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Summary
# Introduction à la géographie économique et son évolution épistémologique
La géographie économique analyse les aspects spatiaux des activités économiques en examinant la production, la consommation et l'échange de biens, en utilisant des concepts économiques replacés dans leur contexte spatial pour comprendre la localisation des activités et des personnes [8](#page=8).
### 1.1 Organisation du cours et thèmes abordés
Le cours de géographie économique comprend 18 heures de cours magistraux et est accessible via Moodle. L'évaluation se fait par un contrôle terminal écrit de 2 heures en fin de semestre. Les thèmes abordés couvrent l'épistémologie de la discipline, les théories de localisation, les productions primaires, les énergies, le bâtiment, l'industrie, et le secteur tertiaire, en intégrant des enjeux géopolitiques et en faisant le lien avec d'autres branches de la géographie. Des notions telles que le développement, la pauvreté, le marketing territorial, l'environnement et l'économie, ainsi que les relations entre production, rentabilité et travail sont également explorées, à différentes échelles [2](#page=2) [3](#page=3) [4](#page=4).
### 1.2 Conseils et bibliographie
Il est conseillé de consulter des ouvrages de base sur l'économie et la géographie économique, de suivre l'actualité économique mondiale, de s'informer auprès de sources fiables et variées, et de lire des publications comme Le Monde, Le Monde diplomatique, ou Alternatives économiques. Une bibliographie détaillée est proposée, incluant des travaux classiques et contemporains dans le domaine (#page=6, 7) [5](#page=5) [6](#page=6) [7](#page=7).
### 1.3 Définitions et définitions alternatives de la géographie économique
La géographie économique est définie comme le carrefour entre la géographie et l'économie, analysant les aspects spatiaux des activités économiques. Elle utilise des concepts économiques en les replaçant dans leur rapport à l'espace pour expliquer la localisation des activités et des personnes qui y sont liées. Une définition plus "économique" la décrit comme l'étude de la distribution des ressources et des richesses, de la localisation des productions, des régions économiques et de l'orientation des échanges, en faisant appel à des facteurs physiques, sociaux, religieux, économiques, politiques et historiques. Elle fait partie de la géographie humaine et s'est développée particulièrement dans les années 1960-70 en France, avant d'être potentiellement intégrée à d'autres domaines comme l'aménagement du territoire [11](#page=11) [8](#page=8).
> **Tip:** La géographie économique cherche à comprendre *pourquoi* les activités économiques sont situées *où* elles le sont, en tenant compte de multiples facteurs.
Malgré une possible perte de visibilité en tant que discipline distincte, la dimension économique est bien présente dans plusieurs commissions du Comité National Français de Géographie (CNFG), telles que la géographie du numérique, le commerce, le développement, les transports, le tourisme, ou la géographie politique. D'autres commissions comme la géographie rurale, urbaine, culturelle, tropicale, féministe ou critique intègrent également une dimension économique dans leurs analyses [9](#page=9).
### 1.4 L'évolution épistémologique de la géographie économique
L'évolution de la géographie économique peut être divisée en trois grandes périodes [12](#page=12):
#### 1.4.1 Avant 1870 : Explication des différentiels de richesse
Cette période voit émerger différentes écoles de pensée cherchant à comprendre les disparités économiques entre les nations [12](#page=12).
* **Mercantilistes (XVIe-XVIIIe siècles)**: Ils prônent une intervention étatique forte pour accroître la richesse nationale par le protectionnisme, l'octroi de monopoles et le développement des transports. Les facteurs clés de croissance identifiés sont l'abondance de main-d'œuvre, de numéraire (argent) et l'intervention de l'État, notamment dans le commerce extérieur [13](#page=13).
* **Physiocrates (XVIIIe siècle)**: En opposition aux mercantilistes, ils défendent le "laisser-faire" et le respect des lois naturelles de l'économie. Ils estiment que l'intervention étatique est inutile, car l'économie est gouvernée par des lois universelles. Ils prônent la liberté du commerce et de l'industrie, et la suppression des barrières douanières [13](#page=13).
* **Classiques (fin XVIIIe - début XIXe siècle)**: Des économistes comme Adam Smith, David Ricardo, Thomas Malthus et John Stuart Mill, ainsi qu'en France Condillac, Turgot, Say et Bastiat, défendent le libéralisme économique. Ils placent la valeur des marchandises dans le travail (Smith, Ricardo, Marx) ou dans l'utilité subjective (classiques français), annonçant les économistes marginalistes [14](#page=14).
* **David Ricardo** (1772-1823) a mis en avant les gains à l'ouverture des frontières, chaque pays devant produire ce qui correspond le mieux à ses avantages naturels ou artificiels pour ensuite échanger [15](#page=15).
* **École historique allemande (et Max Weber)**: Elle établit un lien entre le protestantisme, l'accumulation capitaliste et le développement économique, suggérant que la culture protestante moins "culpabilisante" envers la richesse a favorisé l'investissement des capitaux durant la révolution industrielle [16](#page=16).
* **C. Ritter** (1779-1859) a décrit les activités économiques en tenant compte de l'influence des conditions naturelles et de l'amélioration des transports [16](#page=16).
* **Karl Marx** dans "Le Capital" analyse l'accumulation du capital, l'extorsion de la plus-value, la lutte des classes et l'évolution des modes de production [16](#page=16) .
#### 1.4.2 1870-1970 : Naissance de la géographie économique française
Cette période est marquée par l'essor de la discipline en France, influencée par diverses approches économiques [17](#page=17).
* **Conception néo-classique de l'économie (milieu XIXe s.)**: L'analyse se focalise sur le marché et tend vers l'équilibre, comme développé par Léon Walras (théorie de l'équilibre général) (#page=17, 18). L'économie spatiale, avec des auteurs comme August Lösch, étudie l'influence des distances sur la distribution géographique de l'activité économique, souvent par des approches mathématiques [17](#page=17) [18](#page=18).
* **Approche macroéconomique (M. Keynes, J. Schumpeter)**: Elle s'intéresse au fonctionnement de l'économie dans son ensemble, par opposition à la microéconomie néo-classique [17](#page=17).
* **Courant marxiste (années 1960-70)**: Il analyse les mécanismes du développement inégal et aboutit à la théorie de la Division Internationale du Travail (DIT) [17](#page=17).
* **Prise en compte de l'économique dans l'École française de géographie**: Des géographes comme P. Vidal de la Blache, J. Brunhes, A. Demangeon et E. de Martonne s'intéressent à l'essor des régions industrielles et urbaines, au rôle des transports et à l'inventaire des ressources. L'objet initial était de décrire l'utilisation productive des ressources et les flux d'échanges, expliquant les spécialisations par une distribution inégale des ressources [19](#page=19).
* **E. Friedrich** développe le concept de "Raubwirtschaft" (pillage de l'économie), différenciant prélèvements sur ressources renouvelables et extraction minière [21](#page=21).
* **P. George** publie en 1956 son "Précis de géographie économique", premier ouvrage de géographie économique en France, visant à servir la planification [21](#page=21).
* **Théorie des lieux centraux de W. Christaller**: Reconnue en France à partir des années 1950, elle contribue à une compréhension spatiale des activités économiques [22](#page=22).
* **Années 1960**: La géographie économique devient une science de la distance, avec une attention accrue portée à l'échange d'informations et à la diffusion des innovations (École de Lund). La discipline aspire à devenir une science de l'espace, capable d'établir des lois et des modèles pour prévoir les évolutions et s'appliquer à l'aménagement du territoire [22](#page=22).
#### 1.4.3 Depuis 1970 : Approches contemporaines
Depuis 1970, la géographie économique connaît une diversification et un enrichissement de ses approches [23](#page=23).
* **Une approche plus large de l'économie** :
* L'idéal d'équilibre est progressivement abandonné au profit d'objectifs explicatifs, affinant la notion de comportements rationnels et intégrant des aspects sociaux, identitaires et culturels [23](#page=23).
* La chute des pays socialistes en 1989 entraîne une prise de conscience de la diversité des économies de marché et remet en cause la notion d'autorégulation du marché, tout en soulignant le rôle crucial des acteurs (État, rapports sociaux, institutions) [23](#page=23).
* L'étude des organisations, par exemple celle de R. Salais dans les années 1970, met l'accent sur les compromis et accords, adoptant une approche plus culturelle (culture d'entreprise, négociations sociales) [24](#page=24).
* Karl Polanyi met en évidence l'existence d'autres formes d'échange que le marché marchand, comme la réciprocité (don/contre-don) et la redistribution (par des ONG) [24](#page=24).
* **La notion d'espace revue et revisitée** :
* La notion d'espace ne se limite plus au coût du transport, mais intègre les distances-temps (accélérés par les TGV, avions), les distances-coûts, et les distances perçues (prestige des grandes villes) [25](#page=25).
* La notion de milieu (environnement) est réintégrée via les réflexions sur le développement durable, encourageant les approvisionnements locaux [25](#page=25).
* En économie internationale, l'amélioration des communications renforce l'importance de l'hétérogénéité spatiale, étudiée par Paul Krugman dans la "new economic geography" [25](#page=25).
* **Influence des sciences économiques sur la géographie économique** :
* Les géographes néo-marxistes évoluent face à l'ascension de certaines périphéries (comme les "4 dragons" d'Asie du Sud-Est), conduisant à une vision plus nuancée du développement inégal [26](#page=26).
* Le passage du système de production fordiste au régime flexible et au mode de production post-fordiste (à partir du milieu des années 1970) favorise l'émergence de districts industriels [26](#page=26).
* **Évolution des modèles de production**: Du Taylorisme (organisation scientifique du travail, 1880) au Fordisme (travail à la chaîne, production de masse, 1908) jusqu'au **Post-fordisme** caractérisé par la flexibilité, la variété de l'offre, et le "juste-à-temps" [27](#page=27) [29](#page=29).
* Les grandes firmes se développent en intégrant des coopérations en réseau, menant à l'étude des technopoles et des pôles de compétitivité (#page=30, 31) [30](#page=30) [31](#page=31).
* Ces pôles (comme "Vegepolys Valley" à Angers ou ceux autour de l'aéronautisme à Toulouse) associent formation, recherche et entreprises, recentrés sur des filières d'excellence (#page=31, 32) [31](#page=31) [32](#page=32).
> **Example:** Le pôle de compétitivité "Vegepolys Valley" à Angers illustre la synergie entre formation, recherche et entreprises dans le secteur végétal, visant à stimuler l'innovation et le développement local [31](#page=31).
#### 1.4.4 Autres influences sur la géographie économique
* **Géographie culturelle**: Elle analyse les systèmes de significations, les idéologies, les représentations et les discours des individus et des groupes, ainsi que leur perception et le sens qu'ils attribuent à leur environnement et à leur territoire [35](#page=35).
* **Allen J. Scott** est une figure majeure de la géographie économique, s'intéressant à l'économie culturelle, aux industries culturelles (cinéma, mode, luxe) et à la ville mondialisée, distinguant biens "mobiles" et "immobiles" [36](#page=36).
* **Géographie radicale**: D'inspiration marxiste (années 1970), elle dénonce les rapports de classes masqués par la géographie "officielle" et prône l'engagement auprès des minorités et des classes opprimées [37](#page=37).
* **D. Harvey** a travaillé sur le racisme, la pauvreté et la justice environnementale, initiant des réflexions sur la postmodernité [37](#page=37).
* **D. Massey**, pionnière de la géographie féministe ("gender studies"), a influencé la géographie économique en abordant les questions de genre dans le monde du travail [37](#page=37).
* **Géographie postmoderne**: Née de la géographie radicale (années 1980), influencée par des penseurs comme Foucault et Derrida, elle remet en cause la neutralité et l'universalité de la raison et de la science, considérées comme des constructions sociales cachant des rapports de pouvoir. Elle prône une analyse ancrée dans un point de vue interne au groupe étudié, menant à une multiplicité des discours et des points de vue [38](#page=38).
### 1.5 Conclusion sur les évolutions épistémologiques
Les approches contemporaines en géographie économique privilégient une vision polycentrique, intégrant les perspectives féministes, d'autres modes d'échange que le marché (don/contre-don) et des visions de l'économie non occidentales. Elles reconnaissent les liens inextricables entre le social, l'économique, le politique et le culturel, et s'interrogent sur les fondements sociaux, culturels, religieux ou familiaux du sens que les individus accordent à l'économique, en opposition à une priorité unique donnée à la réussite matérielle. L'influence de l'ethnicité sur la réussite économique est également un sujet d'étude [39](#page=39).
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# Théories de la localisation des activités économiques
Ce chapitre explore les modèles classiques et contemporains expliquant où et pourquoi les activités économiques s'implantent, incluant les théories de Von Thünen, l'école de Chicago, Alfred Weber, et les concepts de lieux centraux et de diffusion des innovations. Ces théories visent à comprendre les processus complexes de localisation des activités économiques [40](#page=40) [69](#page=69).
### 2.1 Introduction aux théories de localisation
Jusqu'aux années 1960, la géographie économique était principalement descriptive et énumérative. Cependant, des commentaires visant à expliquer les localisations observées ont émergé, d'abord basés sur le milieu naturel, puis sur des facteurs humains. L'efficacité, définie comme l'écart entre l'avantage obtenu (recette) et l'effort consenti (coût), est un concept clé qui mène à la théorie de la valeur et à la détermination de la valeur des biens. L'utilité, représentant la satisfaction retirée d'un bien, est également fondamentale, avec le postulat que les agents économiques maximisent leur intérêt propre, que ce soit l'utilité pour un consommateur, l'utilité collective pour une collectivité, ou le profit pour un producteur [41](#page=41) [42](#page=42).
Les théories de localisation proposent deux approches: identifier la meilleure localisation pour une activité donnée, ou déterminer la meilleure activité à implanter en un lieu donné. Ces modèles, bien que simplifiés pour être compréhensibles, cherchent à analyser la réalité plutôt qu'à la reproduire fidèlement. Ils évoluent vers plus de complexité pour mieux se rapprocher des situations réelles [43](#page=43).
### 2.2 Les premiers modèles de localisation
#### 2.2.1 Johan Heinrich von Thünen (1783-1850): modèle des localisations agricoles .
Le modèle de Von Thünen, initialement conçu pour une activité agricole dont les surplus sont vendus dans une ville, postule que dans un milieu homogène, les choix individuels des agriculteurs créent un paysage d'anneaux concentriques autour de la ville. Chaque anneau est occupé par une culture spécifique, dans un ordre de rente foncière décroissante à mesure que l'on s'éloigne de la ville [44](#page=44).
> **Exemple actualisé de l'ordre des anneaux:** ceinture maraîchère (au plus près de la ville), puis fruitière, puis élevage, puis céréales, et enfin les forêts. Cette organisation reflète la notion de rente de localisation, où les productions nécessitant des soins plus fréquents et quotidiens sont situées à proximité (maraîchage, élevage laitier), tandis que celles demandant des interventions plus ponctuelles et transportables plus facilement (céréales) peuvent être plus éloignées. Les forêts, autrefois nécessaires pour le bois de chauffage difficile à transporter, se trouvaient également en périphérie [45](#page=45) [46](#page=46).
Le modèle illustre l'importance de l'accessibilité au marché, représentée par le coût de transport. La distance géographique, à elle seule, crée un paysage différencié même dans un espace homogène. La puissance organisatrice de la distance par rapport à un centre est ainsi mise en évidence [47](#page=47).
Le modèle peut être complexifié en considérant plusieurs marchés, des espaces hétérogènes, des coûts de transport variables, ou en abandonnant le postulat de prix fixes au marché. Bien qu'il explique l'organisation de l'espace agricole, il peut aussi s'appliquer à l'espace urbain, notamment pour expliquer la variation géographique de la rente foncière et la décroissance des densités urbaines du centre vers la périphérie [47](#page=47).
#### 2.2.2 Influence des modèles de la géographie urbaine : l'École de Chicago
L'École de Chicago a abordé la ville comme un système écologique complexe. E.W. Burgess a proposé un modèle de cercles concentriques de la ville, où la croissance urbaine entraîne une ségrégation de l'utilisation du sol résultant de processus de domination, d'invasion et de succession dans la compétition pour l'espace. Ce modèle postule une rente foncière globale décroissante du centre vers la périphérie, entraînant des densités de population et d'activités commerciales plus fortes au centre [49](#page=49) [53](#page=53).
L'évolution des modèles de l'École de Chicago a vu se succéder Burgess, Hoyt, et Harris & Ullmann. Les modèles ultérieurs ont ajouté une dimension sectorielle, reconnaissant l'importance des grands axes de communication qui concentrent les activités commerciales en raison de leur accessibilité. Le modèle polynucléaire, quant à lui, reconnaît l'existence de plusieurs centres secondaires en plus du centre-ville principal, tels que des places centrales dans les quartiers, des hubs de transport ou des centres commerciaux périphériques [51](#page=51) [53](#page=53).
La structure de l'espace urbain et le prix du sol sont intimement liés, avec une rente foncière décroissante du centre vers la périphérie, influençant la densité et le type d'activités présentes [54](#page=54).
#### 2.2.3 Alfred Weber (1868-1958): théorie de la localisation du producteur .
La théorie d'Alfred Weber postule qu'un producteur cherchant à maximiser son profit dans un espace hétérogène avec des marchés d'intrants et d'extrants transportables limités, des prix fixes et des coûts de transport proportionnels à la distance et à la quantité, trouvera sa localisation optimale en minimisant ses coûts de transport totaux [55](#page=55).
> **Représentation du modèle de Weber:** La localisation optimale (P) est recherchée au point qui minimise la somme des distances pondérées entre le producteur et ses lieux d'approvisionnement et de vente. Le poids est déterminé par les quantités de matières premières à transporter et les produits finis à livrer [56](#page=56) [57](#page=57).
Le modèle de Weber peut être élargi pour intégrer d'autres facteurs de localisation mesurables en termes de coûts de transport compensatoires, tels que la disponibilité des ressources ou de la main-d'œuvre. La proximité des marchés est également liée au coût de communication et de transport [57](#page=57).
> **Exemple du choix de localisation optimale d'une école:** Pour une école devant servir des villages A, B, et C avec des effectifs d'élèves respectifs de 4, 2, et 5, la localisation optimale est celle qui minimise la distance pondérée par le nombre d'élèves. Si un marché (ici, un village) a un poids supérieur à la somme des poids des autres marchés, il devient la localisation optimale. Un marché situé sur un point terminal du réseau n'est jamais optimal s'il n'est pas majoritaire absolu [57](#page=57).
#### 2.2.4 Walter Christaller et August Lösch: la théorie des lieux centraux .
Ces théories visent à expliquer la taille, le nombre et la localisation des villes en les considérant comme des pourvoyeuses de biens et services aux zones environnantes. Dans un espace géographique homogène, avec des agents maximisateurs, des prix fixes, des coûts de transport à charge du consommateur, et des économies d'échelle dans la production, il existe une portée maximale pour chaque bien, qui dicte l'espacement entre les producteurs. Il y a également un seuil de production sous lequel le bénéfice n'est pas dégagé. Ce seuil est faible pour les biens d'ordre inférieur (achetés fréquemment, comme le pain) et grand pour les biens d'ordre supérieur (produits par peu de villes, comme la haute couture) [58](#page=58).
Christaller, en observant le sud de l'Allemagne, a constaté une répartition régulière des villes moyennes, entourées de villes de tailles inférieures, elles-mêmes entourées de bourgs-villages offrant les services les plus courants. Les économies d'agglomération favorisent le regroupement de productions, créant une hiérarchie urbaine organisée. Les deux facteurs essentiels sont les économies d'échelle et la distance. Les déséconomies d'agglomération surviennent lorsque les densités trop élevées engendrent des surcoûts (loyers explosifs, embouteillages, pollutions) [59](#page=59) [60](#page=60).
> **Exemples de la hiérarchie urbaine liée à l'offre de services en France :**
> * **Baguette:** service de proximité, boulangeries présentes partout [63](#page=63).
> * **Poissons:** achetés occasionnellement, poissonneries dans les petites villes ou sur les marchés hebdomadaires [63](#page=63).
> * **Caviar:** bien de luxe acheté très rarement, disponible dans les épiceries fines des grandes villes [63](#page=63).
>
> Le même raisonnement s'applique aux services médicaux (médecin généraliste < ophtalmologiste < spécialiste de maladies rares) et culturels (bibliothèque < cinéma d'art et d'essai < musée spécialisé) [63](#page=63).
### 2.3 La diffusion des innovations et modèles contemporains
#### 2.3.1 L'École de Lünd et la diffusion des innovations dans l'espace
L'École de Lünd, un groupe de géographes suédois, s'intéresse à la manière dont les innovations se diffusent dans l'espace. Torsten Hägerstrand a introduit l'idée de diffusion spatiale, mettant en évidence des régularités temporelles et spatiales dans ces processus, ouvrant la voie à leur modélisation [65](#page=65).
Plusieurs conditions sont nécessaires à la diffusion spatiale d'une innovation :
* L'apparition d'une innovation apte au déplacement et à s'imposer [66](#page=66).
* La capacité du lieu d'apparition à devenir un foyer émetteur (lieu d'échange) [66](#page=66).
* L'existence d'un "milieu" d'accueil favorable à une propagation rapide (entrepreneurs) [66](#page=66).
* Une force de propagation suffisamment grande et une durée suffisante pour que l'interruption du processus soit peu probable [66](#page=66).
La diffusion spatiale privilégie certains canaux et procède largement par contagion dans le voisinage, les probabilités de contact diminuant rapidement avec la distance [66](#page=66).
> **Illustration de la diffusion spatiale:** Le modèle montre une propagation de l'innovation à travers l'espace au fil du temps, débutant dans un foyer central et s'étendant progressivement. Le gris foncé représente le premier temps de diffusion, et le gris clair le second temps [68](#page=68).
Ces modèles, bien que simplifiés, permettent de comprendre et d'analyser les processus complexes de localisation des activités. Ils sont largement repris en géographie économique pour leur dimension spatiale et peuvent être appliqués à la diffusion de maladies, comme le COVID-19 [69](#page=69).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Géographie économique | Branche de la géographie humaine qui analyse les aspects spatiaux des activités économiques, telles que la production, la consommation et l'échange de biens et services, en tenant compte de leur localisation et de leurs rapports à l'espace. |
| Épistémologie | Étude des fondements, des méthodes et de la validité des sciences, ici appliquée à l'histoire de la pensée et des approches en géographie économique. |
| Théories de localisation | Ensemble de modèles visant à expliquer pourquoi les activités économiques s'implantent à un endroit plutôt qu'à un autre, en considérant des facteurs tels que le coût du transport, la proximité des marchés ou des ressources. |
| Rente de localisation | Différence entre le bénéfice obtenu d'une activité sur un terrain donné et le bénéfice obtenu sur un terrain moins favorable, souvent liée à la distance par rapport à un marché ou à un centre de décision. |
| Économie spatiale | Champ d'étude qui analyse l'influence de la distance et de la distribution géographique sur l'activité économique, souvent à l'aide de modèles mathématiques. |
| Équilibre général | Concept économique néoclassique décrivant une situation où, sur l'ensemble des marchés, toutes les offres et demandes sont simultanément équilibrées, atteignant ainsi un système unique de prix. |
| Division Internationale du Travail (DIT) | Théorie marxiste qui explique la spécialisation des pays dans la production et l'échange de biens et services, menant à des relations de domination entre centres et périphéries. |
| Taylorisme | Première organisation scientifique du travail visant à optimiser la production par une analyse détaillée des gestes, rythmes et cadences, et une rémunération objective. |
| Fordisme | Système de production basé sur le travail à la chaîne, la standardisation des produits et la consommation de masse, où les salaires sont indexés sur la productivité. |
| Post-fordisme | Modèle de production caractérisé par la flexibilité, la variété de l'offre, le "juste-à-temps" et une production adaptée à la demande, succédant au fordisme. |
| Districts industriels | Zones géographiques où se concentrent des entreprises spécialisées dans un secteur d'activité, favorisant la flexibilité et les réseaux de coopération. |
| Technopoles | Structures associant localement formation, recherche et réseaux d'entreprises pour stimuler le développement et l'innovation. |
| Pôles de compétitivité | Structures locales regroupant formation, recherche et entreprises autour d'une filière d'excellence, visant à renforcer la compétitivité régionale. |
| Géographie culturelle | Approche qui étudie les systèmes de signification, les idéologies et les représentations des individus et des groupes pour analyser leurs interprétations de l'environnement et leur lien au territoire. |
| Géographie radicale | Courant d'inspiration marxiste critiquant la géographie "officielle" et prônant l'engagement auprès des groupes sociaux opprimés et des minorités. |
| Géographie postmoderne | Courant né de la géographie radicale, qui remet en cause la neutralité scientifique et universelle, soulignant la construction sociale des savoirs et la multiplicité des points de vue. |
| Modèle des lieux centraux | Théorie expliquant la taille, le nombre et la localisation des villes en tant que pourvoyeuses de biens et services, basée sur la notion de portée maximale et de seuil de rentabilité. |
| Économies d'agglomération | Avantages économiques résultant du regroupement des entreprises et des populations dans un même lieu, tels que l'accès à une main-d'œuvre qualifiée et à des infrastructures. |
| Déséconomies d'agglomération | Inconvénients économiques liés à une concentration trop importante d'entreprises et de population, tels que l'augmentation des loyers, les embouteillages et la pollution. |
| Diffusion des innovations | Processus par lequel une nouvelle idée, technologie ou pratique se propage dans l'espace et dans le temps, depuis un foyer d'origine vers d'autres lieux. |