « envoyés du maître », chargés de contrôler les agents locaux. Ils agissaient par binômes (un clerc et un laïc) pour surveiller les autorités laïques (comtes) et ecclésiastiques (évêques). Ils effectuaient plusieurs tournées par an, vérifiaient l'application du droit royal, l'équité des jugements, l'absence d'abus, et pouvaient se substituer à un agent fautif ou saisir le centre [11](#page=11).
##### 2.4.2.2 Les capitulaires : législation écrite et retour à la territorialité des lois
Le renforcement administratif s'accompagna d'un renforcement législatif. Les Carolingiens multiplièrent les textes écrits, les capitulaires, structurés en *capitula* (petits chapitres). Le chancelier, clerc choisi par l'empereur, rédigeait les lois, gardait le sceau et tenait les archives. Chaque année, au Champ de Mai (revue militaire et assemblée politique), Charlemagne réunissait hommes libres et dignitaires pour discuter des orientations, perpétuant la tradition franque d'association du peuple à la fabrication du droit. Les capitulaires étaient ensuite diffusés localement par les comtes et les évêques, souvent lus publiquement lors des sessions judiciaires, pour assurer la connaissance de la norme. Ces capitulaires entraînèrent un basculement majeur: le retour à la territorialité des lois. La règle cessa d'être appliquée selon l'origine des personnes pour s'imposer à tous les sujets du territoire carolingien, indépendamment de leurs ancêtres. Charlemagne se posa ainsi en héritier de l'Empire romain, maître d'un territoire dont la loi s'appliquait indistinctement à tous. Les capitulaires furent nombreux sous Charlemagne et Louis le Pieux, puis se rarifièrent, le dernier datant de 884 [11](#page=11) [12](#page=12).
### 2.5 La théocratie impériale et pontificale
Le sacre impérial de 800 souleva une question structurante: l'empereur était-il choisi directement par Dieu, ou le pape était-il l'intermédiaire indispensable? Les entourages impérial et pontifical défendirent des visions opposées. Charlemagne avait écrit à Léon III une répartition des rôles: au souverain temporel, la défense armée de l'Église et de l'ordre; au pape, l'aide spirituelle par la prière. Cette conception limitait le pape au domaine spirituel. Léon III répondit symboliquement lors du sacre: après l'acclamation, il proclama « À Charles Auguste, couronné par Dieu… vie et victoire! », mais refusa l'*adoratio* et se contenta de poser le diadème sans s'incliner, signifiant qu'il se considérait supérieur et qu'il "octroyait" le titre. De là naquit l'opposition entre [12](#page=12) :
* **Théocratie impériale:** pouvoir reçu directement de Dieu par l'empereur, supérieur dans l'ordre terrestre, le pape étant supérieur seulement dans le spirituel [12](#page=12).
* **Théocratie pontificale:** pouvoir suprême délégué par Dieu au pape, qui dominait à la fois le terrestre et le céleste [12](#page=12).
Sous Louis le Pieux, des conseillers comme Jonas d'Orléans (évêque de 818 à 843) renforcèrent l'idée impériale. Dans le miroir des princes *De l'institution royale*, Jonas rappelait au roi sa responsabilité devant Dieu, mais affirmait aussi que seul Dieu pouvait juger le souverain; sur terre, le roi était « le juge des juges », sans égal parmi les hommes, réfutant ainsi la prétention ecclésiastique à contrôler le gouvernement royal. Ainsi, le sacre devint l'argument central: l'empereur n'était pas le représentant de l'Église, mais celui de Dieu [12](#page=12).
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# Les sources et l'évolution du droit
Ce thème analyse le passage du droit romain territorial au droit germanique personnel, et comment ces deux traditions se sont mélangées pour former les nouvelles sources du droit à l'époque franque, en mettant en lumière des textes comme la loi salique.
### 3.1 Le choc des traditions juridiques : territorialité romaine versus personnalité germanique
La chute de l'Empire romain d'Occident en 476 marque un bouleversement dans les sources du droit. Les tribus germaniques, qui franchissent les frontières de l'Empire, apportent leurs propres règles et ne souhaitent pas se soumettre au droit romain. Ce passage s'accompagne d'un conflit entre deux conceptions fondamentales du droit [5](#page=5):
* **La territorialité du droit romain**: En principe, la loi romaine s'appliquait sur l'ensemble du territoire soumis à l'autorité romaine. Cependant, Rome faisait preuve de pragmatisme en laissant souvent les populations conquises conserver leurs coutumes locales pour les relations privées, tant que le droit public, pénal et fiscal romain était respecté [5](#page=5).
* **La personnalité du droit germanique**: À l'inverse, les droits germaniques étaient basés sur les caractéristiques personnelles des individus, notamment leur origine familiale ou leur appartenance à un peuple. Cela signifiait que des personnes vivant dans le même lieu pouvaient être soumises à des lois différentes, tandis que des membres d'un même peuple, même géographiquement éloignés, relevaient de la même loi [5](#page=5).
En cas de litige, le juge devait donc identifier la loi applicable à chaque partie via la *professio legis*, où chaque plaideur se rattachait à la loi de ses ancêtres. Les conflits de lois survenaient lorsque les parties relevaient de lois différentes, surtout si un justiciable germanique était opposé à un individu soumis au droit romain [5](#page=5).
> **Tip:** Le principe de personnalité du droit a eu un effet majeur: il a permis la survie du droit romain après la chute de l'Empire, car les Gallo-Romains continuaient d'être régis par ce droit [5](#page=5).
### 3.2 La survie et l'adaptation du droit romain
Le droit romain, bien que complexe et non encore simplifié par l'œuvre de Justinien, a survécu grâce au principe de personnalité. Les juges germaniques éprouvant des difficultés à le manier, des versions abrégées et simplifiées ont vu le jour pour le rendre plus accessible [5](#page=5).
Un exemple notable est le **Bréviaire d'Alaric**, une compilation promulguée par le roi wisigoth Alaric II en 506. Son objectif était de clarifier le droit romain en sélectionnant des textes préexistants, mêlant constitutions impériales et interprétations de juristes. Malgré la défaite d'Alaric II par Clovis, Clovis a conservé le Bréviaire et en a étendu l'application aux Gallo-Romains de son royaume [6](#page=6).
### 3.3 Le développement des droits germaniques et l'acculturation
Parallèlement, les peuples germaniques étaient régis par leurs propres droits, initialement sous forme de coutumes orales, peu techniques et de faible volume. Cependant, au contact de l'Empire romain, ces droits ont connu une "romanisation", tant sur le plan formel (mise par écrit, rédaction en latin, compilation) que substantiel (transformation du contenu) [6](#page=6).
Les premières compilations germaniques significatives proviennent des Wisigoths et des Burgondes. Le roi wisigoth Euric a promulgué un Code dès 476 et le roi burgonde Gondebaud a publié la Loi des Burgondes en 502, destinée à ses sujets germaniques. Ces évolutions suggèrent une acculturation plutôt qu'une simple confrontation entre deux mondes juridiques [6](#page=6).
### 3.4 La loi salique : un creuset d'influences
Le texte germanique le plus célèbre est le **Pactus Legis Salicae**, ou loi salique, associé à Clovis et promulgué entre 507 et 511. Une hypothèse suggère qu'il pourrait s'agir d'une version tardive d'un texte initialement rédigé par des autorités romaines pour les Francs saliens installés dès le IVe siècle. Cette idée d'origines mixtes est renforcée par la présence d'éléments romains dans la loi salique, comme sa forme écrite (plutôt qu'orale) et l'utilisation du terme latin *pactus* (dérivé de *pax*, la paix) [6](#page=6).
La loi salique illustre particulièrement l'acculturation en matière pénale, s'éloignant de la tradition germanique de la *faida* (vengeance privée) qui considérait le crime comme une offense privée. Elle adopte plutôt la logique de la **composition pécuniaire**, combinant réparation pour la victime (deux tiers) et amende pour les autorités (un tiers). Le texte détaille avec précision les tarifs pour diverses infractions, variant selon le statut de la victime, l'importance des aptitudes guerrières, et les conséquences sur la capacité de travail [6](#page=6) [7](#page=7).
> **Example:** L'homicide est tarifé différemment selon la victime: le *wergeld* (prix de l'homme) est de 600 sous pour un Franc protégé par le roi, 200 sous pour un Franc ordinaire, et 100 sous pour un Romain. Les mutilations sont également indemnisées selon la gravité et l'impact sur la capacité de travail, par exemple, si une main est "seulement pendante" ou "complètement séparée" [7](#page=7).
En substituant la composition à la vengeance, la loi salique contribue à réduire la violence sociale et à briser le cycle des représailles. Cette approche révèle également une influence chrétienne, les exigences pacificatrices de la religion étant difficilement compatibles avec la logique de vengeance [7](#page=7).
Un titre célèbre de la loi salique, le titre 62, interdit la transmission des *alleux* (terres en pleine propriété) aux femmes. Initialement d'ordre patrimonial et familial, visant à conserver les terres dans le lignage maternel, cette règle sera réactivée au XIVe siècle pour des raisons politiques et dynastiques, empêchant le royaume de passer à Isabelle, fille de Philippe IV, épouse d'Édouard II d'Angleterre, lors de la guerre de Cent Ans [7](#page=7).
Il est important de noter que la loi salique n'était pas figée; elle a été amendée par Charlemagne pour devenir la *Lex Salica Emendata* [7](#page=7).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Barbarie | Concept utilisé par les Grecs et les Romains pour désigner ce qui est étranger, notamment en termes de langue et de culture, souvent associé à une infériorité perçue par rapport à la civilisation. |
| Romanisation | Processus par lequel les peuples germaniques ont intégré des éléments des traditions, croyances, vocabulaire politique et institutions romaines. |
| Limes | Frontière fortifiée de l'Empire romain, séparant notamment la Gaule romaine de l'est du continent, et objet d'incursions de tribus extérieures. |
| Invasions barbares | Terme traditionnellement utilisé pour décrire le mouvement d'implantation massive des tribus germaniques en Gaule romaine, parfois sans l'accord de Rome, notamment au IVe siècle. |
| Loi salique | Texte juridique promulgué par les Francs saliens, dont la version la plus célèbre est liée à Clovis. Il montre une influence romaine et germanique, notamment en matière pénale et successorale. |
| Ban | Notion désignant le pouvoir de commandement du roi franc, incluant la capacité d'émettre des ordres et des interdictions, sanctionnés par des amendes ou des peines plus sévères. |
| Mundium | Concept renvoyant à la fonction protectrice et à la magnanimité du souverain franc, impliquant la protection des institutions et des personnes vulnérables. |
| Catholicisme | Doctrine chrétienne qui rejette l'arianisme et adhère aux décisions du concile de Nicée, considérée par Clovis comme un outil d'unification politique et sociale. |
| Arianisme | Doctrine chrétienne associée au prêtre Arius, qui rejetait la nature divine du Christ et le concile de Nicée, et qui était répandue chez certains peuples germaniques. |
| Sacre | Rituel réservé aux souverains chrétiens, symbolisant une élection divine au gouvernement et conférant une légitimité et une dimension sacrée à la royauté, distinct du baptême. |
| Palais (palatium) | Administration centrale du roi franc, ensemble de fonctions publiques et privées, mobile, composé de clercs et de laïcs liés par l'entrustion. |
| Comte (comes) | Délégué du roi au niveau local (pagus), exerçant des pouvoirs étendus en matière de justice, police, administration et perception de l'impôt, choisi et révocable par le roi. |
| Personnalité du droit | Principe juridique germanique selon lequel l'application d'une règle de droit dépend des caractéristiques personnelles des individus, en particulier de leur origine ethnique ou familiale. |
| Territorialité du droit | Principe juridique romain selon lequel la règle de droit s'applique en fonction du lieu où elle est appliquée, sur l'ensemble du territoire soumis à une autorité. |
| Bréviaire d'Alaric | Compilation du droit romain adoptée par le roi wisigoth Alaric II en 506, visant à simplifier et rendre plus accessible le droit romain, et qui fut conservée par Clovis. |
| Faida | Tradition germanique de vengeance privée, où un crime était considéré comme une offense privée envers la famille du coupable, nécessitant une rétribution. |
| Wergeld | Le "prix de l'homme" dans le droit germanique, une somme versée pour compenser un homicide, dont le montant variait selon le statut de la victime. |
| Composition pécuniaire | Logique juridique remplaçant la vengeance, où le coupable verse une somme d'argent qui combine réparation pour la victime et sanction pour les autorités, comme pratiqué dans la loi salique. |
| Maires du palais | Fonctions initialement exercées par un proche du roi franc, qui ont acquis une puissance considérable sous les derniers Mérovingiens, finissant par exercer le gouvernement effectif. |
| Princeps Francorum | Titre ("premier des Francs") auto-proclamé par Pépin II de Herstal, marquant une étape dans la prise de pouvoir des maires du palais. |
| Potestas | Terme latin signifiant "pouvoir" ou "puissance", utilisé par Pépin le Bref pour interroger le pape Zacharie sur la légitimité des rois mérovingiens qui en étaient dépourvus. |
| Théocratie impériale | Conception du pouvoir selon laquelle l'empereur reçoit son autorité directement de Dieu, le plaçant au-dessus du pape dans l'ordre terrestre. |
| Théocratie pontificale | Conception du pouvoir selon laquelle le pape détient le pouvoir suprême délégué par Dieu, dominant à la fois le terrestre et le céleste, et pouvant contrôler le gouvernement royal. |
| Missi dominici | "Envoyés du maître", fonction créée par les Carolingiens pour contrôler les agents locaux (comtes et évêques), agissant par binômes et assurant le contrôle de l'application du droit royal. |
| Capitulaire | Textes législatifs écrits sous les Carolingiens, structurés en chapitres, reflétant le renforcement administratif et le retour à la territorialité des lois. |