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Summary
# Introduction au droit et sa nature
Ce sujet explore la définition du droit, sa distinction avec d'autres règles sociales, ses caractéristiques fondamentales (généralité, permanence, obligation, sanction) et ses sources variées, qu'elles soient écrites ou non écrites. Il aborde également la manière dont le droit est enseigné et représenté.
### 1.1 L'enseignement et la représentation du droit
Le droit est enseigné dans les universités françaises dans le but de préparer à la pratique professionnelle et de faire connaître les règles qui gouvernent la vie en société. Les enseignants de droit ont pour objectif d'exposer leur savoir et d'encourager la compréhension et le raisonnement. Il est crucial de combattre les représentations caricaturales du droit, qui le présentent parfois comme une vérité absolue ou, au contraire, de manière péjorative. Une représentation réaliste du droit le considère comme une technique sociale visant à ordonner les conduites humaines, comme un ordre juridique, une institution, ou encore comme une décision de juge, reconnaissant sa diversité inhérente [1](#page=1) [2](#page=2).
#### 1.1.1 Le droit comme savoir, profession et phénomène social
Le droit peut être appréhendé comme un savoir, c'est-à-dire l'ensemble des connaissances sur le droit tel qu'il existe à un moment donné (le droit positif). Il doit être accessible aux citoyens pour leur permettre de se conformer aux attentes sociales. Le droit est aussi une profession, impliquant ceux qui le font (législateur, mais aussi institutions publiques et privées, droit international et européen) et ceux qui le disent (juges, juristes, universitaires), ainsi que ceux qui conseillent (avocats, notaires, etc.). Enfin, le droit est un phénomène social: une réalité organisant la vie en société, un fait social ("ubi societas ibi jus" – là où il y a une société, il y a du droit) et un besoin social de régulation [2](#page=2) [3](#page=3).
### 1.2 La structure fondamentale du droit français
#### 1.2.1 La summa divisio : droit public et droit privé
Le droit français est structuré autour d'une division fondamentale entre le droit public et le droit privé. Le droit public régit les litiges entre l'État ou les administrations et les administrés, visant l'intérêt général et relevant de l'ordre administratif. Le droit privé, quant à lui, concerne les litiges entre individus (personnes physiques et morales de droit privé) et vise la satisfaction de l'intérêt privé, relevant de l'ordre judiciaire [3](#page=3).
#### 1.2.2 La dualité de l'organisation juridictionnelle
Cette distinction entraîne une dualité dans l'organisation juridictionnelle, avec deux ordres distincts: judiciaire et administratif. Chaque ordre est organisé de manière pyramidale selon les degrés de juridiction (premier degré, second degré d'appel, et juridictions suprêmes comme la Cour de cassation et le Conseil d'État). Au sein de l'ordre judiciaire, une subdivision existe selon la nature du litige (juridictions civiles et pénales) [3](#page=3) [4](#page=4).
#### 1.2.3 La nécessité de maîtriser la procédure
La procédure, définie comme la branche du droit déterminant l'organisation judiciaire, la compétence, l'instruction des procès et l'exécution des décisions, est essentielle pour naviguer dans le système juridique. Elle dicte le chemin à suivre pour saisir le juge et se déroule en plusieurs étapes: première instance, appel, et pourvoi en cassation [5](#page=5).
#### 1.2.4 L'évolution des termes procéduraux
Les termes employés pour désigner les parties et les actions changent en fonction de l'étape procédurale (demandeur/défendeur en première instance, appelant/intimé en appel, demandeur au pourvoi/défendeur au pourvoi en cassation). De même, les décisions des juges varient: "accueillir/rejeter" en première instance, "infirmer/confirmer" en appel, et "casser/rejeter" en cassation. Un juge ne peut refuser de juger, sous peine de déni de justice [6](#page=6).
### 1.3 La définition de la règle de droit
#### 1.3.1 Le droit comme règle de conduite et système
Le droit peut être défini comme un ensemble de règles de conduite accompagnées de sanctions contraignantes, la loi en étant la manifestation la plus évidente. Il a une double dimension: micro (la règle de droit) et macro (le système juridique) [7](#page=7).
#### 1.3.2 Distinction avec d'autres règles sociales
La règle de droit doit être distinguée d'autres règles sociales comme la règle morale, la règle religieuse et les règles de conduite (savoir-vivre, civilité) [7](#page=7).
##### 1.3.2.1 La règle morale
La règle morale, selon Kant, est autonome (loi que l'on se donne à soi-même), intérieure et dépend de la conscience. Elle s'oppose à la règle juridique, qui est extérieure, concerne le bien commun et est contraignante. Bien que distinctes, la frontière entre droit et morale est poreuse, le droit civil interdisant par exemple les contrats contraires aux bonnes mœurs. Des notions comme l'éthique et la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) s'inscrivent dans cette proximité [8](#page=8).
##### 1.3.2.2 La règle religieuse
La règle religieuse, bien que s'opposant parfois à la morale en Occident, peut se confondre avec le droit dans d'autres cultures. En France, le droit s'est détaché de la religion avec la loi de 1905 instaurant la laïcité, qui implique la neutralité de l'État et l'égalité des religions. Cependant, la religion et le droit entretiennent un lien, la laïcité existant parce que les religions existent. Le droit pénal, par exemple, interdit de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes [9](#page=9).
##### 1.3.2.3 La règle de conduite
Les règles de conduite sont des règles implicites de savoir-vivre ou de civilité, non contraignantes et sans sanction étatique, bien qu'une transgression puisse entraîner une sanction sociale (passer pour impoli) [10](#page=10).
##### 1.3.2.4 Caractères des règles non-juridiques
Ces règles se distinguent des règles de droit par leur subjectivité, leur caractère non sanctionné, non contraignant et dépourvu de caractère juridique étatique. Les règles sociales ne sont pas toutes des règles de droit, et certaines situations échappent au droit pour bénéficier d'autres règles (bénévolat). La "Soft Law" (droit mou) représente des normes non contraignantes, souvent d'origine publique, qui gagnent en influence [10](#page=10).
#### 1.3.3 Caractères de la règle de droit
La règle de droit est générale, impersonnelle, permanente, obligatoire (impérative) et sanctionnée. Ces caractères visent à unifier les normes et à assurer la stabilité sociale [11](#page=11).
##### 1.3.3.1 Généralité
La généralité signifie que la règle de droit s'adresse à un nombre indéterminé d'individus et s'applique à tous, sans désignation particulière. Elle est abstraite pour garantir l'égalité et éviter l'arbitraire, mais ne signifie pas l'universalité (limites géographiques) [11](#page=11).
##### 1.3.3.2 Permanence
La permanence assure la stabilité et la prévisibilité de la règle de droit, qui ne change pas au gré des changements de pouvoir. Elle n'est cependant pas immuable et peut être modifiée dans le respect de procédures établies. Cette permanence contribue à la sécurité juridique [11](#page=11).
##### 1.3.3.3 Obligation (impérativité)
Le caractère obligatoire est essentiel, car sans lui, il y aurait instabilité sociale. La règle prescrit ce qui doit être et ne peut être écartée, notamment lorsqu'elle intéresse l'ordre public ou les bonnes mœurs [11](#page=11) [12](#page=12).
##### 1.3.3.4 Sanction
La sanction est ce qui distingue la règle de droit, car elle implique une réaction organisée par l'État (via le juge et la police) à la violation de la norme commune. La sanction n'est pas limitée au droit pénal et peut prendre diverses formes (changement de prénom, saisine du juge, revendication d'un droit). Il existe cependant des règles supplétives (non obligatoires) et des règles qui n'engagent en rien, se contentant d'affirmer des principes [12](#page=12).
### 1.4 Les sources du droit
Le droit français se caractérise par un pluralisme juridique, avec une multitude de sources écrites et non écrites, nationales et internationales [12](#page=12).
#### 1.4.1 Les sources écrites
##### 1.4.1.1 Les sources nationales
* **La Constitution**: acte fondateur de l'État de droit, elle est la "loi des lois" et se situe au sommet de la hiérarchie des normes. Elle organise l'État, limite le pouvoir des gouvernants et garantit les libertés individuelles. Sa révision est difficile, assurant une sécurité juridique [13](#page=13) [14](#page=14).
* **La loi**: acte du Parlement, la loi est une norme écrite de différentes natures (organique, de finance, etc.). Elle est inférieure à la Constitution et au droit européen/international. Son domaine est fixé par l'article 34 de la Constitution [14](#page=14).
* **Les règlements**: émis par le pouvoir exécutif (Premier ministre, ministres, préfets, maires), ils comprennent les décrets et les arrêtés. Les ordonnances sont prises par le gouvernement sur habilitation du Parlement [15](#page=15).
##### 1.4.1.2 Les sources internationales
* **Les conventions internationales**: traités conclus entre États, ils deviennent droit français dès leur publication et ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l'autre partie (Art. 55 de la Constitution). Les étapes pour qu'un traité devienne droit français sont la signature, la ratification et la publication [15](#page=15).
* **Le droit de l'Union européenne**: composé du droit primaire (les traités) et du droit dérivé (directives et règlements), il a une application directe ou indirecte en droit national [16](#page=16).
* **Le droit européen des droits de l'homme**: la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) garantit des droits fondamentaux et est interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme [16](#page=16).
#### 1.4.2 Les sources non-écrites
##### 1.4.2.1 La coutume
La coutume est une règle de droit qui émane de pratiques répétées et suivies par conviction qu'elles sont obligatoires. Elle peut exister *secundum legem* (conformément à la loi), *praeter legem* (comblant une lacune de la loi) ou *contra legem* (évincant la loi, bien que rare en droit français). Les usages sont des pratiques professionnelles ou de groupe, distinctes de l'habitude individuelle [17](#page=17) [18](#page=18).
##### 1.4.2.2 La jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les cours et tribunaux français. Bien que la France soit un pays de droit écrit, la jurisprudence joue un rôle important dans l'interprétation et l'application du droit [18](#page=18).
##### 1.4.2.3 Les principes généraux du droit
Il s'agit de grands principes non écrits, reconnus en droit public et droit civil, qui guident l'interprétation et la création des règles de droit (ex: liberté du mariage, égalité du partage) [19](#page=19).
##### 1.4.2.4 La doctrine
La doctrine, représentée par les universitaires, analyse, critique et propose des réformes du droit. Elle n'a pas de pouvoir normatif direct mais une autorité savante qui peut influencer le droit [19](#page=19).
### 1.5 La problématique de la validité des normes
La conformité des normes entre elles pose un problème de validité, résolu par la hiérarchie des normes théorisée par Hans Kelsen [20](#page=20).
#### 1.5.1 Le principe hiérarchique
Selon ce principe, chaque norme tire sa validité d'une norme supérieure, formant une pyramide juridique [20](#page=20).
#### 1.5.2 La mise en œuvre du principe hiérarchique
* **Ordre interne**: La Constitution prime sur la loi, contrôlée par le Conseil Constitutionnel (contrôle *a priori* et *a posteriori* avec la QPC). La loi prime sur le règlement, dont le contrôle relève du juge administratif (contrôle de légalité). La Constitution prime sur les règlements [21](#page=21).
* **Entre ordre interne et international**: Les traités internationaux sont supérieurs aux lois (contrairement à la position historique du Conseil Constitutionnel). Le droit de l'Union européenne a une primauté sur le droit national, à l'exception de la Constitution [22](#page=22).
### 1.6 Les systèmes juridiques dans le monde
Le droit est divisé et influencé par des facteurs historiques et culturels propres à chaque État [26](#page=26).
#### 1.6.1 Les grands systèmes juridiques
* **Système de droit romano-germanique**: Caractérisé par l'importance de la loi, la codification et l'héritage du droit romain. Il est présent en France et dans de nombreux pays européens et latino-américains [31](#page=31) [32](#page=32).
* **Système de common law**: Basé sur la jurisprudence (*judge made law*) et le principe du précédent, il est né en Angleterre et s'est étendu dans les pays du Commonwealth et aux États-Unis. Il tend de plus en plus vers le droit écrit et la codification [32](#page=32) [33](#page=33).
* **Système de droit religieux**: Le texte religieux (Coran, Torah, droit canonique) sert de norme juridique étatique. Ces systèmes peuvent présenter une certaine rigidité face aux évolutions [33](#page=33) [34](#page=34).
#### 1.6.2 Le droit international et le droit de l'UE
Le droit international public régit les rapports entre États, tandis que le droit international privé règle les conflits de lois dans les situations comportant un élément d'extranéité. Le droit de l'Union européenne harmonise les législations des États membres [16](#page=16) [30](#page=30).
> **Tip:** Comprendre la distinction entre droit public et droit privé est fondamental pour appréhender la structure et le fonctionnement du système juridique français. N'oubliez pas que cette distinction, bien que classique, peut présenter des zones de porosité avec des droits hybrides comme le droit de l'environnement [28](#page=28).
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# L'application et l'interprétation du droit
Ce chapitre explore la manière dont le droit est appliqué dans l'espace et dans le temps, ainsi que les processus par lesquels les juges interprètent les règles juridiques.
### 2.1 Appliquer le droit
L'application du droit soulève des questions pratiques liées à sa portée territoriale et temporelle, ainsi qu'à sa compréhension par les citoyens.
#### 2.1.1 Application dans l'espace
L'application du droit dans l'espace concerne la délimitation des compétences juridiques à l'intérieur et à l'extérieur des frontières d'un État. La notion de frontière est fondamentale pour organiser ces compétences [35](#page=35).
* **Éléments d'extranéité**: À l'intérieur du territoire français, certaines situations peuvent impliquer des éléments de droit étranger, rendant l'application de la loi moins aisée. Par exemple, des individus de nationalités différentes se mariant à l'étranger puis souhaitant divorcer en France soulèvent des questions complexes de droit international privé [35](#page=35).
* **Internationalisation du droit**: Les conflits de lois et de normes sont fréquents et sont régis par des règles de résolution de conflits, souvent issues de textes internationaux comme la Convention de Vienne sur les ventes internationales de marchandises. En l'absence de telles règles, le juge peut être amené à appliquer son propre droit national [35](#page=35).
* **Normes d'application directe**: Certaines normes, comme l'article 3, alinéa 3 du Code civil concernant les lois sur l'état et la capacité des personnes, précisent elles-mêmes quel droit appliquer aux Français, même résidant à l'étranger [36](#page=36).
* **Fraude à la loi**: L'application du droit français peut être imposée en cas de fraude à la loi, par exemple si une personne tente d'échapper à une loi française en se naturalisant dans un autre pays pour contourner des règles relatives au divorce [36](#page=36).
#### 2.1.2 Application dans le temps
L'application du droit dans le temps concerne l'entrée en vigueur et la sortie de vigueur des normes juridiques [36](#page=36).
##### 2.1.2.1 Entrée en vigueur
L'entrée en vigueur d'un texte juridique marque le début de sa période d'application effective [36](#page=36).
* **Publication**: La publication au Journal Officiel est une condition préalable nécessaire à l'entrée en vigueur d'un texte, car elle présume la connaissance de la loi par tous ("Nul n'est censé ignorer la loi"). L'article 1er du Code civil stipule que toutes les lois et les actes administratifs publiés au JO entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication [36](#page=36).
* **Délais d'application**: L'entrée en vigueur peut être reportée si l'exécution du texte nécessite des mesures d'application spécifiques, comme un décret [36](#page=36).
* **Cas d'urgence**: En cas d'urgence, les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs ordonnés par le Gouvernement entrent en vigueur dès leur publication [36](#page=36).
> **Tip:** Avant 2004, des délais d'entrée en vigueur différenciés existaient, notamment en raison des territoires éloignés [37](#page=37).
##### 2.1.2.2 Sortie de vigueur (abrogation)
La sortie de vigueur d'une norme, appelée abrogation, marque sa disparition de l'ordonnancement juridique.
* **Textes à durée déterminée**: Certains textes prévoient leur propre date de fin, comme les lois expérimentales ou temporaires [37](#page=37).
* **Textes à durée indéterminée**: La plupart des textes sont conçus pour une application perpétuelle, sauf abrogation [37](#page=37).
* **Modes d'abrogation** :
* **Abrogation expresse**: Un nouveau texte abroge explicitement un texte ancien de nature équivalente [38](#page=38).
* **Abrogation tacite**: Les anciennes dispositions entrent en contradiction avec les nouvelles, entraînant leur disparition implicite, ce qui peut poser des problèmes de sécurité juridique [38](#page=38).
* **Contrôle du juge**: Le juge constitutionnel ou administratif peut également prononcer l'abrogation d'un texte par voie d'action [38](#page=38).
* **Rétroactivité des lois nouvelles**: En principe, la loi nouvelle ne s'applique pas rétroactivement, surtout en droit pénal. Cependant, cette règle est plus souple dans d'autres domaines du droit [38](#page=38).
* Les lois nouvelles plus douces ou accordant de nouveaux droits peuvent être rétroactives [38](#page=38).
* Les lois interprétatives, qui précisent le sens d'une loi antérieure, sont souvent considérées comme rétroactives, bien que cette rétroactivité ne soit pas absolue et puisse être censurée par la Cour de cassation [38](#page=38).
* **Situations en cours** :
* **Situations non contractuelles**: La loi nouvelle s'applique immédiatement [39](#page=39).
* **Situations contractuelles**: Le principe de survie de la loi ancienne est généralement appliqué [39](#page=39).
> **Tip:** Les normes nouvelles peuvent contenir des dispositions transitoires pour résoudre les conflits de lois dans le temps. En leur absence, l'article 2 du Code civil s'applique [38](#page=38).
### 2.2 Connaître le droit
Accéder au droit, le connaître et le comprendre sont des enjeux majeurs, accentués par l'augmentation constante du volume des lois. Le principe d'accessibilité des normes du droit, d'origine constitutionnelle, impose que le droit soit compréhensible tant sur le plan matériel (où se renseigner) qu'intellectuel [39](#page=39).
#### 2.2.1 Accéder au texte
L'accès au droit s'est historiquement fait par des moyens de diffusion publique.
* **Journal Officiel (JO)**: Le principal moyen d'accès aux textes de droit est la publication au Journal Officiel, pour le droit national et européen (JOUE) [39](#page=39).
* **Eurlex**: Les plateformes comme Eurlex facilitent l'accès aux normes codifiées, le droit français étant codifié à environ 60% [39](#page=39).
#### 2.2.2 Comprendre le texte
La compréhension du droit s'adresse à la fois aux citoyens et aux pouvoirs publics.
* **Citoyens**: Ils sont soumis à une présomption de connaissance du droit, et leur ignorance, même involontaire, ne peut les exempter de son application [39](#page=39).
* **Pouvoirs publics**: Le législateur et les autorités doivent faire un effort pour rendre les textes compréhensibles dès la première lecture. La mauvaise qualité rédactionnelle, due à la rapidité de rédaction ou à un excès de technicité, peut rendre les textes inintelligibles, même pour les juristes [40](#page=40).
* **Légistique**: L'étude de la qualité de la loi (légistique) vise à améliorer la rédaction des textes. Depuis 1995, les projets de loi s'accompagnent d'une étude d'impact évaluant leurs conséquences [40](#page=40).
> **Exemple:** L'article 222-16 du Code pénal illustre l'importance de la ponctuation dans la compréhension d'une loi: la présence ou l'absence d'une virgule peut modifier la portée de la règle [40](#page=40).
### 2.3 Interpréter le droit
Le rôle du juge est fondamental dans l'application du droit, qui passe nécessairement par son interprétation. La judiciarisation croissante de la société fait du juge un régulateur social et un acteur façonnant les politiques publiques [40](#page=40) [41](#page=41).
#### 2.3.1 Le rôle du juge et la judiciarisation
Les juges interviennent pour résoudre les conflits et compenser les défaillances des pouvoirs publics. L'interprétation du droit par le juge implique la recherche de son sens, un contrôle de la règle et une appréciation factuelle [41](#page=41).
#### 2.3.2 La qualification des faits
L'interprétation du droit ne se limite pas aux règles; elle concerne également les faits. Il s'agit de les adapter à des catégories juridiques (qualification des faits), ce qui peut nécessiter une appréciation extensive ou restrictive du droit [41](#page=41).
> **Exemple:** L'échange d'un bien peut être qualifié juridiquement de vente, de prêt, de donation, ou même de vol en droit pénal, ce qui rend la qualification des faits une étape délicate pour le juge [41](#page=41).
#### 2.3.3 La question préjudicielle et le syllogisme juridique
* **Question préjudicielle**: Un juge peut être amené à interroger un autre juge, notamment d'une juridiction supérieure ou européenne, pour obtenir l'interprétation d'une norme qu'il ne peut interpréter lui-même. Durant cette attente, il sursoit à statuer [41](#page=41).
* **Syllogisme juridique**: C'est l'étape intellectuelle clé de l'application du droit, consistant à passer de la règle de droit à son application aux faits. Il se compose de la majeure (la règle de droit) et de la mineure (l'application de la règle aux faits qualifiés et établis), aboutissant à une conclusion (la solution finale) [42](#page=42).
> **Tip:** Le syllogisme juridique est un outil quotidien pour tous les professionnels du droit [42](#page=42).
#### 2.3.4 La preuve
Avant de parvenir à une conclusion, le juge doit départager les arguments des parties, qui sont souvent des interprétations divergentes des faits et du droit. Le juge doit se fonder sur des preuves pour établir la vérité juridique [42](#page=42).
* **Liberté de la preuve**: En principe, toute preuve peut être rapportée, quelle que soit sa nature (témoignages, écrits, ADN, indices...), à condition qu'elle soit licite (ne pas léser autrui) et loyale (pas par provocation à l'infraction) [42](#page=42).
* **Principe du contradictoire**: La preuve doit être soumise à la contestation de l'autre partie [43](#page=43).
* **Preuve légale**: Dans des cas très précis, la loi impose des moyens de preuve spécifiques, comme la nécessité d'un écrit pour prouver une dette supérieure à mille cinq cents dollars [43](#page=43).
* **Appréciation des preuves**: C'est le juge qui a le dernier mot pour admettre ou non une preuve. Dans le système de la preuve libre, le juge a une grande marge d'appréciation, tandis que dans le système de la preuve légale, sa marge est réduite [43](#page=43).
#### 2.3.5 Méthodes d'interprétation
Diverses méthodes permettent aux juges d'interpréter les normes juridiques.
* **Méthode de l'exégèse**: L'interprétation littérale et stricte du texte, sans l'étendre ni le restreindre [43](#page=43).
* **Méthode téléologique**: Recherche de l'intention de l'auteur du texte, en consultant les travaux préparatoires (débats parlementaires, études d'impact) pour comprendre le "ratio legis" (la raison d'être de la loi) [43](#page=43).
* **Précédent**: Consultation de la jurisprudence, c'est-à-dire des décisions antérieures des juges sur des questions similaires [44](#page=44).
* **Interprétation conforme**: Recherche du sens d'une norme en la conformant aux normes supérieures (Constitution, droit européen) [44](#page=44).
* **Doctrine**: Les écrits des universitaires et professeurs de droit peuvent éclairer le juge, bien que leur influence soit plus indirecte, surtout pour les plus hautes juridictions [44](#page=44).
> **Tip:** Au-delà de la méthode, l'interprétation du juge est souvent orientée par des objectifs particuliers (progrès économiques, paix sociale, cohérence du droit) [44](#page=44).
L'interprétation du droit, tout comme la notion de justice (symbolisée par Thémis, la balance et le glaive), est une quête d'équilibre et d'application impartiale de la force du droit [44](#page=44).
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# La notion et l'organisation de la justice
Ce sujet aborde la complexité de la notion de justice, ses symboles, ses fondements philosophiques et juridiques, ainsi que l'organisation des institutions judiciaires en France.
### 3.1 La notion de justice : un idéal aux multiples facettes
La justice est une notion complexe, difficile à définir de manière univoque. Elle est souvent associée à des symboles forts comme Thémis, la déesse de la justice, dont les yeux bandés représentent l'impartialité et la neutralité, la balance symbolisant la recherche de l'équilibre, et le glaive l'autorité et la force d'application des décisions judiciaires [44](#page=44).
#### 3.1.1 Les fondements philosophiques et juridiques
Depuis l'Antiquité, les philosophes s'interrogent sur la justice. Aristote, dans son œuvre "Éthique à Nicomaque", la considère avant tout comme une vertu, une qualité morale. Les juristes, bien qu'opposés sur certaines interprétations, s'accordent à dire que la justice représente une institution (les cours et tribunaux). Elle peut être vue comme un idéal, une mission ou une fonction, celle de "rendre justice" [45](#page=45).
Cicéron définit la loi comme "le discernement des choses justes et des injustices" suggérant que le droit est un moyen de parvenir à la justice, qui est la finalité du droit [45](#page=45).
> **Tip:** Il est crucial de distinguer le droit (l'ensemble des règles) de la justice (la finalité recherchée par ces règles).
#### 3.1.2 Les différentes conceptions de la justice
Plusieurs conceptions de la justice coexistent :
* **Un idéal et une mission:** La justice vise à défendre des valeurs fondamentales telles que la liberté, l'égalité, la dignité, la sécurité et la stabilité sociale ou économique. Elle est souvent définie comme "ce qui est idéalement juste et conforme aux exigences de l'équité et de la raison". Elle est perçue comme un sentiment, une vertu, un idéal, un bienfait ou une valeur [46](#page=46).
* **La conception formelle:** Elle repose sur le principe de l'égalité devant la loi, garantissant un traitement identique pour tous [46](#page=46).
* **La conception d'équilibre (équité):** Cette approche vise à donner à chacun ce qui lui est dû, en tenant compte de sa situation particulière. Elle peut se décliner en justice commutative (échange) et distributive (répartition) [46](#page=46).
> **Example:** L'histoire du Jugement de Salomon illustre la complexité de l'équité, où le roi doit discerner la vérité entre deux femmes réclamant le même enfant [46](#page=46).
Selon Jouette, la justice passe par la recherche d'un bien commun, visant à maintenir l'équilibre social, préserver le droit pour favoriser le progrès, la sécurité, la santé et la dignité. Cependant, ces objectifs peuvent entrer en conflit avec d'autres considérations considérées comme justes [46](#page=46).
#### 3.1.3 Le sens de l'injustice et la désobéissance civile
Paul Ricœur souligne que l'on est souvent plus sensible à l'injustice qu'à la justice, car l'injustice est plus fréquemment ce qui règne, tandis que la justice est ce qui manque. Le sentiment d'injustice est souvent le moteur de la désobéissance [47](#page=47).
* **La désobéissance civile:** Il s'agit du refus non-violent, collectif et public d'obéir à une obligation légale ou réglementaire au motif qu'elle violerait un principe supérieur. Le but est de se faire sanctionner afin que la légitimité de l'obligation soit examinée en justice. Gandhi est un exemple emblématique de désobéissance civile. Bien que souvent considérée comme nocive par les pouvoirs publics, la désobéissance civile est propre à un État de droit démocratique et permet de promouvoir le progrès et l'innovation [47](#page=47).
#### 3.1.4 Le légal versus le légitime
Deux grands courants de pensée s'opposent quant à la relation entre le légal et le légitime :
* **Le positivisme juridique:** Il considère le droit comme le droit positif, un processus étatique hermétique aux faits sociaux. Ce courant peut mener à une adhésion aveugle au droit, même s'il est injuste (comme le droit nazi) [47](#page=47).
* **L'idéalisme juridique (Jusnaturalisme):** Ce courant postule l'existence de principes de justice supérieurs au droit positif, qui doivent guider son application et, si nécessaire, le contester. Il prône l'art du bon et de l'équitable et la recherche d'expressions claires de ce que demande la justice dans diverses situations [47](#page=47) [48](#page=48).
### 3.2 L'organisation de la justice en France : les institutions
L'organisation judiciaire française est divisée en deux ordres principaux: l'ordre administratif et l'ordre judiciaire [48](#page=48).
#### 3.2.1 L'ordre administratif
Cet ordre traite des litiges opposant les citoyens à l'administration publique [48](#page=48).
* **Les juridictions administratives:** Elles comprennent les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel [48](#page=48).
* **Le Conseil d'État:** Il est la plus haute juridiction administrative en France, assurant à la fois un rôle consultatif auprès du gouvernement et un rôle de juge suprême [48](#page=48).
#### 3.2.2 L'ordre judiciaire
Cet ordre gère les litiges entre personnes privées (juridictions civiles) et les affaires pénales (juridictions pénales) [48](#page=48).
* **Les juridictions civiles:** Elles sont divisées en juridictions du premier degré (tribunaux judiciaires, tribunaux de commerce, conseils de prud'hommes) et juridictions du second degré (cours d'appel) [48](#page=48).
* **Les juridictions pénales:** Elles comprennent les tribunaux de police, les tribunaux correctionnels, les cours d'assises, ainsi que d'autres juridictions spécialisées [48](#page=48).
#### 3.2.3 Les personnels de la justice
Les acteurs du système judiciaire comprennent :
* **Les magistrats:** Juges et procureurs, ils sont les représentants de l'autorité judiciaire [48](#page=48).
* **Les avocats:** Ils représentent et défendent les parties en justice [48](#page=48).
* **Les auxiliaires de justice:** Ils regroupent diverses professions comme les notaires, les huissiers de justice, les greffiers, etc., qui concourent à l'administration de la justice [48](#page=48).
Le processus judiciaire implique également de comprendre comment saisir la justice (action, instance) et comment sont rendues les décisions [48](#page=48).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Droit positif | L'ensemble des règles juridiques applicables à un moment donné dans un État, produites par le législateur et interprétées par le juge. Il s'oppose au droit tel qu'il devrait être ou tel qu'il pourrait être. |
| Règle de droit | Norme sociale obligatoire qui organise les conduites individuelles et collectives au sein d'une société. Elle se caractérise par sa généralité, sa permanence, son caractère impératif et sa sanction. |
| Sanction | La réaction de la société ou de l'État face à la violation d'une règle de droit. Elle peut prendre différentes formes, allant de la peine (en droit pénal) à l'exécution forcée ou à la nullité d'un acte. |
| Droit public | Branche du droit qui régit les relations entre l'État ou les administrations et les administrés, ainsi que l'organisation des pouvoirs publics. Il vise à satisfaire l'intérêt général. |
| Droit privé | Branche du droit qui organise les rapports entre les personnes privées (physiques ou morales), qu'il s'agisse de leurs relations familiales, patrimoniales ou professionnelles. Il vise à satisfaire l'intérêt privé. |
| Juridiction | Organe chargé de dire le droit et de trancher les litiges. Les juridictions sont organisées en ordres distincts (judiciaire et administratif) et hiérarchisées en degrés (première instance, appel, cassation). |
| Procédure | Ensemble des règles qui encadrent le déroulement d'un procès, depuis la saisine du juge jusqu'à l'exécution des décisions de justice. Elle vise à garantir le bon déroulement de la justice et le respect des droits des parties. |
| Codification | Phénomène législatif de rassemblement, de fixation, de clarification, de rénovation et/ou d'unification des règles de droit relatives à une matière donnée au sein d'un corpus unique ayant valeur de loi. |
| Jurisprudence | Ensemble des décisions rendues par les cours et tribunaux français. Elle contribue à l'interprétation et à l'application du droit, et peut parfois influencer l'évolution des règles juridiques. |
| Doctrine | Ensemble des opinions et analyses émises par les universitaires et les juristes sur le droit. Bien qu'elle n'ait pas de force juridique contraignante en France, la doctrine joue un rôle important dans la compréhension, la critique et le développement du droit. |
| Syllogisme juridique | Méthode de raisonnement déductif utilisée par les juristes pour appliquer une règle de droit à des faits concrets. Il se compose de deux prémisses (la majeure qui énonce la règle de droit, et la mineure qui applique la règle aux faits) aboutissant à une conclusion. |
| Ladite loi | Désigne la loi en question, celle qui vient d'être mentionnée ou qui fait l'objet de la discussion. C'est une tournure juridique formelle. |
| Somme | Dans un contexte juridique, le terme "somme" peut faire référence à un montant d'argent, notamment dans le cadre d'une obligation ou d'une condamnation. |
| Rétroactivité | Effet d'une loi nouvelle qui s'applique à des situations juridiques nées avant son entrée en vigueur. La rétroactivité est en principe exclue en droit pénal, sauf si la loi nouvelle est plus douce. |
| Laïcité | Principe de neutralité de l'État et des services publics vis-à-vis de toutes les religions. En France, la laïcité garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, tout en assurant la séparation de l'Église et de l'État. |
| Souveraineté | Principe selon lequel un État est indépendant et dispose du pouvoir suprême sur son territoire et sa population, sans être soumis à une autorité extérieure. |
| Common law | Système juridique né en Angleterre, basé sur la jurisprudence et le principe du précédent. Le droit est principalement créé par les juges à travers leurs décisions, contrairement au système de droit civil qui repose sur la loi écrite. |
| Droit Romano-germanique | Système juridique présent dans de nombreux pays européens et latino-américains, qui s'est construit sur la base du droit romain et du droit germanique. La loi écrite et les codes y occupent une place prépondérante. |