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Comença ara de franc App. syst de la santé ; anthropologie..pdf
Summary
# Introduction : l'anthropologie comme ontologie de l'être humain
L'anthropologie, en tant qu'ontologie de l'être humain, explore les fondements de ce que signifie être humain et comment ces conceptions influencent la pratique des soins [3](#page=3).
## 1.1 Les conceptions ontologiques de l'être humain
L'ontologie de l'être humain se décline en plusieurs courants philosophiques majeurs [2](#page=2) [3](#page=3):
### 1.1.1 Le dualisme
Cette conception postule que le corps et l'âme sont deux réalités distinctes et séparées. Une illustration célèbre est la pensée de Platon, qui décrit le corps comme « le tombeau de l'âme » [2](#page=2).
### 1.1.2 Le matérialisme
À l'opposé, le matérialisme affirme que seule la matière possède une réalité intrinsèque. Dans cette optique, si une âme existe, elle est de nature matérielle et non spirituelle, comme l'exprime Épicure en disant que « l'âme est un corps » [2](#page=2).
### 1.1.3 Le monisme
Le monisme soutient qu'il n'existe qu'une seule réalité fondamentale. Selon cette perspective, le corps est perçu comme une unité psychophysique. Les travaux de Berthoz et Petit soulignent que le corps propre est un « échangeur du subjectif en objectif et réciproquement », impliquant une autoaffection et une kinesthésie qui intègrent le mouvement et la perception de celui-ci. L'« autoposition » de l'être connaissant dans le processus cognitif illustre cette vision unifiée [2](#page=2).
> **Tip:** Comprendre ces différentes ontologies est fondamental, car elles orientent directement la manière dont les professionnels de santé appréhendent et abordent la maladie et la souffrance.
## 1.2 Influence des conceptions ontologiques sur les soins
La manière dont l'être humain est conçu ontologiquement a des implications directes sur les approches thérapeutiques et les pratiques soignantes [3](#page=3).
* **Si l'être humain est principalement son âme (vision dualiste/spiritualiste):** L'accent sera mis sur la guérison de l'âme, relevant alors du domaine de la psychologie [3](#page=3).
* **Si l'être humain est principalement son corps (vision matérialiste):** Le soin se concentrera sur la guérison du corps, comme dans la médecine somatique, par exemple un traitement oncologique [3](#page=3).
* **Si l'être humain est une unité psychophysique (vision moniste):** Le soin considérera la personne dans sa globalité, intégrant la subjectivation et l'objectivation du soi, s'apparentant à une approche psychosomatique [3](#page=3).
* **Si l'être humain est un être social:** Le soin devra prendre en compte l'environnement et les relations interpersonnelles, ce qui correspond aux modèles biopsychosociaux, appliqués notamment aux troubles du spectre autistique, aux soins palliatifs, ou aux soins ambulatoires et à domicile [3](#page=3).
## 1.3 Le lien entre anthropologie, ontologie, épistémologie et éthique
Il existe une interdépendance profonde entre l'anthropologie (conception de l'être humain), l'ontologie (étude de l'être), l'épistémologie (théorie de la connaissance) et l'éthique (réflexion sur les valeurs et les pratiques) [4](#page=4).
* Les manières de soigner sont façonnées par les conceptions de l'humanité, de ses rapports au monde, au corps, à la maladie, à la douleur et à la souffrance [5](#page=5).
* Une pluralité anthropologique engendre nécessairement une pluralité thérapeutique [5](#page=5).
* De même, une pluralité thérapeutique impose une pluralité épistémologique, reconnaissant la diversité des savoirs: savoirs objectifs, savoirs subjectifs, raisonnements cliniques, savoirs pluri- et interprofessionnels, approches centrées sur le patient et partenariales, etc. [5](#page=5).
* Une anthropologie du soin promeut une conception holistique et globale du soin, intégrant les dimensions biopsychosociales [5](#page=5).
> **Conclusion:** Les conceptions anthropologiques et ontologiques influencent le soin, mais les pratiques soignantes interrogent en retour ces mêmes conceptions. L'éthique joue un rôle crucial dans la mise en dialogue de l'anthropologie du soin, de l'ontologie de l'être humain et de la méthodologie des soins [3](#page=3).
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# Anthropologie et existence : la souffrance, la douleur et la mort
Voici le résumé du sujet "Anthropologie et existence : la souffrance, la douleur et la mort" :
## 2. Anthropologie et existence : la souffrance, la douleur et la mort
Cette section explore la nature anthropologique de la souffrance, de la douleur et de la mort, en s'appuyant sur les perspectives philosophiques et anthropologiques pour comprendre leur impact sur l'existence humaine et le besoin métaphysique qui en découle.
### 2.1 Concepts schopenhaueriens : volonté et représentation
Arthur Schopenhauer distingue deux aspects fondamentaux de notre rapport au monde et à nous-mêmes :
* **La volonté:** Elle est décrite comme notre conscience intime et immédiate de nous-mêmes, un sentiment vital d'existence, un désir de vivre et une attraction immédiate pour la vie. Elle représente le monde de notre intériorité et est éminemment subjective, partagée par toute l'humanité comme une perception intérieure de toute chose [6](#page=6).
* **La représentation:** Il s'agit d'une conscience médiate et extérieure du monde et de notre corps. Elle est basée sur la conceptualisation et la catégorisation, tendant vers une approche plus objective [6](#page=6).
Schopenhauer postule que l'étonnement face à sa propre existence est propre à l'homme, qui, contrairement aux animaux, voit son intellect et sa volonté diverger, menant à une réflexion sur soi. L'homme s'approche de la mort avec conscience, réalisant l'inutilité de certains efforts, ce qui engendre un besoin métaphysique distinctif [6](#page=6).
#### 2.1.1 La vie comme souffrance selon Schopenhauer
Selon Schopenhauer, la vie est intrinsèquement marquée par la souffrance et la douleur, car le désir de vivre ne peut jamais être entièrement satisfait de manière définitive. Cette insatisfaction perpétuelle engendre une souffrance existentielle [7](#page=7).
> **Tip:** Schopenhauer ne voit pas la souffrance comme quelque chose à fuir, mais comme une opportunité d'apprentissage et de maturité [7](#page=7).
La souffrance, en tant qu'expérience plus réelle et métaphysique, permet de mesurer la profondeur de la vie humaine. Elle ouvre également à la compassion, car chaque individu connaît la souffrance et la vulnérabilité universelle, favorisant ainsi une solidarité face à la souffrance des autres. Dans le cadre des soins, cela souligne l'importance du rôle du soignant dans l'accompagnement, l'expression et le partage de cette souffrance [7](#page=7).
### 2.2 Application au soin : le besoin métaphysique en fin de vie
La compréhension de la souffrance et de la douleur, particulièrement en fin de vie, met en lumière le "besoin métaphysique" de l'être humain. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la spiritualité comme un ensemble de besoins fondamentaux: être reconnu, solidarité, relation, relecture de vie, quête de sens, espoir, réconciliation, pardon, désir de continuité, laisser une trace, et ouverture au divin et à la transcendance [8](#page=8).
> **Example:** Une psychiatre, J. Pillot, souligne que le questionnement sur le sens d'une expérience douloureuse en fin de vie peut mener à une introspection profonde, une réévaluation de sa vie, et potentiellement à une quête de sens plus universel pour dépasser la fin individuelle [8](#page=8).
Des données indiquent que de nombreux patients souhaitent que les professionnels de santé abordent le sujet de leur spiritualité, ce pourcentage augmentant significativement à l'approche de la mort. La recherche de P. Corrigan suggère une corrélation entre spiritualité, bien-être psychologique et une diminution des symptômes psychiatriques, avec des effets positifs constatés chez de nombreux patients [8](#page=8).
### 2.3 Anthropologie de la souffrance et du sens
David Lebreton, dans son approche anthropologique, distingue la douleur de la souffrance en soulignant que la souffrance est le sens que l'individu confère à sa douleur [9](#page=9).
* La douleur n'est pas uniquement organique, elle marque l'individu et déborde sur sa relation au monde, devenant ainsi souffrance [9](#page=9).
* L'enseignement du Livre de Job suggère que l'individu souffre moins de la douleur elle-même que du sens qu'il lui attribue [9](#page=9).
* La souffrance est la "résonance intime d'une douleur", sa mesure subjective. Elle englobe les attitudes de l'individu face à l'épreuve (résignation ou résistance) et ses ressources pour y faire face. Elle n'est pas un simple prolongement d'une altération organique, mais une activité de sens [9](#page=9).
> **Tip:** La souffrance se distingue de la douleur par sa dimension subjective et la manière dont l'individu interprète et gère l'expérience de la douleur [9](#page=9).
La souffrance peut exacerber la douleur, notamment dans les cas de torture, laissant une trace durable même après la disparition de la douleur physique initiale [10](#page=10).
#### 2.3.1 Synthèse sur la souffrance
En résumé, les points clés concernant la souffrance sont :
1. La souffrance est le sens conféré à la douleur dans une perspective existentielle et humaine [10](#page=10).
2. C'est une expérience signifiante de la douleur qui affecte le pouvoir-être et le pouvoir-agir de l'individu [10](#page=10).
3. Elle offre potentiellement une occasion de prise de position face à sa vie et à son développement [10](#page=10).
4. La souffrance a une portée métaphysique, permettant une connaissance intime et profonde de la vie à travers l'épreuve et l'affectivité [10](#page=10).
5. La reconnaissance de ces aspects impose une éthique du soin axée sur l'accompagnement, la pluriprofessionnalité et une approche bio-psycho-sociale globale de l'humain [10](#page=10).
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# Anthropologie et existence : vulnérabilité et (inter)subjectivité
Cette section explore la vulnérabilité comme concept central de l'éthique, en s'appuyant sur les travaux de Levinas et Ricœur, et examine comment l'identité narrative et la responsabilité pour autrui se construisent à travers la reconnaissance de la précarité humaine.
### 3.1 L'éthique de la responsabilité chez Emmanuel Levinas
L'éthique est considérée comme première, précédant l'ontologie et la connaissance. Le sujet est intrinsèquement éthique, car il est directement responsable de toutes les autres subjectivités. La subjectivité est définie comme un "pour l'autre" plutôt qu'un "pour soi". La personne n'est pas simplement un objet identifiable par ses caractéristiques observables, ni un alter ego, mais une résistance incarnée par sa vulnérabilité. La vulnérabilité d'autrui impose un "je ne peux plus pouvoir", où le visage, en tant qu'apparition de cette vulnérabilité, désarme [12](#page=12).
La personne est toujours prioritairement orientée vers autrui, "autrement qu'être", et se définit par la "responsabilité pour autrui". Elle est ainsi toujours au-delà d'elle-même. La subjectivité renvoie à une réalité non objectivable et infinie, métaphoriquement représentée par le visage. La responsabilité à l'égard d'autrui, découlant de sa vulnérabilité, incombe au sujet de manière première, avant même tout acte dont il pourrait être responsable. Cette responsabilité "va au-delà de ce que je fais" [12](#page=12).
Levinas affirme que nous sommes responsables de ce que l'autre fait, de ce qui lui arrive, et même de sa responsabilité propre. Cette responsabilité est ce qui crée notre proximité avec l'autre [12](#page=12).
> **Tip:** La pensée de Levinas renverse la hiérarchie traditionnelle, plaçant l'éthique et la relation à autrui au fondement de l'être humain, avant même la connaissance de soi.
### 3.2 Les figures sémantiques de la vulnérabilité et de l'intersubjectivité
La vulnérabilité humaine peut être comprise à travers plusieurs repères sémantiques [13](#page=13).
#### 3.2.1 Disponibilité à la blessure et précarité
La vulnérabilité se manifeste par une "disponibilité à la blessure", qu'elle soit physique ou morale. Elle est intrinsèquement liée à la précarité, définie comme une menace à l'intégrité (physique ou morale) et une potentielle perte d'attachement [13](#page=13).
#### 3.2.2 Dépendance et le concept de "Care"
La vulnérabilité implique une dépendance, une suspension à un geste d'autrui. Elle peut résulter d'un tort infligé par l'inaction d'autrui, comme l'abandon. Cette dépendance se retrouve dans le besoin de "fournisseurs de soins". Le "Care" (attention à l'autre) renvoie à la capacité de percevoir et de répondre à un besoin (attentiveness) et implique une responsabilité individuelle [13](#page=13).
#### 3.2.3 Impropriété de soi, contingence et domination
La vulnérabilité réside dans l'impropriété de soi, c'est-à-dire l'impossibilité de l'autosuffisance, qui nous relie aux autres et aux liens d'attachement. Elle se manifeste par une non-maîtrise complète de sa vie, un risque "en abyme". Cependant, cette vulnérabilité est aussi le siège de la puissance d'agir, combinant force et fragilité [13](#page=13).
#### 3.2.4 Autonomie construite dans la relation
L'autonomie n'est pas une donnée première mais se construit dans la relation. La reconnaissance, telle que théorisée par Honneth, joue un rôle clé à travers l'échange social, la réciprocité et la protection. La responsabilité collective, incluant la réflexivité, un engagement non dominateur, et une action intentionnelle, singulière ou collective, coordonnée, participe également à cette construction [13](#page=13).
> **Example:** La dépendance d'un nouveau-né à ses parents pour sa survie et son bien-être est une illustration fondamentale de la vulnérabilité et de la dépendance structurelle à autrui.
### 3.3 Identité narrative et la capacité de se raconter face à l'altérité
Paul Ricœur, à travers son concept d'identité narrative, réintroduit la dimension temporelle dans la question de l'identité personnelle et collective. Dans "Temps et récit", il soutient le besoin de narrativité pour synthétiser une expérience temporelle dispersée ou chaotique. La vulnérabilité humaine, comprise comme une exposition individuelle et collective à l'altérité (du monde, d'autrui, du temps), peut ainsi être racontée [14](#page=14).
Face aux altérations subies, le sujet aspire à se raconter ou à être raconté. L'éthique ricœurienne repose sur la reconquête de l'ipséité du Soi, capable de rédimer les moments divers et incompréhensibles de la vie par la mise en intrigue. Trouver son identité dans la mouvance temporelle ne consiste pas à résister à l'altérité en affirmant une "mêmeté" immuable de son caractère. Au contraire, cela implique d'accueillir l'événement, de se laisser altérer par lui, afin de pouvoir, rétrospectivement, raconter ce qui n'a pas été pleinement vécu ou compris, mais subi [14](#page=14).
> **Tip:** L'identité narrative permet de donner sens à notre existence, même face aux épreuves, en tissant un fil conducteur à travers les expériences vécues, même les plus fragmentées.
*Note: Le document mentionne brièvement "résilience et subjectivité (archétypes narratifs) selon J. Marcotte" à la page 15, mais le contenu détaillé de cette section n'est pas inclus dans les pages fournies pour cette analyse.*
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# Anthropologie et herméneutique : identité narrative, raconter la vulnérabilité et la souffrance
Cette section explore la conception de l'identité narrative selon Paul Ricœur, en soulignant comment le récit permet de donner sens à l'expérience humaine, particulièrement face à la vulnérabilité et à la souffrance, et comment cela s'articule avec l'éthique du soin [16](#page=16) [17](#page=17) [18](#page=18) [19](#page=19).
### 4.1 L'identité narrative selon Paul Ricœur
L'identité narrative, telle que pensée par Ricœur, se situe dans un espace intermédiaire entre la description et la prescription, entre ce que l'on est ("Idem" ou mêmeté) et qui l'on est ("Ipse" ou ipséité). Le temps humain, intrinsèquement lié à notre vécu, acquiert sa dimension humaine par son articulation narrative [16](#page=16) [18](#page=18).
#### 4.1.1 La dialectique de l'Idem et de l'Ipse
L'identité repose sur une dialectique entre l'Idem (mêmeté) et l'Ipse (ipséité). L'ipséité, ou le rapport réflexif à soi, implique une médiation. Le "Soi" n'est pas une entité physique mais une construction intentionnelle, représentant l'appropriation de son propre caractère, et formant une unité psychophysique irremplaçable. L'identité est donc comprise comme une combinaison de l'Idem, de l'Ipse, et de l'altérité. Le processus narratif est essentiel pour comprendre comment ce que l'on est (le "Quoi") devient qui l'on est (le "Qui") [16](#page=16) [18](#page=18).
> **Tip:** Comprendre l'identité narrative comme un processus de transformation où le récit donne cohérence et sens à notre existence est fondamental pour aborder la souffrance et la vulnérabilité.
### 4.2 Raconter la vulnérabilité et la souffrance
L'herméneutique, en tant qu'art de l'interprétation, est cruciale pour donner sens aux expériences de vulnérabilité et de souffrance. Le récit permet de structurer ces expériences, de les rendre compréhensibles et de construire une identité qui intègre ces dimensions. La perspective de Jean-Claude Ameisen, en lien avec les travaux de Ricœur, met en lumière le rôle de l'identité narrative dans l'éthique des soins [17](#page=17).
### 4.3 L'articulation avec l'éthique du soin
Les principes d'une philosophie du soin, tels que décrits par B. Pain, s'ancrent dans le respect de la personne, de son histoire, de sa dignité et de sa singularité. L'éthique du soin valorise une manière d'être des professionnels au-delà de la simple exécution d'actes, en encourageant l'expression des usagers et en favorisant un dialogue constant entre la pensée et l'action [19](#page=19).
Cette approche du soin se déploie à travers quatre axes principaux :
* **L'usager coauteur de son parcours:** Il s'agit de reconnaître et de soutenir la liberté de choix, l'autonomie, une communication adaptée, et un projet d'accompagnement défini et évalué [19](#page=19).
* **La qualité du lien entre professionnels et usagers:** Ce lien repose sur le respect de la singularité, la vigilance concernant la sécurité physique et le sentiment de sécurité, le tout encadré par une institution stable [19](#page=19).
* **L'enrichissement des structures et des accompagnements:** Cela implique de travailler avec l'entourage de l'usager, de s'articuler avec les ressources extérieures, de promouvoir l'expression et l'échange des perspectives, et d'être ouvert à l'évaluation et à la recherche [19](#page=19).
* **Le soutien aux professionnels dans leur démarche de "bientraitance":** Ceci est assuré par la promotion de la parole de tous les professionnels, une prise de recul encouragée et accompagnée, et un projet d'établissement construit et évalué collectivement [19](#page=19).
> **Example:** Un patient souffrant d'une maladie chronique peut, par le récit de son parcours de vie et de ses luttes, construire une identité narrative qui lui permet de faire face à sa vulnérabilité, et ce récit peut guider les professionnels de santé dans leur accompagnement personnalisé.
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# Anthropologie et éthique du care (humaniste) : Care, Cure et Caring
Cette section explore les concepts interconnectés de Care, Cure et Caring, en soulignant leur importance pour une approche humaniste des soins et les pratiques collaboratives professionnelles.
### 5.1 La distinction et l'intégration de Care et Cure dans le Caring
Le concept de Caring, essentiel à une approche humaniste des soins, repose sur l'intégration de deux notions distinctes mais complémentaires: le Cure et le Care [21](#page=21).
#### 5.1.1 Le Cure : l'approche technique du soin
Le Cure se réfère à l'aspect technique et curatif des soins, directement lié à un diagnostic précis ou au traitement d'une pathologie spécifique. Il est davantage axé sur l'éradication de la maladie et la restauration de la santé par des interventions techniques et professionnelles [21](#page=21).
#### 5.1.2 Le Care : la dimension relationnelle et humaine
Le Care, quant à lui, met l'accent sur l'aspect relationnel, contextuel et humain des soins. Il valorise la personne dans sa globalité, au-delà de sa maladie, et s'inscrit dans une perspective processuelle et développementale [21](#page=21).
* **Origines philosophiques du Care :**
* Pour Carol Gilligan et Lawrence Kohlberg, le Care est défini comme un souci fondamental du bien-être d'autrui, centrant le développement moral sur l'attention aux responsabilités et à la nature des rapports humains. Ce concept trouve son équivalent dans la traduction heideggérienne de *sorge*, signifiant "souci" [21](#page=21).
* Selon Patricia Molinier, Sandra Laugier et Pierre Paperman, le Care désigne l'acte de prendre soin de soi et d'autrui. Il est à la fois un verbe d'action ("s'occuper de", "faire attention", "prendre soin", "se soucier de") et un substantif pouvant se traduire par soin, attention, sollicitude ou concernement [21](#page=21).
* Pour la philosophe Françoise Brugère, le Care se caractérise par "l'ordinarité" et la singularité des vies humaines. Il s'inscrit dans des existences quotidiennes chargées d'affects, d'histoires uniques et de relations complexes, contrastant avec l'abstraction des préceptes moraux [21](#page=21).
* Selon Éric Noël-Hureaux, la notion de Care englobe plusieurs niveaux: individuel, relationnel, collectif et institutionnel. Il est observable à travers les relations, les acteurs, les pratiques et les dispositifs mis en œuvre [21](#page=21).
#### 5.1.3 Le Caring : une approche thérapeutique globale
Le Caring représente l'intégration synthétique du Cure et du Care dans une approche thérapeutique globale. Cette approche se veut bio-psycho-sociale, politique et institutionnelle, visant une prise en charge complète de l'individu [21](#page=21).
* **La dimension évolutive du Caring:** Le Caring n'est jamais acquis définitivement, car il s'exerce dans un environnement susceptible de le compromettre ou de le négliger. Il est donc essentiel de promouvoir, tant sur le plan personnel qu'institutionnel, les conditions qui permettent au Caring de conserver son humanisme fondamental [21](#page=21).
> **Tip:** Comprendre la distinction et la synergie entre Cure et Care est fondamental pour appréhender la complexité de la position du soignant et l'efficacité d'une prise en charge humaniste [21](#page=21).
### 5.2 Pratiques professionnelles : approches collaboratives et partenariales
L'anthropologie et l'éthique des soins mettent en avant des pratiques professionnelles basées sur la collaboration et le partenariat, favorisant les co-apprentissages et l'autonomisation des individus [22](#page=22) [23](#page=23).
#### 5.2.1 La complémentarité des expertises
Ces approches reconnaissent la valeur de deux types d'expertises :
* **L'expertise des professionnels de santé et socio-éducatif:** Elle repose sur la formation de base, la formation continue et l'expérience acquise auprès des publics vulnérables (patients, jeunes, résidents). Cette expertise concerne la connaissance des maladies, des handicaps et des situations de vulnérabilité [22](#page=22).
* **L'expertise des personnes vulnérables:** Elle correspond à l'expérience vécue de la vie avec leur vulnérabilité, incluant les savoirs expérientiels et les savoirs scientifiques enrichis par leur propre initiative et leurs interactions avec les intervenants [22](#page=22).
#### 5.2.2 L'évolution des modèles d'accompagnement
Le paradigme des soins évolue de modèles paternalistes vers des approches plus centrées et partenariales.
* **Le Paternalisme:** Il s'agit d'une relation hiérarchique descendante où l'information et la sensibilisation du bénéficiaire sont limitées, résultant en une faible agentivité de sa part [23](#page=23).
* **L'Approche centrée:** Cette approche implique une interaction à double sens où le bénéficiaire est au cœur du processus. L'agentivité du bénéficiaire est plus forte, permettant le dialogue et le partage, où il exprime ses besoins, désirs et vulnérabilités. Cette approche intègre la pluri- et interprofessionnalité [23](#page=23).
* **L'Approche partenariale:** Elle se caractérise par la coordination des différents acteurs (professionnels et bénéficiaires) autour d'un projet commun, en tenant compte de leurs compétences spécifiques. L'agentivité de tous les partenaires est forte et inscrite dans une interdépendance positive, menant à une action coordonnée [23](#page=23).
> **Example:** Un patient atteint de diabète, un médecin, une infirmière et un diététicien travaillant ensemble sur un plan de gestion personnalisé, où le patient partage ses préférences alimentaires et ses défis quotidiens, illustre une approche partenariale.
### 5.3 Enjeux éthico-anthropologiques : métaéthique et empathie
Les enjeux éthico-anthropologiques dans le domaine des soins invitent à une réflexion approfondie, notamment à travers la métaéthique et le principe de l'empathie [24](#page=24) [25](#page=25).
#### 5.3.1 Distinction entre éthique clinique et éthique organisationnelle
Dans l'univers contemporain des soins, il est crucial de distinguer deux champs d'éthique :
* **L'éthique clinique:** Profondément ancrée dans la tradition, elle se concentre sur les dilemmes moraux rencontrés dans la pratique directe du soin [24](#page=24).
* **L'éthique organisationnelle:** Plus récente et encore en cours de développement, elle aborde les questions éthiques liées à la structure, aux politiques et aux pratiques des institutions de santé [24](#page=24).
#### 5.3.2 Les effets de la métaéthique
La métaéthique, en tant que réflexion sur les principes et les fondements de l'éthique, produit des effets significatifs :
* **Effets de déconstruction et de mise en question:** Elle permet de remettre en cause les procédures courantes et les pratiques établies [24](#page=24).
* **Effets d'instauration et d'installation:** Elle favorise la création et l'implémentation de procédures, de méthodes, de valeurs et de principes innovants en matière de réflexion éthique [24](#page=24).
#### 5.3.3 L'empathie comme méta-principe
L'empathie est considérée comme un "méta-principe" fondamental dans les pratiques soignantes, transcendant la simple sympathie [25](#page=25).
* **Fondement de la socialité et de la relation soignante:** L'empathie est la base même de la socialité et des relations interpersonnelles, permettant le "sens de l'autre" et l'entrée en relation. Elle constitue une condition fondamentale et transcendantale, c'est-à-dire une condition de possibilité, des pratiques soignantes [25](#page=25).
* **"Archi-compétence" humaine:** L'empathie est une compétence humaine de base qui rend possibles la majorité des autres compétences, y compris les rapports intersubjectifs, la vie érotique, et les relations spontanées et professionnelles de soin [25](#page=25).
> **Tip:** Développer l'empathie est essentiel non seulement pour une relation soignant-soigné de qualité, mais aussi pour une collaboration interprofessionnelle réussie et une compréhension profonde de la vulnérabilité humaine.
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## Erreurs courantes à éviter
- Révisez tous les sujets en profondeur avant les examens
- Portez attention aux formules et définitions clés
- Pratiquez avec les exemples fournis dans chaque section
- Ne mémorisez pas sans comprendre les concepts sous-jacents
Glossary
| Term | Definition |
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| Ontologie | Étude de l'être en tant qu'être, ou étude de la nature fondamentale de la réalité. Elle explore ce qui existe et comment cela existe. |
| Dualisme | Philosophie selon laquelle la réalité est composée de deux substances fondamentales distinctes, généralement l'esprit (ou l'âme) et la matière (ou le corps). |
| Matérialisme | Philosophie selon laquelle seule la matière existe réellement, et tous les phénomènes, y compris la conscience, peuvent être expliqués en termes de processus matériels. |
| Monisme | Philosophie selon laquelle la réalité est constituée d'une seule substance fondamentale. Cela peut être de nature matérielle (matérialisme moniste) ou spirituelle (idéalisme moniste). |
| Unité psychophysique | Conception de l'être humain comme une entité où le psychologique et le physique sont intrinsèquement liés et indissociables, formant une totalité intégrée. |
| Subjectivation | Processus par lequel une expérience ou un phénomène devient personnel et subjectif pour un individu, influencé par ses perceptions, émotions et interprétations. |
| Objectivation | Processus par lequel une expérience ou un phénomène est considéré comme indépendant de la subjectivité de l'observateur, cherchant une description neutre et universelle. |
| Approche psychosomatique | Discipline médicale et psychologique qui étudie l'interaction entre le corps et l'esprit, et comment les facteurs psychologiques peuvent affecter la santé physique. |
| Modèle bio-psycho-social | Modèle de santé qui considère que le bien-être et la maladie résultent de l'interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. |
| Éthique | Branche de la philosophie qui traite des principes moraux, de la conduite et du jugement des actions humaines, déterminant ce qui est bon ou mauvais, juste ou injuste. |
| Épistémologie | Théorie de la connaissance, qui étudie la nature, l'origine et les limites de la connaissance humaine, ainsi que la justification des croyances. |
| Volonté (chez Schopenhauer) | Force métaphysique fondamentale, aveugle et sans fin, qui est à la base de toute existence et qui se manifeste comme un désir incessant de vivre et d'agir. |
| Représentation (chez Schopenhauer) | Le monde tel qu'il est perçu par notre intellect, structuré par l'espace, le temps et la causalité. C'est le monde des objets et de la connaissance objective. |
| Souffrance existentielle | Angoisse et mal-être découlant de la prise de conscience de la finitude de la vie, de la liberté et de la responsabilité, et de l'absence de sens inhérent. |
| Compassion | Sentiment de sympathie et de préoccupation envers la souffrance d'autrui, accompagné du désir d'aider à la soulager. "Pâtir avec". |
| Spiritualité | Recherche de sens et de but dans la vie, qui peut impliquer une connexion avec quelque chose de plus grand que soi, qu'il soit divin, transcendantal ou humain. |
| Besoin métaphysique | Désir humain fondamental de comprendre la nature de la réalité, de soi-même et de sa place dans l'univers, souvent lié à la quête de sens et à l'existence. |
| Herméneutique | Art ou théorie de l'interprétation, particulièrement appliqué aux textes, mais aussi aux actions humaines et aux phénomènes culturels, visant à comprendre leur signification. |
| Identité narrative | La façon dont une personne construit son identité en tissant un récit cohérent de sa vie, intégrant ses expériences passées, présentes et futures. |
| Idem (mêmeté) | L'aspect immuable et persistant de l'identité, ce qui fait qu'une personne reste la même à travers le temps, malgré les changements. |
| Ipse (réflexivité) | L'aspect réfléchi et changeant de l'identité, la capacité d'une personne à se voir comme un autre, à se réinterpréter et à se transformer. |
| Vulnérabilité | État de susceptibilité à être blessé, endommagé ou affecté négativement, que ce soit physiquement, émotionnellement ou socialement. |
| (Inter)subjectivité | La nature de la conscience et de l'expérience vécue par les individus, ainsi que la manière dont ces expériences sont partagées, comprises et interagissent entre eux. |
| Care | Concept qui désigne le "prendre soin", l'attention portée à autrui, impliquant des relations humaines, de la sollicitude et une approche contextuelle et relationnelle des besoins. |
| Cure | Concept qui désigne le soin technique et curatif, centré sur le traitement d'une pathologie diagnostiquée, souvent basé sur des interventions médicales spécifiques. |
| Caring | Intégration des dimensions du "cure" (traitement) et du "care" (prendre soin) dans une approche thérapeutique globale, holistique et humaniste des soins. |
| Agentivité | La capacité d'un individu à agir de manière autonome et intentionnelle pour atteindre ses objectifs, et son rôle actif dans sa propre vie et ses décisions. |
| Paternalisme | Mode d'intervention ou de relation dans lequel une personne ou une institution agit dans le meilleur intérêt d'une autre, mais sans impliquer pleinement la personne concernée dans les décisions. |
| Approche centrée | Modèle de soin où le bénéficiaire est au cœur de la démarche, et où l'interaction se fait à double sens, en prenant en compte ses besoins et ses désirs. |
| Approche partenariale | Modèle de soin où tous les acteurs (professionnels, bénéficiaires, entourage) collaborent activement, coordonnent leurs compétences et travaillent ensemble autour d'un projet commun. |
| Métaéthique | Branche de l'éthique qui étudie la nature du discours éthique lui-même, analysant les concepts, les jugements et les justifications morales. |
| Éthique clinique | Domaine de l'éthique qui traite des questions morales et des dilemmes éthiques rencontrés dans la pratique clinique des soins de santé. |
| Éthique organisationnelle | Domaine de l'éthique qui traite des questions morales et des dilemmes éthiques liés à la structure, au fonctionnement et aux politiques des organisations, y compris dans le secteur de la santé. |
| Empathie | Capacité à comprendre et à partager les sentiments d'une autre personne, à se mettre à sa place et à ressentir ce qu'elle ressent. |