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Summary
# Détermination de la compétence internationale du système français
Voici un résumé de la détermination de la compétence internationale du système français, conçu comme un guide d'étude prêt pour un examen.
## 1. Détermination de la compétence internationale du système français
Ce sujet analyse les critères selon lesquels le droit pénal français peut s'appliquer à des infractions commises en dehors du territoire national, en abordant les concepts de compétence territoriale et extraterritoriale [19](#page=19).
### 1.1 Les fondements de la détermination de la compétence internationale
La détermination de la compétence internationale du système français repose sur la souveraineté nationale, impliquant une solidarité entre la compétence législative et la compétence judiciaire [20](#page=20).
#### 1.1.1 La détermination nationale de la compétence internationale
Le pouvoir de punir émane de la souveraineté nationale, conférant aux États la liberté de déterminer l'application de leur loi pénale, y compris au-delà de leur territoire, tant qu'ils n'exercent pas directement leur puissance publique sur le territoire d'un autre État sans règle permissive du droit international. La Cour de cassation, dans l'affaire *Lotus*, a confirmé cette large liberté des États [20](#page=20).
#### 1.1.2 La solidarité des compétences législative et judiciaire
Il existe une interdépendance entre la compétence législative et la compétence judiciaire: les juridictions françaises sont compétentes lorsque la loi française est applicable, et inversement. Cette solidarité vise à réprimer une atteinte à l'ordre social [21](#page=21).
> **Tip:** Contrairement au droit privé international, le droit pénal international ne considère pas qu'il y a un conflit de lois classique ; l'application de la loi pénale est intrinsèquement liée à la juridiction compétente.
Cependant, cette solidarité soulève des critiques, notamment le risque de violation du principe de légalité et de prévisibilité de la loi pénale pour l'auteur de l'infraction commise à l'étranger [21](#page=21).
> **Tip:** La compétence universelle, permettant de juger des faits commis à l'étranger par des étrangers sur des victimes étrangères, est une compétence exorbitante qui doit être expressément prévue par des textes internationaux et nationaux [22](#page=22).
### 1.2 Les critères de la compétence internationale
Les critères de compétence internationale du système français peuvent être regroupés en deux grandes catégories: la territorialité et l'extraterritorialité [23](#page=23).
#### 1.2.1 La territorialité
La territorialité signifie que la loi pénale française s'applique à toutes les infractions commises sur le territoire de la République, indépendamment de la nationalité de l'auteur [23](#page=23) [24](#page=24) [42](#page=42).
##### 1.2.1.1 La délimitation du territoire français
Le territoire français comprend l'espace terrestre, maritime et aérien, ainsi que certains espaces assimilés [24](#page=24).
* **L'espace terrestre:** Il inclut les départements et régions d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer, ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. Les ambassades et consulats français à l'étranger n'sont plus considérés comme une extension fictive du territoire national [24](#page=24) [25](#page=25).
* **L'espace maritime:** Il comprend les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, la Zone Économique Exclusive (ZEE) et la haute mer. La souveraineté française s'exerce sur les eaux intérieures et la mer territoriale. Pour les infractions commises à bord de navires étrangers en mer territoriale, la compétence des juridictions françaises est limitée aux cas où l'infraction a des conséquences sur l'État côtier, trouble la paix du pays, ou si l'assistance des autorités locales a été demandée. La loi du pavillon prévaut généralement, mais des exceptions existent [25](#page=25).
* **L'espace aérien:** Il correspond à l'espace au-dessus du territoire terrestre et maritime. La souveraineté s'étend jusqu'à l'espace atmosphérique. Pour les aéronefs, la loi applicable est généralement celle de l'État d'immatriculation [26](#page=26).
##### 1.2.1.2 Les espaces assimilés au territoire français
Les navires et aéronefs immatriculés en France sont assimilés au territoire français pour l'application de la loi pénale, qu'ils soient en mer territoriale ou ailleurs. Cependant, la Cour de cassation a précisé qu'un navire battant pavillon français ne constitue pas un morceau du territoire français [26](#page=26) [27](#page=27).
##### 1.2.1.3 Le rattachement de l'infraction au territoire national
Le rattachement de l'infraction au territoire français peut être naturel (lorsqu'elle est commise sur le territoire) ou artificiel (par attribution) [27](#page=27).
* **La localisation de l'infraction sur le territoire français:** L'infraction est réputée commise sur le territoire national dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. La jurisprudence a développé plusieurs théories pour déterminer cette localisation [28](#page=28):
* **Théorie de l'action:** L'infraction est localisée là où l'agent a agi [28](#page=28).
* **Théorie du résultat:** L'infraction est localisée là où le résultat s'est produit [29](#page=29).
* **Théorie de l'ubiquité:** L'infraction est localisée à la fois sur le territoire de l'action et sur celui du résultat, permettant potentiellement plusieurs juridictions compétentes [29](#page=29).
La jurisprudence française tend à retenir systématiquement la compétence territoriale dès qu'un fait constitutif se produit en France [29](#page=29).
* **Rattachement par élément matériel:** Ceci varie selon le type d'infraction (simple, continue, d'habitude, complexe, non intentionnelle, d'omission) [29](#page=29) [30](#page=30) [31](#page=31) [32](#page=32).
* Pour les infractions commises sur internet, le critère du "public visé" a été développé, puis complété par la loi du 3 juin 2016 avec l'ajout de l'article 113-2-1 du Code pénal, qui rattache l'infraction au territoire français si elle est commise au préjudice d'une personne physique résidant en France ou d'une personne morale dont le siège est en France [33](#page=33) [34](#page=34).
* **Rattachement par un fait extérieur:** La jurisprudence a pu se fonder sur des actes préparatoires ou des conditions préalables pour justifier la compétence territoriale [34](#page=34) [36](#page=36).
* **Le rattachement artificiel des infractions au territoire français:** Ce rattachement concerne des infractions commises à l'étranger mais considérées comme liées au territoire national, notamment en matière de complicité et d'infractions indivisibles [37](#page=37) [40](#page=40).
* **Extension de compétence aux actes de complicité:** La complicité à l'étranger d'une infraction commise en France relève de la compétence des juridictions françaises, l'accessoire suivant le principal. La complicité en France d'une infraction commise à l'étranger est possible sous deux conditions: la double incrimination et la constatation du fait principal par une décision définitive étrangère, avec des exceptions pour les crimes graves ou la corruption [37](#page=37) [38](#page=38) [39](#page=39).
* **Extension de compétence aux infractions indivisibles:** Les infractions sont considérées comme indivisibles lorsqu'elles présentent un lien d'interdépendance très étroit, permettant aux juridictions françaises d'être compétentes pour des faits commis à l'étranger s'ils sont indivisibles avec des infractions commises en France [40](#page=40) [41](#page=41).
#### 1.2.2 L'extraterritorialité
L'extraterritorialité permet aux juridictions françaises d'appliquer la loi française à des faits commis à l'étranger, sous réserve d'un point de rattachement avec l'ordre juridique français [44](#page=44).
##### 1.2.2.1 Les compétences juridictionnelles générales
* **La compétence personnelle:** Elle repose sur la nationalité de l'auteur (active) ou de la victime (passive) [44](#page=44).
* **Compétence personnelle active:** La loi française s'applique aux crimes commis par des Français à l'étranger, et aux délits si les faits sont également punis dans le pays de commission. Cette compétence s'étend aux personnes morales ayant leur siège en France et peut être exercée à l'encontre de complices français. Pour les délits, la double incrimination est généralement requise, mais des exceptions existent pour certaines infractions graves ou relatives aux intérêts de l'UE, aux infractions sexuelles sur mineurs, etc. La théorie de l'indivisibilité peut également étendre cette compétence aux infractions commises à l'étranger et indivisibles d'infractions pour lesquelles la compétence personnelle active est applicable [44](#page=44) [45](#page=45) [46](#page=46) [47](#page=47) [48](#page=48).
* **Compétence personnelle passive:** La loi française s'applique aux infractions commises à l'étranger lorsque la victime est de nationalité française. Cette compétence est critiquée pour un risque de partialité et une complexité procédurale. Elle peut être étendue aux victimes étrangères résidant en France pour certaines infractions graves (violence sur mineur, mariage forcé) [44](#page=44) [45](#page=45) [49](#page=49).
* **La compétence consécutive à un refus de remise:** Lorsque la France refuse l'extradition ou la remise d'un étranger pour des motifs liés à l'ordre public ou à des garanties de procédure, les juridictions françaises peuvent être compétentes pour juger cette personne si la peine encourue est d'au moins cinq ans d'emprisonnement [52](#page=52) [53](#page=53).
##### 1.2.2.2 Les compétences juridictionnelles spéciales
* **Les compétences nommées:**
* **La compétence réelle:** Elle permet de poursuivre les infractions commises à l'étranger qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation française, comme les infractions politiques ou la contrefaçon de la monnaie [54](#page=54).
* **La compétence universelle:** Elle permet de juger des infractions considérées comme tellement graves qu'elles attentent à la communauté internationale dans son ensemble, même en l'absence de tout lien avec la France. Elle est divisée en une compétence de droit commun (soumise à une autorisation conventionnelle et légale, et la présence du suspect en France) et des compétences universelles spéciales pour des crimes internationaux (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre) et des atteintes aux biens culturels. La compétence universelle, bien que visant à lutter contre l'impunité, est encadrée par de nombreuses conditions et a évolué jurisprudentiellement et législativement pour devenir plus opérationnelle [55](#page=55) [57](#page=57) [58](#page=58) [60](#page=60) [61](#page=61) [62](#page=62) [63](#page=63).
* **Les compétences hybrides:**
* **Compétence en matière de terrorisme:** La loi française s'applique aux actes de terrorisme commis à l'étranger par un Français ou un résident habituel en France, sans les conditions strictes de plainte ou de dénonciation officielle, afin d'assurer une répression efficace [64](#page=64).
* **Compétence en matière maritime:** Des compétences spéciales existent pour la piraterie, les trafics (stupéfiants, migrants) et la sécurité maritime, régies par la loi du 5 juillet 1994 et le droit international. La compétence pénale environnementale est également reconnue en vertu de conventions internationales et de la jurisprudence (affaire Erika) [65](#page=65) [66](#page=66) [67](#page=67).
* **Compétence en matière aérienne:** La loi française s'applique aux infractions commises à bord d'aéronefs non immatriculés en France, en fonction de critères tels que la nationalité de l'auteur ou de la victime, le lieu d'atterrissage, ou la résidence du preneur à bail [68](#page=68).
#### 1.2.3 Le régime de la compétence territoriale
La compétence territoriale se caractérise par sa généralité et son exclusivité [42](#page=42).
* **La généralité:** Elle s'applique à toute infraction commise sur le territoire national, indépendamment de la nationalité de l'auteur. La loi personnelle de l'auteur est sans incidence [42](#page=42).
* **L'exclusivité:** Elle découle de la souveraineté nationale, impliquant que seul l'État territorial peut exercer ses prérogatives sur son territoire. La Cour de cassation a affirmé que même une décision définitive étrangère ne fait pas obstacle à l'exercice des poursuites fondées sur la compétence territoriale [43](#page=43).
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# L'entraide pénale internationale
Voici une synthèse complète sur l'entraide pénale internationale, rédigée dans un style adapté à une préparation d'examen, en respectant scrupuleusement les consignes de mise en forme et de citation.
## 2. L'entraide pénale internationale
L'entraide pénale internationale est un ensemble de mécanismes juridiques permettant aux États de coopérer dans la répression des infractions pénales, en surmontant les obstacles liés à la souveraineté nationale et à la territorialité du droit pénal [80](#page=80).
### 2.1 Les fondements de l'entraide pénale internationale
L'entraide pénale internationale repose sur deux types de fondements: matériel et textuel [80](#page=80).
#### 2.1.1 Le fondement matériel : la souveraineté nationale
Le fondement matériel de l'entraide pénale internationale est la **souveraineté nationale**. En droit international, la puissance répressive d'un État est, sauf dérogation, limitée à son propre territoire. Les autorités répressives ne peuvent donc pas agir sur le territoire d'un autre État sans son consentement. L'entraide pénale internationale permet aux autorités judiciaires d'un État de solliciter celles d'un autre État pour accomplir des actes d'investigation ou de poursuite sur leur territoire, comblant ainsi l'impossibilité d'agir à l'étranger. La coopération pénale internationale est vue comme un exercice de souveraineté, reposant sur la courtoisie internationale, où l'État requis n'est pas tenu de coopérer. Cette dimension politique se manifeste notamment par la voie diplomatique empruntée pour la transmission des demandes [80](#page=80).
**Manifestations du caractère politique dans l'entraide pénale :**
* **Voie diplomatique:** Transmission des demandes d'entraide via les ministères des Affaires étrangères et de la Justice des États concernés [80](#page=80).
* **Motifs de refus:** Les États peuvent refuser de coopérer en invoquant leur souveraineté, par exemple pour l'extradition de leurs nationaux, la commission d'infractions sur leur territoire, ou pour des raisons politiques (doctrine Mitterrand dans l'affaire des Brigades rouges) [81](#page=81).
* **Absence d'effet des décisions judiciaires étrangères:** En principe, les décisions judiciaires d'un État n'ont pas d'effet sur le territoire d'un autre. La maxime *"male captus bene detentus"* (mal capturé, bien détenu) souligne que les conditions d'arrestation n'affectent pas la légalité de la détention. La Cour de cassation, dans l'affaire Argoud, a ainsi jugé qu'un suspect enlevé à l'étranger ne peut se prévaloir de l'atteinte à la souveraineté [81](#page=81).
#### 2.1.2 Les fondements textuels de l'entraide pénale internationale
L'entraide pénale internationale est régie par une multitude de sources textuelles imbriquées [84](#page=84).
* **Conventions sectorielles:** Ces conventions portent sur des domaines spécifiques de la criminalité (terrorisme, criminalité transnationale organisée, corruption) et visent à harmoniser les législations et organiser la coopération. Exemples: Convention sur la répression du terrorisme Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée Convention des Nations Unies contre la corruption [84](#page=84) [85](#page=85).
* **Conventions spécifiques à la coopération:** Moins nombreuses au niveau universel, elles organisent directement la coopération pénale. Exemple: Convention de Ljubljana-La Haye pour la coopération en matière d'enquêtes et poursuites pour les crimes internationaux [84](#page=84).
* **Textes régionaux:** Particulièrement importants en Europe, notamment ceux de l'Union européenne. Exemples: Convention européenne d'extradition Convention européenne d'entraide pénale. Des directives européennes existent également, comme la directive sur la lutte contre le terrorisme (UE) 2017/541 [84](#page=84) [85](#page=85).
* **Conventions bilatérales:** Très nombreuses, elles régissent l'entraide judiciaire et policière entre deux États. Exemple: Accord d'entraide judiciaire franco-chinois [84](#page=84).
* **Droit national:** Les codes de procédure pénale nationaux (comme le Code de procédure pénale français, articles 696 et suivants) fournissent un cadre supplétif applicable en l'absence de convention internationale ou pour les points non réglés par celle-ci [88](#page=88).
### 2.2 L'objet de l'entraide pénale internationale
L'objet de l'entraide pénale internationale est double: l'entraide policière et l'entraide judiciaire [86](#page=86).
#### 2.2.1 L'entraide policière
L'entraide policière concerne les relations entre les forces de police de différents États pour s'entraider dans l'exercice de leurs fonctions. Elle s'est développée d'abord sous sa forme informationnelle, plus respectueuse de la souveraineté, puis s'est opérationnalisée pour permettre des actions conjointes [86](#page=86).
**§1. L'entraide informationnelle**
Il s'agit de l'échange d'informations entre les forces de police. Elle peut être directe (policier à policier), sur demande, ou spontanée [86](#page=86).
* **Interpol:** Organisation internationale intergouvernementale créée en 1923, elle assure l'assistance réciproque entre les autorités de police criminelle pour toutes infractions de droit commun, excluant les affaires politiques, militaires, religieuses ou raciales. Elle offre un outil de communication global et utilise un système de "notices" colorées (rouge pour personnes recherchées, jaune pour disparues) [86](#page=86).
* **Bases de données:** Il existe des bases de données internationales (gérées par Interpol, par exemple pour ADN, données digitales, reconnaissance faciale) et européennes [86](#page=86) [87](#page=87).
**§2. L'entraide opérationnelle**
Elle concerne la coopération directe entre autorités répressives dans le cadre d'actions transfrontalières ou transnationales [87](#page=87).
* **Droit d'observation:** Possibilité pour les policiers de suivre une filature débutée sur leur territoire à l'étranger [87](#page=87).
* **Droit de poursuite:** Possibilité pour les policiers de poursuivre un individu ayant commis une infraction au-delà des frontières jusqu'à ce que les autorités locales prennent le relais [87](#page=87).
* **Équipes communes d'enquête:** Équipes composées de policiers de plusieurs États, créées pour une affaire donnée afin de mener des investigations sur le territoire des États impliqués, particulièrement développées au niveau européen [87](#page=87).
L'entraide opérationnelle, bien qu'en développement, reste moins importante que l'entraide informationnelle et est moins présente devant les juridictions nationales [87](#page=87).
#### 2.2.2 L'entraide judiciaire
L'entraide judiciaire regroupe les moyens par lesquels les autorités judiciaires d'un État accomplissent, sur leur territoire, des actes demandés par les autorités judiciaires d'un autre État, utiles à une procédure en cours dans ce dernier. Elle se divise traditionnellement en "majeure" et "mineure" [88](#page=88).
**Sous-section 1. L'entraide judiciaire majeure : l'extradition**
L'extradition est la procédure par laquelle une personne se trouvant sur le territoire d'un État (l'État requis) est remise à un autre État (l'État requérant), soit pour être poursuivie pénalement, soit pour exécuter une peine. Il s'agit d'une procédure inter-étatique de nature pénale, ancienne, aujourd'hui encadrée par des sources internationales et nationales. Le droit français a un caractère supplétif, s'appliquant en cas de lacune du droit international [88](#page=88).
> **Tip :** L'extradition se distingue de l'expulsion (mesure de police administrative concernant les étrangers) et de la remise de personnes à la CPI.
**§1. Les conditions de l'extradition**
Les conditions de l'extradition visent à protéger la personne réclamée et la souveraineté de l'État requis. Elles concernent le fond, la compétence et la forme [89](#page=89).
* **A. Les conditions de fond de l'extradition**
Elles sont d'ordre personnel et matériel [89](#page=89).
1. **Les conditions personnelles de l'extradition :**
* **La nationalité:** En principe, la France n'extrade pas ses nationaux. Cette règle, justifiée par le devoir de protection, est appréciée à la date de commission de l'infraction et n'est pas universelle. Elle ne s'applique pas aux personnes ayant acquis la nationalité française après l'infraction ou aux apatrides, et son application aux binationaux est stricte. Les citoyens européens ne bénéficient pas de ce principe, le mandat d'arrêt européen étant la procédure appropriée. Le refus d'extrader un national n'empêche pas sa poursuite en France en vertu de la compétence personnelle active [89](#page=89) [90](#page=90).
* **La qualité de réfugié:** La qualité de réfugié, reconnue par la loi et la Convention de Genève, fait obstacle à l'extradition vers le pays d'origine ou de résidence habituelle, car cela équivaudrait à une persécution politique. Cette protection est étendue aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Cependant, cette protection n'est pas absolue: elle ne s'applique pas lorsque l'État requérant n'est pas le pays d'origine ou de résidence habituelle du réfugié, ni aux demandeurs d'asile tant que leur statut n'est pas définitivement reconnu [91](#page=91) [92](#page=92).
* **L'état de santé et l'âge:** L'extradition peut être refusée si elle risque d'avoir des conséquences exceptionnellement graves en raison de l'état de santé (incompatibilité avec les conditions de détention) ou de l'âge (jeune âge, mineur). La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rappelé que la détention dans des conditions incompatibles avec l'état de santé constitue un traitement inhumain. L'extradition d'un mineur est possible si la législation de l'État requérant garantit la protection de sa situation particulière. La Cour de cassation a précisé qu'un majeur ne peut invoquer l'intérêt supérieur de ses enfants pour s'opposer à son extradition [93](#page=93).
* **Le droit à la vie privée et familiale:** Initialement, le Conseil d'État (CE) considérait que l'atteinte au droit à la vie privée et familiale était justifiée par la nature de l'extradition. La Cour de cassation (CDC) a ensuite exigé un contrôle de proportionnalité, que le CE applique plus strictement. La Cour de cassation est plus souple, comme l'illustrent les affaires des Brigades rouges, où l'atteinte disproportionnée a justifié un refus. Ce motif de refus est limité aux États parties à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) pour les droits absolus (vie, interdiction de la torture, procès équitable) [94](#page=94) [95](#page=95).
2. **Les conditions matérielles relatives à l'incrimination :**
* **La double incrimination:** Les faits reprochés doivent être punissables par la loi française et celle de l'État requérant. Le contrôle porte sur l'existence de l'incrimination, et non sur la pertinence de la qualification juridique retenue par l'État requérant, sauf erreur évidente. La Cour de cassation a précisé que le droit international peut fonder l'incrimination [96](#page=96) [97](#page=97) [99](#page=99).
* **La nature des faits:** L'extradition est refusée pour les infractions politiques. Les conventions internationales (génocide, terrorisme, stupéfiants) ont "dépolitisé" certaines infractions pour permettre l'extradition. Le terrorisme n'est plus considéré comme une infraction politique par le CE, selon la théorie de la prédominance, bien que cette théorie soit critiquée. L'invocation d'un but politique peut néanmoins justifier un refus d'extradition, même pour des faits qualifiés de terrorisme. Sont également exclues les infractions militaires (purement militaires) et, en principe, les infractions économiques, fiscales et douanières (sauf convention contraire) [100](#page=100) .
3. **Les conditions matérielles relatives à la peine :**
* **Gravité minimale de la peine:** La peine encourue doit être d'une certaine gravité (supérieure à 2 ans pour poursuites, au moins 2 mois d'emprisonnement pour exécution de peine) .
* **Nature de la peine:** La peine ou mesure de sûreté ne doit pas être contraire à l'ordre public français, notamment les peines corporelles, la peine de mort, les peines perpétuelles incompressibles, ou les peines manifestement disproportionnées. Les assurances diplomatiques de l'État requérant peuvent permettre l'extradition malgré ces risques .
* **B. Les conditions formelles de l'extradition**
1. **Compétence des juridictions de l'État requérant:** Les faits doivent avoir été commis sur le territoire de l'État requérant, ou par un de ses ressortissants, ou encore en dehors de son territoire si la loi française autorise la poursuite (compétences extra-territoriales reconnues en droit français) .
2. **Incompétence territoriale des juridictions de l'État requis:** L'extradition est refusée si les crimes ou délits ont été commis sur le territoire français .
3. **Procédure:** Il faut respecter les garanties fondamentales de procédure et de droit de la défense. L'extinction de l'action publique (prescription, amnistie, *ne bis in idem*) ou de la peine entraîne le refus .
**§2. La procédure d'extradition**
La procédure comprend une phase de demande, une phase judiciaire et une phase administrative .
* **A. La demande d'extradition:** Adressée par voie diplomatique, elle doit être accompagnée des pièces justifiant l'infraction (jugement, mandat d'arrêt, textes de loi applicables) .
* **B. La phase judiciaire:** Elle débute par l'arrestation de la personne (éventuellement provisoire), sa présentation au procureur général, et peut aboutir à un placement sous écrou extraditionnel. Le Président de la Cour d'appel ou son délégué statue sur la détention provisoire. La chambre de l'instruction rend un avis sur les conditions d'extradition, dont la portée du contrôle varie selon le consentement ou non de la personne. Un recours devant la Cour de cassation est possible .
* **C. La phase administrative:** La décision finale appartient au gouvernement, qui prend un décret d'extradition, susceptible de recours devant le Conseil d'État .
**§3. Les effets de l'extradition**
* **Remise de la personne:** Dans un délai de 7 jours après l'arrestation .
* **Principe de spécialité:** L'État requérant ne peut poursuivre ou condamner la personne que pour l'infraction ayant motivé la remise, sauf obtention du consentement de l'État requis ou renonciation de la personne .
* **Interdiction de réextradition:** La personne ne peut être extradée vers un troisième État, sauf consentement de l'État requis ou renonciation de la personne .
#### 2.2.3 L'entraide judiciaire mineure
Elle regroupe les mécanismes de coopération autres que l'extradition, concernant les poursuites, l'enquête, l'instruction, et l'exécution des décisions .
**§1. L'entraide pénale mineure en matière de poursuites**
* **Dénonciation officielle:** Transmission d'informations sur une infraction commise sur le territoire de l'État requérant à l'État dont le ressortissant est l'auteur. L'État requis doit soumettre la demande à ses autorités judiciaires, sans obligation de poursuivre .
* **Transmission des poursuites:** Transfert de compétence des juridictions de l'État requérant à celles de l'État requis, entraînant un dessaisissement des premières. Prévu dans certaines conventions spécifiques .
**§2. L'entraide pénale en matière d'enquête et d'instruction**
Elle passe par les demandes d'entraide judiciaire internationale et les commissions rogatoires internationales .
* **Objet:** Recherche de preuves (perquisition, saisie, confiscation), techniques spéciales d'investigation (interception de communications, infiltration), auditions, interrogatoires, transmission de documents, notifications d'informations .
* **Conditions:** La demande doit porter sur une procédure pénale ouverte dans l'État requérant. Il n'y a généralement pas de condition de gravité de l'infraction, sauf exceptions (par exemple, certaines conventions exigent une peine minimale pour les informations bancaires). Les infractions politiques ne sont généralement pas exclues, sauf stipulations conventionnelles contraires .
* **Procédure:** La demande émane d'une autorité judiciaire, doit être traduite et comporter des informations précises. Elle passe par la voie diplomatique ou une procédure simplifiée selon les conventions .
* **Exécution:** L'exécution est facultative en l'absence de convention, mais généralement obligatoire lorsqu'une convention existe, sauf motifs de refus (atteinte à l'ordre public, intérêts nationaux, *ne bis in idem*, prescription). L'exécution se fait en application du droit de l'État requis (*locus regit actum*). Les agents de l'État requérant peuvent assister à l'exécution, voire poser des questions dans certains cas. Le contrôle de la régularité des actes est complexe, s'effectuant par les juridictions françaises pour les actes exécutés en France, et par les juridictions de l'État requis pour les actes accomplis à l'étranger, sous réserve de la violation de principes fondamentaux européens et internationaux .
**§3. L'entraide pénale en matière d'exécution des peines**
En principe, les décisions judiciaires étrangères sont sans effet en France (principe de territorialité du droit pénal). Cependant, une "autorité négative" des décisions étrangères est reconnue pour éviter de nouvelles poursuites en cas de jugement définitif ou d'amnistie. L'autorité positive (reconnaissance des effets normatifs d'une décision étrangère, par exemple pour caractériser la récidive) n'est généralement pas reconnue, sauf exceptionnelement par convention. L'exécution de peines privatives de liberté prononcées par des juridictions étrangères en France est possible dans le cadre de conventions spécifiques (transfert de condamnés) .
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# Les obstacles à la compétence internationale et aux poursuites
Voici le résumé sur les obstacles à la compétence internationale et aux poursuites, prêt pour votre examen.
## 3 Les obstacles à la compétence internationale et aux poursuites
Ce chapitre analyse les facteurs qui limitent l'exercice de la compétence internationale par les juridictions, notamment les immunités, l'amnistie et les questions liées au principe *ne bis in idem*.
### 3.1 Les obstacles liés à la souveraineté
La souveraineté des États constitue un obstacle à l'exercice des poursuites lorsqu'elle se manifeste par des immunités ou l'amnistie [69](#page=69).
#### 3.1.1 Les immunités
Les immunités sont des privilèges prévus par le droit international qui font échapper certaines personnes à la compétence des juridictions étrangères. Elles peuvent être de deux types [69](#page=69):
* **Immunités de juridiction:** Elles rendent toutes les actions contre leurs titulaires irrecevables devant les juridictions étrangères [69](#page=69).
* **Immunités d’exécution (inviolabilité):** Elles prohibent tout acte de contrainte contre le titulaire de l'immunité, comme une garde à vue ou une perquisition [69](#page=69).
Les immunités ont deux sources principales :
* Les immunités coutumières [69](#page=69).
* Les immunités conventionnelles, prévues par des traités internationaux [73](#page=73).
##### 3.1.1.1 Les immunités coutumières
La coutume internationale reconnaît une immunité aux États étrangers et à leurs émanations, leur interdisant d'être traduits en justice devant les juridictions d'un autre État. Cette immunité s'étend aux organes et entités de l'État, ainsi qu'à leurs agents, en raison d'actes relevant de la souveraineté de l'État concerné [69](#page=69).
###### 3.1.1.1.1 Les titulaires des immunités coutumières
La Cour de cassation (CDC) a affirmé que toute personne ou entité exerçant des actes de souveraineté bénéficie de l'immunité coutumière. Les principaux titulaires identifiés sont [69](#page=69):
1. **Les Chefs d'État étrangers:** Ils jouissent de l'immunité coutumière, quelle que soit leur reconnaissance par l'État du for. La CDC a notamment jugé dans l'affaire *Kadhafi* (13 mars 2001) que le crime dénoncé, quelle que soit sa gravité, ne relevait pas des exceptions au principe de l'immunité de juridiction des chefs d'État en exercice. La Cour de cassation, dans un arrêt de 2025, a réaffirmé qu'il n'existait pas d'exception à l'immunité du chef d'État, même pour les crimes internationaux, ce qui constitue un revirement par rapport à l'arrêt *Kadhafi* [69](#page=69) [70](#page=70) [71](#page=71) [72](#page=72).
2. **Les membres du gouvernement:** Les ministres des Affaires étrangères, les Premiers ministres et d'autres ministres jouissent de l'immunité coutumière. La Cour internationale de Justice (CIJ) a retenu dans l'affaire *Yérodia* (14 février 2002) que le MAE jouit d'une immunité ne pouvant faire l'objet d'un mandat d'arrêt [70](#page=70).
3. **Les agents et entités de l'État:** La CDC a reconnu l'immunité à des sociétés ayant immatriculé des navires à l'origine de pollution (*Affaire Erika*, 23 novembre 2004) ainsi qu'à des directeurs de la marine marchande ou des magistrats étrangers poursuivis pour détention et séquestration arbitraire. Globalement, toute personne en fonction qui exerce des fonctions régaliennes ou une puissance publique est titulaire de l'immunité de juridiction et d'exécution [70](#page=70) [72](#page=72).
> **Tip:** L'immunité n'empêche pas nécessairement les poursuites, mais sa portée diffère selon la qualité des titulaires [70](#page=70).
###### 3.1.1.1.2 La portée des immunités coutumières
La portée des immunités coutumières s'examine sous l'angle matériel et temporel. Il faut distinguer l'immunité personnelle et l'immunité fonctionnelle [70](#page=70) [71](#page=71).
1. **La portée matérielle :**
* **Immunité personnelle:** Reconnue aux chefs d'État, chefs de gouvernement et ministres des Affaires étrangères (membres de la "troïka"). Elle couvre tous les actes, qu'ils relèvent des fonctions ou de la vie privée du titulaire. Cependant, la CDC a précisé que les blessures, homicides involontaires, la torture ne relèvent pas d'exceptions à l'immunité personnelle. Les exceptions ne semblent reconnues que pour les crimes internationaux (guerre, humanité, génocide) devant les juridictions internationales, mais la CDC a semble-t-il écarté ces exceptions en droit interne. La seule exception reconnue en pratique est la levée de l'immunité par l'État d'appartenance [71](#page=71) [72](#page=72).
* **Immunité fonctionnelle:** Reconnue à tous les autres agents ou entités exerçant des fonctions publiques. Elle ne couvre que les actes relevant de l'exercice des fonctions. L'autorisation de navigation d'un navire ne respectant pas les normes de sécurité relève de la fonction du ministre de la défense. De même, la mise en détention par des magistrats relève de leur fonction. Les actes de blanchiment d'argent et de corruption commis par un ministre ont été considérés comme étrangers à ses fonctions, donc non couverts par l'immunité. La CDC a cependant posé une exception à l'immunité fonctionnelle: elle ne fait pas obstacle aux poursuites pour génocide, crime de guerre et crime contre l'humanité [72](#page=72).
2. **La portée temporelle :**
* **Immunité personnelle:** Limitée dans le temps, elle cesse avec la fin des fonctions du titulaire. Les anciens chefs d'État, MAE ou chefs de gouvernement peuvent alors être jugés [73](#page=73).
* **Immunité fonctionnelle:** Intemporelle, elle continue de couvrir les actes accomplis dans l'exercice des fonctions, même après la cessation de celles-ci [73](#page=73).
> **Tip:** L'immunité personnelle est absolue matériellement mais limitée temporellement, tandis que l'immunité fonctionnelle est limitée matériellement (sauf crimes graves) mais absolue temporellement [73](#page=73).
Il est important de noter qu'aucun titulaire ne peut être jugé pour des actes de fonction quel que soit le moment, et qu'aucun membre de la "troïka" ne peut être jugé pour un acte quelconque durant ses fonctions [73](#page=73).
##### 3.1.1.2 Les immunités conventionnelles
Des conventions internationales accordent des immunités à certaines personnes en raison de leur qualité et fonction. Les principales sont [73](#page=73):
* La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques pour les agents diplomatiques [73](#page=73).
* La Convention de Vienne sur les relations consulaires pour les agents consulaires [73](#page=73).
D'autres traités prévoient des immunités, notamment les accords de siège des organisations internationales et le Protocole européen pour les parlementaires européens [73](#page=73).
###### 3.1.1.2.1 L’immunité diplomatique
La Convention de Vienne de 1961 prévoit l'immunité de juridiction, l'immunité d'exécution, l'inviolabilité des locaux diplomatiques et du domicile du personnel diplomatique. Cette immunité s'étend aux membres de la famille, au personnel administratif et technique, au personnel de service et aux domestiques privés [73](#page=73) [74](#page=74).
La portée de l'immunité varie :
* **Domestiques et personnel de service:** Bénéficient d'une immunité fonctionnelle, ne couvrant que les actes de la fonction [74](#page=74).
* **Autres (membres de la famille, personnel administratif/technique):** Jouissent d'une immunité personnelle, couvrant les actes dans et hors fonctions. Cette immunité est limitée dans le temps, commençant à l'entrée sur le territoire accréditaire et prenant fin à son départ ou après la cessation des fonctions dans un délai raisonnable [74](#page=74).
###### 3.1.1.2.2 L’immunité consulaire
L'immunité des agents consulaires est une immunité fonctionnelle, ne couvrant que les actes entrant dans leurs fonctions. La CDC précise que les immunités diplomatiques et consulaires ne valent que pour les agents étrangers; un ambassadeur français exerçant à l'étranger ne peut s'en prévaloir en France [74](#page=74).
> **Tip:** Les fonctions de représentation (membres de la troïka et personnel diplomatique) doivent être protégées pour ne pas être affectées par des poursuites. Pour les autres agents, la protection ne concerne que les actes relevant de leurs fonctions [74](#page=74).
#### 3.1.2 L’amnistie
L'amnistie est un acte législatif qui efface le caractère délictuel de certains faits et constitue une cause d'extinction de l'action publique. Sa prise en compte par les juridictions françaises dépend du fondement de leur compétence [75](#page=75):
* **Compétence exclusive:** Une loi d'amnistie étrangère devrait être sans incidence, la compétence exclusive empêchant son obstacle aux poursuites [75](#page=75).
* **Compétence subsidiaire:** Une loi d'amnistie étrangère pourrait faire obstacle aux poursuites, notamment en cas de double incrimination ou si l'État étranger considère qu'il n'y a pas eu de trouble à l'ordre public [75](#page=75).
Dans l'affaire *Ould ah* (CDC, 22 octobre 2002), la CDC a jugé que la compétence universelle des juridictions françaises pouvait s'exercer même en présence d'une loi d'amnistie étrangère couvrant des faits de torture et de barbarie, afin de lutter contre l'impunité. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a confirmé, dans l'affaire *Ould ah* (17 mars 2003), que la loi d'amnistie mauritanienne n'empêchait pas l'application de la loi française au titre de la compétence universelle. La CEDH a toutefois précisé que si la loi avait été prise dans le cadre d'un processus de réconciliation nationale ou de justice transitionnelle, elle aurait pu faire obstacle aux poursuites [75](#page=75) [76](#page=76).
> **Tip:** La justice transitionnelle est un processus post-conflit visant la réconciliation, la vérité, la non-répétition et la mémoire. Historiquement, les lois d'amnistie ont été utilisées dans ce cadre, mais aujourd'hui, elles sont vues négativement car elles garantissent l'impunité, surtout pour les crimes internationaux [76](#page=76).
En conclusion, une loi d'amnistie n'est généralement pas un obstacle à l'exercice de la compétence des juridictions françaises pour des infractions graves [76](#page=76).
### 3.2 Les obstacles liés à l’articulation des compétences
Le développement des compétences extraterritoriales crée des conflits positifs de compétence (un fait relevant de la compétence de plusieurs États). La résolution de ces conflits peut se faire a priori (avant jugement) ou a posteriori (lorsqu'une juridiction s'est déjà prononcée) [77](#page=77).
#### 3.2.1 L’articulation a posteriori : le principe ne bis in idem
Le principe *ne bis in idem* ("pas jugé deux fois pour le même fait") vise à résoudre les conflits positifs de compétence [77](#page=77).
##### 3.2.1.1 La portée du principe ne bis in idem dans les compétences exclusives
Le principe *ne bis in idem* est un droit fondamental consacré par plusieurs textes internationaux [77](#page=77).
A. **Le principe :**
* Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Protocole n°7 de la Convention européenne des droits de l'homme (CESDH) et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE) consacrent ce principe [77](#page=77).
* Cependant, le PIDCP et la CDFUE ne lui confèrent qu'une portée nationale. La jurisprudence de la CEDH confirme que le principe ne s'applique que dans une dimension nationale et n'a pas de portée transnationale [77](#page=77).
B. **L'exception :**
* Pour les compétences exclusives (territoriale, terrorisme, réelle), le fait qu'une personne ait déjà été jugée pour les mêmes faits à l'étranger est sans incidence sur les poursuites en France. La CDC a affirmé à plusieurs reprises que l'exception de chose jugée ne faisait pas obstacle à l'exercice des poursuites fondées sur la compétence territoriale [77](#page=77) [78](#page=78).
* Cette règle s'applique en matière de compétence réelle et, par déduction, en matière de terrorisme [78](#page=78).
* La rigueur de cette solution a connu un assouplissement: la détention subie à l'étranger doit s'imputer à la peine de détention prononcée par les juridictions françaises, inspiré par la Convention de Schengen [78](#page=78).
* Au sein de l'Union européenne, il existe une exception: le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice permet de reconnaître un jugement étranger prononcé par un État membre et de lui produire les mêmes effets juridiques qu'une condamnation française [78](#page=78).
##### 3.2.1.2 La portée du principe ne bis in idem dans les compétences subsidiaires
La CDC considère que les décisions rendues par les juridictions étrangères ont l'autorité de la chose jugée lorsqu'elles concernent des faits commis en dehors du territoire de la République conformément à l'article 692 du Code de procédure pénale [78](#page=78).
#### 3.2.2 L’articulation a priori : la conciliation
La conciliation en vue de répartir le contentieux pénal n'est pas très développée en droit pénal international, mais elle trouve application au sein de l'Union européenne [79](#page=79).
* Une décision de 2009 relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence pénale impose aux États membres de :
* Prendre contact avec les États concernés par la situation pénale [79](#page=79).
* Se concerter pour trouver une résolution au conflit de compétence [79](#page=79).
* En cas d'échec, saisir Eurojust, qui rend un avis consultatif basé sur des critères tels que la localisation de la personne soupçonnée, des victimes, des preuves, etc., pour préconiser la compétence d'un État [79](#page=79).
Le but de la multiplication des compétences françaises est la lutte contre l'impunité, par l'extension de la compétence territoriale et le développement des compétences extraterritoriales, en conformité avec le droit international. Cependant, cela engendre des conséquences: imprévisibilité de la loi applicable, atteinte à la légalité, difficultés dans la récolte et l'administration des preuves [79](#page=79).
L'efficacité de la répression dans l'espace repose non seulement sur la détermination de la loi applicable, mais aussi sur la réalisation concrète de cette répression par l'entraide pénale internationale [79](#page=79).
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# La répression des crimes internationaux et les juridictions pénales internationales
La répression des crimes internationaux vise à traduire en justice les auteurs de violations graves du droit international, notamment à travers la définition des crimes internationaux et la mise en place de juridictions dédiées.
### 4.1 Les crimes internationaux
Les crimes internationaux sont définis comme des infractions portant atteinte aux valeurs fondamentales de la communauté internationale. Ils se distinguent des infractions de droit commun par l'ajout d'un élément contextuel qui modifie leur qualification. Traditionnellement, Claude Lombois a identifié quatre infractions internationales par nature: le génocide, le crime contre l'humanité, le crime de guerre et le crime contre la paix (aujourd'hui crime d'agression). D'autres infractions comme le trafic international, l'écocide, le terrorisme, la torture et la disparition forcée sont également débattues quant à leur qualification d'infractions internationales [10](#page=10) [11](#page=11).
#### 4.1.1 Classification des crimes internationaux
Les crimes internationaux peuvent être regroupés en deux catégories principales: ceux liés à un contexte martial et ceux pour lesquels un tel contexte n'est pas nécessaire .
##### 4.1.1.1 Crimes internationaux en lien avec un contexte martial
Ces crimes sanctionnent le non-respect de règles posées par le droit international dans le cadre de conflits armés .
* **Crime d’agression**: Défini comme la planification, la préparation, le lancement ou l'exécution d'un acte d'agression qui constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies, par une personne en mesure de contrôler l'action politique ou militaire d'un État. Il s'agit d'une forme renouvelée du crime contre la paix connu à Nuremberg, et il est attribué aux chefs d'État, au gouvernement et aux militaires de haut rang .
* **Crime de guerre**: L'une des infractions internationales les plus anciennes, elle réprime les violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés. Elle est calquée sur les obligations du droit international humanitaire et implique un élément contextuel: l'existence d'un conflit armé, qu'il soit international ou non international. Les infractions sous-jacentes visent des personnes ou des biens protégés par les Conventions de Genève, ou constituent des violations graves des lois et coutumes de la guerre, comme l'usage de méthodes ou d'armes prohibées, la trahison, la famine comme moyen de guerre, ou l'usage de techniques perfides. Contrairement au droit international, où ces crimes sont imprescriptibles, le droit interne français les considère souvent comme prescriptibles .
##### 4.1.1.2 Crimes internationaux sans lien avec un contexte martial
Ces crimes portent atteinte aux valeurs fondamentales de l'ordre public international et ne nécessitent pas un conflit armé pour leur réalisation .
* **Crime contre l’humanité**: Initialement lié au génocide et commis dans un contexte martial, il est aujourd'hui une infraction autonome. Il s'agit d'actes commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, en connaissance de cette attaque. Les actes constitutifs incluent des atteintes à l'intégrité et à la vie (torture, meurtre, empoisonnement), ainsi qu'à la liberté (réduction en esclavage, déportation, nettoyage ethnique, apartheid). La définition de ces crimes souffre d'un manque d'anticipation des textes, pouvant laisser des impunités .
* **Génocide**: Défini comme tout acte commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Les actes constitutifs comprennent le meurtre de membres du groupe, l'atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale, la soumission intentionnelle à des conditions d'existence entraînant la destruction physique, les mesures visant à entraver les naissances, et le transfert forcé d'enfants. La notion de génocide culturel n'est pas retenue. La définition est restrictive, excluant, par exemple, le génocide politique. En droit français, le génocide est considéré comme une forme particulière de crime contre l'humanité. Les crimes internationaux, qu'ils soient commis par des États ou des organisations structurées non étatiques comme Daesh, justifient la création de juridictions internationales pour leur répression .
### 4.2 Les juridictions pénales internationales
Face à l'insuffisance des droits nationaux pour réprimer la criminalité internationale, des juridictions pénales internationales ont été développées. Ces juridictions visent à lutter contre l'impunité et à organiser la coopération étatique [15](#page=15).
#### 4.2.1 Les tribunaux ad hoc
Ces tribunaux sont créés spécifiquement pour juger des crimes commis dans une situation donnée .
* **Les tribunaux militaires internationaux**: Il s'agit des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, créés pour juger les hauts responsables des crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient compétents pour les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Leurs critiques portent sur les problèmes d'impartialité ("justice des vainqueurs") et de légalité (application rétroactive de la loi pénale) .
* **Les tribunaux pénaux internationaux**: Créés pour des situations spécifiques, on trouve le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le TPIY était compétent pour les faits survenus en ex-Yougoslavie à partir de 1991, et le TPIR pour les faits au Rwanda et dans les États limitrophes en 1994. Leurs mandats se sont achevés respectivement en 2015 et 2017 .
#### 4.2.2 La Cour Pénale Internationale (CPI)
La Cour Pénale Internationale, créée par le Statut de Rome en 1998 et entrée en vigueur en 2002, constitue une révolution dans la répression des crimes internationaux .
* **Compétence matérielle**: La CPI est compétente pour juger les auteurs des quatre infractions internationales: crime d'agression, crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide. Elle était compétente pour les crimes d'agression dès 1998, mais leur définition et le mécanisme d'activation de cette compétence ont été précisés lors du Sommet de Kampala en 2010 .
* **Compétence temporelle**: La Cour est compétente pour les crimes commis à compter de son entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, pour les États parties d'origine. Pour les États ayant adhéré ultérieurement, la compétence s'applique à partir de l'entrée en vigueur de l'adhésion, sauf acceptation expresse pour des faits antérieurs .
* **Compétence territoriale**: La CPI est compétente pour les faits commis sur le territoire d'un État partie au Statut de Rome ou par un ressortissant d'un État partie. Par exception, sa compétence peut être étendue aux crimes commis par des ressortissants d'États parties, même sur le territoire d'États non parties (comme pour l'Irak), ou saisie par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour des situations sur le territoire d'États non parties (comme la Libye ou le Soudan) .
* **Compétence personnelle**: La CPI juge uniquement des personnes physiques. Un débat existe quant à l'élargissement de sa compétence aux personnes morales, notamment en raison de l'affaire Lafarge ayant commercé avec Daesh, mais la responsabilité pénale des personnes morales n'est pas admise par tous les États parties .
> **Tip:** Il est crucial de comprendre que la qualification des crimes internationaux repose sur un "élément contextuel" qui les distingue des infractions de droit commun. La répression de ces crimes a marqué une évolution significative du droit international, passant de la responsabilité des États à la responsabilité pénale individuelle [11](#page=11).
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
|------|------------|
| Droit pénal international | Branche du droit régissant les situations pénales présentant un lien avec un ordre juridique étranger, ainsi que la répression des infractions constituant des violations du droit international. |
| Compétence internationale | Faculté d'un État d'appliquer sa loi pénale et de poursuivre des infractions, même commises à l'étranger, en raison de certains critères de rattachement. |
| Territorialité | Principe selon lequel la loi pénale d'un État s'applique aux infractions commises sur son territoire, y compris son espace maritime et aérien. |
| Extraterritorialité | Principe permettant à un État d'appliquer sa loi pénale à des infractions commises hors de son territoire, fondé sur des critères tels que la nationalité, les intérêts nationaux ou la présence de l'auteur. |
| Compétence personnelle active | Compétence d'un État de poursuivre ses ressortissants pour des infractions commises à l'étranger, fondée sur la nationalité de l'auteur. |
| Compétence personnelle passive | Compétence d'un État de poursuivre des étrangers pour des infractions commises à l'étranger lorsque la victime est de nationalité de cet État, fondée sur la nationalité de la victime. |
| Double incrimination | Condition requise pour certaines compétences extraterritoriales, selon laquelle l'infraction doit être punie à la fois par la loi de l'État du for et par celle de l'État où les faits ont été commis. |
| Compétence universelle | Compétence exorbitante d'un État de poursuivre des infractions graves, commises à l'étranger par des étrangers sur des étrangers, sans lien direct avec l'État du for, lorsque certaines conditions sont remplies. |
| Immunités coutumières | Privilèges reconnus par la coutume internationale à certains États, agents ou entités, leur conférant une immunité de juridiction et d'exécution devant les juridictions étrangères. |
| Immunités conventionnelles | Immunités accordées par des traités internationaux à des personnes en raison de leur qualité ou de leurs fonctions, comme les diplomates et les agents consulaires. |
| Amnistie | Acte législatif qui efface le caractère délictueux de certains faits, entraînant l'extinction de l'action publique. |
| Ne bis in idem | Principe selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits, limitant ainsi les conflits de compétence et les poursuites multiples. |
| Entraide pénale internationale | Ensemble des mécanismes permettant aux autorités judiciaires et policières de différents États de coopérer pour la répression des infractions, incluant l'entraide policière et judiciaire. |
| Extradition | Procédure de remise d'une personne par un État requis à un État requérant, à des fins de poursuites pénales ou d'exécution de peine. |
| Commission rogatoire internationale | Acte par lequel une autorité judiciaire d'un État demande à une autorité judiciaire d'un autre État l'exécution d'actes d'enquête ou d'instruction. |
| Crimes internationaux | Infractions graves qui portent atteinte aux valeurs fondamentales de la communauté internationale, telles que le crime d'agression, le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. |
| Juridictions pénales internationales | Tribunaux créés pour juger les auteurs de crimes internationaux, qu'ils soient ad hoc (comme les TPI) ou permanents (comme la Cour Pénale Internationale). |
| Souveraineté nationale | Pouvoir exclusif et indépendant d'un État d'exercer ses prérogatives sur son territoire, qui constitue le fondement principal de la compétence pénale et de l'entraide pénale internationale. |
| Principe de spécialité (en matière d'extradition) | Principe selon lequel la personne extradée ne peut être poursuivie ou condamnée par l'État requérant que pour l'infraction qui a motivé la demande d'extradition. |
| Interdiction de réextradition | Principe interdisant à un État ayant reçu une personne par extradition de la remettre à un autre État sans le consentement de l'État requis initialement. |
| Infractions politiques | Infractions visant l'ordre politique ou les institutions de l'État, traditionnellement exclues du champ de l'extradition, bien que certaines conventions aient dépolitisé des actes comme le terrorisme. |
| Peine de mort | Sanction capitale qui constitue un motif de refus d'extradition en raison de son caractère contraire à l'ordre public français et à l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. |
| Assurance diplomatique | Garanties fournies par les autorités d'un État requérant pour assurer que des peines contraires à l'ordre public français ne seront pas appliquées à la personne réclamée. |
| Dénonciation officielle | Acte par lequel un État transmet à un autre des informations relatives à une infraction commise sur son territoire, sans obligation de poursuivre. |
| Transmission de poursuites | Mécanisme par lequel les juridictions d'un État demandent aux juridictions d'un autre État de poursuivre une infraction, entraînant un dessaisissement de l'État requérant. |