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Summary
# Les approches de l'histoire politique et institutionnelle dans l'Antiquité
Ce sujet aborde les différentes approches historiographiques de l'histoire politique et institutionnelle de l'Antiquité grecque et romaine, en soulignant l'évolution d'une vision formelle vers une analyse plus concrète des pratiques et des conflits.
## 1. L'histoire politique du monde romain et la méthode de Theodor Mommsen
### 1.1 Theodor Mommsen : un savant engagé
Theodor Mommsen (1817-1903) fut une figure centrale de l'étude des civilisations antiques, l' *Altertumswissenschaft*, qui visait une approche scientifique et interdisciplinaire de l'Antiquité. Reconnu pour ses recherches approfondies, il a également eu une carrière politique en tant que député libéral au Reichstag. Son œuvre, d'une grande profusion, comprend des éditions de corpus scientifiques majeurs tels que le *Corpus Inscriptionum Latinarum* et des synthèses destinées au grand public.
### 1.2 Le Droit public romain et sa portée contemporaine
Dans son œuvre monumentale sur le *Droit public romain*, Mommsen ne se contente pas d'une étude érudite des institutions politiques romaines. Il y voit un outil critique pour réfléchir sur la démocratie du XIXe siècle, bien que Rome ne soit pas un modèle à imiter directement. Il reprend l'intuition de Polybe selon laquelle la réussite romaine repose sur un équilibre institutionnel (consuls, comices, Sénat), considérant ces institutions comme formant une constitution cohérente, même si elle n'était pas formalisée par les Romains eux-mêmes.
### 1.3 La dualité substitutive de la République romaine selon Mommsen
Contrairement à une vision d'équilibre, Mommsen analyse la République romaine comme étant traversée par une dualité fondamentale entre deux principes de souveraineté :
* **L' *imperium* des magistrats :** Un pouvoir d'origine royale et sacrée, détenu par les magistrats supérieurs (préteurs, consuls), temporaire, collégial et électif, mais considéré comme un pouvoir autonome, juridiquement antérieur à la souveraineté populaire.
* **La souveraineté du peuple (*populus*) :** Le peuple est la source ultime de la légalité, élisant les magistrats et votant les lois. Cependant, cette souveraineté est plus idéale et juridique que concrète dans l'exercice du pouvoir.
## 2. L'histoire politique des cités grecques : une tradition révisée
### 2.1 Un tournant historiographique : de la forme à la pratique
L'étude de l'histoire politique et institutionnelle des cités grecques a connu un tournant majeur, passant d'une histoire des constitutions formelles à une analyse des pratiques politiques réelles.
#### 2.1.1 L'héritage de la *Constitution des Athéniens*
La découverte de la *Constitution des Athéniens*, attribuée à Aristote, à la fin du XIXe siècle, a consolidé une approche historico-institutionnelle, principalement basée sur les textes littéraires. Cette approche, bien que systématique, présentait des limites : les institutions étaient souvent étudiées de manière abstraite, occultant les conflits sociaux et les pratiques informelles.
#### 2.1.2 L'apport de l'épigraphie
L'essor de l'épigraphie, grâce à des figures comme Louis Robert, a révolutionné la discipline. Les inscriptions, contemporaines des faits et produites par les cités elles-mêmes, ont permis de saisir la vie concrète des institutions et de comprendre comment elles étaient modelées par les pratiques sociales. Philippe Gauthier, avec son étude des cités grecques et de leurs bienfaiteurs (*évergètes*), a illustré comment les décrets gravés devenaient des outils politiques révélant les relations sociales, économiques et symboliques.
### 2.2 Claude Mossé : vers une histoire politique élargie
Claude Mossé a plaidé pour une histoire politique au sens fort, attentive aux conflits, aux idéologies et aux représentations du pouvoir, critiquant une histoire institutionnelle trop figée. Elle a réintroduit le peuple comme acteur, en soulignant les tensions au sein de la démocratie athénienne.
### 2.3 Mogens H. Hansen et l'approche institutionnaliste
Mogens H. Hansen a développé une approche institutionnaliste rigoureuse, décrivant et analysant le fonctionnement concret des institutions athéniennes et grecques. Ses travaux sur l'Ecclésia et la démocratie athénienne ont mis en lumière les principes de participation et de contrôle des magistrats.
#### 2.3.1 Les limites de l'approche institutionnelle
L'approche institutionnelle, se concentrant sur la politique au sens étroit (*hê politikê* / *ta politika*), risque d'occulter la dimension plus large du *politique* chez les Grecs, qui englobait l'organisation du pouvoir, la manière de vivre ensemble, les coutumes et les représentations.
## 3. Claude Nicolet et la citoyenneté romaine
Claude Nicolet, historien marquant de la citoyenneté romaine, a étudié la signification du citoyen à Rome, en mettant en lumière la multiplicité de ses facettes (droits, devoirs, participation, honneurs).
### 3.1 Le métier de citoyen dans la Rome républicaine
Nicolet a réinterprété la République romaine en soulignant l'importance de la citoyenneté comme un "métier".
#### 3.1.1 La citoyenneté au cœur du modèle républicain
Pour Nicolet, l'Antiquité classique a vu l'émergence de relations entre hommes qui ont donné naissance à ce que l'on appelle "la politique". La citoyenneté est au cœur du modèle républicain romain, avec une tension entre l'égalité géométrique (proportionnelle au mérite) et l'égalité arithmétique (la même part pour tous).
#### 3.1.2 Une République oligarchique et ses mécanismes
La République romaine est analysée comme étant largement oligarchique, dominée par des groupes sociaux reconnus (*ordo* / *ordines*) définis par la naissance, la richesse et l'accès aux magistratures. La compétition interne, axée sur l'honneur et le prestige, se déroulait entre ces élites, le peuple jouant souvent un rôle de validation. Des mécanismes comme le *census* et les comices structuraient la vie politique.
#### 3.1.3 Les "langages parallèles" de la cité
Au-delà des faits constitutionnels, Nicolet identifie des "langages parallèles" ou une nouvelle "grammaire" de la politique, constitué de discours de légitimité et d'interventions qui participent de la vie civique.
## 4. Moses Finley : économie, esclavage et politique dans les mondes anciens
Moses Finley (1912-1986) a marqué l'historiographie par son approche sociologique et marxiste des mondes anciens, fortement influencée par Max Weber et Karl Polanyi.
### 4.1 La méthode Finley : interprétation et inférence
Finley s'éloigne d'une approche positiviste pour privilégier des questions significatives et un éclectisme méthodologique. Il préfère l'analyse qualitative et interprétative à l'histoire sérielle et quantitative.
### 4.2 L'économie antique : une société à marché
Finley a défendu la thèse primitiviste selon laquelle les économies antiques n'étaient pas des économies de marché mais des sociétés à marché, où le marché, bien qu'existant, ne structurait pas l'ensemble de la vie économique. Il souligne le rôle limité des marchés, l'importance de l'autoconsommation, l'absence d'un concept moderne de "travail" valorisé, et la primauté du loisir (*scholè*).
### 4.3 L'esclavage : sociétés avec esclaves et sociétés esclavagistes
Finley a introduit une distinction fondamentale entre les "sociétés avec esclaves" et les "sociétés esclavagistes", définissant ces dernières par une dépendance économique et politique essentielle à la production servile. Il analyse le paradoxe grec de la coexistence de la liberté et de l'esclavage, et le rôle de la réforme de Solon dans la naissance de la citoyenneté athénienne.
### 4.4 La politique dans les mondes anciens : la démocratie directe
Dans ses travaux sur la démocratie antique, Finley prend la défense de la démocratie directe athénienne, la jugeant plus efficace et participative que les démocraties représentatives modernes. Il voit dans les cités grecques l'invention d'une autonomie politique où les affaires publiques sont discutées et décidées collectivement.
## 5. Cheikh Anta Diop et la question de l'Égypte antique
Cheikh Anta Diop (1923-1986), historien et penseur afrocentriste, a œuvré à restituer à l'Égypte antique sa place comme berceau des civilisations africaines, rompant avec l'historiographie coloniale.
### 5.1 Rendre justice à l'histoire de l'Afrique
Diop a cherché à briser les mythes racistes et à démontrer la longue histoire des civilisations africaines, en faisant de l'Égypte antique un point de référence essentiel pour une perspective africaine.
### 5.2 La thèse de l'Égypte antique africaine
Il a soutenu que les Anciens considéraient les Égyptiens comme des Africains de type subsaharien, une vérité recouverte par la science occidentale. Ses arguments portent sur les témoignages littéraires anciens, les similitudes d'organisation sociale et des affinités linguistiques (bien que ces dernières soient contestées).
### 5.3 L'héritage de Diop et l'afrocentrisme scientifique
Les théories de Diop ont influencé des chercheurs comme Martin Bernal ("Black Athena"), qui a cherché à rétablir les racines afro-asiatiques de la civilisation classique. Cependant, l'approche de Diop, bien que visant à contrer les idéologies raciales, s'inscrit paradoxalement dans une pensée racialiste par sa construction d'un miroir entre l'histoire occidentale et africaine.
## 6. Nicole Loraux et l'histoire du politique en Grèce ancienne
Nicole Loraux (1943-2003) a appliqué les outils des sciences sociales à l'Antiquité grecque, avec un intérêt particulier pour le politique, le genre et la façon dont les Grecs parlaient d'eux-mêmes.
### 6.1 Louis Gernet et la "Grèce sans miracle"
Louis Gernet, figure fondatrice de l'école de Paris, a rompu avec l'idée d'un "miracle grec" pour proposer une approche comparative et anthropologique des sociétés grecques, sans postuler une supériorité a priori.
### 6.2 Jean-Pierre Vernant et la psychologie historique
Jean-Pierre Vernant (1914-2007) a développé une "psychologie historique", étudiant les conditions sociales et psychologiques de l'apparition de la raison grecque, qu'il lie à la *polis* et aux pratiques de délibération collective. Il a également analysé le rôle du mythe et de la religion dans la pensée grecque.
### 6.3 Pierre Vidal-Naquet et les formes de pensée
Pierre Vidal-Naquet (1930-2006) a exploré l'articulation entre les formes de pensée imaginaire et les structures sociales, analysant notamment la réforme de Clisthène et le mythe de l'Atlantide comme reflets de problématiques politiques.
### 6.4 L'invention d'Athènes et l'opérateur féminin
Nicole Loraux a étudié "l'invention d'Athènes" à travers l'oraison funèbre, montrant comment ce discours visait à masquer les divisions internes de la cité. Elle a été pionnière dans l'analyse du "féminin" dans l'imaginaire grec, notamment à travers le mythe d'autochtonie, et a réfléchi au rôle de l'opérateur féminin dans le théâtre antique comme espace de l'"anti-politique".
### 6.5 La cité divisée
Loraux a également analysé la notion de "cité divisée", le conflit (*stasis*) et l'amnistie comme éléments constitutifs de la vie politique athénienne.
## 7. Peter Brown et Corinne Bonnet : transferts culturels et religions antiques
### 7.1 Peter Brown et l'Antiquité tardive
Peter Brown, en introduisant le concept d'"Antiquité tardive" (environ 150-750), a déplacé la perspective d'une fin de l'Empire romain vers une période de grande créativité, notamment religieuse et culturelle, qui a façonné la civilisation européenne. Il a étudié le triomphe du christianisme, analysant sa force dans la création de nouveaux cadres de solidarité et le rôle des évêques dans la charité et la construction d'une élite cléricale.
### 7.2 Corinne Bonnet et l'étude des polythéismes
Corinne Bonnet, historienne des religions antiques, s'est concentrée sur les transferts culturels en Méditerranée, en particulier entre le monde phénicien et grec. Elle a étudié des figures comme Cadmos et Melqart pour comprendre comment les divinités étaient intégrées et interprétées dans d'autres panthéons, remettant en question la notion de civilisation au profit des interactions et des relations culturelles. Elle souligne la complexité de la notion de "religion" et les défis de l'étude des polythéismes avec des catégories forgées pour le monothéisme.
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# Claude Nicolet et la redéfinition de la citoyenneté romaine
Claude Nicolet, à travers ses travaux, a profondément renouvelé notre compréhension de la citoyenneté romaine à l'époque républicaine, en soulignant sa complexité et ses multiples dimensions.
### 3.1 L'historien et ses domaines de recherche
Né en 1930, Claude Nicolet a consacré sa carrière à l'étude du monde grec et romain, avec un intérêt particulier pour leurs faits et institutions politiques. Formé à Marseille, il a ensuite enseigné dans plusieurs universités françaises, notamment à Tunis, Caen et Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Son parcours est marqué par un engagement civique, puisqu'il a été conseiller de Pierre Mendès France et actif au sein de la revue "Les Cahiers de la République", centrée sur la tradition républicaine, l'État, la citoyenneté et la culture politique.
Ses premiers travaux de recherche ont débuté par une thèse sur l'ordre équestre à l'époque républicaine (312-43 av. J.-C.), soutenue en 1966. L'objectif était d'identifier la nature, le statut juridique, social et politique des chevaliers, ainsi que leur rôle effectif dans le fonctionnement de la République. Pour mener à bien cette étude, Nicolet a largement eu recours à la méthode prosopographique, qui consiste à étudier la biographie de personnages afin d'en dégager des tendances et des structures communes.
Dans les années 1970, Nicolet a procédé à une réinterprétation majeure de la République romaine, notamment à travers son ouvrage "Le métier de citoyen dans la Rome républicaine" (1976). Cet ouvrage offre une synthèse approfondie sur la signification du concept de citoyenneté à Rome, en mettant en lumière la diversité de ses facettes : droits, devoirs, participation politique, honneurs, mais aussi les paradoxes inhérents au système romain. D'autres publications importantes d'histoire romaine incluent "Rome et la conquête du monde méditerranéen" (1977 et 1978), "L'État impérial romain : L'inventaire du monde" (1988) et "La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome antique" (1994).
Au-delà de l'Antiquité, Nicolet s'est également penché sur l'histoire de la France républicaine, avec des ouvrages tels que "L'idée républicaine en France" (1982) et "La fabrique d'une nation" (2003).
### 3.2 Le métier de citoyen dans la Rome républicaine : une relecture de la citoyenneté
L'ouvrage "Le métier de citoyen dans la Rome républicaine" est central dans la pensée de Claude Nicolet, car il propose une analyse novatrice de ce que signifiait être citoyen à Rome durant la période républicaine. Il s'oppose à une vision simpliste de la citoyenneté, pour en révéler toute la complexité et les tensions internes.
#### 3.2.1 La citoyenneté romaine : au-delà des institutions
Nicolet souligne que la citoyenneté romaine n'était pas un simple statut juridique, mais un "métier" exigeant une participation active et une compréhension des mécanismes de la vie politique et sociale. Il met en lumière que la signification du citoyen à Rome est multiple, englobant :
* **Droits et devoirs :** Accès aux droits civiques et politiques, mais aussi participation aux devoirs militaires et fiscaux.
* **Participation :** Implication dans la vie des assemblées (comices), dans le vote des lois et l'élection des magistrats.
* **Honneurs et prestige :** Recherche de la dignitas (dignité) et de la gloria (gloire) à travers l'exercice des charges publiques et le service rendu à la cité.
* **Paradoxes du système :** La citoyenneté romaine, tout en se présentant comme ouverte, était également structurée par des hiérarchies sociales et économiques qui limitaient l'accès réel au pouvoir pour une majorité de citoyens.
#### 3.2.2 La primauté du politique et la dualité de la souveraineté
Contrairement à une vision polybienne d'un équilibre institutionnel harmonieux, Nicolet insiste sur une dualité fondamentale et substitutive au cœur de la République romaine :
* **L'imperium des magistrats :** Ce pouvoir, d'origine royale et sacrée, était détenu par les magistrats supérieurs (consuls, préteurs). Bien que temporaire, collégial et électif sous la République, il était considéré par Nicolet comme un pouvoir juridiquement antérieur à la souveraineté populaire, un pouvoir autonome et non simplement délégué par le peuple. Il était lié au droit sacré (auspicia) et conférait un pouvoir de commandement suprême (ius imperandi).
* **La souveraineté du peuple (populus) :** Le peuple romain était considéré comme la source ultime de légalité. Il élisait les magistrats, votait les lois et détenait le pouvoir de jugement suprême (provocatio). Cependant, Nicolet précise que cette souveraineté était principalement "idéale et juridique", et non constamment exercée dans la réalité concrète du pouvoir.
Cette tension entre l'imperium magistratique et la souveraineté populaire a structuré la vie politique républicaine, marquée par une compétition interne entre les élites.
#### 3.2.3 Une République oligarchique structurée par les ordines
Nicolet décrit la République romaine comme fondamentalement oligarchique, où le pouvoir restait concentré entre les mains des mêmes familles et groupes sociaux privilégiés. Les *ordines* (ordres sociaux et politiques reconnus, tels que l'ordre sénatorial et l'ordre équestre) définissaient l'appartenance à l'élite par la naissance, la richesse et l'accès aux magistratures.
La compétition interne entre ces élites se manifestait à travers la lutte pour l'honneur (*dignitas*), le prestige (*gloria*) et l'accès aux charges. Les élections, bien qu'impliquant le vote du peuple, étaient souvent des luttes internes à l'oligarchie, où le peuple jouait un rôle de validation plutôt que de décision.
Les **instruments politiques et sociaux** tels que le *census* (recensement basé sur la fortune, déterminant le rang civique et les obligations) et les *comices* (assemblées populaires) étaient organisés de manière à favoriser les plus riches. Les *centuries*, groupes de citoyens classés selon le cens pour les comices centuriates, en sont un exemple frappant.
#### 3.2.4 Les "langages parallèles" de la cité
Claude Nicolet a également mis en évidence l'existence de "langages parallèles" qui, en dehors de la sphère constitutionnelle stricte, participaient activement à la vie civique. Ces manifestations, bien que marginales par rapport à la vie officielle, constituaient une "grammaire" politique alternative, porteuse de discours de légitimité.
> **Tip :** L'étude de Nicolet sur le métier de citoyen invite à considérer la citoyenneté non pas comme un acquis statique, mais comme une pratique sociale et politique complexe, constamment négociée et reconfigurée.
### 3.3 L'ordre équestre : une étude fondamentale
La thèse de Claude Nicolet sur l'ordre équestre à l'époque républicaine a jeté les bases de sa pensée sur la citoyenneté romaine. Cette recherche a permis de cerner les contours d'un groupe social et politique clé, situé entre l'aristocratie sénatoriale et la plèbe. L'analyse de cet ordre a révélé les mécanismes de constitution et de maintien du pouvoir au sein de la République, mettant en évidence les liens entre richesse, statut social et participation politique.
### 3.4 La citoyenneté comme "métier" : implication et complexité
Le concept de "métier de citoyen" proposé par Nicolet est essentiel car il souligne que la citoyenneté romaine n'était pas une simple appartenance passive. Elle impliquait des compétences, des responsabilités et une participation active, même si cette participation était conditionnée par le statut social et la fortune. Il s'agissait d'un engagement constant dans la vie de la cité, nécessitant une compréhension des lois, des coutumes et des enjeux politiques.
Par cette approche, Claude Nicolet a redéfini la manière d'aborder la citoyenneté romaine, en la dépouillant de toute vision monolithique pour en révéler la richesse, les contradictions et le caractère dynamique et exigeant.
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# Moses Finley : économie, société et esclavage dans l'Antiquité
Voici une synthèse détaillée et complète sur Moses Finley : économie, société et esclavage dans l'Antiquité, conçue pour un guide d'étude universitaire.
## 3. Moses Finley : économie, société et esclavage dans l'Antiquité
Cette section explore les contributions fondamentales de Moses Finley à l'étude de l'économie antique, en détaillant sa thèse primitiviste, ainsi que ses analyses novatrices sur l'esclavage et la démocratie antique, fortement influencées par les travaux de Max Weber et Karl Polanyi.
### 3.1 La formation d'un historien et sociologue des mondes anciens
#### 3.1.1 Une jeunesse marxiste et un exil américain
Moses I. Finley (1912-1986) a développé sa pensée intellectuelle dans un contexte marqué par le marxisme et la critique sociale. Après des études de droit à l'Université de Columbia, il s'est orienté vers l'étude des langues anciennes, fréquentant notamment l'Institute for Social Research à l'Université de Columbia, un centre névralgique pour la diffusion de la pensée marxiste et critique. Ses engagements politiques ont été significatifs, incluant la fondation de l'American Committee for Democracy and Intellectual Freedom et du Russian War Relief, des organisations visant à soutenir les persécutés en Europe et l'effort de guerre soviétique. Une période controversée de sa biographie est son activité d'informateur pour le KGB à la fin des années 1930 et au début des années 1940.
Après la Seconde Guerre mondiale, Finley devient professeur à l'Université de Rutgers et publie son premier ouvrage majeur, *Studies in Land and Credit in Ancient Athens* (1951). Cependant, le climat politique américain se durcit avec le maccarthysme, forçant Finley à s'exiler au Royaume-Uni en 1952. Il y poursuit sa carrière académique à l'Université de Cambridge, devenant une figure influente dans les études classiques.
#### 3.1.2 L'influence de Max Weber et Karl Polanyi
La pensée de Finley est profondément marquée par deux grands sociologues et économistes :
* **Max Weber (1864-1920)** : Finley a hérité de Weber l'approche de la **sociologie compréhensive**, qui vise à comprendre le sens que les acteurs sociaux donnent à leurs actions, plutôt que de les expliquer uniquement par des structures externes. Il a également adopté le concept d'**idéal-type** comme outil d'analyse comparative pour examiner les organisations sociales antiques. Weber s'est également penché sur l'économie antique, posant la question de la présence d'un capitalisme significatif dans le monde ancien, une interrogation que Finley reprendra.
* **Karl Polanyi (1886-1964)** : L'ouvrage majeur de Polanyi, *La Grande Transformation* (1944), a introduit la notion d'**encastrement (embeddedness)**, soulignant que l'économie est toujours imbriquée dans un cadre social, politique et culturel. Finley applique ce concept aux sociétés antiques, démontrant que l'économie de marché y était subordonnée aux structures politiques et sociales, le politique primant sur l'économique.
#### 3.1.3 La méthode Finley
Finley se distingue de l'historien positiviste par sa démarche : il ne part pas d'une étude minutieuse des sources brutes, mais pose d'abord des **questions significatives**. Il fait preuve d'un **éclectisme méthodologique**, puisant dans diverses disciplines. Contrairement à l'école des Annales qui privilégiait l'histoire sérielle et quantitative, Finley préfère une **analyse qualitative et interprétative**, axée sur l'identification de configurations sociales pertinentes et l'élaboration d'inférences.
### 3.2 Les scansions de l'œuvre
#### 3.2.1 Relire Homère : *Le Monde d'Ulysse*
*Le Monde d'Ulysse* (1954) a propulsé Finley sur la scène académique. Au lieu de chercher à vérifier l'historicité des récits homériques, Finley analyse ces textes comme des fenêtres sur des structures sociales et des modes d'organisation pertinents. Il refuse l'approche positiviste de certains de ses prédécesseurs. Par exemple, il étudie le fonctionnement du pouvoir royal, l'importance de l'hospitalité, les rites élitaires et familiaux, ainsi que la présence d'une paysannerie libre. Finley situe le monde décrit par Homère dans une période située entre le VIIIe et le VIe siècle av. J.-C., distinct du monde mycénien décrit dans les tablettes en linéaire B.
#### 3.2.2 L'économie antique : la thèse primitiviste
Finley s'inscrit dans le débat entre "modernistes" et "primitivistes" sur la modernité des économies antiques. Il reprend l'idée qu'il faut distinguer **sociétés à marché** (où le marché existe mais ne structure pas l'ensemble de l'économie) des **économies de marché**.
Influencé par Max Weber, Finley défend la thèse primitiviste, soutenue par des arguments tels que :
* Les marchés étaient limités, souvent centrés sur le commerce à longue distance.
* La majeure partie de la production était destinée à l'autoconsommation.
* Le concept moderne de "travail" en tant que valeur n'existait pas (les termes grecs et latins désignaient l'ouvrage ou la fatigue, tandis que le loisir, $scholē$, était valorisé).
* Il n'y avait pas de "politique économique" au sens moderne, mais une "politique" englobant la sphère institutionnelle et civique.
* Les élites sociales recherchaient des rentes foncières plutôt que le profit économique.
* Un blocage technologique persistait, la science restant théorique et sans application technique massive (comme illustré par Héron d'Alexandrie).
* L'État n'était pas un acteur économique autonome.
Les bornes hypothécaires ($Horoi$) en Attique, documentant des transactions financières, ont été interprétées par Finley comme des prêts non productifs, destinés à des dépenses sociales (mariages) et non à l'investissement économique.
#### 3.2.3 L'étude de l'esclavage dans l'Antiquité
Finley a révolutionné l'étude de l'esclavage en introduisant une distinction cruciale entre :
* **Sociétés avec esclaves (societies with slaves)** : Des sociétés où l'esclavage existe, mais sans être le fondement de l'économie.
* **Sociétés esclavagistes (slave societies)** : Des sociétés où l'élite économique et politique dépend *essentiellement* de la production assurée par le travail servile. Finley propose un critère quantitatif : au moins 20% de la population devrait être constituée d'esclaves.
Selon Finley, la Grèce antique et l'Empire romain sont des exemples de sociétés esclavagistes, aux côtés des Antilles coloniales, du Brésil et des États-Unis avant la guerre de Sécession. L'Égypte pharaonique, en revanche, n'en serait pas une, les populations serviles n'étant pas dépersonnalisées.
La "marche main dans la main de l'esclavage et de la liberté" décrit la dialectique grecque. La réforme de Solon à Athènes, abolissant l'esclavage pour dettes ($seisachtheia$), a paradoxalement conduit à une recherche accrue d'esclaves étrangers pour compenser la perte de main-d'œuvre locale. La liberté politique des citoyens s'est ainsi construite sur la dépendance servile d'autrui.
#### 3.2.4 La politique dans les mondes anciens
Dans *Démocratie antique et démocratie moderne* (1975), Finley plaide pour la démocratie antique, en opposition aux théoriciens élitistes contemporains. Il valorise l'efficacité de la **démocratie directe athénienne** dans son implication directe des citoyens, sa capacité à produire des décisions collectives rationnelles et à garantir une participation politique réelle, contrastant avec la passivité relative des citoyens modernes.
Dans *L'Invention de la politique* (1986), il approfondit la naissance du "politique" dans les mondes anciens, soulignant l'autonomie politique grecque et introduisant la notion d'**instrumental politics**, c'est-à-dire la politique comme outil d'action collective.
### 3.3 Tip
> **Tip:** Il est essentiel de comprendre la distinction de Finley entre "sociétés avec esclaves" et "sociétés esclavagistes" pour analyser correctement l'impact de l'esclavage sur les différentes économies antiques.
### 3.4 Exemple
> **Example:** La distinction entre "sociétés avec esclaves" et "sociétés esclavagistes" permet d'expliquer pourquoi, bien que l'esclavage fût présent dans de nombreuses civilisations antiques, seule une minorité d'entre elles en dépendait fondamentalement pour leur fonctionnement économique et social. L'Égypte antique, malgré la présence d'esclaves, n'était pas une société esclavagiste au sens où l'entend Finley, car le travail servile n'y constituait pas la base essentielle de la production.
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# Cheikh Anta Diop et la valorisation de l'Égypte antique africaine
Voici une synthèse détaillée sur Cheikh Anta Diop et la valorisation de l'Égypte antique africaine.
## 4. Cheikh Anta Diop et la valorisation de l'Égypte antique africaine
Ce sujet explore les thèses de Cheikh Anta Diop sur l'origine africaine de l'Égypte antique et son rôle fondamental dans l'histoire des civilisations, dans le cadre de l'afrocentrisme et de la lutte contre l'historiographie coloniale.
### 4.1 Cheikh Anta Diop, savant et militant
#### 4.1.1 De l'Afrique occidentale française à Paris
Cheikh Anta Diop est né en 1923 au Sénégal. Il a reçu une formation intellectuelle à la fois en Afrique et en France, intégrant le lycée Henri-IV à Paris en 1945 et poursuivant des études de philosophie à la Sorbonne. Dès 1948, il publie des articles scientifiques et commence à se focaliser sur l'Égypte ancienne, tout en intervenant sur l'avenir de l'Afrique post-coloniale. En 1951, il s'inscrit en thèse sur les Égyptiens prédynastiques sous la direction de Marcel Griaule, dont il tirera son ouvrage *Nations nègres et culture* (titre original : *De l'Antiquité égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui*), publié en 1954. Parallèlement, il participe activement à la création de cercles intellectuels africains en Europe visant à développer une « pensée noire ». Il a notamment participé au Congrès des écrivains et artistes noirs organisé par Présence Africaine en 1956.
#### 4.1.2 De Paris au Sénégal
À la fin des années 1950, Diop retourne au Sénégal dans l'espoir d'exercer une influence politique significative. Il y est à la fois homme politique et intellectuel, fondant plusieurs partis politiques (Bloc des masses sénégalaises en 1961, Front National Sénégalais en 1964, Rassemblement National Démocratique en 1976) et travaillant comme chercheur à l'IFAN (Institut Fondamental d'Afrique Noire). Bien que bénéficiant d'un prestige international, il reste relativement marginalisé au Sénégal, notamment face à Léopold Sédar Senghor. Il décède en 1986.
#### 4.1.3 La mission de rendre justice à l'histoire de l'Afrique
La mission principale de Cheikh Anta Diop en tant qu'historien était de rompre avec l'historiographie coloniale méprisante envers l'histoire de l'Afrique. Il dénonçait l'idée véhiculée par les savants occidentaux selon laquelle les civilisations africaines auraient été créées par des peuples non africains. Diop soutenait que la reconstruction d'une histoire africaine longue et riche, dont l'Égypte antique serait le berceau, était essentielle pour permettre un avenir politique et culturel sur le continent. Il considérait le retour à l'étude de l'Égypte comme une condition nécessaire pour réconcilier les civilisations africaines avec l'histoire et rénover la culture africaine, à l'instar du rôle des antiquités gréco-latines pour la culture occidentale.
### 4.2 Une Égypte antique africaine
#### 4.2.1 La doxa « européenne » au sujet de l'Égypte antique
Avant les travaux de Diop, une partie de la science européenne, notamment à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, était encore tributaire d'un discours racialiste, construit autour du mythe des Hamites. Ce mythe identifiait un peuple, supposé descendant de Cham, ayant quitté le Moyen-Orient pour s'installer en Égypte, le plaçant entre les populations indo-aryennes et sémitiques, et distinctes des peuples africains « nègres ». Les savoirs antérieurs à cette construction européenne étaient cependant plus nuancés. Jean-François Champollion, par exemple, distinguait les Égyptiens des « Nègres », mais ne postulait pas un lien direct avec la Grèce ou l'Europe. Plus significativement, Constantin Volney, dans son *Voyage en Syrie et en Égypte* (1787), soutenait déjà une origine africaine et négroïde à la civilisation égyptienne, établissant un lien généalogique avec les populations subsahariennes.
#### 4.2.2 Les thèses principales de Diop
Diop s'est donné pour mission de démontrer le rapprochement entre les sociétés égyptiennes et africaines. Son argumentaire reposait sur plusieurs piliers :
* **Les témoignages littéraires des auteurs anciens :** Diop insistait sur le fait que les auteurs de l'Antiquité considéraient les Égyptiens comme des Africains de type subsaharien, et que l'Égypte avait civilisé le monde. Il s'appuyait notamment sur Hérodote, qui mentionnait les similarités physiques (peau brune, cheveux crépus) entre Égyptiens et Colchidiens, ainsi que sur Diodore de Sicile, qui soulignait le rôle égyptien dans la transmission du savoir aux Grecs (Orphée, Pythagore, Platon, etc.). Pour Diop, la science occidentale aurait « recouvert » cette vérité antique à travers une « falsification moderne ».
* **Les similitudes d'organisation sociale :** Diop relevait des ressemblances entre l'organisation sociale de l'Égypte ancienne et celle des civilisations africaines de son époque, bien que cette présentation ait été critiquée pour sa généralité.
* **Les arguments linguistiques :** Il a cru identifier des affinités entre la langue hiéroglyphique et le wolof, une thèse aujourd'hui contestée par les linguistes en raison de la complexité de la reconstitution de l'égyptien ancien et de la coexistence de différentes langues en Égypte antique (langue des hiéroglyphes, démotique, copte).
* **La distinction Terre Noire / Terre Rouge :** Diop a interprété la distinction entre *Kemet* (Terre Noire, fertile) et *Deshret* (Terre Rouge, désertique) en soulignant que *Remetch en Kemet* signifiait « le peuple de la Terre Noire », qu'il a traduit par « c'est la terre des Noirs », intégrant cette conception dans un cadre contemporain.
#### 4.2.3 La pérennité d'une question : où en sommes-nous ?
La question des origines de la civilisation égyptienne reste complexe. Le caractère insulaire et carrefour du couloir nilotique a favorisé des échanges intenses dès le IVe millénaire avant notre ère, donnant naissance à une civilisation singulière.
* **Anthropologie physique :** Alain Froment réfute l'idée de penser les Égyptiens anciens en termes de Blancs ou de Noirs, les qualifiant de « population intermédiaire », et dénonce les manipulations idéologiques autour de leur classification.
* **Culture agricole :** La culture de l'orge et du blé en Égypte suggère une origine néolithique potentiellement liée au noyau asiatique ou babylonien, plutôt qu'au sud du Sahara.
* **Linguistique :** L'égyptien ancien appartient aux langues afro-asiatiques (anciennement chamito-sémitiques), mais présente des singularités, comme un système verbal atemporel et aspectuel, dont les liens avec d'autres groupes linguistiques restent objets de recherche.
* **Culture archéologique :** Les recherches actuelles soulignent les liens anciens entre l'Égypte antique et l'Afrique subsaharienne. La découverte de la palette de Narmer avec des animaux de savane, la tombe de Nénou mettant en scène un personnage nubien, ou encore la statue de Montouhotep II suggérant une origine nubienne du souverain, renforcent cette idée. L'importance de l'Égypte antique au Tchad et au Sahara suggère également des contacts anciens avec l'Afrique subsaharienne.
#### 4.2.4 L'« Athènes noire » : un nouvel afrocentrisme scientifique ?
Les théories de Diop ont été reprises et remobilisées par Martin Bernal dans son ouvrage *Black Athena* (fin des années 1980). Bernal a cherché à démontrer les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, s'opposant au « modèle aryen » qui postulait la singularité du monde gréco-romain. Bernal, linguiste, a tenté de construire des étymologies gréco-égyptiennes pour montrer l'influence égyptienne sur le grec, bien que ses méthodes aient été critiquées comme non académiques.
Le travail de Diop peut être vu comme une tentative de construire un contre-mythe à la culture européenne dominante, offrant des ancêtres prestigieux à l'Afrique à l'époque de la décolonisation. Cette approche, bien que visant à valoriser le passé africain, s'inscrit, selon certains critiques, dans un cadre racialiste (identité fermée, héritage consubstantiel) hérité des siècles précédents, similaire à la manière dont l'identité grecque était autrefois définie par des critères de « même sang », « même langue », et « mœurs semblables ».
> **Tip :** Il est crucial de distinguer l'approche historique rigoureuse des thèses de Cheikh Anta Diop, qui, tout en étant pionnières dans la réhabilitation de l'histoire africaine, ont parfois été marquées par des interprétations discutables sur le plan scientifique. L'enjeu est de reconnaître la valeur de son travail pour avoir posé la question de l'origine africaine de l'Égypte et de son rôle dans la civilisation, tout en appliquant une critique méthodologique.
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# L'école de Paris et l'analyse anthropologique du monde antique
Voici un résumé de l'école de Paris et de l'analyse anthropologique du monde antique, conçu comme une section de votre guide d'étude :
## 5. L'école de Paris et l'analyse anthropologique du monde antique
L'école de Paris a appliqué les méthodes des sciences sociales à l'étude de la Grèce antique, se concentrant sur la raison, le mythe et le politique, à travers les travaux pionniers de figures comme Louis Gernet, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet.
### 5.1 Louis Gernet : La Grèce sans miracle
Louis Gernet, juriste, philologue et sociologue, est considéré comme une figure fondatrice de l'école de Paris. Son approche se caractérise par une rupture avec la tradition intellectuelle européenne qui idéalisait la Grèce antique comme un "miracle" à l'origine de la civilisation occidentale. Gernet prônait une approche comparatiste, affirmant qu'il était possible de comparer les institutions grecques à celles d'autres civilisations et d'autres époques, refusant ainsi toute supériorité a priori de la Grèce. Ses travaux ont exploré le développement de la pensée juridique et morale, la religion grecque, et les structures du droit et de la société en Grèce ancienne. Il a notamment étudié l'émergence de la notion de responsabilité individuelle dans le droit grec archaïque et a vu dans des institutions comme l'Eranos (communauté d'entraide) des similitudes avec des structures sociales d'autres sociétés traditionnelles, comme la Kabylie. Gernet est également considéré comme le successeur de la sociologie de Durkheim après la Seconde Guerre mondiale.
> **Tip:** L'expression "la Grèce sans miracle" de Gernet souligne l'importance d'étudier les civilisations antiques avec des outils d'analyse sociale et anthropologique, plutôt qu'à travers des visions idéalisées ou essentialistes.
### 5.2 Jean-Pierre Vernant : Psychologie historique, mythe et politique
Jean-Pierre Vernant, philosophe et résistant, a consacré sa carrière à l'étude de l'Antiquité grecque, développant une approche qu'il a qualifiée de "psychologie historique". Cette discipline vise à étudier les opérations intellectuelles de la psyché comme objet d'histoire, en les analysant sous un prisme philosophique et anthropologique.
#### 5.2.1 Les origines de la raison grecque
Vernant a exploré les conditions sociales et psychologiques qui ont permis l'apparition de la raison (le *logos*) en Grèce. Il a démontré que le *logos* grec était intrinsèquement lié à la cité (*polis*), émergent des pratiques de délibération collective entre égaux. Contrairement à la conception moderne de la raison comme principalement scientifique, Vernant a souligné que le *logos* grec s'épanouissait dans les pratiques politiques et les débats publics, visant à élaborer des positions justes et équilibrées.
#### 5.2.2 Mythes, rites et religion
Vernant a analysé le polythéisme grec comme un système de pensée complexe. Il a montré comment le mythe, bien que souvent considéré comme distinct du *logos* (raison), était un espace essentiel où la pensée rationnelle pouvait s'élaborer. En adoptant une perspective structuraliste, inspirée par Claude Lévi-Strauss, Vernant a examiné les mythes et les rites pour comprendre les structures profondes de la pensée grecque. Il a notamment étudié la polarité entre Hestia (foyer, intérieur) et Hermès (circulation, transmission) pour illustrer comment les Grecs pensaient les dimensions de la vie humaine à travers des oppositions et des complémentarités.
> **Example:** L'analyse de Vernant sur la relation entre Hestia et Hermès dans son article "Hestia-Hermès" illustre comment des figures divines, associées à des concepts opposés, révèlent des schémas de pensée fondamentaux dans la culture grecque.
#### 5.2.3 Le politique en Grèce ancienne
Vernant a privilégié le terme "politique" (relatif à la *polis*) plutôt que "politique" (au sens d'action institutionnelle). Il a étudié les grandes tragédies grecques du Ve siècle av. J.-C. comme des mises en scène du "politique", des spectacles qui permettaient aux Athéniens de réfléchir à leur propre situation politique. Les mythes et les tragédies, tels que ceux mis en scène lors des Dionysies, étaient des vecteurs de pensée politique, abordant des thèmes comme la tyrannie (par exemple, dans le mythe d'Œdipe).
### 5.3 Pierre Vidal-Naquet : Formes de pensée et formes de société
Pierre Vidal-Naquet, historien de l'Antiquité grecque et intellectuel engagé, a exploré les liens entre les représentations imaginaires et les structures sociales dans le monde grec. Son œuvre s'inscrit dans une démarche de dialogue entre histoire culturelle et histoire sociale.
#### 5.3.1 Représentations et formes sociales
Dans des ouvrages comme "Le Chasseur noir", Vidal-Naquet a analysé comment les formes de pensée, notamment les mythes et les représentations, sont ancrées dans des structures sociales concrètes. Il a étudié la réforme de Clisthène à Athènes, montrant comment l'organisation spatiale de la cité (division en tribus, trittyes) reflétait des transformations intellectuelles contemporaines, notamment la conception d'un cosmos homogène et symétrique. Il a également interprété le mythe de l'Atlantide comme une construction mythologique à visée politique, mettant en garde contre les dangers de l'impérialisme athénien.
#### 5.3.2 L'opérateur féminin et la cité divisée
Nicole Loraux, pionnière dans l'étude du genre appliquée à l'Antiquité, a introduit la notion d'"opérateur masculin/féminin". Dans "L'Invention d'Athènes", elle analyse l'oraison funèbre comme une institution athénienne qui, sous couvert d'unité civique, masquait les divisions internes de la cité. Elle a montré comment la démocratie athénienne réutilisait des valeurs aristocratiques et comment le discours qu'elle tenait sur elle-même était une construction idéologique.
Loraux a également exploré le mythe d'autochtonie athénien dans "Les Enfants d'Athéna", révélant un fantasme masculin d'une procréation sans femmes, où la cité démocratique se fonde sur une généalogie exclusivement masculine. Elle a aussi analysé le rôle des personnages féminins dans les tragédies grecques, les considérant comme un espace de mise en scène de ce qui échappe à la rationalité politique.
> **Tip:** L'idée de Loraux de faire l'"éloge de l'anachronisme" suggère que l'historien doit oser poser les questions du présent au passé pour enrichir sa compréhension des deux époques.
Vidal-Naquet s'est aussi penché sur l'histoire de l'historiographie du monde ancien et a critiqué la montée du négationnisme.
### 5.4 Cheikh Anta Diop : L'Égypte antique comme origine africaine
Cheikh Anta Diop, historien et penseur sénégalais, a consacré une grande partie de son œuvre à l'étude de l'Égypte antique, la présentant comme le berceau des civilisations africaines. Son travail s'inscrit dans une démarche de rupture avec une historiographie coloniale qui méprisait l'histoire de l'Afrique.
#### 5.4.1 Rendre justice à l'histoire de l'Afrique
Diop a cherché à construire un récit des origines des civilisations africaines en partant de l'Égypte antique, la considérant comme un référentiel essentiel pour une perspective africaine, à l'instar de la Grèce et de Rome pour le monde occidental. Il a dénoncé le "mythe hamite" et la "falsification moderne de l'histoire" par la science occidentale, qui aurait occulté les origines africaines de l'Égypte.
#### 5.4.2 L'Égypte antique : une terre africaine et négroïde
Diop a mobilisé les témoignages littéraires des auteurs anciens, tels qu'Hérodote et Diodore de Sicile, pour affirmer que les Égyptiens étaient perçus comme des Africains de type négroïde et que l'Égypte avait civilisé le monde. Il a également cherché à identifier des similitudes d'organisation sociale et des affinités linguistiques entre l'Égypte ancienne et les civilisations africaines subsahariennes, bien que ces arguments aient été largement contestés par les linguistes et les anthropologues contemporains. Il a mis en avant la distinction entre la "terre rouge" (désert) et la "terre noire" (*Kemet*, terres fertiles du Nil), interprétant ce dernier terme comme signifiant "la terre des Noirs".
> **Example:** Diop a utilisé le passage d'Hérodote décrivant les Colchidiens comme ayant une origine égyptienne, en soulignant leur peau brune et leurs cheveux crépus, pour étayer son argument d'une origine africaine subsaharienne des Égyptiens.
#### 5.4.3 La permanence de la question des origines
Les recherches contemporaines, notamment en anthropologie physique, soulignent que penser les anciens Égyptiens en termes de "Nègres" ou de "Blancs" est inapproprié. Les spécialistes mettent en avant le statut de population intermédiaire de ces groupes, qui ont pu être influencés par des échanges avec l'Afrique subsaharienne, l'Asie et la Méditerranée. La culture agricole de l'Égypte, basée sur l'orge et le blé, suggère des origines néolithiques provenant du Proche-Orient. Sur le plan linguistique, l'égyptien ancien est classé parmi les langues afro-asiatiques, mais des singularités linguistiques subsistent. Cependant, des découvertes archéologiques récentes, comme la palette de Narmer ou la tombe de Nénou, mettent en évidence des liens culturels anciens entre l'Égypte et l'Afrique subsaharienne.
La théorie de Diop a été remobilisée par Martin Bernal dans "Black Athena", qui a plaidé pour les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, bien que ses arguments linguistiques aient été largement démentis.
### 5.5 Peter Brown et Corinne Bonnet : Dynamiques culturelles et religieuses dans l'Antiquité tardive et le monde méditerranéen
Peter Brown et Corinne Bonnet, figures marquantes des études sur l'Antiquité, ont chacun apporté des perspectives novatrices sur la fin de l'Empire romain, l'essor du christianisme, et les transferts culturels en Méditerranée.
#### 5.5.1 Peter Brown et l'Antiquité tardive
Peter Brown a révolutionné la périodisation de l'histoire romaine en introduisant le concept d'"Antiquité tardive" (datant d'environ 150 à 750 apr. J.-C.). Loin d'une vision de déclin, Brown a mis en évidence une période de créativité extraordinaire, particulièrement sur les plans religieux et culturel, qui a jeté les bases de la civilisation européenne.
##### 5.5.1.1 Le triomphe du christianisme
Brown a analysé la transformation d'une petite secte juive en une religion d'État. Il a souligné comment le christianisme, face aux crises sociales et à la fragilisation des communautés civiques, a offert un nouveau cadre de solidarité grâce à ses structures ecclésiales, le rôle de l'évêque, et la pratique de la charité. Il a également noté l'héritage du culte des saints, qui a pu servir à intégrer les traditions polythéistes antérieures, et le développement du monachisme, formant un clergé professionnel et offrant un modèle de vie chrétienne idéale.
> **Example:** Brown a observé comment le culte des saints, avec des figures comme Martin de Tours ou Syméon le Stylite, a permis d'acclimater les pratiques religieuses antérieures au christianisme, offrant des figures d'intercession et de dévotion.
##### 5.5.1.2 L'amour des pauvres et la nouvelle morale
Une spécificité du christianisme selon Brown est l'exaltation de la pauvreté et la valorisation de la générosité envers les démunis. Cette nouvelle morale chrétienne a résonné dans un Empire romain marqué par les crises et les inégalités croissantes, offrant un discours idéologique et symbolique pour reconstruire une société fragmentée.
#### 5.5.2 Corinne Bonnet et les transferts culturels
Corinne Bonnet, historienne des religions antiques, s'est concentrée sur le monde phénicien et les rapports entre les cultures gréco-romaine et phénicienne, examinant les notions de transfert culturel et d'hybridation.
##### 5.5.2.1 L'historicisation des religions polythéistes
Bonnet a souligné la difficulté d'historiciser le fait religieux, en particulier les polythéismes anciens, qui ont souvent été abordés avec des catégories analytiques forgées pour les religions monothéistes. Elle a mis en évidence la problématique des termes modernes comme "polythéisme" et "religion" pour qualifier ces systèmes de croyances et de pratiques.
##### 5.5.2.2 Transfert culturel et "créolisation"
Bonnet a étudié des figures légendaires phéniciennes comme Cadmos et Melqart, analysant comment les divinités étrangères étaient intégrées dans les panthéons locaux, un processus qu'elle a conceptualisé comme un transfert culturel et une forme d'"hybridation" ou de "créolisation". Elle a remis en question le concept de civilisation comme modèle d'histoire linéaire, privilégiant l'idée de relations et d'interactions incessantes entre les cultures.
> **Tip:** La pensée de Bonnet sur le transfert culturel invite à considérer l'histoire humaine non pas comme une succession de civilisations isolées, mais comme un réseau d'interactions et d'échanges constants.
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# Nicole Loraux et l'histoire du genre dans l'Antiquité grecque
Voici une synthèse détaillée sur Nicole Loraux et l'histoire du genre dans l'Antiquité grecque.
## 6. Nicole Loraux et l'histoire du genre dans l'Antiquité grecque
Ce sujet se concentre sur les recherches de Nicole Loraux, pionnière dans l'étude du genre appliquée à l'Antiquité, abordant le mythe d'autochtonie athénien, la place du féminin dans l'imaginaire grec et la représentation des femmes dans le théâtre tragique.
### 6.1 L'approche de Nicole Loraux : l'Antiquité au présent
Nicole Loraux, agrégée de lettres classiques, a toujours réfléchi à la manière d'articuler le travail sur l'Antiquité ancienne avec les questions du présent. Elle défend l'idée d'un "éloge de l'anachronisme en histoire" (1993). Pour elle, la méthode historique doit oser le risque de l'anachronisme, en posant au passé des questions issues du présent, afin d'en revenir enrichi par cette confrontation. Le présent interroge le passé pour mieux se comprendre. Sa démarche consiste à "aller vers le passé avec les questions du présent pour revenir vers le présent, lesté de ce que l'on a compris du passé".
### 6.2 L'invention d'Athènes : l'oraison funèbre comme miroir de la cité
Le premier ouvrage majeur de Nicole Loraux, *L'Invention d'Athènes. Histoire de l'oraison funèbre dans la “cité classique”* (1981), se penche sur l'oraison funèbre, une institution de la démocratie athénienne. Instituée vers 460 av. J.-C., cette cérémonie annuelle permettait à un citoyen éminent de prononcer l'éloge des soldats morts à la guerre, et par extension, celui de la cité elle-même.
#### 6.2.1 L'idéologie civique athénienne
Loraux analyse ce discours pour identifier "l'idéologie civique athénienne", c'est-à-dire la manière dont les Athéniens se représentaient eux-mêmes et leur cité. S'inspirant de la conception marxiste de l'idéologie comme ensemble de représentations visant à naturaliser la domination et à masquer la perception du réel, Loraux montre comment le discours démocratique sur lui-même occulte les divisions internes de la cité. Elle met en évidence la réutilisation, dans les discours officiels, de valeurs et de mots d'ordre hérités de l'idéologie aristocratique archaïque, comme la notion d' *arétè* (excellence). Pour Loraux, "À Athènes, la démocratie ne conquit jamais son propre langage."
#### 6.2.2 La cité une et indivisible
La configuration politico-intellectuelle de la cité athénienne, telle qu'elle se présente dans ces discours, est celle d'une cité "une, indivisible et en paix avec elle-même". Ce modèle, destiné aux Athéniens et aux modernes, vise à masquer les divisions réelles.
### 6.3 L'opérateur féminin : genre et imaginaire grec
Nicole Loraux est reconnue comme une pionnière dans l'application des études de genre à l'Antiquité. Elle ne s'attache pas à une histoire sociale des femmes au sens strict, mais interroge la place du "féminin" et du genre dans l'imaginaire grec, introduisant la notion d'"opérateur masculin/féminin".
#### 6.3.1 Le mythe d'autochtonie athénien : une procréation sans femmes
Loraux analyse le mythe d'autochtonie athénien (Héphaïstos, Athéna, Érichthonios) dans *Les Enfants d'Athéna* (1981). Ce mythe raconte la naissance d'Érichthonios du sperme d'Héphaïstos tombé sur la terre attique, après le refus d'Athéna. Tous les Athéniens s'en revendiquent descendants, affirmant leur lien direct avec la terre. Loraux y voit un fantasme masculin : une procréation sans mère humaine, où la cité démocratique se fonderait sur une généalogie exclusivement masculine. Les descendants d'Érichthonios visent ainsi à affirmer leur identité de citoyens interchangeables tout en excluant symboliquement les mères athéniennes du discours officiel.
#### 6.3.2 Le féminin dans le théâtre tragique
Loraux étend sa réflexion sur l'opérateur féminin à l'analyse du statut des femmes dans le théâtre tragique. Bien que les personnages féminins y occupent une place centrale, éprouvant des thèmes comme le deuil et la violence, Loraux considère la tragédie comme un "espace de l'anti-politique", un lieu où la cité met en scène ce qui échappe à sa rationalité. Le fait que les rôles féminins soient joués par des hommes introduit un jeu de travestissement qui permet aux Grecs du Ve siècle av. J.-C. de réfléchir à la différence des sexes à travers le théâtre.
### 6.4 La cité divisée : l'oubli comme ciment politique
Loraux s'intéresse à la loi d'amnistie imposée par les démocrates athéniens en 404/403 av. J.-C. après le renversement des oligarques. Cet oubli volontaire devient, selon elle, un élément constitutif de la vie politique athénienne au IVe siècle. Sa réflexion porte sur la manière dont la politique, intrinsèquement liée au conflit, suppose également le refoulement de ce conflit, faisant de la *stasis* (discorde civile) un "ciment" paradoxal de la communauté.
### 6.5 L'héritage de l'École de Paris
Nicole Loraux s'inscrit dans le sillage de l'École de Paris, un groupe de chercheurs appliquant les sciences sociales à l'Antiquité classique. Fondée autour de Louis Gernet, cette école privilégie une approche anthropologique, sociologique et philosophique. Jean-Pierre Vernant, avec sa "psychologie historique", a exploré les origines de la raison grecque, le rôle du mythe, des rites et de la religion. Pierre Vidal-Naquet a analysé l'articulation entre les formes de pensée et les structures sociales, notamment à travers l'étude de la réforme de Clisthène et du mythe de l'Atlantide. L'École de Paris, par ces figures, a profondément marqué l'historiographie de l'Antiquité grecque, en y introduisant une lecture renouvelée, attentive aux dynamiques sociales, culturelles et aux représentations du monde.
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# Peter Brown et la transformation religieuse et culturelle de l'Antiquité tardive
Voici une synthèse détaillée du sujet "Peter Brown et la transformation religieuse et culturelle de l'Antiquité tardive", conçue comme une ressource prête pour un examen.
## 7. Peter Brown et la transformation religieuse et culturelle de l'Antiquité tardive
Ce thème explore les travaux de Peter Brown sur la fin de l'Empire romain, introduisant le concept d'Antiquité tardive, et examine le triomphe du christianisme, le rôle des élites, et l'exaltation de la pauvreté.
### 7.1 L'invention de l'Antiquité tardive
Peter Brown, historien irlandais, est à l'origine de la conceptualisation de l'Antiquité tardive comme une période historique distincte, s'étendant approximativement de 150 à 750 apr. J.-C. Ce concept, emprunté à l'historien de l'art Alois Riegl, déplace la perspective traditionnelle qui voyait la fin de l'Empire romain comme une période de déclin brutal. Brown, influencé par des intellectuels comme Paul Veyne et Michel Foucault, rejette l'idée d'une simple décadence. Il met en avant une période de remarquable créativité, particulièrement dans les domaines religieux et culturels, qui a jeté les bases de la civilisation européenne.
#### 7.1.1 La rupture avec la périodisation traditionnelle
La périodisation classique distinguait un Haut-Empire (Ier-IIe siècles) et un Bas-Empire (IIIe siècle à 476 apr. J.-C. pour l'Occident). Cette chronologie est considérée comme trop occidentalo-centrée. L'approche de Brown, qui englobe le monde méditerranéen oriental et occidental, propose une vision plus étendue de cette période charnière.
#### 7.1.2 Caractéristiques de l'Antiquité tardive selon Brown
* **Le déclin du cadre civique :** Brown observe un affaiblissement de la cité comme principal cadre d'organisation sociale et d'expérience individuelle.
* **La transformation des mentalités :** Le christianisme devient un moteur essentiel de ces changements.
#### 7.1.3 L'émergence de nouveaux centres de pouvoir
Vers 750 apr. J.-C., de nouveaux pôles d'influence se manifestent, marqués par une "dé-méditerranéisation" des centres politiques :
* **En Orient :** L'arrivée des Abbassides en 750 déplace le centre du pouvoir arabo-musulman de Damas à Bagdad, s'éloignant de l'héritage gréco-romain des Omeyyades.
* **En Occident :** Le pouvoir carolingien s'établit à Aix-la-Chapelle, loin des côtes méditerranéennes. Dans ces nouveaux empires, le monde de la cité ne constitue plus le mode de vie dominant.
### 7.2 Le triomphe du christianisme
Brown aborde la question fondamentale de la transformation d'une petite secte juive en une religion d'État majeure, gouvernant des millions de personnes à partir du IVe siècle. Il souligne la rareté des sources non chrétiennes pour les premiers siècles du christianisme, qui proviennent majoritairement des textes du Nouveau Testament, des Actes des Apôtres, et des épîtres. La littérature des Pères de l'Église est également cruciale.
#### 7.2.1 La visibilité du christianisme
Le christianisme devient visible dans les sources païennes à partir du IIIe siècle, marquant une étape vers les persécutions systématiques (sous Dèce en 250 et Dioclétien en 303) et la christianisation progressive de l'Empire au IVe siècle.
* **Moments clés :**
* 312 : Conversion de Constantin (bataille du pont Milvius), sans que le christianisme ne devienne immédiatement religion d'État.
* 325 : Concile de Nicée.
* 381 : Concile de Constantinople, officialisant le christianisme.
* 392 : Théodose impose le christianisme comme seule religion autorisée et interdit les cultes païens.
#### 7.2.2 Interprétations du succès chrétien
* **L'historiographie chrétienne :** Attribue le succès à la volonté divine.
* **Paul Veyne :** Explique la christianisation par le choix de Constantin.
* **Yvon Thébert :** Suggère que le christianisme est une émanation des transformations sociales et politiques du IIIe siècle, le pouvoir impérial l'utilisant plutôt que d'être conquis par lui.
#### 7.2.3 L'analyse de Peter Brown
Brown propose une lecture nuancée, soulignant que les crises (militaires, environnementales) de la fin de l'Empire romain ont créé un sentiment d'incertitude, fragilisant les communautés civiques. Le christianisme a su proposer un nouveau cadre de solidarité, plus efficace que le cadre civique défaillant :
* **L'aumône :** Remplace le sacrifice païen.
* **L'organisation autour de l'évêque :** Une nouvelle figure d'autorité politique.
* **La distinction clercs/laïcs :** Émergence d'une structure ecclésiastique spécialisée.
* **La charité chrétienne :** Les évêques reprennent le rôle des élites dans l'évergétisme, l'Église devenant un substitut des notables traditionnels.
#### 7.2.4 L'héritage du paganisme
Brown note que le christianisme a intégré des éléments de la culture polythéiste antérieure. La multiplication des saints peut être vue comme une adaptation de la culture polythéiste traditionnelle au nouveau contexte chrétien, les saints remplaçant les héros païens.
* **Le culte des saints :** Promu par des figures comme Paulin de Nole (autour de Félix de Nola), il devient un facteur de cohésion locale et d'identité chrétienne.
* **L'érémitisme et le monachisme :** En Orient, l'érémitisme se développe (ex: Siméon le Stylite), tandis qu'en Occident, des figures comme Pacôme inventent le cénobitisme (vie communautaire monastique) dès 320 apr. J.-C. Ces monastères forment un clergé professionnel, marquant une rupture avec les cultures polythéistes où les prêtres n'étaient pas organisés de manière aussi structurée.
### 7.3 L'exaltation de la pauvreté
Une spécificité majeure du christianisme, selon Brown, est l'exaltation de la pauvreté, contrastant avec la culture dominante gréco-romaine.
* **Condamnation du désir d'enrichissement :** Le christianisme ne vise pas nécessairement la subversion politique des hiérarchies existantes, mais déplace le jugement moral vers l'au-delà et prône une morale de générosité et de renoncement pour les riches.
* **La pauvreté comme refus de l'enrichissement :** Il s'agit pour les plus riches de refuser la séduction de la richesse et de valoriser la pauvreté (celle du Christ).
* **Générosité envers les pauvres :** La valeur de la générosité envers les pauvres est mise en avant.
* **Pertinence dans un Empire en crise :** Ce discours trouve un écho particulier dans l'Empire romain du IIIe siècle, traversé par des crises et des écarts croissants entre riches et pauvres. Le christianisme offre des outils idéologiques et symboliques pour reconstruire une société fragilisée, en valorisant le pauvre et en imposant aux riches une générosité envers leurs frères de foi.
### 7.4 L'apport de Corinne Bonnet
Corinne Bonnet, historienne des religions antiques, spécialiste du monde phénicien et des relations culturelles, enrichit la compréhension des transferts culturels et des relations entre civilisations. Elle déconstruit le concept de "civilisation", mettant en évidence les interactions constantes entre groupes culturels.
#### 7.4.1 Les transferts culturels et l'hybridité
* **Rencontre entre le monde grec et phénicien :** Bonnet analyse l'intégration de divinités grecques par les Phéniciens (ex: Héraclès tyrien, assimilé à Héraclès) et réciproquement. Ce processus, loin du syncrétisme, est vu comme un travail d'interpretatio, où une divinité étrangère est comprise et intégrée dans un panthéon.
* **Redéfinition du concept de "religion" :** Bonnet souligne la difficulté d'appliquer le terme "religion" (historiquement lié aux religions du Livre) aux polythéismes anciens, qui fonctionnent différemment (rites, pratiques, sacrifices, mais aussi système de pensée et représentation du monde). Elle met en lumière que les termes comme "polythéisme" sont des constructions modernes.
* **La Méditerranée comme carrefour :** Elle insiste sur l'importance des interactions méditerranéennes, remettant en cause l'idée d'histoires de civilisations parallèles.
#### 7.4.2 L'hellénisation et la créolisation
* **L'hellénisation :** Bonnet examine comment les pratiques hellénistiques se sont développées chez des populations non grecques en Phénicie, soulignant un processus de transformation culturelle.
* **La créolisation :** Concept inspiré de la traite atlantique, il permet de comprendre la naissance de nouvelles cultures issues de la rencontre et de la "destruction" forcée de cultures préexistantes.
> **Tip:** Pour approfondir, considérez comment les travaux de Brown et Bonnet remettent en question les visions essentialistes des cultures et des religions, favorisant une approche dynamique des transformations sociales et religieuses.
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# Corinne Bonnet : religions antiques et transferts culturels en Méditerranée
Voici un résumé de cours sur les travaux de Corinne Bonnet concernant les religions antiques et les transferts culturels en Méditerranée, conçu pour être exam-ready.
## 8. Religions antiques et transferts culturels en Méditerranée
Cette section examine la recherche de Corinne Bonnet sur les religions antiques, en particulier le polythéisme, et son approche des transferts culturels et des interactions entre les civilisations méditerranéennes, tout en remettant en question le concept même de civilisation.
### 8.1 Approche méthodologique et remise en question des cadres d'analyse
Corinne Bonnet, historienne des religions antiques, se concentre sur la manière dont l'histoire des religions, et plus particulièrement des polythéismes, a été écrite et enseignée.
#### 8.1.1 La difficulté d'historiciser le fait religieux
Historiquement, l'enseignement du fait religieux était souvent exclu des départements d'histoire, même si une science de l'histoire des religions a commencé à se développer, notamment à Genève et en dehors des universités. L'étude du monothéisme, en particulier, a longtemps façonné le cadre d'analyse des religions antiques.
#### 8.1.2 Problématisation du terme "religion" et du "polythéisme"
* **Le terme "religion" :** Le terme latin *religio* désignait initialement des liens contraignants entre individus. Sa reprise à la Renaissance pour qualifier les religions du Livre puis le polythéisme gréco-romain est problématique, car il n'existe pas de terme intrinsèquement équivalent dans les cultures antiques.
* **Le terme "polythéisme" :** Forgé à la Renaissance, ce terme qualifie la présence de plusieurs dieux. Les pratiquants eux-mêmes ne se définissaient pas comme "polythéistes". Ces catégories sont des fabrications modernes qui peuvent masquer la complexité des systèmes de pensée antiques.
#### 8.1.3 Le polythéisme gréco-romain : plus qu'une affaire de rites
Le polythéisme gréco-romain ne se résume pas à des rites, des pratiques ou des sacrifices ; il constitue également un système de pensée et de représentation du monde. Corinne Bonnet s'inscrit dans l'héritage de chercheurs comme Marcel Detienne, qui ont exploré le fonctionnement interne du polythéisme ancien.
> **Tip :** Comprendre que les catégories modernes comme "religion" ou "polythéisme" ne sont pas des évidences, mais des constructions historiques, est crucial pour analyser les sociétés antiques.
### 8.2 Transferts culturels et interactions en Méditerranée
Le travail de Corinne Bonnet met en lumière l'importance des contacts et des échanges entre les différentes cultures de la Méditerranée, remettant en question les approches purement "civilisationnelles".
#### 8.2.1 L'étude des figures légendaires phéniciennes
Bonnet a étudié des figures légendaires phéniciennes, telles que Cadmos et Phoinix, présentées par les Grecs comme des figures non grecques ayant quitté Tyr pour s'installer en Grèce. Cadmos est notamment crédité de la fondation de Thèbes et de l'introduction de l'alphabet phénicien en Grèce.
* **Transfert culturel d'ampleur :** Ces légendes témoignent de transferts culturels significatifs, où des éléments de la culture phénicienne ont été intégrés dans le monde grec.
#### 8.2.2 L'incorporation de divinités étrangères
L'historienne analyse la manière dont les Phéniciens ont intégré des divinités étrangères dans leur panthéon, ainsi que l'inverse.
* **Melqart et Héraclès :** Melqart, un dieu phénicien, était identifié par les Phéniciens eux-mêmes à Héraclès, une divinité grecque. Cette pratique de se saisir d'une divinité externe pour lui donner une place dans sa propre culture est un aspect fondamental du polythéisme.
* **Astarté et Aphrodite :** Astarté, une divinité retrouvée dans toute la Méditerranée, est comparée à Aphrodite dans le contexte grec. L'étude de ces relations interroge la nature de ces rencontres et des transferts culturels.
#### 8.2.3 Déconstruction du concept de civilisation
Corinne Bonnet critique le concept de "civilisation", apparu en France au XVIIIe siècle, qui a souvent servi à distinguer l'Europe "civilisée" du reste du monde, qualifié de "primitif" ou "sauvage".
* **Critique du modèle de "civilisations parallèles" :** Depuis le XIXe siècle, l'histoire est souvent racontée sous l'angle des civilisations, considérées comme des entités distinctes et parallèles.
* **L'importance des relations :** Bonnet, s'inscrivant dans la lignée de travaux comme celui de Josephine Quinn, soutient que ce sont les relations et les interactions incessantes entre les groupes d'individus de cultures différentes qui suscitent les changements historiques, et non des civilisations isolées.
* **Métaphore du parterre de fleurs :** Plutôt qu'une forêt d'arbres avec un tronc unique, la société humaine est comparée à un parterre de fleurs qui a besoin d'être pollinisé régulièrement par les interactions.
> **Example :** La pratique du banquet couché, attestée en Assyrie comme en Étrurie, illustre comment des similitudes peuvent émerger de contacts culturels plutôt que d'une filiation directe au sein d'une même civilisation.
#### 8.2.4 Hellénisation et ses nuances
Le concept d'"hellénisation" dans la Méditerranée orientale (VIIe-VIe siècles av. J.-C.) est repensé par Bonnet. Elle montre que ce processus n'est pas une simple diffusion unilatérale de la culture grecque, mais une transformation mutuelle.
#### 8.2.5 Le transfert culturel et ses concepts
* **Créolisation :** Concept issu de l'étude de la traite atlantique, la créolisation tente de comprendre la naissance de nouvelles cultures issues de la rencontre entre cultures diverses (africaine, européenne, etc.).
* **Hybridation :** Il s'agit de la rencontre de deux éléments distincts créant un troisième élément composite.
* **L'enjeu de l'*interpretatio* :** Bonnet souligne l'importance de l'*interpretatio*, c'est-à-dire la manière dont une divinité est comprise et incorporée au sein d'un panthéon. Ce travail d'interprétation existe au sein d'une même culture polythéiste et est encore plus pertinent lors de la rencontre entre des divinités de cultures différentes.
> **Tip :** Sortir de la vision syncrétique des rencontres religieuses pour appréhender la finesse du raisonnement à l'œuvre dans les polythéismes anciens est un enjeu méthodologique majeur dans les travaux de Corinne Bonnet.
En conclusion, Corinne Bonnet nous invite à repenser notre compréhension des religions antiques et des interactions culturelles en Méditerranée en abandonnant les cadres rigides de la notion de civilisation et en se concentrant sur la richesse des échanges et des interprétations qui ont façonné ces mondes.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Altertumswissenschaft | Désigne les sciences anciennes, une étude interdisciplinaire des civilisations antiques visant à comprendre leur histoire, leur langue, leur littérature, leurs aspects matériels et culturels. |
| Corpus Inscriptionum Latinarum | Un grand corpus scientifique d'inscriptions latines, dont la publication a été initiée par Theodor Mommsen. |
| Corpus Juris Civilis | Le \"Corpus de Droit Civil\" (528-533), une compilation majeure du droit romain, dont Mommsen a été l'éditeur à l'origine. |
| Imperium | Pouvoir de dimension sacrée dans le monde romain, autrefois détenu par les rois, il a été transformé en pouvoir des magistrats supérieurs (préteurs et consuls) sous la République. Ce pouvoir était originairement de nature royale et sacrée. |
| Populus | La souveraineté du peuple à Rome, considérée comme une idée primordiale et impérissable dans le droit public romain, source ultime de légalité, élisant les magistrats et votant les lois. |
| Épigraphie scientifique | L'étude des inscriptions gravées sur divers supports (stèles, tessons, etc.) comme méthode scientifique pour comprendre l'histoire et les institutions antiques, mettant l'accent sur le contexte local et les usages réels. |
| Évergète | Un bienfaiteur, un citoyen ou un notable qui finance des équipements, des fêtes ou des distributions publiques, et qui est honoré par des décrets gravés sur pierre. |
| Politeia | Chez Aristote, le concept de \"politeia\" ne se limite pas à un régime institutionnel, mais englobe l'organisation du pouvoir, la manière de vivre ensemble, les lois, les coutumes et les mœurs, constituant ainsi un tout juridique, culturel et social. |
| Idéal-type | Concept élaboré par Max Weber pour la sociologie historique comparative, représentant un modèle conceptuel construit par le chercheur pour analyser et comparer des formes d'organisation sociale, servant d'instrument intellectuel pour produire de l'intelligibilité. |
| Encstrement (embeddedness) | Notion reprise par Finley de Karl Polanyi, selon laquelle l'économie est toujours enchâssée dans un ensemble social, politique et culturel, et qu'elle n'a pas d'autonomie propre avant la modernité. |
| Primitivistes | Courant historiographique qui estime que l'agriculture représente la part la plus importante de la production de richesse dans les sociétés antiques, et que celles-ci ne peuvent être qualifiées d'économies de marché au sens moderne. |
| Modernistes | Courant historiographique qui défend l'idée que l'on trouve dans le monde antique des éléments proto-capitalistes, voire des formes de capitalisme ancien. |
| Sociétés avec esclaves (societies with slaves) | Terme utilisé par Finley pour désigner les sociétés qui ont recours à l'esclavage, mais où celui-ci ne constitue pas le fondement essentiel de l'économie et de la production. |
| Sociétés esclavagistes (slave societies) | Terme utilisé par Finley pour désigner les sociétés où l'élite économique et politique dépend pour l'essentiel de la production assurée par le travail servile, avec une proportion significative d'esclaves dans la population. |
| Seisachtheia | Réforme initiée par Solon à Athènes (594-593 av. J.-C.) abolissant l'esclavage pour dettes, interdisant à un Athénien d'asservir un autre Athénien et établissant la communauté civique comme une communauté d'égales. |
| Afrocentrisme | Courant intellectuel et politique qui rétablit la centralité de la civilisation égyptienne antique et du complexe culturel de la vallée du Nil comme points de référence pour une perspective africaine, de la même manière que la Grèce et Rome le sont pour le monde occidental. |
| Mythe Hamite | Construction pseudo-scientifique du XIXe siècle identifiant une population prétendument d'origine moyen-orientale qui se serait installée en Égypte, utilisée pour justifier des théories racialistes sur les peuples d'Afrique et d'Égypte. |
| Kemet (terre noire) | Désignation de la terre fertile d'Égypte, régulièrement ensemencée par le Nil, par opposition à la \"terre rouge\" (Deshret), le désert. |
| Deshret (terre rouge) | Désignation du désert égyptien, la terre non fertile. |
| Polis | Le concept grec de cité-État, caractérisée par sa petite taille, sa démocratie directe et participative, et son organisation politique et sociale spécifique. |
| Politeia | Terme grec désignant la constitution, le régime politique, mais aussi l'organisation générale de la vie dans la cité, incluant les aspects juridiques, culturels et sociaux. |
| Logos | Terme grec désignant la raison, le discours rationnel, qui, selon Vernant, trouve son origine et son développement dans la cité grecque (polis) et les délibérations collectives. |
| Muthos | Terme grec désignant le mythe, un récit qui peut être considéré comme potentiellement mensonger, mais qui, dans la Grèce antique, était un lieu d'élaboration de la pensée rationnelle et un discours portant sur des figures légendaires pour dire une forme de vérité. |
| Anti-colonialisme | Courant de pensée et d'action s'opposant à la domination coloniale et visant l'émancipation des peuples colonisés. |
| Idéologie civique | Ensemble de représentations produites par la classe dominante (ici, la démocratie athénienne) pour naturaliser sa domination et masquer les divisions internes de la cité. |
| Operator masculin/féminin | Notion introduite par Nicole Loraux pour interroger la place du \"féminin\" dans l'imaginaire grec, non pas en termes d'histoire sociale des femmes, mais dans la construction de l'identité et de la pensée grecques. |
| Autochtonie | Le mythe athénien d'autochtonie raconte la naissance des Athéniens de la terre de l'Attique, symbolisant leur lien profond avec le sol et leur identité collective, tout en effaçant le rôle des mères humaines. |
| Isonomie | Principe d'égalité devant la loi, fondement de la démocratie athénienne, qui implique l'égalité entre les citoyens. |
| Stasis | Conflit civil, guerre intestine, qui, selon Loraux, est paradoxalement un ciment de la communauté politique athénienne, impliquant à la fois la lutte et le refoulement de ce conflit. |
| Antiquité tardive | Nouvelle périodisation proposée par Peter Brown, allant d'environ 150 à 750, décrivant une période de créativité extraordinaire, particulièrement sur les plans religieux et culturel, marquant une transformation des mentalités et le déclin du cadre civique. |
| Évergétisme | Pratique de notables dans le monde gréco-romain qui financent des œuvres publiques et des services à la communauté, assurant ainsi leur prestige et leur influence politique. |
| Monachisme | Pratique consistant à vivre en communauté à distance des villes, dans un cadre religieux, afin de se consacrer à la foi. Ce concept a émergé dans le christianisme primitif avec des figures comme Pacôme. |
| Polythéisme | Système religieux caractérisé par la croyance en plusieurs dieux. Dans le contexte de Corinne Bonnet, le terme est discuté en tant que construction moderne appliquée aux religions antiques. |
| Transfert culturel | Processus par lequel une société incorpore, en la transformant, un élément d'une culture étrangère. |
| Créolisation | Concept conceptualisé dans le contexte de la traite atlantique, décrivant la naissance d'une nouvelle culture à partir de la rencontre entre différentes cultures (africaine, européenne, amérindienne). |
| Hybridation | Processus de rencontre et de fusion de deux éléments distincts pour en créer un troisième, composé des caractéristiques des éléments d'origine. |
| Interpretatio | Processus d'interprétation et de compréhension d'une divinité étrangère pour l'intégrer au sein d'un panthéon, particulièrement pertinent dans les polythéismes anciens. |