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Summary
# Structure et diversité des bactériophages
Cette section explore la morphologie, la classification et la diversité des bactériophages, en mettant l'accent sur les Caudoviricetes et d'autres types viraux.
### 1.1 Introduction aux bactériophages
Les bactériophages, abrégés phages, sont des virus qui infectent exclusivement les bactéries. Leur découverte remonte à plus d'un siècle, attribuée à Frederick Twort en 1915 et Félix d'Hérelle en 1917. Félix d'Hérelle a particulièrement contribué à leur étude, notamment en développant la technique des plages de lyse, permettant leur quantification et isolement. Une plage de lyse correspond à une zone de lyse bactérienne résultant de l'infection par un seul bactériophage, assurant ainsi l'obtention d'une population clonale ou pure. Ces phages sont des systèmes modèles importants pour l'étude de processus fondamentaux en biologie moléculaire, ayant permis des découvertes telles que l'identification de l'ADN comme matériel génétique, le décryptage du code génétique et la découverte du système CRISPR-Cas9 [1](#page=1).
### 1.2 Morphologie des phages
La morphologie des phages présente une grande diversité, allant des structures classiques aux formes plus inhabituelles.
#### 1.2.1 Les Caudoviricetes
Les Caudoviricetes représentent la famille la plus connue des bactériophages et sont caractérisés par une morphologie dite "tête-queue". Leur génome est constitué d'ADN double brin linéaire encapsidé dans la particule virale, et il se réplique généralement via un intermédiaire ADN double brin circulaire dans la cellule infectée. Ces phages sont les plus prévalents dans la majorité des biomes, y compris les environnements marins, terrestres et le microbiote humain [1](#page=1).
##### 1.2.1.1 Classification des Caudoviricetes
Historiquement, la classification des Caudovirales était principalement morphologique, reposant sur trois familles: Myoviridae (queue longue et contractile), Siphoviridae (queue longue et flexible) et Podoviridae (queue courte). Cependant, l'avènement du séquençage de nouvelle génération a révélé un nombre considérablement plus important de séquences d'ADN phagiques, notamment issues des microbiotes, conduisant à une révision majeure de la classification. En 2016, l'ordre des Caudovirales a été remplacé par la classe des Caudoviricetes, et les anciennes familles morphologiques ont été supprimées. Elles ont été remplacées par une vingtaine de nouvelles familles définies génétiquement, dont le nombre continue d'augmenter, reflétant une diversité beaucoup plus grande que ce que la classification morphologique seule pouvait suggérer [1](#page=1).
#### 1.2.2 Autres morphologies virales
Outre les Caudoviricetes, d'autres morphologies virales sont observées :
* **Virus nus à capside hélicoïdale:** La capside forme un tube en spirale, dans lequel est enroulé un génome d'ADN ou d'ARN [2](#page=2).
* **Virus nus à capside icosaédrique:** La capside adopte la forme d'un polyèdre, une structure très fréquente chez les virus [2](#page=2).
* **Virus enveloppés:** Ces virus possèdent une enveloppe lipidique entourant la capside. Un exemple notable est la famille des Fuselloviridae, qui présente une forme inhabituelle de fuseau et se retrouve dans des environnements extrêmes tels que des sources d'eau très chaude ou des milieux à pH très acide [2](#page=2).
Il est important de noter que la majorité de nos connaissances sur les sites de réplication des bactériophages sont basées sur les phages modèles étudiés depuis une centaine d'années, et la compréhension du fonctionnement des phages découverts plus récemment est encore en cours [2](#page=2).
### 1.3 Diversité des bactériophages
La diversité des bactériophages est comparable, voire supérieure, à celle des bactéries qu'ils infectent [2](#page=2).
#### 1.3.1 Spécificité d'hôte
Plusieurs espèces de bactériophages peuvent infecter une même espèce bactérienne hôte (par exemple, plusieurs phages différents peuvent infecter *Escherichia coli*). La spécificité d'hôte peut varier considérablement [2](#page=2):
* **Spectre d'hôte étroit:** Certains phages, comme le phage T4, n'infectent que des espèces bactériennes spécifiques, telles que *Escherichia* et *Shigella* [2](#page=2).
* **Spectre d'hôte large:** D'autres phages, comme le phage JHP, sont capables d'infecter une gamme plus étendue d'espèces bactériennes, incluant *Pseudomonas*, *Escherichia*, *Salmonella*, *Campylobacter*, *Acinetobacter* et *Proteus* [2](#page=2).
La spécificité d'hôte est un aspect crucial pour la phagothérapie, car elle exige l'identification précise du phage adapté pour traiter une infection bactérienne donnée [2](#page=2).
#### 1.3.2 Abondance des phages
Les bactériophages sont extrêmement abondants dans les écosystèmes aquatiques. Dans 1 millilitre d'eau de mer :
* Zones côtières (écosystèmes plus riches): environ $10^7$ phages par mL [2](#page=2).
* Océans: environ $10^6$ phages par mL [2](#page=2).
À l'échelle planétaire, le nombre total de phages dans les océans est estimé à $10^{30}$. Chaque virus contient approximativement 0,2 femtogramme (fg) de carbone [2](#page=2).
> **Tip:** La compréhension de la diversité et de la spécificité d'hôte des bactériophages est fondamentale non seulement pour la recherche en biologie moléculaire, mais aussi pour des applications biotechnologiques et thérapeutiques émergentes comme la phagothérapie.
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# Cycles de réplication des bactériophages
Les bactériophages, des virus infectant spécifiquement les bactéries, se répliquent selon deux cycles principaux: lytique et lysogène, chacun impliquant des étapes distinctes d'interaction avec la cellule hôte, de réplication du matériel génétique viral et d'assemblage de nouvelles particules virales [3](#page=3).
### 2.1 Le cycle lytique
Le cycle lytique aboutit à la destruction de la bactérie hôte. Il comprend les étapes suivantes [3](#page=3):
#### 2.1.1 Attachement
La première étape cruciale est l'attachement du bactériophage à la surface d'une bactérie hôte susceptible. Cette fixation est rendue possible par une interaction spécifique entre une protéine d'attachement située sur le bactériophage et un récepteur moléculaire exprimé à la surface de la bactérie [4](#page=4).
#### 2.1.2 Entrée du matériel génétique
Une fois fixé, le bactériophage doit introduire son matériel génétique (ADN ou ARN) à l'intérieur de la bactérie. Par exemple, chez le phage T4, le bactériophage dégrade une partie de la paroi bactérienne (peptidoglycane) pour permettre l'injection de son ADN dans le cytoplasme bactérien. Le bactériophage ne pénètre généralement pas entièrement dans la cellule, seul son génome est transféré [3](#page=3) [4](#page=4) [6](#page=6).
#### 2.1.3 Réplication et expression des gènes viraux
Après l'entrée de son ADN, le bactériophage prend le contrôle de la machinerie cellulaire de la bactérie. La réplication du génome viral et l'expression de ses gènes se déroulent de manière régulée, souvent en cascade. Chez le phage T4, trois phases principales d'expression génétique sont observées :
* **Gènes précoces immédiats**: Ces gènes sont exprimés dès l'entrée de l'ADN viral, généralement dans les 0 à 2 minutes post-infection. Ils sont transcrits par l'ARN polymérase bactérienne. Ces gènes codent pour des protéines essentielles à la réplication, comme une peptidase qui dégrade l'ADN bactérien et une ARN polymérase spécifique au phage, chargée de synthétiser les copies de l'ADN viral. Le bactériophage peut modifier la structure de l'ADN en remplaçant les cytosines par de l'hydroxyméthylcytosine, ce qui protège son propre ADN de la dégradation par ses propres enzymes [4](#page=4) [5](#page=5).
* **Gènes précoces retardés**: Exprimés entre 3 et 8 minutes après l'infection, ils codent pour des enzymes de modification des nucléotides, des enzymes de réplication de l'ADN, des endonucléases qui dégradent l'ADN bactérien, et le facteur sigma gp55, essentiel à l'expression des gènes tardifs. L'ADN du phage est ainsi chimiquement différent de l'ADN bactérien, empêchant sa propre dégradation [5](#page=5).
* **Gènes tardifs**: Ils sont activés après le début de la réplication de l'ADN, vers 12 minutes post-infection. Ces gènes nécessitent la protéine gp55 (facteur sigma spécifique) et codent pour les protéines structurales du phage (tête, queue, fibres) ainsi que pour les enzymes d'assemblage et la lysozyme (gp e), une enzyme indispensable à la lyse cellulaire [5](#page=5).
La régulation stricte assure que les gènes structuraux ne sont pas exprimés avant la réplication de l'ADN, et que la lyse ne survient qu'après l'assemblage complet des virions, optimisant ainsi le détournement des ressources cellulaires pour la production virale [6](#page=6).
#### 2.1.4 Assemblage et lyse
Les protéines virales synthétisées sont ensuite assemblées pour former de nouvelles particules virales (virions). La lyse cellulaire, facilitée par la lysozyme virale, se produit environ 25 à 30 minutes après l'infection, libérant 100 à 200 nouveaux virions prêts à infecter d'autres bactéries [3](#page=3) [6](#page=6).
> **Tip:** Le cycle lytique est un processus rapide et destructeur, idéal pour le phage lorsque les conditions d'hôte sont abondantes et favorables à une prolifération rapide [8](#page=8).
> **Example:** Le bactériophage T4 est un exemple classique de cycle lytique, démontrant une régulation génétique en cascade sophistiquée [4](#page=4).
### 2.2 Le cycle lysogène
Dans le cycle lysogène, le bactériophage ne détruit pas immédiatement la bactérie hôte, mais intègre son génome dans celui de la bactérie.
#### 2.2.1 Lysogénie
Lors de l'infection par un bactériophage tempéré (capable de lysogénie), comme le phage Lambda (λ), les étapes initiales d'attachement et d'entrée de l'ADN viral sont similaires au cycle lytique. Cependant, au lieu d'être répliqué, l'ADN du bactériophage s'intègre dans le chromosome bactérien. Ce matériel génétique viral intégré est alors appelé un **prophage** [6](#page=6) [7](#page=7).
Une partie des gènes du bactériophage peut être exprimée (par exemple, le gène de la protéine fluorescente verte, GFP), mais les gènes impliqués dans le cycle lytique (structure, lyse) ne sont pas actifs. La bactérie hôte infectée par un prophage continue à vivre, à se diviser et à croître, répliquant l'ADN viral intégré avec son propre chromosome à chaque division cellulaire [6](#page=6) [7](#page=7).
> **Tip:** La lysogénie permet au bactériophage de survivre et de se propager passivement avec la bactérie hôte, particulièrement lorsque les conditions sont moins favorables à un cycle lytique immédiat [8](#page=8).
#### 2.2.2 Choix entre cycle lytique et lysogène
Chez le phage Lambda, le choix entre le cycle lytique et le cycle lysogène est régulé par deux protéines précoces principales: CII (ou C2) et Cro [7](#page=7).
* Un **excès de CII** favorise l'établissement de la lysogénie [7](#page=7).
* Un **excès de Cro** favorise le cycle lytique [7](#page=7).
La protéine CII est sensible aux protéases bactériennes et est dégradée en conditions normales de croissance, permettant ainsi l'accumulation de Cro et l'adoption du cycle lytique [7](#page=7).
#### 2.2.3 Facteurs favorisant la lysogénie
Plusieurs conditions favorisent l'établissement de la lysogénie et l'accumulation de CII :
* **Température basse**: Elle favorise la stabilité de la protéine CII [7](#page=7).
* **Phase stationnaire ou plateau de croissance bactérienne**: Un métabolisme ralenti de l'hôte [7](#page=7) [8](#page=8).
* **Infections multiples simultanées**: Entraîne une accumulation de CII [7](#page=7).
Ce mécanisme complexe permet au bactériophage d'adapter sa stratégie de réplication aux conditions environnementales, optant pour le cycle lytique en cas de conditions favorables (nombreux hôtes en croissance active) et pour la lysogénie en cas de conditions défavorables (peu d'hôtes disponibles, phase stationnaire, ou forte densité de phages) [8](#page=8).
#### 2.2.4 Stabilisation et réactivation du prophage
L'intégration du génome viral dans le chromosome bactérien implique l'expression de l'intégrase phagique. Le maintien de la lysogénie est assuré par la protéine répresseur CI, qui bloque l'expression des gènes tardifs du cycle lytique, comme celui de la lysozyme. Le prophage est alors répliqué à chaque division bactérienne, assurant sa persistance [8](#page=8).
> **Example:** Le phage Lambda est un bactériophage tempéré qui peut choisir entre la lyse et la lysogénie [6](#page=6).
##### 2.2.4.1 Réactivation du prophage (induction)
Le processus de lysogénie est réversible. Lorsque la bactérie hôte est soumise à des stress tels qu'un choc thermique, une irradiation UV, ou des dommages à l'ADN, la réponse SOS bactérienne est activée. Cette réponse conduit à la dégradation de la protéine CI, entraînant la réactivation du prophage et la reprise du cycle lytique. Ce mécanisme permet au bactériophage de sortir de son état de dormance lorsque les conditions deviennent propices à sa réplication active [8](#page=8).
### 2.3 Transduction phagique
La transduction est un mécanisme de transfert génétique entre bactéries médiatisé par les bactériophages. Il existe différents types de transduction, notamment la transduction généralisée et la transduction spécialisée [8](#page=8).
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# Transduction bactérienne médiée par les phages
La transduction est un mécanisme de transfert génétique entre bactéries médiatisé par des bactériophages, permettant ainsi la propagation de gènes au sein d'une population bactérienne. Ce processus est essentiel pour l'évolution bactérienne et présente des applications importantes en génétique et en pathologie. Il existe trois types principaux de transduction: généralisée, spécialisée et simple [11](#page=11) [8](#page=8).
### 3.1 Types de transduction
#### 3.1.1 Transduction généralisée
La transduction généralisée est réalisée par des bactériophages lytiques [9](#page=9).
**Mécanisme :**
* Lors de l'assemblage des particules virales, l'ADN bactérien, fragmenté durant la réplication du phage, peut être accidentellement encapsidé dans un virion au lieu du génome viral [9](#page=9).
* Cet événement est relativement rare, avec une fréquence estimée entre 1 particule sur 100 000 et 1 sur 1 000 000 [9](#page=9).
* Le fragment d'ADN bactérien encapsidé représente généralement 1 à 2% du chromosome bactérien total [9](#page=9).
* Le phage P1 chez *E. coli* est un exemple typique de phage impliqué dans la transduction généralisée [9](#page=9).
**Applications en génétique bactérienne :**
* **Cartographie génétique par co-transduction :** Cette technique permet de déterminer la proximité de gènes sur le chromosome bactérien.
* **Calcul des distances entre gènes:** La fréquence de co-transduction de deux gènes est inversement proportionnelle à leur distance physique sur le chromosome. Plus la distance est grande, plus la fréquence de co-transduction est faible. Par exemple, si deux marqueurs sont co-transduits à 40%, cela suggère qu'ils sont probablement proches sur le chromosome [9](#page=9).
#### 3.1.2 Transduction spécialisée
La transduction spécialisée est caractéristique des phages tempérés, comme le phage $\lambda$ [9](#page=9).
**Caractéristiques :**
* Elle ne concerne que les gènes situés à proximité immédiate du site d'intégration du prophage dans le chromosome bactérien [10](#page=10).
* Sa fréquence est généralement plus élevée que celle de la transduction généralisée [10](#page=10).
**Mécanisme :**
* Lors de l'excision du prophage du chromosome bactérien, une excision imprécise peut survenir, entraînant l'incorporation accidentelle de gènes bactériens adjacents au site d'intégration dans le génome viral [10](#page=10).
* Il en résulte la formation de particules virales hybrides contenant à la fois du matériel génétique viral et bactérien [10](#page=10).
* Lors de nouvelles infections, ces particules virales transfèrent de manière ciblée ces gènes bactériens à de nouvelles cellules hôtes [10](#page=10).
#### 3.1.3 Transduction simple (Conversion lysogénique)
La transduction simple, souvent appelée conversion lysogénique, concerne la modification du phénotype bactérien par les gènes d'un prophage [10](#page=10).
**Définition :**
* Elle se produit lorsque les gènes portés par le prophage confèrent de nouvelles propriétés à la bactérie hôte. Ces gènes sont systématiquement transférés d'une souche bactérienne à une autre lors de la réactivation du cycle lytique du prophage et de la production de nouvelles particules phagiques infectieuses [10](#page=10).
**Exemples :**
* La production de la toxine diphtérique par *Corynebacterium diphtheriae* est médiatisée par un prophage [10](#page=10).
* La toxine cholérique chez *Vibrio cholerae* est également encoded par un prophage [10](#page=10).
* Les gènes de résistance aux antibiotiques peuvent aussi être transférés par ce mécanisme [11](#page=11).
**Impact en pathogénie :**
* La conversion lysogénique peut transformer des bactéries non pathogènes en pathogènes en leur apportant de nouveaux facteurs de virulence [11](#page=11).
* Cela contribue à l'évolution de la virulence bactérienne [11](#page=11).
* Ce transfert de gènes se réalise le plus souvent au sein de la même espèce bactérienne, mais des transferts inter-espèces ont été observés, par exemple de *Staphylococcus aureus* vers *Listeria monocytogenes* [11](#page=11).
### 3.2 Spécificités et applications modernes
**Limites techniques :**
* La capacité de transfert d'ADN par transduction est limitée par la taille maximale d'ADN qu'un bactériophage peut encapsider [11](#page=11).
* La spécificité d'hôte du bactériophage est un autre facteur limitant, bien que des transferts intergénériques aient été documentés dans certains cas [11](#page=11).
**Applications modernes :**
* Construction de souches bactériennes spécifiques [11](#page=11).
* Études de génétique moléculaire [11](#page=11).
* Compréhension de l'évolution des pathogènes [11](#page=11).
* Surveillance de l'émergence de nouveaux variants pathogènes [11](#page=11).
La diversité des mécanismes de transduction met en évidence le rôle fondamental des bactériophages dans l'évolution bactérienne et leur utilité comme outils en génie génétique [11](#page=11).
### 3.3 Bactériophages et santé humaine
Les bactériophages peuvent jouer un rôle dans la virulence bactérienne en transportant des facteurs de virulence, présents dans leur génome de prophage. Lorsque la bactérie est stressée, le prophage peut se réactiver, transférant ainsi ces facteurs de virulence. Ce processus, appelé conversion lysogénique, peut rendre une bactérie inoffensive pathogène [11](#page=11).
La phagothérapie, l'utilisation de bactériophages comme antibiotiques, proposée initialement par Félix d'Hérelle en 1917, connaît un regain d'intérêt face au problème croissant des bactéries multi-résistantes [11](#page=11).
> **Tip:** La distinction entre transduction généralisée et spécialisée repose principalement sur le type de phage impliqué (lytique vs tempéré) et la spécificité des gènes transférés (aléatoire vs adjacents au site d'intégration). La conversion lysogénique est une forme de transduction simple où le phage tempéré transfère des gènes qui modifient le phénotype bactérien.
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# Bactériophages, pathogénie et phagothérapie
L'étude des bactériophages révèle leur rôle crucial dans l'évolution de la pathogénie bactérienne, notamment via la conversion lysogénique, et leur potentiel thérapeutique significatif, ouvrant la voie à la phagothérapie [13](#page=13).
### 4.1 Impact des bactériophages sur la pathogénie bactérienne
Les bactériophages, en particulier les phages tempérés, jouent un rôle déterminant dans la pathogénie bactérienne par le biais de la transduction et de la conversion lysogénique [10](#page=10) [11](#page=11).
#### 4.1.1 Transduction lysogénique et conversion lysogénique
La transduction est le mécanisme par lequel les bactériophages transfèrent des gènes d'une bactérie à une autre. La transduction généralisée, associée aux phages lytiques, implique l'encapsidation aléatoire de fragments d'ADN bactérien lors de la formation de nouvelles particules virales. À l'inverse, la transduction spécialisée et simple concerne les phages tempérés et se limite aux gènes adjacents au site d'intégration du prophage dans le génome bactérien [10](#page=10).
La conversion lysogénique se produit lorsque les gènes portés par un prophage intégré dans le génome bactérien modifient le phénotype de la bactérie hôte. Ces gènes viraux peuvent conférer de nouveaux facteurs de virulence, transformant ainsi des bactéries initialement non pathogènes en agents pathogènes, ou augmentant leur virulence. Ce processus est fondamental pour l'évolution de la virulence bactérienne [10](#page=10) [11](#page=11).
**Exemples de conversion lysogénique :**
* Production de la toxine diphtérique par *Corynebacterium diphtheriae* [10](#page=10).
* Production de la toxine cholérique par *Vibrio cholerae* [10](#page=10).
* Acquisition de gènes de résistance aux antibiotiques [11](#page=11).
Ces transferts de gènes peuvent se réaliser au sein de la même espèce bactérienne, mais aussi, dans certains cas, entre espèces distinctes, comme le transfert de gènes de virulence de *Staphylococcus aureus* vers *Listeria monocytogenes* [11](#page=11).
> **Tip:** Comprendre la conversion lysogénique est essentiel pour appréhender comment des bactéries apparemment inoffensives peuvent devenir dangereuses suite à l'acquisition de gènes viraux.
#### 4.1.2 Spécificités techniques et applications
La transduction est néanmoins limitée par la taille maximale d'ADN pouvant être encapsulé et par la spécificité d'hôte du bactériophage, bien que des transferts intergénériques aient été observés. Ces mécanismes de transduction soulignent l'importance des bactériophages dans l'évolution bactérienne et leur utilité comme outils en génétique moléculaire pour la construction de souches, l'étude de l'évolution des pathogènes et la surveillance de nouveaux variants [11](#page=11).
### 4.2 Bactériophages et santé humaine : la phagothérapie
L'interaction des bactériophages avec la santé humaine est double: ils peuvent être à l'origine de la propagation de facteurs de virulence, mais ils représentent également une piste thérapeutique prometteuse, la phagothérapie [11](#page=11) [13](#page=13).
#### 4.2.1 Historique et regain d'intérêt pour la phagothérapie
La phagothérapie, l'utilisation de bactériophages pour traiter les infections bactériennes, a été proposée dès 1917 par Félix d'Hérelle. Son développement a été éclipsé par la découverte des antibiotiques (pénicilline en 1941, streptomycine en 1943). Cependant, l'émergence des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques a ravivé l'intérêt pour cette approche thérapeutique. L'Institut Eliava en Géorgie utilise la phagothérapie en routine pour les infections cutanées [11](#page=11) [12](#page=12).
#### 4.2.2 Applications cliniques récentes et exemples
Des cas cliniques récents illustrent le potentiel de la phagothérapie :
* En 2016, un homme de 68 ans atteint d'une infection à *Acinetobacter baumannii* multi-résistante a été traité avec succès par un cocktail de neuf phages lytiques associé à la minocycline, conduisant à une guérison après plusieurs mois [12](#page=12).
* En 2018, un homme de 76 ans avec une infection à *Pseudomonas aeruginosa* résistante dans une greffe d'aorte a été traité avec une seule dose de phage OMKO 1 combiné à la ceftazidime, entraînant l'élimination de l'infection. Ce cas met en évidence une synergie potentielle: la résistance de *Pseudomonas* aux antibiotiques est souvent due à des pompes d'efflux qui exportent les antibiotiques hors de la cellule. Ces pompes correspondent parfois aux récepteurs des phages. Ainsi, une bactérie résistante à un antibiotique via une pompe d'efflux pourrait devenir plus sensible à un bactériophage ciblant ce récepteur, et inversement, une résistance au phage impliquerait la non-expression du récepteur, rendant la bactérie plus sensible à l'antibiotique [12](#page=12).
* Une étude publiée en 2024 sur une série de 100 cas consécutifs traités par phagothérapie a montré une éradication du pathogène dans 61% des cas et une amélioration clinique dans 77% des cas. Les combinaisons de phages et d'antibiotiques ont démontré une synergie, empêchant la croissance bactérienne [12](#page=12).
> **Example:** L'interaction entre résistance aux antibiotiques et sensibilité aux phages, comme observé chez *Pseudomonas aeruginosa*, illustre la complexité et le potentiel de la phagothérapie pour contourner les mécanismes de résistance bactérienne.
#### 4.2.3 Caractéristiques de la phagothérapie : avantages et inconvénients
| Avantages | Inconvénients |
| :---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- | :----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- |
| Hautement spécifique, ne perturbant pas le microbiome commensal contrairement aux antibiotiques. | Spectre d'action étroit nécessitant l'identification du phage adéquat pour chaque souche bactérienne pathogène. Applicable principalement aux infections chroniques. | [12](#page=12).
| Réplication lytique *in vivo*, permettant au phage de s'amplifier sur le site de l'infection. | La lyse bactérienne peut libérer des endotoxines, entraînant des effets secondaires. | [12](#page=12).
| L'infection lytique et la résistance à la lyse n'impliquent pas de résistance croisée. | Le développement d'une réponse immunitaire contre les phages (protéines étrangères) peut limiter leur utilisation répétée, car les anticorps formés peuvent bloquer l'interaction phage-bactérie. | [12](#page=12) [13](#page=13).
| Les bactériophages sont actifs contre les bactéries résistantes aux antibiotiques. | Les phages sont rapidement éliminés de la circulation sanguine, ayant une demi-vie courte. | [13](#page=13).
| Absence de toxicité chimique car les phages sont des biomolécules (protéines et ADN). | | [13](#page=13).
| Le traitement est souvent personnalisé, offrant une solution ciblée pour les infections résistantes. | | [13](#page=13).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Bactériophage | Virus qui infecte spécifiquement les bactéries, joué un rôle crucial dans la biologie moléculaire et la santé humaine. |
| Plage de lyse | Zone claire dans une culture bactérienne où les bactériophages ont lysé les cellules bactériennes, utilisée pour quantifier et isoler les phages. |
| Caudoviricetes | L'ordre des bactériophages les plus connus, caractérisés par une morphologie de type \"tête-queue\" et un génome en ADN double brin. |
| Myoviridae | Famille de Caudoviricetes possédant une queue longue et contractile, anciennement utilisée dans la classification morphologique. |
| Siphoviridae | Famille de Caudoviricetes avec une queue longue et flexible, autrefois classée morphologiquement. |
| Podoviridae | Famille de Caudoviricetes caractérisée par une queue courte, une classification morphologique qui a évolué vers des méthodes génétiques. |
| Cycle lytique | Mode de réplication virale où le virus envahit la cellule hôte, se réplique, puis détruit la cellule pour libérer de nouvelles particules virales. |
| Cycle lysogène | Mode de réplication virale où le génome viral s'intègre dans le chromosome de la cellule hôte (prophage) sans immédiatement provoquer la lyse. |
| Prophage | Le génome d'un bactériophage intégré dans le chromosome de la bactérie hôte, capable de se répliquer avec l'ADN bactérien. |
| Lysogénie | Phénomène par lequel le génome d'un bactériophage s'intègre au chromosome bactérien, créant un prophage et permettant la survie de la bactérie hôte. |
| Transduction | Processus par lequel un bactériophage transfère du matériel génétique d'une bactérie à une autre. |
| Transduction généralisée | Type de transduction où des fragments d'ADN bactérien, provenant de toute partie du génome, sont encapsidés accidentellement dans les particules virales. |
| Transduction spécialisée | Type de transduction impliquant des phages tempérés, où seuls les gènes adjacents au site d'intégration du prophage sont transférés. |
| Conversion lysogénique | Modification du phénotype bactérien due à l'expression de gènes portés par un prophage, pouvant inclure des facteurs de virulence. |
| Phagothérapie | Utilisation de bactériophages comme agents thérapeutiques pour traiter les infections bactériennes, particulièrement pertinente face à la résistance aux antibiotiques. |
| Récepteur bactérien | Molécule à la surface de la bactérie à laquelle le bactériophage se lie pour initier l'infection. |
| Endotoxines | Composants de la paroi des bactéries Gram-négatif qui peuvent être libérés lors de la lyse cellulaire et provoquer des réponses inflammatoires. |
| GP55 | Facteur sigma spécifique du bactériophage T4, essentiel pour la transcription des gènes tardifs nécessaires à la production des composants viraux. |
| Hydroxyméthylcytosine Synthase | Enzyme impliquée dans la modification chimique des bases nucléotidiques de l'ADN du bactériophage T4, protégeant ainsi son propre génome de la dégradation. |