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Summary
# Définitions et critères d'une constitution
Cette section explore les différentes manières de définir une constitution, en se basant sur son contenu matériel et sa forme d'élaboration formelle, ainsi que les critères qui la distinguent des autres normes juridiques.
### 1.1 La constitution comme règle suprême et sa genèse
La Constitution revêt une valeur symbolique et juridique de règle suprême, justifiant la fondation d'un État. De nombreuses constitutions sont nées suite à des événements majeurs tels qu'une révolution, un coup d'État militaire, ou la volonté de renverser un pouvoir autoritaire. Les indépendances, notamment en 1960, ont également conduit à la création de nouveaux États et à l'adoption de nouvelles constitutions, confirmant ainsi le rôle de la Constitution comme un cadre juridique. La question de ce qui doit être inclus dans une constitution est centrale, menant à deux critères de définition: le critère matériel et le critère formel [1](#page=1).
### 1.2 Le critère matériel de la constitution
Le critère matériel se concentre sur le contenu de la matière constitutionnelle, soulevant la question de ce qui doit y figurer. Les révolutionnaires français de 1789 proposaient une définition de la constitution parfaite, stipulant dans l'Article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution". Cela implique que les règles fondamentales d'une société à un moment donné et dans un pays donné doivent y être énoncées. Il existe cependant des constitutions dont la matière est réduite, comme les trois lois constitutionnelles qui ont fondé la IIIe République française les 24 et 25 février, et le 16 juillet 1875 [1](#page=1) [2](#page=2).
> **Tip:** La définition matérielle de la constitution s'intéresse à la substance des règles qu'elle contient, principalement les garanties des droits et la séparation des pouvoirs.
### 1.3 Le critère formel de la constitution
Le critère formel s'intéresse au mode d'élaboration de la constitution et à l'organe chargé de l'édicter, ce qui renvoie à sa forme. Les constitutions formelles peuvent se présenter sous un texte unique et peuvent porter d'autres dénominations, comme "loi fondamentale" dans le cas de l'Allemagne fédérale depuis 1949. De nombreux textes constitutionnels incluent un préambule. On distingue ainsi les constitutions qui se définissent matériellement et formellement de celles qui ne le font pas au sens formel [2](#page=2).
Contrairement à des pays comme le Royaume-Uni, qui n'a pas de constitution au sens formel mais plutôt une addition de textes et de règles coutumières, certains pays privilégient un texte unique. En France, pour des raisons politiques, certaines règles de fond qui pourraient être considérées comme constitutionnelles ne figurent pas dans le texte constitutionnel, comme les règles de scrutin. Les hommes politiques préfèrent la flexibilité de la loi pour ces questions plutôt que de les "geler" dans un texte constitutionnel [2](#page=2).
> **Example:** Le cas du Royaume-Uni illustre l'absence d'une constitution formelle unique, remplacée par un ensemble de lois et de coutumes.
### 1.4 Les formes d'une constitution : écrite et coutumière
La constitution peut exister sous deux formes principales: écrite et coutumière. Les constitutions écrites sont généralement compilées en un document unique ou un ensemble de documents officiels, tandis que les constitutions coutumières reposent sur des pratiques et des traditions établies au fil du temps, souvent complétées par des décisions de justice et des lois fondamentales [2](#page=2).
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# Formes et adoption des constitutions
Ce thème examine la distinction entre constitutions écrites et coutumières, ainsi que les diverses méthodes d'adoption constitutionnelle, notamment par référendum ou assemblée constituante, reflétant différentes approches démocratiques.
### 2.1 Les formes d'une constitution
Historiquement, les constitutions étaient coutumières avant que le constitutionnalisme ne favorise l'écriture des textes à partir du 18e siècle [3](#page=3).
#### 2.1.1 Constitutions coutumières
Ces constitutions sont rares. Sous l'ancien régime français, les lois fondamentales du royaume servaient de constitution. Le Royaume-Uni possède toujours une constitution coutumière, bien qu'elle intègre des textes écrits majeurs tels que [3](#page=3):
* La Grande Charte de 1215 [3](#page=3).
* La Pétition des droits de 1628 [3](#page=3).
* L'Habeas Corpus de 1679 [3](#page=3).
* L'Acte d'établissement de 1701 [3](#page=3).
Pour qu'une coutume existe, il faut une répétition d'un même phénomène et une conviction de son caractère obligatoire. Des coutumes peuvent coexister avec un texte, soit pour l'interpréter, soit pour le compléter (coutume supplétive). Par exemple, les lois constitutionnelles de 1875 n'avaient pas prévu de chef de gouvernement, rôle créé par la coutume. La Constitution de 1958, rédigée avec un président élu au suffrage universel indirect, a vu son mode d'élection du président réformé en 1962 par suffrage universel direct, sans modification du texte constitutionnel concernant le rapport entre président et Premier ministre [3](#page=3).
Il est même possible que des coutumes s'appliquent à l'encontre du texte constitutionnel écrit. On peut supposer que la Constitution de 1958 ne peut pas être révisée par la procédure de l'article 11. Pourtant, une telle pratique a eu lieu en 1962 concernant le changement du mode d'élection du président, créant une coutume considérée par certains partisans du Général de Gaulle comme la véritable constitution [4](#page=4).
#### 2.1.2 Constitutions écrites
Les premières constitutions écrites apparaissent aux États-Unis, avec l'État de Virginie le 29 juin 1776, précédée d'une déclaration des droits fondamentaux. D'autres états ont suivi, ainsi que la Pologne en mai 1791, et la France le 3 septembre 1791 [3](#page=3).
Les avantages des constitutions écrites incluent leur lisibilité et leur accessibilité. Elles peuvent se présenter sous un seul texte ou porter un autre nom, comme la Loi fondamentale en Allemagne fédérale depuis 1949. Elles comportent souvent un préambule [2](#page=2) [3](#page=3).
Cependant, certaines constitutions définies matériellement et formellement peuvent ne pas figurer dans un texte unique. En France, certaines règles matériellement constitutionnelles ne sont pas inscrites dans la Constitution pour des raisons politiques, comme les règles de scrutin, privilégiant la souplesse de la loi à la rigidité du texte constitutionnel [2](#page=2).
> **Tip:** La distinction entre constitutions écrites et coutumières n'est pas toujours absolue, comme le montre le cas du Royaume-Uni, où une constitution est formée d'un mélange de textes écrits et de règles coutumières [3](#page=3).
### 2.2 L'adoption de la Constitution
L'adoption d'une constitution relève du pouvoir constituant originaire, un pouvoir inconditionné et libre, souvent exercé dans des périodes de rupture. Toutefois, le constituant peut être tenté par le mimétisme, s'inspirant de régimes précédents ou géographiques [4](#page=4).
Le préambule de 1958 en France illustre une continuité constitutionnelle, proclamant le lien entre le texte adopté, la Constitution de 1946 et la Déclaration des Droits de l'Homme [4](#page=4).
La nouvelle constitution est adoptée selon la volonté de ceux qui exercent le pouvoir, notamment lors de la naissance d'un nouvel État après une indépendance. Dans le cas d'un coup d'État militaire, ceux qui prennent le pouvoir peuvent définir les modalités d'élaboration de la constitution. Des modes d'établissement autoritaires incluent la Charte du 4 juin 1814 par Louis XVIII ou la constitution russe donnée par Nicolas II après la première révolution russe [4](#page=4).
La démocratie, caractérisée par l'acceptation des gouvernants par les gouvernés, requiert la participation de ces derniers à l'élaboration de la constitution. Dans les pays de grande taille, cette participation peut s'exprimer par différentes voies [4](#page=4):
#### 2.2.1 Le référendum
Le peuple est appelé à approuver ou rejeter un projet de texte, sans pouvoir l'amender. Les constitutions adoptées par référendum peuvent parfois masquer des régimes autoritaires, relevant du césarisme, malgré une façade démocratique. La Constitution française de 1958 a été adoptée par ce biais, le peuple ayant eu à dire "oui" ou "non" à un texte déjà rédigé [5](#page=5).
#### 2.2.2 L'élection d'une assemblée constituante
Le peuple élit une assemblée chargée de rédiger la constitution. La démocratie se situe en amont, lors de l'élection. Le peuple n'est pas convoqué pour l'adoption du texte. Cette assemblée peut être contrainte par des délais. Son unique tâche peut être la rédaction constitutionnelle, comme ce fut le cas pour la Convention de Philadelphie en 1787 aux États-Unis, initialement réunie pour modifier les Articles de la Confédération mais qui a fini par rédiger une nouvelle constitution. La tradition française diffère, les assemblées constituantes ayant souvent mené d'autres actions comme l'adoption de lois ou le renversement de gouvernements [5](#page=5).
#### 2.2.3 L'association de l'assemblée constituante et du référendum
Ce mode est considéré comme le plus démocratique, combinant démocratie semi-directe et intervention populaire à double titre. En 1792, la Convention a été élue pour rédiger une constitution soumise au suffrage, mais elle fut suspendue peu après. La Constitution de 1946 représente un cas significatif de cette double intervention, avec une loi constitutionnelle prévoyant l'élection d'une assemblée et la convocation du peuple [5](#page=5).
> **Tip:** La participation populaire à l'adoption d'une constitution peut varier en intensité, le référendum et l'assemblée constituante offrant des niveaux d'implication différents. L'association des deux est souvent vue comme le sommet de la démocratie constitutionnelle [5](#page=5).
### 2.3 Les révisions de la Constitution
Le pouvoir constituant peut également intervenir pour réviser la constitution. L'article 28 de la Déclaration des Droits précédent la Constitution du 24 juin 1793 stipule qu'un peuple a toujours le droit de réformer sa constitution. Ce pouvoir de révision est souvent qualifié de pouvoir dérivé. La possibilité de révision dépend de la classification des constitutions en souples et rigides [5](#page=5).
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# Révisions et limites constitutionnelles
Cette section examine le pouvoir de réviser une constitution, la distinction entre constitutions souples et rigides, les mécanismes de révision, ainsi que les limites temporelles, circonstancielles et matérielles qui peuvent s'appliquer à ce pouvoir [5](#page=5) [6](#page=6) [7](#page=7) [8](#page=8).
### 3.1 Le pouvoir de révision constitutionnelle
Le pouvoir de réviser une constitution, souvent qualifié de pouvoir constituant dérivé, permet d'apporter des modifications aux textes constitutionnels. L'idée fondamentale qu'un peuple a le droit de réformer sa constitution est énoncée dès la Déclaration des Droits précédant la Constitution du 24 juin 1893, dans son article 28. Ce pouvoir est encadré par une classification essentielle [5](#page=5):
#### 3.1.1 Constitutions souples et rigides
* **Constitutions souples:** Ce sont celles dont les modifications ne nécessitent pas de procédures spéciales, se rapprochant de celles utilisées pour les lois ordinaires. Le Royaume-Uni et Israël en sont des exemples [6](#page=6).
* **Constitutions rigides:** Elles prévoient des formes et des procédures de révision distinctes de celles applicables aux lois ordinaires. Cela garantit une protection renforcée des principes constitutionnels. La Constitution américaine, par exemple, exige la ratification des amendements par les assemblées des États, illustrant une grande rigidité par le temps long nécessaire à l'adoption de certaines modifications, comme le 27e amendement ratifié près de 200 ans après son adoption initiale au niveau fédéral [6](#page=6).
### 3.2 Mécanismes de révision
La détermination de qui a le pouvoir de réviser la constitution et selon quelles procédures est cruciale [6](#page=6).
#### 3.2.1 Initiative de la révision
L'initiative de la révision peut émaner :
* Du pouvoir exécutif [6](#page=6).
* Du pouvoir législatif [6](#page=6).
* D'un pouvoir partagé entre l'exécutif et le législatif, comme en Espagne [6](#page=6).
#### 3.2.2 Procédure de révision
La méthode la plus fréquente est celle où le parlement procède à la révision, soit par une seule assemblée, soit par les deux. En France, l'article 89 de la Constitution prévoit à la fois un vote séparé par les deux assemblées (Assemblée Nationale et Sénat) et un vote conjoint par les deux assemblées réunies en Congrès à Versailles [6](#page=6).
> **Tip:** La manière dont une constitution est adoptée (référendum, assemblée constituante, ou combinaison des deux) reflète le degré de démocratie directe et indirecte prévu, avec des implications sur la légitimité du texte [5](#page=5).
### 3.3 Limites de la révision constitutionnelle
Le pouvoir de révision constitutionnelle n'est pas absolu et peut être soumis à diverses contraintes, qu'elles soient temporelles, circonstancielles ou matérielles [6](#page=6) [7](#page=7) [8](#page=8).
#### 3.3.1 Limites temporelles
Certaines constitutions peuvent interdire la révision avant un certain délai. Par exemple, la Constitution de 1791 et celle de 1848 prévoyaient un délai de six ans avant toute révision. Cependant, une telle rigidité temporelle peut présenter un danger: si la constitution ne peut être révisée par des voies normales, cela peut inciter à la violer. Napoléon a ainsi opéré un coup d'État en 1851 car il ne pouvait pas procéder à la révision constitutionnelle comme il le souhaitait [6](#page=6) [7](#page=7).
#### 3.3.2 Limites circonstancielles
Des périodes spécifiques peuvent être exclues de la possibilité de révision constitutionnelle, notamment :
* Les périodes de guerre, d'état d'urgence, ou d'occupation du territoire [7](#page=7).
* La Constitution du Portugal, de Roumanie et de Belgique prévoient l'impossibilité de réviser la constitution pendant l'état de siège [7](#page=7).
* La Constitution française interdit toute révision en cas d'occupation du territoire (art. 89-4) et pendant l'intérim présidentiel, c'est-à-dire lorsque le Président du Sénat assure les fonctions de Président de la République (art. 7) [7](#page=7).
#### 3.3.3 Limites matérielles (clausules d'éternité)
Des limites matérielles peuvent empêcher la modification de certaines dispositions constitutionnelles, même par le pouvoir constituant dérivé [7](#page=7).
* **Exemple français:** La loi constitutionnelle du 14 août 1884 a interdit de modifier la forme républicaine du gouvernement. Cette interdiction a été reconduite dans les Constitutions de 1846 (art. 95) et de 1958 (art. 89-5) [7](#page=7).
* D'autres pays, comme le Brésil, ont également inscrit des "clauses d'éternité" dans leurs constitutions [7](#page=7).
> **Questionnement sur la liberté du pouvoir constituant dérivé:** La question se pose de savoir si le pouvoir constituant dérivé est véritablement libre. Dans le cas français, l'article 89-5 suggère que le pouvoir constituant peut lui-même modifier la règle qui lui interdit de toucher à la Constitution, le rendant potentiellement aussi libre que le pouvoir constituant originaire [7](#page=7) [8](#page=8).
#### 3.3.4 Jurisprudence et contrôle de constitutionnalité
Le Conseil Constitutionnel, par sa jurisprudence, notamment dans la décision n°92-312 DC du 2 septembre 1992 relative au traité de Maastricht, a encadré le pouvoir de révision en affirmant que ce pouvoir est libre sous réserve du respect des règles constitutionnelles, qu'elles soient de fond ou circonstancielles [8](#page=8).
### 3.4 La supériorité de la Constitution et ses sanctions
La supériorité de la Constitution, qui doit s'imposer comme un acte supérieur, nécessite des sanctions pour être efficace [8](#page=8).
#### 3.4.1 Sanctions politiques
La méconnaissance de la Constitution représente une tentation constante pour les pouvoirs publics, car elle les encadre [8](#page=8).
* **Sanctions désorganisées:** Historiquement, certaines constitutions révolutionnaires françaises (1791, 1793, 1795) confiaient la garde de la Constitution à la "vigilance des bons citoyens", des pères de famille, des épouses et mères, et au courage de tous les Français, mais ces sanctions manquaient d'organisation précise [8](#page=8).
* **Sanctions organisées:** D'autres sanctions politiques associent des procédures de nature pénale à un but politique, visant à empêcher les gouvernants d'agir de manière inconstitutionnelle. Ces sanctions visent souvent le pouvoir exécutif, jugé le plus dangereux pour les libertés citoyennes et l'équilibre des pouvoirs [8](#page=8).
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# Sanctions de la constitutionnalité et contrôle
Voici le résumé de l'étude sur les sanctions de la constitutionnalité et le contrôle.
## 4. Sanctions de la constitutionnalité et contrôle
La supériorité de la Constitution impose le respect de ses normes, dont la méconnaissance peut être sanctionnée par des voies politiques ou juridiques, incarnées par différents modèles de contrôle de constitutionnalité.
### 4.1 Les sanctions de la constitutionnalité
La Constitution, en tant que norme suprême, encadre le pouvoir politique, constituant ainsi une contrainte pour les gouvernants. La question de la sanction de sa méconnaissance, une tentation permanente, s'est développée avec le constitutionnalisme dès le XVIIIe siècle. Pour être efficace, cette supériorité doit s'accompagner de mécanismes de sanction [8](#page=8).
#### 4.1.1 Les sanctions politiques
Les sanctions politiques visent à corriger la méconnaissance de la Constitution par les pouvoirs publics. Elles peuvent être de diverses natures [8](#page=8):
* **Sanctions désorganisées:** Historiquement, certaines constitutions révolutionnaires françaises (1791, 1793, 1795) confiaient la garde de la Constitution à la vigilance des citoyens, des familles, ou même à tous les Français, sans précision de procédure [8](#page=8).
* **Sanctions organisées (politique et pénal):** D'autres systèmes ont intégré des procédures aux formes pénales, dans un but politique, visant à empêcher les gouvernants, souvent l'exécutif jugé le plus dangereux pour les libertés, d'agir en violation de la Constitution [8](#page=8).
* **Le modèle du Royaume-Uni et des États-Unis:** Le Royaume-Uni a connu une procédure d'empêchement, où une assemblée juge et condamne des personnes pour leur destitution. Les États-Unis ont également un système similaire, ancré dans leur pratique [9](#page=9).
* **Le modèle français:** La Constitution française a connu une procédure de "haute trahison" (articles 67 et 68 de la Constitution), où la Haute Cour de Justice, composée de parlementaires, pouvait juger le Président de la République et conduire à sa destitution. Cependant, le concept de "haute trahison" n'était pas précisé, rendant la procédure obscure. En 2007, une loi constitutionnelle a réformé l'article 68 pour prévoir la destitution du Président en cas de "manquement manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat", impliquant une procédure devant les deux assemblées [9](#page=9).
#### 4.1.2 Les sanctions juridiques : le contrôle de constitutionnalité
Face aux limites des sanctions politiques, les sanctions juridiques se sont développées à travers le contrôle de constitutionnalité. Ce contrôle ne peut exister qu'au profit d'une Constitution formelle, c'est-à-dire une constitution écrite [9](#page=9).
L'acceptation du principe de contrôle de constitutionnalité n'a pas toujours été évidente, car elle implique de remettre en cause la loi, perçue par certains comme l'expression de la "volonté générale". En France, cette tradition a longtemps freiné l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité des lois, bien qu'un contrôle ait existé à l'égard des autorités administratives. La IIIe République a notamment renforcé la toute-puissance du Parlement et de la loi, une période qualifiée de "parlementarisme absolu" [10](#page=10) [9](#page=9).
### 4.2 Le modèle américain de contrôle de constitutionnalité
Ce mécanisme, qui n'est pas expressément inscrit dans la Constitution fédérale de 1787, est le fruit de la jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis [10](#page=10).
* **Origines:** Le débat lors de la Convention de Philadelphie a opposé partisans et opposants à la subordination de l'autorité de la Constitution. La Constitution a initialement peu tranché sur ce point [10](#page=10).
* **Le rôle du pouvoir judiciaire:** Le pouvoir judiciaire aux États-Unis est confié à la Cour Suprême et à toutes les juridictions, aux niveaux fédéral et étatique [10](#page=10).
* **La jurisprudence Keff:** C'est dans l'arrêt *Marbury v. Madison* en 1803 que la Cour Suprême a affirmé sa compétence pour examiner la conformité d'une loi à la Constitution fédérale. Cette décision marque le premier contrôle de constitutionnalité fondé sur la hiérarchie des normes [10](#page=10).
* **Modalités:** Dans le système judiciaire américain, il ne s'agit pas de juger la loi, mais d'écarter son application au profit du texte supérieur (la Constitution) [10](#page=10).
* **La règle du précédent:** Le modèle américain s'appuie également sur la règle du précédent du Common Law, selon laquelle une décision de justice fait autorité et doit être respectée par les juges ultérieurs [10](#page=10).
### 4.3 Le modèle européen de contrôle de constitutionnalité
Ce modèle se caractérise par la concentration du contrôle de constitutionnalité entre les mains d'une seule juridiction spécialisée: une Cour constitutionnelle. Cette cour se situe en dehors de la pyramide des juridictions ordinaires [10](#page=10).
* **Monopole et étendue du contrôle:** Les Cours constitutionnelles détiennent le monopole du contentieux constitutionnel et sont les seules à pouvoir se prononcer sur la conformité des lois à la Constitution. Le contrôle peut être exercé de manière "a priori" (avant l'entrée en vigueur de la loi) ou "a posteriori" (après son entrée en vigueur), et peut être lié à un litige spécifique [11](#page=11).
* **Fondements théoriques:** Ce modèle est né de la réflexion théorique du juriste Hans Kelsen, qui prônait, au nom de la hiérarchie des normes, un mécanisme de contrôle des lois par rapport à la Constitution [11](#page=11).
* **Prémisses historiques:** La Révolution française a connu des tentatives antérieures, comme celle d'un jury constitutionnaire, mais cette idée fut écartée par l'Assemblée constituante [11](#page=11).
* **Évolution historique :** Le modèle européen a connu plusieurs "vagues" de création de cours constitutionnelles :
* **Après la Seconde Guerre mondiale:** Création de juridictions en Autriche et en République fédérale allemande pour marquer la fin du nazisme et consacrer l'importance des principes fondamentaux [11](#page=11).
* **Période de dictature ibérique:** Instauration de juridictions en Espagne et au Portugal à la suite de périodes dictatoriales [11](#page=11) .
* **Pays de l'ancien bloc soviétique:** Après la chute du Mur de Berlin, de nombreux pays ont adopté des juridictions constitutionnelles inspirées des modèles allemand et italien pour contrôler la constitutionnalité des lois [11](#page=11).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Constitution | Norme juridique suprême qui fonde un État, justifie le pouvoir politique et définit les règles fondamentales d'une société. Elle peut être définie par son contenu matériel ou son mode d'élaboration formel. |
| Critère matériel | Approche de la constitution qui se concentre sur la nature de son contenu, c'est-à-dire les sujets qu'elle doit aborder, tels que la garantie des droits fondamentaux et la séparation des pouvoirs. |
| Critère formel | Approche de la constitution qui se fonde sur le mode d'élaboration du texte et l'organe chargé de l'édicter, mettant l'accent sur la procédure spécifique d'adoption et de modification du texte constitutionnel. |
| Constitution coutumière | Constitution qui n'est pas contenue dans un texte unique et écrit, mais qui résulte d'un ensemble de règles, de traditions et de précédents historiques, comme c'est le cas pour le Royaume-Uni. |
| Constitution écrite | Constitution qui est compilée dans un document unique ou un ensemble de textes officiels, garantissant une meilleure lisibilité et accessibilité des règles fondamentales de l'État. |
| Pouvoir constituant originaire | Pouvoir inconditionné et libre de créer ou de modifier une constitution, s'exerçant généralement lors de périodes de rupture politique, comme une révolution ou une indépendance. |
| Pouvoir constituant dérivé | Pouvoir de révision constitutionnelle qui est encadré par la constitution elle-même, soumis à des procédures spécifiques différentes de celles des lois ordinaires. |
| Constitution souple | Constitution dont les modifications peuvent être effectuées selon des procédures similaires à celles utilisées pour l'adoption des lois ordinaires. |
| Constitution rigide | Constitution dont la modification requiert des formes et des procédures distinctes et plus complexes que celles applicables aux lois ordinaires, garantissant ainsi sa stabilité. |
| Contrôle de constitutionnalité | Mécanisme juridique visant à vérifier la conformité des lois et des autres actes normatifs à la Constitution, assurant ainsi la suprématie de la norme constitutionnelle. |
| Hiérarchie des normes | Principe selon lequel les différentes normes juridiques sont organisées en niveaux, la Constitution occupant le sommet de cette pyramide, suivie par les lois, puis les règlements. |
| Loi fondamentale | Terme alternatif utilisé pour désigner une constitution, particulièrement dans certains systèmes juridiques, comme en Allemagne où la "Grundgesetz" est considérée comme telle. |
| Haute Cour de justice | Juridiction spéciale, souvent composée de membres du parlement, chargée de juger des personnalités politiques, comme le Président, pour des faits graves pouvant entraîner leur destitution. |
| Manquement manifestement incompatible | Critère utilisé pour justifier la destitution d'un Président, signifiant une faute d'une gravité telle qu'elle rend l'exercice de ses fonctions impossible. |
| Juridiction constitutionnelle | Organe indépendant, souvent une cour constitutionnelle, chargé d'exercer le contrôle de constitutionnalité des lois et de se prononcer sur la conformité des actes à la Constitution. |