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Summary
# Les fondements du droit d’auteur
Voici le résumé de l'étude sur les fondements du droit d'auteur.
## 1. Les fondements du droit d’auteur
Cette section explore les origines historiques, les principes fondamentaux et la nature du droit d’auteur, ainsi que les distinctions et convergences avec le copyright international.
### 1.1 Le droit d'auteur dans le temps
L'art a longtemps existé sans droit d'auteur, les créateurs dépendant du mécénat. L'invention de l'imprimerie au XVe siècle a entraîné une diffusion massive des écrits et a fait apparaître les premières contrefaçons, poussant les auteurs à rechercher des privilèges royaux auprès du pouvoir royal pour protéger leurs œuvres. Ces privilèges étaient des monopoles temporaires, parfois perpétuels, octroyés aux auteurs et subsidiairement aux éditeurs. La Révolution française a aboli tous les privilèges [1](#page=1).
Dès 1790, des décrets ont commencé à reconnaître des droits aux auteurs :
* Les décrets des 13 et 19 janvier 1790 (Loi Le Chapelier) ont accordé aux auteurs dramatiques un monopole d'exploitation sur la représentation de leurs œuvres pendant leur vie et à leurs héritiers pendant 5 ans [2](#page=2).
* Le décret des 19 et 24 juillet 1793 a étendu la reconnaissance d'un droit de reproduction sur leurs œuvres pour les auteurs d'écrits, compositeurs de musique, peintres et dessinateurs, durant leur vie et pour leurs héritiers pendant 10 ans après leur décès [2](#page=2).
Ces décrets sont restés en vigueur pendant près de 170 ans, jusqu'à la loi du 11 mars 1957, qui a codifié la jurisprudence antérieure et a été une étape majeure dans l'évolution du droit d'auteur. La loi du 3 juillet 1985 a introduit le logiciel dans le champ d'application du droit d'auteur, a consacré les droits voisins et a instauré les premières licences légales avec une redevance sur les supports d'enregistrement [2](#page=2).
Depuis 1992, avec la création du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), plusieurs lois ont marqué des évolutions significatives :
* La loi DADVSI du 1er août 2006, relative aux droits d'auteurs et voisins dans la société de l'information, a abordé la sanction de la contrefaçon sur internet. Les lois HADOPI ont instauré un système de riposte graduée, et la loi du 25 octobre 2021 a vu la fusion de la HADOPI avec le CSA (devenu ARCOM) [2](#page=2).
* La loi du 7 juillet 2016, relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, a modifié divers aspects du droit d'auteur et des droits voisins [2](#page=2).
* La loi du 7 octobre 2016, dite pour une République numérique, a introduit de nouvelles exceptions au droit d'auteur [2](#page=2).
### 1.2 Le droit d’auteur dans l’espace
Le monde se divise principalement entre deux systèmes: le droit d'auteur et le Copyright. Bien que des divergences philosophiques et juridiques existent, elles tendent à s'estomper grâce à l'harmonisation internationale et européenne [2](#page=2).
#### 1.2.1 Le droit d’auteur et le Copyright
##### 1.2.1.1 Des différences philosophiques
Le Copyright vise à récompenser ceux qui apportent une œuvre à la collectivité, incitant les investisseurs et ceux qui financent la création, l'auteur n'occupant pas une place singulière. Le droit d'auteur, quant à lui, repose sur l'idée que l'œuvre est une prolongation de l'auteur, lui accordant une place prééminente et des droits moraux garantissant le respect de sa personne et de son œuvre [2](#page=2).
Les deux principales divergences philosophiques sont :
* **La titularité des droits**: En droit d'auteur, l'auteur détient les droits sur son œuvre, tandis qu'en Copyright, ces droits peuvent être attribués à l'employeur ou au commanditaire [2](#page=2).
* **La nature des droits**: Les droits moraux sont centraux dans les pays de droit d'auteur, mais quasi inexistants dans la tradition du Copyright [2](#page=2).
##### 1.2.1.2 Les divergences dans la technique juridique
La définition du contenu des droits diffère: les pays de droit d'auteur emploient une **approche synthétique**, formulant le principe du monopole et donnant des illustrations, permettant ainsi de couvrir des usages non expressément prévus mais constituant une exploitation de l'œuvre. Par exemple, l'article L122-4 du CPI, qui stipule que toute représentation ou reproduction nécessite le consentement de l'auteur, peut couvrir le streaming. Les pays de Copyright adoptent une **approche analytique**, énumérant les droits. Tout ce qui n'est pas mentionné n'est pas couvert par le monopole, obligeant une mise à jour constante de la liste face aux nouvelles évolutions [3](#page=3).
Les États-Unis se distinguent par :
* La nécessité de déclarer l'œuvre pour obtenir des droits d'auteur [3](#page=3).
* Le système du **fair use** pour apprécier les exceptions: au lieu de listes limitatives, le fair use permet l'utilisation d'une œuvre protégée sans autorisation si l'usage est jugé équitable [3](#page=3).
##### 1.2.1.3 Les convergences
Dans le système français, bien que le droit d'auteur revienne à l'auteur, la qualification d'œuvre collective permet de reconnaître les droits à celui qui a pris l'initiative de la création. L'intégration du logiciel dans le droit d'auteur a rapproché les systèmes, avec la règle selon laquelle les droits patrimoniaux reviennent à l'employeur tandis que les droits moraux de l'auteur sont fortement réduits [3](#page=3).
Le phénomène de la **"fertilisation croisée"** entraîne une influence mutuelle des systèmes dans une économie globalisée. L'Union Européenne contribue à un métissage des législations, notamment par la notion d'originalité, aboutissant à un droit d'auteur combinant différentes conceptions [3](#page=3).
#### 1.2.2 L’internationalisation du droit d’auteur
La **Convention de Berne** a établi une union entre États signataires et posé des principes communs, devenant fondamentale avec sa ratification par la majorité des pays, y compris les États-Unis. Elle s'applique dès qu'une question de droit d'auteur comporte un élément d'extranéité. Ses règles fondamentales incluent [3](#page=3):
* La protection indépendante de toute formalité [3](#page=3).
* La reconnaissance d'un droit moral [3](#page=3).
* La fixation d'une durée de protection minimale [3](#page=3).
* L'assimilation de l'auteur unioniste à l'auteur national: un auteur ressortissant d'un pays de l'Union bénéficie de la même protection qu'un auteur national. Par exemple, une œuvre d'un auteur américain bénéficie en France de la même protection qu'une œuvre française [3](#page=3).
* Le test des trois étapes [4](#page=4).
La **Convention universelle sur le droit d'auteur** a été créée pour offrir un cadre juridique international minimum aux États ne souhaitant pas adhérer à l'Union de Berne, notamment ceux hostiles au droit moral. Elle est toujours en vigueur mais a eu un succès limité [4](#page=4).
Les accords du **GATT** ont abouti à l'accord sur les **Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC)** en 1994. Cet accord impose des règles aux États membres de l'OMC et peut être invoqué directement dans un État membre de l'UE si une question n'a pas fait l'objet d'une harmonisation européenne [4](#page=4).
#### 1.2.3 L’harmonisation européenne du droit d’auteur
L'harmonisation européenne a débuté avec les livres verts de 1988 et 1995 sur le droit d'auteur. De nombreux textes européens ont été adoptés pour harmoniser [4](#page=4):
* **Genres d'œuvres spécifiques**: Directive de 1991 sur la protection des programmes d'ordinateurs (logiciels); Directive de 1996 sur la protection des bases de données [4](#page=4).
* **Prégoratives précises**: Directive de 1992 sur le droit de prêt et de location; Directive de 1993 sur le droit de retransmission par câble ou satellite; Directive de 2001 sur le droit de suite [4](#page=4).
* **Dimensions transversales**: Directive de 1993 sur la durée de protection et certains droits voisins dans la société de l'information; Directive de 2017 sur certaines utilisations autorisées d'œuvres pour les aveugles et les malvoyants [4](#page=4).
Des directives ont eu des perspectives d'harmonisation plus ambitieuses, englobant l'ensemble de la matière :
* Directive de 2001 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information [4](#page=4).
* Directive de 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, visant à adapter le droit d'auteur à l'ère numérique, notamment face aux GAFAM. Elle a créé un droit voisin pour les éditeurs de presse, instauré une responsabilité spécifique des sites de partage, et traité des œuvres indisponibles ainsi que des exceptions pour l'enseignement et la recherche [4](#page=4).
Le règlement européen sur le **marché unique des services numériques (DSA)** a modifié les règles de responsabilité des plateformes en ligne pour lutter contre la contrefaçon [4](#page=4).
La jurisprudence européenne, notamment celle de la CJUE, joue un rôle crucial dans l'harmonisation, éclairant des notions centrales comme l'originalité, la reproduction et la représentation [5](#page=5).
### 1.3 La nature du droit d’auteur
Le droit d'auteur est un droit exclusif permettant à l'auteur d'interdire aux tiers l'exploitation de sa création sans autorisation. Le débat porte sur l'assimilation de ce droit exclusif à un droit de propriété [5](#page=5).
L'article L111-1 du CPI stipule que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit d'un droit de propriété incorporel, exclusif et opposable à tous, du seul fait de sa création. Cependant, la reconnaissance des droits moraux à l'auteur, qui lui permettent de défendre son œuvre même après cession, a conduit à des contestations de cette qualification purement propriétaire [5](#page=5).
Certains auteurs préfèrent considérer le droit d'auteur comme un droit personnel, mais cette conception néglige les droits patrimoniaux. Une **théorie dualiste** a été avancée, distinguant deux droits: un droit réel (patrimonial) et un droit personnel (moral). L'alinéa 2 de l'article L111-1 du CPI, mentionnant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que patrimonial, conforte cette thèse. Les partisans de cette thèse suggèrent de dissocier les deux droits: le droit moral relèverait des droits de la personnalité, tandis que les droits exclusifs d'exploitation seraient perçus comme des droits réels incorporels [5](#page=5).
D'autres, comme les professeurs Bruguière et Vivant, considèrent le droit d'auteur comme une **propriété particulière**. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009, a reconnu que les finalités et conditions d'exercice du droit de propriété ont évolué, s'étendant à de nouveaux domaines dont les droits de propriété intellectuelle. Cette qualification est également retenue dans l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne [5](#page=5).
### 1.4 L'objet du droit d'auteur
L'objet du droit de propriété intellectuelle est une création: l'œuvre de l'esprit. Pour que le droit d'auteur s'applique, il faut être en présence d'une œuvre de l'esprit, et plus spécifiquement d'une œuvre protégeable [5](#page=5).
#### 1.4.1 La notion d’œuvre de l’esprit
Aucun texte ne définit explicitement la notion d'œuvre de l'esprit, mais le législateur en donne une liste d'exemples à l'article L112-2 du CPI. Cette liste comprend notamment [6](#page=6):
* Les écrits littéraires, artistiques et scientifiques [6](#page=6).
* Les conférences, allocutions, sermons [6](#page=6).
* Les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales [6](#page=6).
* Les œuvres chorégraphiques, de cirque, de pantomime [6](#page=6).
* Les compositions musicales [6](#page=6).
* Les œuvres cinématographiques et audiovisuelles [6](#page=6).
* Les œuvres de dessin, peinture, architecture, sculpture, gravure, lithographie [6](#page=6).
* Les œuvres photographiques et analogues [6](#page=6).
* Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire [6](#page=6).
Cette liste n'est pas exhaustive. L'existence d'une œuvre de l'esprit suppose deux conditions: une intervention humaine et la réalisation d'une forme [6](#page=6).
##### 1.4.1.1 L’intervention humaine
Cette condition implique qu'une création humaine est nécessaire. La jurisprudence exige que cette intervention soit consciente. Il faut donc un acte créatif résultant d'une intervention humaine [6](#page=6).
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# L’objet et l’originalité des œuvres protégées
L'objet du droit d'auteur est l'œuvre de l'esprit, qui, pour être protégée, doit résulter d'une intervention humaine et être dotée d'une forme originale [5](#page=5) [6](#page=6).
### 2.1 La notion d'œuvre de l'esprit
Aucun texte ne définit explicitement la notion d'œuvre de l'esprit, mais le législateur en fournit une liste non exhaustive à l'article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Les éléments clés qui permettent de cerner cette notion sont l'intervention humaine et la réalisation d'une forme [6](#page=6).
#### 2.1.1 L'intervention humaine
L'exigence d'une intervention humaine implique qu'une création doit résulter d'un acte créatif et qu'elle doit être l'œuvre d'une personne humaine [7](#page=7).
##### 2.1.1.1 Un acte créatif
Pour qu'il y ait création, il faut qu'il y ait une transformation de l'existant, excluant ainsi les simples découvertes. Les "ready-made", qui consistent à présenter un objet utilitaire comme une œuvre d'art sans modification préalable, ne sont généralement pas considérés comme des créations au sens du droit d'auteur. Cependant, la qualification de création peut être retenue si l'artiste apporte une œuvre créative dans la mise en scène ou l'exposition de ces objets [7](#page=7).
##### 2.1.1.2 Une personne humaine
Une œuvre de l'esprit doit être l'œuvre d'une personne physique, excluant ainsi les personnes morales comme les associations ou les entreprises en tant qu'auteurs directs, bien qu'elles puissent détenir des droits par contrat. Les créations animales ou issues de phénomènes naturels ne sont pas considérées comme des œuvres de l'esprit. Concernant les intelligences artificielles (IA), les créations générées par IA sans intervention humaine suffisante et directe ne sont actuellement pas considérées comme protégeables par le droit d'auteur. La jurisprudence américaine a refusé l'enregistrement d'une œuvre entièrement créée par une IA, considérant le "prompting" insuffisant pour prétendre à la qualité d'auteur. Une proposition de loi française suggère que les créations d'IA sans intervention humaine directe pourraient voir leurs droits revenir aux auteurs des œuvres ayant permis de concevoir l'IA [7](#page=7) [8](#page=8).
> **Tip:** L'apport de l'homme dans le processus de création, même avec l'aide d'une machine, est déterminant pour qualifier une œuvre de l'esprit.
##### 2.1.1.3 Une création consciente
La création doit résulter d'une volonté de créer, excluant ainsi les œuvres exclusivement fruit du hasard ou d'une spontanéité totale sans intention créative. La simple expression de réactions face à des situations, comme pour les participants de télé-réalité, ne suffit pas à constituer une œuvre protégeable. Les mouvements des sportifs lors d'un match ne sont pas non plus considérés comme des créations au sens du droit d'auteur, faute de processus conscient de création. Les personnes frappées d'incapacité (mineurs, incapables mentaux) peuvent être auteurs si elles font preuve d'un certain discernement et d'une volonté de se situer dans un processus créatif, bien que les très jeunes enfants (infans) ou les personnes totalement dénuées de volonté puissent ne pas être considérés comme tels [8](#page=8) [9](#page=9).
#### 2.1.2 La réalisation d'une forme
Cette exigence signifie que la création doit être perceptible par le public et qu'elle implique l'exclusion des idées du champ d'application du droit d'auteur [10](#page=10).
##### 2.1.2.1 La perceptibilité de la création
La création doit avoir une existence concrète et être passée du stade de la conception à celui de sa réalisation pour être perceptible par le public. Le droit d'auteur protège les œuvres quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, dès lors qu'elles sont perceptibles par l'un des cinq sens [10](#page=10).
* **Les modes de perception:** Bien que le principe soit l'absence de discrimination, la jurisprudence refuse de protéger les créations olfactives (parfums) et gustatives (saveurs culinaires) au motif qu'elles ne présentent pas une forme suffisamment précise et objectivement identifiable. Le critère de forme précise et objective est devenu indispensable et dépasse le seul domaine gustatif et olfactif, garantissant la sécurité juridique en délimitant le périmètre de protection et en permettant la comparaison des formes pour caractériser la contrefaçon [10](#page=10) [11](#page=11).
* **Le support de mise en forme:** La fixation sur un support matériel n'est pas une condition nécessaire à la protection d'une œuvre, laquelle naît du seul fait de sa création. Le droit d'auteur protège l'œuvre incorporelle indépendamment de la propriété de l'objet matériel qui la supporte. Les œuvres éphémères (feux d'artifice, coiffures, sculptures en chocolat) sont protégeables, bien que leur preuve puisse être plus complexe en l'absence de fixation. Une fixation sur un support est recommandée pour préconstituer la preuve de l'existence de l'œuvre [11](#page=11).
* **Le moment de la mise en forme:** La protection par le droit d'auteur n'exige pas que la mise en forme soit achevée. Toute ébauche, esquisse, synopsis ou croquis susceptible d'être protégé, même inachevée, peut bénéficier de la protection dès la réalisation de la conception de l'auteur [11](#page=11).
##### 2.1.2.2 L'exclusion des idées
Le principe fondamental est que les idées sont de libre parcours et ne peuvent faire l'objet d'un monopole. Le droit d'auteur protège la forme dans laquelle l'idée est matérialisée, et non l'idée elle-même. La reprise d'un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas en soi un acte de parasitisme si elle est déclinée et ne crée pas de confusion, mais une faute commise dans cette reprise peut être répréhensible [12](#page=12).
### 2.2 L'originalité de l'œuvre de l'esprit
L'originalité est la condition essentielle et suffisante pour qu'une création soit protégée par le droit d'auteur [12](#page=12) [21](#page=21).
#### 2.2.1 La définition de la notion
L'originalité a évolué d'une conception subjective à une conception plus objective.
##### 2.2.1.1 La conception classique (subjective) de l'originalité
Dans cette approche, l'originalité se définit comme l'empreinte de la personnalité de l'auteur dans l'œuvre. Elle exclut les copies fidèles, les créations réalisées sous contrainte sans initiative, et les formes banales qui n'expriment pas la personnalité de l'auteur. L'originalité se distingue de la nouveauté, contrairement à la propriété industrielle [13](#page=13) [14](#page=14).
##### 2.2.1.2 La conception moderne (objective) de l'originalité
Cette conception, initiée notamment avec la protection des logiciels, recherche l'originalité dans la marque de l'apport intellectuel de l'auteur, au-delà de la seule empreinte de sa personnalité. L'originalité est appréciée en considération des choix libres et créatifs de l'auteur, qui doivent refléter ses capacités créatives. L'existence d'un choix libre, non imposé par des contraintes techniques et ne se contentant pas de reprendre des matériaux usuels, est un critère prépondérant [14](#page=14).
> **Tip:** L'évolution jurisprudentielle tend vers une appréciation plus objective de l'originalité, mettant l'accent sur les choix créatifs de l'auteur.
#### 2.2.2 La mise en œuvre de la notion
##### 2.2.2.1 La preuve de l'originalité
* **La charge de la preuve:** En principe, il incombe à celui qui se prévaut du droit d'auteur de démontrer que son œuvre remplit la condition d'originalité. Une proposition de loi vise à renverser cette charge, en imposant à celui qui conteste l'originalité de prouver un doute sérieux [15](#page=15).
* **Le contenu de la preuve:** L'auteur doit expliquer en quoi son œuvre est originale et identifier ce qui caractérise cette originalité, en expliquant les raisons pour lesquelles sa forme est éligible à la protection. L'originalité doit être recherchée œuvre par œuvre [15](#page=15).
* **La liberté d'appréciation des juges du fond:** L'appréciation de l'originalité relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui doivent motiver leur décision. Les clauses contractuelles stipulant l'originalité ne lient pas le juge [15](#page=15).
##### 2.2.2.2 Les applications jurisprudentielles de la notion
L'originalité est appréciée différemment selon les types d'œuvres.
* **Les œuvres littéraires:** L'originalité des œuvres écrites réside dans leur composition (plan, articulation) et leur expression (choix des mots, syntaxe). Les œuvres scientifiques, informatives et techniques peuvent également être protégées si elles présentent une originalité dans leur composition et leur expression. Les titres d'œuvres, slogans publicitaires et noms de personnages sont protégés s'ils présentent un caractère original, sous réserve de ne pas provoquer de confusion avec des œuvres du même genre. Les œuvres dérivées (traductions, adaptations, compilations) sont protégeables si leur auteur apporte un travail original, révélant ainsi sa personnalité. Les textes officiels sont exclus de la protection, sauf leurs commentaires ou compilations, et certains modèles de contrats peuvent être protégés s'ils présentent une originalité dans l'agencement des règles. Les œuvres orales comme les conférences et plaidoiries sont protégées sans nécessité de fixation, mais avec un intérêt probatoire pour celle-ci [16](#page=16) [17](#page=17).
* **Les œuvres musicales:** L'originalité d'une composition musicale réside traditionnellement dans la combinaison de la mélodie, de l'harmonie et du rythme. Le rythme seul n'est généralement pas protégé. Les œuvres dérivées comme les compilations, arrangements ou samplings peuvent être originales si leur auteur y apporte un travail original [17](#page=17) [18](#page=18).
* **Les œuvres artistiques / dites plastiques:** L'originalité s'apprécie à travers la composition (choix des éléments, couleurs) et l'expression (exécution) de l'œuvre. L'art contemporain, grâce à la conception moderne de l'originalité fondée sur les choix créatifs, est de plus en plus intégré au droit d'auteur [18](#page=18).
* **L'art pur:** Les œuvres des beaux-arts bénéficient généralement d'une présomption d'originalité [18](#page=18).
* **L'art appliqué:** Les créations appliquées à l'industrie, à l'architecture et à la mode peuvent être protégées si elles présentent des éléments arbitraires exprimant une originalité. Pour les créations industrielles, l'absence d'antériorité peut servir d'indice d'originalité. Pour l'architecture, l'originalité doit se manifester dans les plans et les ouvrages construits, malgré les contraintes techniques et fonctionnelles. Les créations de mode bénéficient d'une double protection (droit d'auteur et droit des dessins et modèles) si elles remplissent les conditions propres à chaque monopole [19](#page=19) [20](#page=20).
* **Les œuvres informatiques et numériques:** Les logiciels, jeux vidéo, sites web et noms de domaine sont saisissables par le droit d'auteur. La protection des logiciels s'étend à leur composition et écriture (code source et code objet), ainsi qu'au matériel de conception préparatoire, à condition qu'ils soient originaux. Les fonctionnalités et algorithmes ne sont pas protégeables. L'originalité d'un logiciel implique la caractérisation d'une nouveauté et l'expression de choix du programmeur [20](#page=20) [21](#page=21).
#### 2.2.3 Une condition suffisante
L'originalité est la seule condition de fond requise pour qu'une œuvre soit protégée par le droit d'auteur [21](#page=21).
* **L'absence de discrimination:** Le droit d'auteur protège les œuvres quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination [21](#page=21).
* **L'indifférence du genre:** Les œuvres sont protégées indépendamment de leur appartenance à des genres traditionnels (lettres, musique, arts plastiques) ou nouveaux (bases de données) [21](#page=21).
* **L'indifférence de la forme d'expression:** Qu'elle soit écrite ou orale, une œuvre est protégée selon sa manière d'être communiquée au public [21](#page=21).
* **L'indifférence du mérite:** Le juge ne doit pas porter de jugement de valeur sur la qualité esthétique, morale ou politique d'une œuvre pour décider de sa protection. Le droit d'auteur est amoral et vise à protéger les créations de forme et non des jugements de goût ou de valeur .
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# Le contenu et les caractères des droits d’auteur
Le droit d'auteur (DA) se décompose en droits patrimoniaux et droits moraux, chacun possédant des caractéristiques distinctes en termes de contenu et de régime juridique.
### 3.1 Les droits patrimoniaux (droits d'exploitation)
Les droits patrimoniaux permettent à l'auteur de tirer un profit économique de l'exploitation de son œuvre, en contrôlant sa diffusion et en pouvant la céder, louer ou mettre en gage. Ces prérogatives confèrent à l'auteur un monopole exclusif sur certains actes d'exploitation, nécessitant l'autorisation des tiers pour leur réalisation [23](#page=23).
#### 3.1.1 Les différents droits patrimoniaux
Le droit d'exploitation comprend principalement le droit de reproduction et le droit de représentation, auxquels peut s'ajouter le droit de suite [23](#page=23).
##### 3.1.1.1 Le droit de reproduction
Le droit de reproduction consiste en la **fixation matérielle de l'œuvre par tout procédé permettant de la communiquer au public d'une manière indirecte** [23](#page=23).
* **Fixation matérielle:** L'acte de reproduction suppose une incarnation de l'œuvre dans un support concret, qu'il soit matériel (livre, affiche) ou immatériel (fichier informatique, site internet) [23](#page=23).
* **Communication indirecte:** Il suffit que la reproduction permette une communication potentielle de l'œuvre au public, sans que celle-ci ne soit effective [23](#page=23).
* **Procédés:** La loi énumère une liste non limitative de procédés (imprimerie, dessin, enregistrement mécanique, etc.). La numérisation est également considérée comme un acte de reproduction [23](#page=23) [24](#page=24).
* **Caractère permanent ou provisoire:** Les actes de reproduction provisoires, tels que l'enregistrement temporaire dans la mémoire cache d'un ordinateur lors du visionnage d'un film en streaming, sont également visés [24](#page=24).
* **Indifférence du caractère gratuit ou onéreux:** Peu importe que la reproduction soit faite à titre gratuit ou payant [24](#page=24).
* **Adaptation et transformation:** La traduction, l'adaptation, la transformation ou l'arrangement d'une œuvre sans consentement constitue une reproduction. Le "fansub" (sous-titrage d'œuvres audiovisuelles) et le karaoké sont des exemples d'actes de reproduction illicites [24](#page=24).
* **Intégralité ou partialité:** La reproduction, qu'elle soit intégrale ou partielle, est illicite sans autorisation. Le partage de courts extraits d'articles de journaux sur les réseaux sociaux sans autorisation est illicite [24](#page=24).
* **Sampling:** La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) considère que le sampling, même bref, d'un phonogramme relève du monopole du DA, sauf si l'extrait n'est pas reconnaissable [24](#page=24).
##### 3.1.1.2 Les satellites du droit de reproduction
Des droits gravitent autour du droit de reproduction, tels que le droit de distribution, de prêt et de location, et le droit de destination [24](#page=24).
* **Le droit de destination:** Il s'agit de la faculté exclusive de l'auteur de réserver à un usage déterminé les reproductions de son œuvre mises dans le commerce. Il permet de contrôler l'usage matériel et commercial des supports. Son fondement résiderait dans l'article L131-3 du Code de Propriété Intellectuelle (CPI) [24](#page=24).
* **Le droit de distribution:** Consacré internationalement et au sein de l'UE, il concerne la commercialisation du support de l'œuvre et ses conditions. Il est limité par le principe de l'épuisement des droits: une fois la première vente autorisée dans l'UE, les ventes successives de cet exemplaire ne peuvent être interdites. Ce droit ne s'applique pas à la représentation [25](#page=25).
* **Le droit de location et de prêt:**
* **Droit de prêt:** Permet de contrôler le prêt d'un exemplaire d'une œuvre, moyennant redevance. Une licence légale obligatoire permet aux bibliothèques publiques de prêter des livres sans autorisation expresse, moyennant une rémunération compensatoire, versée par l'État et les librairies. Ce droit couvre également le prêt d'une copie numérique d'un livre [25](#page=25) [26](#page=26).
* **Droit de location:** Permet de contrôler la location d'un exemplaire d'une œuvre. Sa mise en œuvre en France a été consacrée par la Cour de cassation (CC) [26](#page=26).
##### 3.1.1.3 Le droit de représentation
Le droit de représentation consiste dans la **communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque**. Il requiert un acte de communication et l'existence d'un public [26](#page=26).
* **L'acte de communication:** Il vise à porter l'œuvre à la connaissance de quelqu'un [26](#page=26).
* **Communication directe:** Représentation sans médium technique (concert, pièce de théâtre) [26](#page=26).
* **Communication indirecte:** Intervient par l'intermédiaire d'un support (phonogramme, vidéogramme) ou par une technique de diffusion (télévision, câble, satellite, internet) [27](#page=27).
* **L'apposition d'un lien hypertexte:**
* Sans but lucratif et vers une œuvre librement accessible avec consentement: Autorisé [27](#page=27).
* Avec but lucratif et vers une œuvre librement accessible avec consentement: Autorisé [27](#page=27).
* Sans but lucratif et vers une œuvre accessible sans consentement: Peut être considéré comme illicite si le lien a été placé en connaissance de cause [27](#page=27).
* Avec but lucratif et vers une œuvre accessible sans consentement: Présomption de connaissance et donc de responsabilité [28](#page=28).
* Vers une œuvre non librement accessible: Toujours illicite [28](#page=28).
* **L'existence d'un public:** Le public est un nombre indéterminé et assez important de personnes. Le cercle familial est exclu. L'unité de lieu et de temps n'est plus strictement requise, notamment dans l'environnement numérique. La diffusion dans les chambres d'hôtel, par exemple, constitue une communication au public. La mise en ligne d'une œuvre sur un site différent de celui de la communication initiale constitue une mise à disposition d'un public nouveau [28](#page=28) [29](#page=29).
##### 3.1.1.4 Le droit de suite
Reconnu aux auteurs d'œuvres graphiques et plastiques, il permet de participer au produit de toute vente de l'œuvre originale à l'enchère publique ou par l'intermédiaire d'un commerçant [29](#page=29).
* **Domaine restreint:** S'applique aux œuvres originales graphiques et plastiques, ainsi qu'aux exemplaires exécutés en quantité limitée par l'artiste ou sous son contrôle. Le pourcentage est calculé sur le prix de vente et est à la charge du vendeur par principe [29](#page=29).
#### 3.1.2 Les caractères des droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux se distinguent par leur cessibilité et leur caractère temporaire [29](#page=29).
##### 3.1.2.1 Le caractère cessible des droits patrimoniaux
À l'exception du droit de suite, les droits patrimoniaux sont librement cessibles, que ce soit à titre onéreux ou gratuit. Ils font l'objet de divers contrats comme l'édition ou la représentation [29](#page=29).
##### 3.1.2.2 Le caractère temporaire des droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux sont limités dans le temps [30](#page=30).
* **Durée générale:** La protection dure toute la vie de l'auteur, puis soixante-dix ans après sa mort. Le délai court à compter du 1er janvier de l'année suivant le décès [30](#page=30).
* **Prorogations:** Des durées supplémentaires sont accordées pour les auteurs décédés durant les guerres mondiales ou pour les auteurs morts pour la France [30](#page=30).
* **Règles particulières:**
* **Œuvres de collaboration:** Le délai de 70 ans est décompté à partir de la mort du dernier co-auteur [30](#page=30).
* **Œuvres collectives:** Le délai court à compter de la publication [30](#page=30).
* **Œuvres anonymes et pseudonymes:** Protection pendant 70 ans après publication, sauf si l'auteur se révèle [30](#page=30).
### 3.2 Les droits moraux
Le droit moral réunit les prérogatives extra-patrimoniales permettant à l'auteur de défendre sa personnalité exprimée dans l'œuvre [30](#page=30).
#### 3.2.1 Les différents droits moraux
Le droit moral comprend le droit de divulgation, le droit de repentir et de retrait, le droit de paternité, et le droit au respect de l'œuvre [31](#page=31).
##### 3.2.1.1 Le droit de divulgation
L'auteur a le droit exclusif de dévoiler son œuvre au public [31](#page=31).
* **Contenu:** L'auteur décide seul de la divulgation et des conditions dans lesquelles elle s'effectue. La divulgation sans consentement constitue une contrefaçon. Le droit de divulgation s'épuise par la première communication de l'œuvre au public [31](#page=31) [32](#page=32).
* **Conditions d'exercice:**
* **Conflit avec le droit des contrats:** L'auteur ne peut être obligé de livrer une œuvre commandée s'il invoque son droit de divulgation, mais devra verser des dommages et intérêts [31](#page=31).
* **Œuvres posthumes:** La divulgation posthume est possible par les exécuteurs testamentaires ou, à défaut, par les ayants droit, en respectant la volonté de l'auteur [32](#page=32).
##### 3.2.1.2 Le droit de repentir et de retrait
Ce droit permet à l'auteur, même après publication, de modifier son œuvre (repentir) ou d'en arrêter l'exploitation (retrait), à charge d'indemniser le cessionnaire [32](#page=32).
* **Conditions:** Il ne peut s'exercer qu'après cession des droits d'exploitation, par l'auteur lui-même (hors logiciels et agents de la fonction publique), et sous condition d'indemnisation préalable du cessionnaire. En cas de nouvelle publication, l'auteur doit proposer par priorité les droits au cessionnaire initial [32](#page=32) [33](#page=33).
##### 3.2.1.3 Le droit de paternité
Ce droit garantit le respect du nom, de la qualité et de l'œuvre de l'auteur [33](#page=33).
* **Aspect positif:** L'auteur a le droit que son nom soit associé à son œuvre, selon les usages propres à chaque type d'œuvre. Les signatures groupées et la paternité allusive sont contestables [33](#page=33).
* **Aspect négatif:** L'auteur peut choisir de publier son œuvre de manière anonyme ou sous pseudonyme [33](#page=33).
##### 3.2.1.4 Le droit au respect de l'œuvre
Ce droit permet à l'auteur de s'opposer à toute modification ou dénaturation de son œuvre [33](#page=33).
* **Matériellement:** Aucune modification n'est possible sans autorisation de l'auteur (suppression de personnage, transformation, etc.) [34](#page=34).
* **Intellectuellement:** Sanctionne le changement de contexte de l'œuvre, y compris pour des raisons de santé publique (loi Evin) ou d'atteinte à la vie privée. Pour les œuvres architecturales, l'architecte ne peut prétendre à une intangibilité absolue; des modifications sont admises si elles sont justifiées par la nécessité d'adapter la construction à de nouveaux besoins et sont strictement nécessaires [34](#page=34).
#### 3.2.2 Les caractères des droits moraux
Les droits moraux sont perpétuels, inaliénables, imprescriptibles et d'ordre public [34](#page=34).
##### 3.2.2.1 Les caractères consacrés par la loi
* **Droits perpétuels:** Ils ne s'éteignent pas, y compris après la mort de l'auteur, et sont transmis aux héritiers [34](#page=34).
* **Droits imprescriptibles:** Ils ne peuvent être acquis par le temps ni s'éteindre par le non-usage. Cependant, les actions en cas de violation sont soumises à prescription (cinq ans) [35](#page=35).
* **Droits inaliénables:** Ils sont attachés à la personne de l'auteur et ne peuvent être totalement cédés ou auxquels on ne peut renoncer, sauf renonciation spéciale et précise (ex: "négritude" littéraire) [35](#page=35).
##### 3.2.2.2 Les caractères consacrés par la jurisprudence
* **Caractère d'ordre public:** La volonté contractuelle ne peut modifier les dispositions du droit moral [35](#page=35).
* **Application du principe de proportionnalité:** Certaines violations du droit moral peuvent ne pas être sanctionnées si elles sont justifiées par la liberté de création ou d'expression, dans la recherche d'un juste équilibre [35](#page=35).
### 3.3 L'étendue du droit d'auteur
Le droit d'auteur connaît des limites dues à la prise en compte des intérêts privés, publics, de la liberté de création, de l'abus de droit, ainsi qu'à des exceptions prévues par la loi [36](#page=36).
#### 3.3.1 Le droit commun des exceptions
Les exceptions sont d'interprétation stricte et limitative. Elles ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits. L'influence de la CEDH a ouvert la voie à une appréciation au cas par cas de l'équilibre entre le DA et la liberté d'expression, sans pour autant créer de nouvelles exceptions prétoriennes [36](#page=36).
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# Les exceptions et limitations au droit d’auteur
Voici une synthèse détaillée sur les exceptions et limitations au droit d'auteur, rédigée dans un format prêt pour un examen.
## 4. Les exceptions et limitations au droit d’auteur
Les exceptions et limitations au droit d'auteur représentent des situations où la loi autorise l'utilisation d'une œuvre protégée sans l'autorisation préalable du titulaire des droits, afin de concilier la protection des auteurs avec d'autres intérêts légitimes [36](#page=36).
### 4.1 Principes généraux des exceptions
Les exceptions au droit d'auteur sont d'interprétation stricte et doivent respecter le "principe des trois étapes" [36](#page=36) [37](#page=37).
#### 4.1.1 Le caractère limitatif des exceptions
En droit français, les exceptions sont énumérées par la loi, principalement à l'article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Ce système offre une sécurité juridique, contrairement au "fair use" américain qui est plus souple mais moins prévisible. La jurisprudence française tend à refuser la création de nouvelles exceptions non prévues par la loi, bien que la Cour de cassation ait invité les juges du fond à rechercher un juste équilibre entre le droit d'auteur et la liberté d'expression, créant ainsi une forme de "fair use à la française" [36](#page=36).
#### 4.1.2 L'interprétation des exceptions
Les exceptions sont d'interprétation stricte, privilégiant le principe du monopole de l'auteur. Elles doivent être conformes au "principe des trois étapes" [36](#page=36) [37](#page=37):
* **Cas spécial:** L'exception doit concerner une situation clairement définie et avoir une finalité précise [37](#page=37).
* **Pas d'atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre:** L'exception ne doit pas perturber l'exploitation habituelle de l'œuvre [37](#page=37).
* **Pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur:** L'exception ne doit pas causer de tort déraisonnable à l'auteur [37](#page=37).
#### 4.1.3 Distinctions : Limites externes et internes
La doctrine distingue deux catégories d'exceptions :
* **Limites externes:** Elles interviennent lorsque les conditions d'application du monopole ne sont pas réunies, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas d'acte de reproduction ou de représentation caractérisable au sens de la loi. Il s'agit notamment du cercle de famille, de la copie privée, et des copies provisoires [37](#page=37).
* **Limites internes (ou exceptions):** Elles s'appliquent lorsque toutes les conditions du monopole sont réunies, mais qu'un intérêt supérieur justifie la paralysie temporaire du droit de l'auteur. C'est le cas des exceptions fondées sur la liberté d'expression, d'information, d'enseignement, de recherche, ainsi que les exceptions catégorielles et celles fondées sur le genre de l'œuvre [37](#page=37).
### 4.2 Le contenu des exceptions
#### 4.2.1 Les limites externes
Ces limites sont justifiées par l'absence de communication au public, condition nécessaire pour caractériser un acte de reproduction ou de représentation [37](#page=37).
##### 4.2.1.1 Le cercle de famille
L'article L122-5 alinéa 1 du CPI autorise les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille. Le cercle de famille peut inclure des amis ayant des liens forts, mais exclut des réunions plus larges comme celles d'électeurs. La représentation doit être gratuite [37](#page=37).
##### 4.2.1.2 La copie privée
L'article L122-5, deuxièmement, permet les copies ou reproductions réalisées à partir d'une source licite et strictement réservées à l'usage privé du copiste, à condition qu'elles ne soient pas destinées à une utilisation collective [38](#page=38).
Cette exception, conçue pour l'ère analogique, pose des défis dans l'univers numérique en raison de la perfection et de la facilité des copies [38](#page=38).
* **Exclusions:** L'exception de copie privée est écartée pour les logiciels et les bases de données. Elle est également prohibée pour les œuvres d'art si la copie est destinée à des fins identiques à celles de l'œuvre originale, afin d'éviter une concurrence directe avec l'original [38](#page=38).
* **Conditions légales :**
* **Un copiste:** La jurisprudence a évolué d'une conception intellectuelle (celui qui choisit le contenu) à une conception matérialiste (celui qui met à disposition le matériel de reproduction) [38](#page=38).
* **Licéité de la source:** La copie doit être réalisée à partir d'une source licite [38](#page=38).
* **Usage privé:** L'usage est privé lorsqu'il bénéficie à un petit groupe (familial ou amical) et s'oppose à l'usage public ou professionnel [38](#page=38).
* **Mesures techniques de protection:** Les auteurs peuvent utiliser des mesures techniques (codes d'accès, cryptage) pour empêcher les copies. La jurisprudence, notamment dans l'affaire "Mulholland Drive", a clarifié que la copie privée n'est pas un droit mais une exception et que son exercice peut être limité par des mesures techniques si elles sont justifiées par le triple test (exploitation normale, préjudice injustifié) et les impératifs économiques de l'environnement numérique. La Cour de cassation a précisé qu'une telle copie ne peut être qu'un moyen de défense et non une action principale. La loi DADVSI a intégré la possibilité d'utiliser des mesures techniques de protection, mais des dispositions relatives à l'information de ces mesures et à leur licéité dans certains contextes existent [39](#page=39).
##### 4.2.1.3 Les copies provisoires
L'article L122-5, 6°, autorise la reproduction provisoire, transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique visant uniquement à permettre l'utilisation licite de l'œuvre ou sa transmission par un réseau. Ces copies ne doivent pas avoir de valeur économique propre [40](#page=40).
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé que cet acte de reproduction doit remplir cinq conditions cumulatives: provisoire, transitoire ou accessoire, partie intégrante et essentielle d'un procédé technique, avoir pour unique finalité la transmission dans un réseau ou une utilisation licite, et n'avoir pas de signification économique indépendante [40](#page=40).
##### 4.2.1.4 La représentation accessoire
Bien que non explicitement prévue par le CPI, la jurisprudence admet que la représentation d'une œuvre située dans un lieu public (ou privé) en arrière-plan, de manière accessoire par rapport au sujet principal, ne donne pas lieu à une opposition de l'auteur. L'œuvre n'est alors communiquée au public que de façon imparfaite ou secondaire [40](#page=40).
#### 4.2.2 Les exceptions internes
Ces exceptions paralysent le droit de l'auteur alors que les conditions du monopole sont réunies, au profit d'un intérêt supérieur [37](#page=37) [40](#page=40).
##### 4.2.2.1 Les exceptions fondées sur la liberté d’expression et la libre diffusion de l’information
* **Les analyses et courtes citations:** L'article L122-5, 3°, autorise les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre incorporée. La JP considère analyses et citations de manière similaire, bien qu'elles diffèrent (résumé pour l'analyse, reproduction à l'identique pour la citation) [41](#page=41).
* **Conditions :**
* **Brièveté:** S'apprécie au cas par cas, en tenant compte de la longueur de l'œuvre citée, de l'œuvre citante et du genre. La reproduction intégrale d'une œuvre d'art n'est jamais considérée comme une courte citation [41](#page=41).
* **Justification:** La citation doit servir la liberté d'expression et d'information, et non une utilisation commerciale [41](#page=41).
* **Œuvre citante:** La citation doit être intégrée dans une œuvre citante, bien que la jurisprudence ait admis que la simple juxtaposition de résumés puisse en bénéficier [41](#page=41).
* **Respect du droit moral:** Le nom de l'auteur et la source doivent être indiqués, et la citation doit être honnête et loyale, sans déformer la pensée de l'auteur [41](#page=41) [42](#page=42).
* **Les revues de presse:** L'article L122-5, 3° b, prévoit cette exception, définie par la jurisprudence comme une présentation comparative de divers commentaires journalistiques sur un même thème. Elle doit concerner un thème ou un événement et impliquer une pluralité d'articles, avec indication du nom de l'auteur et de la source [42](#page=42).
* **Les discours destinés au public:** L'article L122-5 autorise la diffusion de discours prononcés dans des assemblées publiques (politiques, judiciaires, académiques) ou lors de cérémonies officielles, à des fins d'information d'actualité [42](#page=42).
* **Les reproductions à des fins de conservation et de consultation:** L'article L122-5, 8°, permet la reproduction et la représentation d'œuvres à des fins de conservation ou pour en préserver la consultation pour la recherche ou l'étude privée par des particuliers, dans les locaux d'établissements (bibliothèques, musées, archives) qui ne recherchent aucun avantage industriel ou commercial. Cette exception ne concerne pas les grands projets de numérisation des bibliothèques et est complétée par l'article L132-4 pour les organismes dépositaires [42](#page=42) [43](#page=43).
* **Les reproductions à des fins d'information du public:** L'article L122-5, 9°, issu de la loi de 2006, permet la reproduction ou représentation d'œuvres d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec celle-ci, sous réserve d'indiquer le nom de l'auteur. Le domaine est restreint aux œuvres d'art, aux organes de presse, à une finalité d'information immédiate, et ne concerne que la reproduction primaire [43](#page=43).
* **La parodie, le pastiche et la caricature:** L'article L122-5, 4°, les autorise en tenant compte de la loi du genre. Ces notions, souvent confondues en droit, visent une utilisation humoristique ou dérisoire d'une œuvre protégée [43](#page=43).
* **Conditions :**
* **Faire rire:** La parodie doit comporter humour ou raillerie, mais la JP française est plus souple [43](#page=43).
* **Absence de confusion:** La parodie ne doit pas créer de confusion avec l'œuvre originale et doit présenter des différences perceptibles [43](#page=43).
* **Pas d'atteinte disproportionnée:** L'exception ne doit pas porter une atteinte excessive aux droits de l'auteur. Une parodie excessive peut engager la responsabilité de son auteur [43](#page=43).
##### 4.2.2.2 Les exceptions fondées sur la liberté d’enseignement et de recherche
Une ordonnance de 2021 a distingué l'exception d'enseignement et de recherche [43](#page=43) [44](#page=44).
* **L'exception de pédagogie/enseignement:** L'article L122-5-4 autorise des extraits d'œuvres (excluant les œuvres conçues à des fins pédagogiques et les partitions) dans le cadre de l'enseignement, sous la responsabilité d'un établissement, dans des locaux dédiés ou sur un ENT sécurisé. Elle est compensée par une rémunération forfaitaire [44](#page=44).
* **Les exceptions de recherche :**
* **Recherche à proprement dit:** Similaire à l'exception pédagogique, elle concerne des extraits d'œuvres (hors œuvres pédagogiques et partitions) utilisés exclusivement à des fins d'illustration dans le cadre de la recherche, sans exploitation commerciale, et moyennant une rémunération forfaitaire [44](#page=44).
* **Fouille de données (data mining):** Introduite en 2016, elle vise l'analyse automatisée de textes et données numériques pour en dégager des informations [44](#page=44).
* **Exception scientifique et généraliste (Art. L122-5-3):** Permet des copies numériques d'œuvres accédées licitement, sans autorisation des auteurs, pour des fins de recherche scientifique par des organismes de recherche, bibliothèques, musées, etc. Elle concerne la recherche scientifique (publique, privée, commerciale ou non commerciale). L'accès doit être licite (licence, open access, respect des conditions générales des réseaux sociaux) [44](#page=44) [45](#page=45).
* **Exception généraliste:** Étendue sous impulsion européenne, elle permet des copies numériques pour toute personne, quelle que soit la finalité, sauf opposition appropriée de l'auteur (notamment par procédés lisibles par machines pour les contenus en ligne). Elle favorise le développement de l'IA et établit une présomption de consentement des titulaires de droit [45](#page=45).
##### 4.2.2.3 Les exceptions catégorielles
* **Exceptions fondées sur la personne :**
* **Commissaires-priseurs:** L'article L122-5, 3° d, autorise les reproductions d'œuvres d'art dans les catalogues de ventes judiciaires, dans la mesure requise pour décrire les œuvres mises en vente avant la vente [45](#page=45).
* **Personnes handicapées:** L'article L122-5, 7°, et les articles L122-5-1, L122-5-2, permettent aux établissements autorisés de reproduire et représenter des œuvres pour les rendre accessibles à des personnes handicapées pour leur utilisation exclusivement personnelle et non lucrative, dans la mesure requise par leur handicap [45](#page=45).
* **Exceptions fondées sur le genre de l'œuvre :**
* **Logiciels:** L'article L122-6-1 du CPI prévoit que les actes nécessaires à l'utilisation du logiciel conformément à sa destination, la correction d'erreurs, et la sauvegarde (une seule copie) ne sont pas soumis à autorisation. La "décompilation" est autorisée si elle est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité avec d'autres logiciels créés de manière indépendante, sous conditions strictes (utilisateur légitime, nécessité, informations non facilement accessibles) [46](#page=46).
* **Bases de données:** L'article L122-5, 5°, autorise les actes nécessaires à l'accès au contenu d'une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l'utilisation prévue par contrat [46](#page=46).
* **Œuvres architecturales et de sculpture:** Ces genres bénéficient d'exceptions, notamment dans le cadre de la représentation accessoire [40](#page=40) [46](#page=46).
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# La titularité des droits d’auteur et les droits voisins
Ce chapitre traite de la détermination de l'auteur, de la titularité des droits dans les cas de collaboration et d'œuvres collectives, ainsi que des droits des artistes interprètes et des producteurs.
### 5.1 Les principes directeurs de la titularité des droits d'auteur
La titularité des droits d'auteur est fondamentale car elle détermine qui peut exercer ces droits et percevoir une rémunération pour l'exploitation de l'œuvre. Elle se distingue de la qualité d'auteur, bien que souvent confondues. Il existe des situations exceptionnelles où les droits sont automatiquement cédés, et l'auteur peut également céder ses droits par contrat [47](#page=47).
#### 5.1.1 L'auteur est un créateur
Le droit d'auteur, de par sa nature personnaliste, attribue la qualité d'auteur au créateur de l'œuvre. Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) confirme cette approche en stipulant que le droit naît du simple fait de la création. La jurisprudence a explicitement reconnu que la qualité d'auteur ne peut être attribuée qu'à une personne physique ayant personnellement réalisé l'œuvre [47](#page=47) [48](#page=48).
* **Exclusion des inspirateurs et des personnes donnant des idées**: Les personnes qui se contentent d'inspirer une œuvre, de donner des conseils, des idées, de fournir du matériel ou d'effectuer des recherches ne sont généralement pas considérées comme des auteurs. Cependant, une exception peut exister si les conseils sont très précis et expriment une personnalité particulière [48](#page=48).
* **Les auteurs matériels**: Ceux qui réalisent matériellement une œuvre en suivant des directives précises ne sont pas considérés comme auteurs s'ils n'expriment pas leur propre personnalité. Ils doivent avoir conservé une liberté de création leur permettant d'imprégner l'œuvre de son originalité [48](#page=48).
* **Indisponibilité de la qualité d'auteur**: La qualité d'auteur est exclusivement déterminée par la loi et ne peut être cédée ou déniée par contrat. Le créateur conserve cette qualité, même s'il cède ses droits patrimoniaux [48](#page=48).
#### 5.1.2 L'auteur est une personne physique
Le créateur d'une œuvre doit nécessairement être une personne physique. Les personnes morales ne peuvent donc pas posséder la qualité d'auteur. Cependant, une personne morale peut devenir titulaire des droits patrimoniaux, et exceptionnellement des droits moraux dans le cas d'une œuvre collective, par le biais d'une cession [48](#page=48) [49](#page=49).
#### 5.1.3 La présomption de titularité
Le législateur prévoit une présomption de titularité au profit de celui qui divulgue l'œuvre [48](#page=48).
* **Présomption légale (Art. L113-1 CPI)**: La qualité d'auteur appartient à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée. Cette présomption ne nécessite pas de preuve de la qualité d'auteur, mais elle doit se déduire de mentions "exemptes d'ambiguïté". Des mentions comme "avec le concours de" ne suffisent pas à déclencher cette présomption. La simple présence d'un pseudonyme sur internet est également jugée équivoque. Cette présomption est simple et peut être combattue par tout moyen [48](#page=48).
* **Présomption prétorienne**: En l'absence de revendication par les créateurs physiques, l'exploitation commerciale sous le nom d'une personne morale peut faire présumer qu'elle est titulaire des droits de propriété sur l'œuvre. Cette présomption vise spécifiquement la titularité des droits, contrairement à la présomption légale qui concerne la qualité d'auteur [48](#page=48).
### 5.2 Les règles particulières de titularité
Certaines règles de titularité sont spécifiques aux créations réalisées dans le cadre d'un contrat de travail, ou aux œuvres composées par plusieurs personnes.
#### 5.2.1 Les créations subordonnées (contrat de travail)
Ces créations visent à équilibrer la protection du salarié et les besoins d'exploitation de l'entreprise. Les règles varient selon le secteur (privé ou public).
##### 5.2.1.1 L'auteur salarié du secteur privé
* **Principe (Art. L111-1 al. 3 CPI)**: L'existence d'un contrat de travail n'a pas d'incidence sur la jouissance des droits d'auteur par le salarié qui a personnellement créé l'œuvre. Le salarié reste titulaire des droits, sauf exceptions prévues par le Code [49](#page=49).
* **Cession des droits**: L'employeur doit organiser contractuellement la cession des droits d'auteur. Une clause de cession globale des œuvres futures est nulle. La cession doit être délimitée quant à son étendue, sa destination, son lieu et sa durée [49](#page=49).
* **Exceptions notables** :
* **Auteurs journalistes**: La loi du 12 juin 2009 a modifié ce régime. Le contrat d'un journaliste professionnel emporte désormais cession exclusive des droits d'exploitation à l'entreprise de presse, sauf stipulation contraire. Cette cession couvre les déclinaisons du titre sur tous supports. Le journaliste perçoit son salaire pour une période de référence définie, puis une rémunération supplémentaire au-delà de ce délai [49](#page=49) [50](#page=50).
* **Auteurs de logiciels (Art. L113-9 CPI)**: Les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par des salariés dans le cadre de leurs fonctions sont dévolus à l'employeur, qui est seul habilité à les exercer. Aucune rémunération supplémentaire n'est exigée pour cette cession [50](#page=50).
##### 5.2.1.2 L'auteur fonctionnaire
* **Droits patrimoniaux (Art. L131-3-1 CPI)**: Pour les œuvres créées par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions ou selon les instructions reçues, et dans la mesure strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public, les droits d'exploitation sont cédés de plein droit à l'État dès la création [50](#page=50).
* **Conditions**: L'œuvre doit être strictement nécessaire à une mission de service public [50](#page=50).
* **Droit de préférence**: Si le fonctionnaire souhaite exploiter commercialement ses créations, l'État dispose d'une priorité contractuelle [50](#page=50).
* **Droits moraux (Art. L121-7-1 CPI)**: L'autorité hiérarchique peut décider de la divulgation d'une œuvre contre l'avis de l'auteur, ainsi que de sa modification si elle est justifiée par l'intérêt du service et ne porte pas atteinte à l'honneur ou à la réputation de l'auteur. Le droit de retrait et de repentir est soumis à l'accord du supérieur hiérarchique. Seul le droit de paternité reste intact [50](#page=50).
* **Fonctionnaires indépendants**: Pour les "fonctionnaires indépendants" (enseignants-chercheurs, conservateurs de musée, magistrats) dont la divulgation des œuvres n'est pas soumise à contrôle hiérarchique préalable, les règles générales ne s'appliquent pas. Ils restent titulaires de leurs droits patrimoniaux et moraux [51](#page=51).
#### 5.2.2 Les œuvres plurielles
Ces règles s'appliquent aux créations réalisées par plusieurs auteurs.
##### 5.2.2.1 L'œuvre de collaboration (Art. L113-2 CPI)
* **Définition**: Une œuvre de collaboration est créée par la coopération ou la concertation de plusieurs personnes physiques, avec une inspiration commune. Chaque coauteur doit avoir participé personnellement à l'élaboration de la création [51](#page=51).
* **Régime juridique (Art. L113-3 CPI)** :
* **Propriété commune**: L'œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs, qui doivent exercer leurs droits d'un commun accord (principe d'unanimité). En cas de désaccord, le juge tranche [51](#page=51).
* **Exploitation des contributions personnelles**: Chaque coauteur peut exploiter séparément sa contribution personnelle, à condition qu'elle soit identifiable et séparable, de genre différent, et que cette exploitation ne porte pas préjudice à l'œuvre commune, sauf convention contraire [51](#page=51).
##### 5.2.2.2 L'œuvre collective (Art. L113-2 CPI)
* **Définition**: Une œuvre collective est créée à l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom. La contribution des divers auteurs se fond dans l'ensemble sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun un droit distinct sur l'ensemble réalisé. Les critères sont l'existence d'un coordinateur (personne physique ou morale) et la confusion des contributions [52](#page=52).
* **Régime juridique (Art. L113-5 CPI)**: L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits d'auteur, qu'ils soient patrimoniaux ou moraux. C'est la seule hypothèse où une personne morale peut être titulaire des droits sans cession explicite [52](#page=52).
##### 5.2.2.3 L'œuvre composite (Art. L113-2 al. 2 CPI)
* **Définition**: Une œuvre composite est une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière. Elle nécessite une pluralité d'œuvres et l'absence de collaboration entre les auteurs [53](#page=53).
* **Régime juridique (Art. L113-4 CPI)**: L'œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante. L'auteur de l'œuvre nouvelle doit obtenir l'autorisation de l'auteur de l'œuvre préexistante avant l'incorporation pour éviter la contrefaçon [53](#page=53).
##### 5.2.2.4 Les œuvres audiovisuelles et radiophoniques (Art. L113-7 et L113-8 CPI)
* **Statut**: Les œuvres audiovisuelles et radiophoniques sont considérées par la loi comme des œuvres de collaboration et ne peuvent être qualifiées d'œuvres collectives [53](#page=53).
* **Coauteurs présumés**: Le scénariste, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, les compositeurs de musique originale, et le réalisateur sont présumés coauteurs, sauf preuve contraire. Les auteurs de l'œuvre originaire dont l'œuvre audiovisuelle est tirée sont également assimilés aux auteurs de l'œuvre nouvelle [53](#page=53).
* **Cession des droits au producteur**: Le contrat entre le producteur et les auteurs (sauf compositeur de musique) emporte, sauf clause contraire, cession au profit du producteur des droits exclusifs d'exploitation. Le producteur est la personne qui prend l'initiative et la responsabilité de l'œuvre, notamment des risques financiers [54](#page=54).
### 5.3 Les droits voisins du droit d'auteur
Les droits voisins sont des droits qui existent "dans le voisinage" du droit d'auteur et sont considérés comme ses satellites. Ils ont été intégrés au droit positif français par la loi du 3 juillet 1985. En cas de conflit, le droit d'auteur prime toujours sur les droits voisins [54](#page=54).
#### 5.3.1 Les droits des artistes interprètes
L'objet du droit de l'artiste interprète est sa prestation, son interprétation d'une œuvre de l'esprit [54](#page=54).
* **L'interprétation**: Pour être protégée, l'interprétation doit porter sur une œuvre préexistante, originale et protégée par le droit d'auteur. L'interprétation doit être réalisée par une personne physique et être personnelle, imprégnée de la personnalité de l'artiste. L'interprétation assistée par ordinateur est admise [54](#page=54) [55](#page=55).
* **La titularité des droits** :
* **Notion d'artiste interprète**: Désigne la personne physique qui représente, chante, récite, joue ou exécute une œuvre de l'esprit. Les "artistes de complément" (figurants, rôles secondaires) sont exclus du bénéfice de ces droits, la frontière étant tracée par les usages professionnels [55](#page=55).
* **Artiste interprète salarié**: Le contrat d'un artiste du spectacle est présumé être un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail n'emporte pas dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle, nécessitant l'autorisation de l'artiste pour chaque utilisation de sa prestation. Cette règle est codifiée pour les artistes interprètes ayant un CT avec les producteurs de phonogrammes [55](#page=55) [56](#page=56).
* **Artiste interprète fonctionnaire**: Le statut d'agent public ne fait obstacle aux droits que dans les limites strictes de la mission de service public [56](#page=56).
* **Le contenu du droit** :
* **Droits extra-patrimoniaux**: L'artiste interprète a droit au respect de son nom et de sa qualité, ainsi qu'au respect de son interprétation. Il n'a pas de droit de divulgation ni de droit de retrait et de repentir. Ces droits sont inaliénables, imprescriptibles et attachés à sa personne, mais les actions en paiement des créances sont soumises à la prescription. Ils sont transmissibles à ses héritiers pour la protection de sa mémoire [56](#page=56) [57](#page=57).
* **Droits patrimoniaux**: L'artiste interprète dispose d'un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la fixation de sa prestation, sa reproduction, sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image lorsque la prestation a été fixée pour les deux [57](#page=57).
* **Durée du monopole**: 50 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant la première interprétation ou, si l'œuvre fixée n'est pas mise à disposition du public dans les 50 ans, du 1er janvier suivant la fixation [57](#page=57).
* **Exceptions**: Les exceptions sont similaires à celles du droit d'auteur (cercle de famille, revue de presse, courte citation, parodie), ainsi qu'une exception spécifique liée à l'accessoire à un événement principal d'une séquence audiovisuelle (droit à l'information du public) [58](#page=58).
#### 5.3.2 Les droits des producteurs culturels
Ces droits permettent de rentabiliser les investissements liés à la production d'enregistrements sonores ou visuels.
##### 5.3.2.1 Les producteurs de phonogrammes
* **Titulaire des droits**: Le producteur de phonogramme, c'est-à-dire la personne physique ou morale qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son. Le phonogramme est l'enregistrement sonore d'une œuvre ou de son interprétation, fixé sur un support matériel ou dématérialisé [58](#page=58).
* **Teneur des droits**: Ils ne disposent d'aucun droit moral, mais de droits patrimoniaux: droit de reproduction, et droit de mise à disposition du public par vente, échange ou louage [58](#page=58).
* **Durée du monopole**: 50 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant la première fixation. Si le phonogramme est mis à disposition du public, la durée est de 70 ans à compter du 1er janvier de l'année civile suivant cette mise à disposition ou sa première communication au public [58](#page=58).
* **Exceptions**: Identiques à celles des artistes interprètes [58](#page=58).
##### 5.3.2.2 Les producteurs de vidéogrammes
* **Titulaire des droits**: Le producteur de vidéogramme, personne physique ou morale qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non. Le vidéogramme inclut les cassettes vidéo, les vidéodisques, les DVD et les séquences d'images en ligne [59](#page=59).
* **Teneur des droits**: Pas de droit moral. Droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute reproduction, mise à disposition du public (vente, échange, louage) et communication au public du vidéogramme [59](#page=59).
* **Durée du monopole**: 50 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant la première fixation, ou la mise à disposition du public, ou la première communication au public [59](#page=59).
* **Exceptions**: Identiques à celles du producteur de phonogrammes [59](#page=59).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Terme | Définition |
|------|------------|
| Droit d’auteur | Droit exclusif qui reconnaît à l'auteur d'une œuvre de l'esprit des prérogatives sur sa création, lui permettant de contrôler son exploitation et d'en tirer profit. |
| Droits voisins | Droits qui, sans être des droits d’auteur, protègent les créations des auxiliaires de la diffusion de l’œuvre, tels que les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. |
| Œuvre de l’esprit | Création intellectuelle protégée par le droit d’auteur, nécessitant une intervention humaine consciente et une forme perceptible par le public. |
| Originalité | Condition fondamentale pour qu'une œuvre de l’esprit soit protégée par le droit d’auteur ; elle se manifeste par l'empreinte de la personnalité de l'auteur ou par des choix libres et créatifs. |
| Droit patrimonial | Droits d'exploitation économique de l'œuvre, qui sont cessibles et temporaires, tels que le droit de reproduction et le droit de représentation. |
| Droit moral | Ensemble des prérogatives extra-patrimoniales de l'auteur, perpétuelles, inaliénables et imprescriptibles, visant à protéger sa personnalité et l'intégrité de son œuvre (droit de paternité, droit au respect de l'œuvre, droit de divulgation, droit de repentir et de retrait). |
| Reproduction | Fixation matérielle de l'œuvre par tout procédé permettant sa communication indirecte au public, que cette fixation soit permanente ou provisoire. |
| Représentation | Communication de l'œuvre au public par quelque procédé que ce soit, impliquant un acte de communication et un public. |
| Copie privée | Exception au droit d'auteur permettant la reproduction d'une œuvre à partir d'une source licite, strictement réservée à l'usage privé du copiste et non destinée à une utilisation collective. |
| Parodie | Exception au droit d'auteur permettant l'utilisation d'une œuvre protégée à des fins humoristiques ou de dérision, tout en respectant certaines conditions liées à la liberté d'expression et au risque de confusion. |
| Œuvre de collaboration | Œuvre créée par plusieurs personnes physiques en coopération, où chaque contribution est distincte et peut potentiellement être exploitée séparément sous certaines conditions. |
| Œuvre collective | Œuvre créée sous la direction et le nom d'une personne (physique ou morale) qui en assure l'édition, la publication et la divulgation, et dans laquelle les contributions individuelles se fondent dans l'ensemble. |
| Interopérabilité | Capacité de différents systèmes informatiques ou logiciels à échanger des informations et à utiliser mutuellement ces informations, permise par la décompilation dans le cadre de l'exception légale. |
| Phonogramme | Premier enregistrement sonore d'une œuvre ou de son interprétation, fixé sur un support matériel ou dématérialisé, protégé par des droits voisins au profit du producteur. |
| Vidéogramme | Séquence d'images, sonorisée ou non, enregistrée et fixée sur un support, protégée par des droits voisins au profit de son producteur. |